ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"695"> sur le haut de leur casque. Les Romains leur avoient donné le sobriquet de Gaulois.

4°. Les rétiaires, retiarii, portoient un trident d'une main & un filet de l'autre; ils combattoient en tunique, & poursuivoient le myrmillon en lui criant: « ce n'est pas à toi, gaulois, à qui j'en veux, c'est à ton poisson ». Non te peto, galle, sed piscem peto.

5°. Les hoplomaques, hoplomachi, étoient armés de toutes pieces, comme l'indique leur nom grec.

6°. Les provoqueurs, provocatores, adversaires des hoplomaques, étoient armés comme eux de toutes pieces.

7°. Les dimacheres, dimachoeri, se battoient avec un poignard de chaque main.

8°. Les essédaires, essedarii, combattoient toûjours sur des chariots.

9°. Les andabates, andabatoe, combattoient à cheval & les yeux bandés, soit avec un bandeau, soit avec une armure de tête qui se rabattoit sur leur visage.

10°. Les méridiens, meridiani, étoient ainsi nommés parce qu'ils entroient dans l'arene sur le midi; ils se baitoient avec une espece de glaive contre ceux de leur même classe.

11°. Les bestiaires, bestiarii, étoient des gladiateurs par état ou des braves qui combattoient contre les bêtes féroces, pour montrer leur courage & leur adresse, comme les toreros ou toréadors espagnols de nos jours.

12°. Les fiscaux, les césariens, ou les postulés, fiscales, coesariani, postulatitii, étoient ceux qu'on entretenoit aux dépens du fisc; ils prirent leur nom de césariens, parce qu'ils étoient destinés pour les jeux où les empereurs assistoient; & comme ils étoient les plus braves & les plus adroits de tous les gladiateurs, on les appella poulés, parce que le peuple les demandoit très - souvent.

On nommoit catervarii les gladiateurs qu'on tiroit des diverses classes, & qui se battoient en troupes plusieurs contre plusieurs.

Je ne parlerai point de ceux qu'on envoyoit quelquefois chercher dans des festins de réjoüissance, parce qu'ils ne se servoient point d'armes meurtrieres, ils ne venoient que pour divertir les convives par l'adresse & l'agilité qu'ils faisoient paroître dans des combats simulés: je dirai seulement qu'on les nommoit samnites, samnites, à cause qu'ils s'habilloient à la maniere de cette nation.

La même industrie qui forma les diverses classes de gladiateurs, en rendit l'institution lucrative pour ceux qui les imaginerent; on les appelloit lanistes, lanisioe: on remettoit entre leurs mains les prisonniers, les criminels, & les esclaves coupables. Ils y joignoient d'autres esclaves adroits, forts, & robustes, qu'ils achetoient pour les jeux, & qu'ils encourageoient à se battre, par l'espoir de la liberté; ils les dressoient, leur apprenoient à se bien servir de leurs armes, & les exerçoient sans cesse à leurs combats respectifs, afin de les rendre intéressans pour les spectateurs: en quoi ils ne réussirent que trop.

Outre les gladiateurs de ce genre, il y avoit quelquefois des gens libres qui se loüoient pour cette escrime, soit par la dépravation des tems, soit par l'extrème indigence, qui les portoit pour de l'argent, à faire ce métier: tels etoient souvent des esclaves auparavant gladiateurs, & qui avoient déjà obtenu l'exemption & la liberté. Les maîtres d'escrime en loüant tous ces gladiateurs volontaires, les faisoient jurer qu'ils combattroient jusqu'à la mort.

C'étoit à ces maîtres qu'on s'adressoit lorsqu'on vouloit donner les jeux de gladiateurs; & ils fournissoient pour un prix convenu, la quantité de paires qu'on desiroit, & de différentes classes. Il arriva dans la suite des tems, que des premiers de la république curent à eux des gladiateurs en propre pour ce genre de spectacle, ou pour d'autres motifs: Jules César étoit de ce nombre.

