ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"697"> de ces ornemens si respectables que l'on revêtoit pour jouir de la cruelle adresse des hommes; de ces ames tendres qui s'évanouissoient aux coups les plus sanglans, & se réveilloient toutes les fois que le couteau se plongeoit dans la gorge d'un malheureux; enfin de la compassion de ces vierges timides, qui par un signe fatal décidoient des restes de la vie d'un gladiateur:

. . . . . . . Pectusque jacentis Virgo modesta jubet converso pollice rumpi, Ne lateat pais ulla animoe vitalibus tmis Altius impresso dum palpitat ense secutor.

Il ne faut pas cependant que ce tableau pittoresque joint aux autres détails historiques qu'on a exposés jusqu'ici, nous inspire trop d'horreur pour les Romains & pour les Vestaies; il y avoit long - tems que les Romains blâmoient leur goût pour les spectacles de l'arene, il y avoit long - tems qu'ils connoissoient les affreux abus qui s'y étoient glissés: l'humanité n'étoit point bannie de leur coeur à d'autres égards. Dans le tems même dont nous parlons, un homme passoit chez eux pour barbare, s'il faisoit marquer d'un fer chaud son esclave qui avoit volé le linge de table; action pour laquelle les lois de plusieurs pays chrétiens condamnent à mort nos domestiques, qui sont des hommes d'une condition libre. D'où vient donc, me dira - t - on, ce contraste bisarre dans leurs moeurs? d'où vient ce plaisir extrème qu'ils trouvoient aux spectacles de l'amphithéatre? Il venoit principalement, ce plaisir, d'une espece de mouvement machinal que la raison réprime mal, & qui fait par - tout courir les hommes après les objets les plus propres à déchirer le coeur. Le peuple dans tous les pays va voir un spectacle des plus affreux, je veux dire le supplice d'un autre homme, sur - tout si cet homme doit subir la rigueur des lois sur un échafaut par d'horribles tourmens, l'émotion qu'on éprouve à un tel spectacle, devient une espece de passion dont les mouvemens remuent l'ame avec violence; & l'on s'y laisse entrainer, malgré les idées tristes & importunes qui accompagnent & qui suivent ces mouvemens. Repassez, si vous le voulez, avec M. l'abbé du Bos, qui a si bien prouvé cette vérité, l'histoire de toutes les nations les plus policées, vous les vertez toutes se sivrer à l'attrait des spectacles barbares, dans le tems que la nature témoigne par un frémissement intérieur, qu'elle se soûleve contre son propre plaisir.

Les Grecs, que sans doute personne ne taxera de penchant à la cruauté, s'accoûtumerent eux - mêmes au spectacle des gladiateurs, quoiqu'ils n'eussent point été familiarisés à ces horreurs dès l'enfance. Sous le regne d'Antiochus - Epiphane roi de Syrie, les Arts & les Sciences faites pour corriger la férocité de l'homme, florissoient depuis long - tems dans dans tous les pays habités par les Grecs; quelques usages pratiqués autrefois dans les jeux funebres, & qui pouvoient ressembler aux combats des gladiateurs, y étoient abolis depuis plusieurs siecles. Antiochus qui vouloit par sa magnificence se concilier la bienveillance des nations, fit venir de Rome à grands frais des gladiateurs, pour donner aux Grecs, amoureux de