Les édiles eurent d'abord l'intendance de ces jeux cruels; ensuite les préteurs y présiderent: enfin Commode attribua cette inspection aux questeurs.

Les empereurs, par goût ou pour gagner l'amitié du peuple, faisoient représenter ces jeux le jour de leur naissance, dans les dédicaces des édifices publics, dans les triomphes, avant qu'on partît pour la guerre, après quelque victoire, & dans d'autres occasions solennelles, ou qu'ils jugeoient à propos de rendre telles. Suétone rapporte que Tibere donna deux combats de gladiateurs; l'un en l'honneur de son pere, & l'autre en l'honneur de son ayeul Drusus. Le premier combat se donna dans la place publique, & le second dans l'amphithéatre, où cet empereur fit paroître des gladiateurs qui avoient eu leur congé, & auxquels il promit cent mille sesterces de récompense, c'est - à - dire environ vingt - quatre mille de nos livres, l'argent à cinquante francs le marc. L'empereur Claude limita d'abord ces spectacles à certains termes fixes; mais peu après il annulla lui - même son ordonnance.

Quelque tems avant le jour arrêté du combat, celui qui présidoit aux jeux en avertissoit le peuple par des affiches, où l'on indiquoit les especes de gladiateurs qui devoient combattre, leurs noms, & les marques qui les devoient distinguer; car ils prenoient chacun quelque marque particuliere, comme des plumes de paon ou d'autres oiseaux.

On spécifioit aussi le tems que dureroit le spectacle, & combien il y auroit de paires différentes de gladiateurs, parce qu'ils étoient toûjours par couples: on représentoit quelquefois tout cela par un tableau exposé dans la place publique.

Le jour du spectacle on apportoit sur l'arene de deux sortes d'armes; les premieres étoient des bâtons noüeux, ou fleurets de bois nommés rudes; & les secondes étoient de véritables poignards, glaives, épées, coutelas, &c. Les premieres armes s'appelloient arma lusoria, armes courtoises; les secondes, arma decretoria, armes décernées, parce qu'elles se donnoient par decret du préteur, ou de celui qui faisoit la dépense du spectacle. Les gladiateurs commençoient par s'escrimer des premieres armes, & c'étoit - là le prélude; ensuite ils prenoient les secondes, avec lesquelles ils se battoient nuds ou en tunique. La premiere sorte de combat s'appelloit proeludere, joüer; & la seconde, dimicare ad certum, se battre à fer émoulu.

Au premier sang du gladiateur qui couloit, on croit, il est blessé; & si dans le moment le blessé mettoit bas les armes, c'étoit un aveu qu'il faisoit lui - même de sa défaite: mais sa vie dépendoit des spectateurs ou du président des jeux; néanmoins si l'empereur survenoit dans cet instant, il lui donnoit sa grace, soit simplement, soit quelquefois avec la condition que s'il rechappoit de sa blessure, cette grace ne l'exempteroit pas de combattre encore une autre fois.

Dans le cours ordinaire des choses, c'étoit le peuple qui décidoit de la vie & de la mort du gladiateur blessé: s'il s'éroit conduit avec adresse & avec courage, sa grace lui étoit presque toûjours accordée; mais s'il s'étoit comporté lâchement dans le combat, son arrêt de mort etoit rarement douteux. Le peuple ne faisoit que montrer sa main avec le pouce plié sous les doigts, pour indiquer qu'il sauvoit la vie du gladiateur; & pour porter son arrêt de mort, il lui suffisoit de montrer sa main avec le pouce levé & dirigé contre le malheureux. Le gladiateur blessé connoissoit si - bien que ce dernier signal étoit celui de sa [p. 696] perte, qu'il avoit coûtume, sitôt qu'il l'appercevoit, de présenter la gorge pour recevoir le coup mortel. Après qu'il étoit expiré, on retiroit son corps de dessus l'arene, afin de cacher cet objet défiguré à la vûe des spectateurs.

Tout gladiateur qui avoit servi trois ans dans l'arene, avoit son congé de droit; & même sans attendre ces trois ans, lorsqu'il donnoit en quelque occasion des marques extraordinaires de son adresse & de son courage, le peuple lui faisoit donner ce congé sur le champ. En attendant, la récompense qu'on accordoit aux gladiateurs victorieux, étoient une palme, une somme d'argent, un prix quelquefois considérable, & l'empereur Antonin confirma tous ces usages. Mais comme il arrivoit aux maîtres d'escrime qui trasiquoient de gladiateurs, pour augmenter leur gain, de faire encore combattre dans d'autres spectacles ceux qui avoient déjà triomphé, à - moins que le peuple ne leur eût accordé l'exemption qu'on appelloit en latin missio, Auguste ordonna pour réprimer cet abus des lanistes, qu'on ne feroit plus combattre les gladiateurs, sans accorder à ceux qui seroient victorieux un congé absolu, pour ne plus combattre s'ils ne le vouloient pas. Cependant pour obtenir l'affranchissement il falloit au commencement qu'ils eussent été plusieurs fois vainqueurs; dans la suite il devint ordinaire, en leur accordant l'exemption, de leur donner aussi l'affranchissement.

Cet affranchissement qui tiroit les gladiateurs de l'état de servitude, qui de plus leur permettoit de tester, mais qui ne leur procuroit pas la qualité de citoyen; cet affranchissement, dis - je, se faisoit par le préteur, en leur mettant à la main un bâton noüeux comme un bâton d'épine, le même qui servoit d'arme courtoise, & qu'on nommoit rudis. Ceux qui avoient obtenu ce bâton, étoient appellés rudiaires, rudiarii. On joignoit encore quelquefois à l'affranchissement une recompense purement honoraire, pour témoignage de la bravoure du gladiateur; c'étoit une guirlande ou espece de couronne de fleurs entortillée de rubans de laine, qu'on nommoit lemnisci, qu'il mettoit sur la tête, & dont les bouts de ruban pendoient sur les épaules: de - là vient qu'on appelloit lemniscati ceux qui portoient cette marque de distinction.

Quoique ces gens - là fussent libres, qu'on ne pût plus les obliger à combattre, & qu'ils fussent distingués de leurs camarades par le bâton & le bonnet couronné, néanmoins on en voyoit tous les jours qui pour de l'argent retournoient dans l'arene, & s'exposoient aux mêmes dangers dont ils étoient sortis vainqueurs; leur fureur pour les combats de l'arene égaloit la passion que le peuple y portoit.

Quand on recevoit des gladiateurs dans la troupe, la cérémonie s'en faisoit dans le temple d'Hercule; & quand après avoir obtenu l'exemption, la liberté & le bâton, ils quittoient pour toûjours la profession de gladiateur, ils alloient offrir leurs armes au fils de Jupiter & d'Alemene, comme à leur dieu tutélaire, & les attachoient à la porte de son temple. C'est pour cela qu'encore aujourd'hui on met pour enseigne aux salles d'armes, un bras armé d'un fleuret.

On employa souvent des gladiateurs dans les troupes; on le pratiqua dans les guerres civiles de la république & du triumvirat, & l'on continua cette pratique sous le regne des empereurs. Othon allant combattre Vitellius, enrôla deux mille gladiateurs dans son armée: on en entretenoit toûjours à ce dessein un grand nombre aux dépens du fisc. Sous Gordien III. on en comptoit jusqu'à mille paires: Marc - Aurele les emmena tous dans la guerre contre les Marcomans; & le peuple romain les vit partir avec douleur, craignant que l'empereur ne lui donnât plus des jeux qui lui étoient si chers.

Il y avoit déjà si long - tems qu'on voyoit ce peuple en faire ses délices, qu'il fut défendu sous la république, par la loi tullienne, à tout citoyen qui briguoit les magistratures, de donner aucun spectacle de gladiateurs au peuple, de peur que ceux qui employeroient ce moyen, ne gagnassent sa bienveillance & ses suffrages, au préjudice des autres postulans.

Mais l'inclination de plusieurs empereurs pour ces jeux sanguinaires, perdit l'état en en multipliant l'usage. Néron, au rapport de Suétone, fit paroître dans ces tragiques scenes des chevaliers & des sénateurs romains en grand nombre, qu'il obligea de se battre les uns contre les autres, ou contre des bêtes sauvages: Dion assûre qu'il se trouva même des gens assez infames dans ces deux ordres, pour s'offrir à combattre sur l'arene comme les gladiateurs, par une honteuse complaisance pour le prince. L'empereur Commode fit plus, il exerça lui - même la gladiature contre des bêtes féroces.

C'est dans ce tems - là que cette fureur devint tellement à la mode, qu'on vit aussi les dames romaines exercer volontairement cette indigne métier, & combattre dans l'amphithéatre les unes contre les autres, se glorifiant d'y faire paroître leur adresse & leur intrépidité: nec virorum modo pugnas, sed & feminarum. . . . .

Enfin, après l'établissement de la religion chrétienne & le transport de l'empire à Byzance, de nouveaux changemens dans les usages commencerent à renaître; des moeurs plus douces semblerent vouloir succéder. Je serois charmé d'ajoûter, avec la foule des écrivains, que Constantin abolit les combats de gladiateurs en Orient; mais je trouve seulement qu'il défendit d'y employer ceux qui étoient condamnés pour leurs forfaits, ordonnant au préfet du prétoire de les envoyer plûtôt travailler aux mines: son ordonnance est datée du premier Octobre 325, à Béryle en Phénicie. Les empereurs Honorius & Arcadius tenterent de faire perdre l'usage de ces jeux en Occident; mais ces affreux divertissemens ne finirent en réalité qu'avec l'empire romain, lorsqu'il s'affaissa tout - à - coup par l'invasion de Théodoric roi des Goths, vers l'an 500 de Jesus - Christ.

Ce n'est pas toutefois la durée de ces jeux qui doit surprendre davantage, ce sont les recherches fines & barbares auxquelles on les porta pendant tant de siecles, qui semblent incroyables. Non - seulement on rafina sur l'art d'instruire les gladiateurs, de les former, d'animer leur courage, de les faire expirer, pour ainsi dire, de bonne grace; on rafina même sur les instrumens meurtriers que ces malheureux devoient mettre en oeuvre pour s'entre - tuer. Ce n'étoit point au hasard qu'on faisoit battre le gladiateur thrace contre le sécuteur, ou qu'on armoit le rétiaire d'une façon, & le myrmillon d'une autre; on cherchoit entre les armes offensives & défensives de ces quadrilles, une combinaison qui rendît leurs combats plus tardifs & plus affreux. En diversifiant leurs armes, on se proposoit de diversifier le genre de leur mort; on les nourrissoit même avec des pâtes d'orge & des alimens propres à les entretenir dans l'embonpoint, afin que le sang s'écoulât plus lentement par les blessures qu'ils recevoient, & que les spectateurs pussent joüir aussi plus long - tems de leur agonie.

Qu'on ne pense point que ces spectateurs fussent la lie du peuple, tous les ordres les plus distingués de l'empire assistoient à ces cruels amusemens; les vestales elles - mêmes ne manquoient pas de s'y trouver: elles y étoient placées avec éclat au premier degré de l'amphithéatre. Il est bon de lire le tableau poétique que Prudence fait de cette pudeur qui colorant leur front, se plaisoit dans le mouvement de l'arene; de ces regards sacrés avides de blessures;

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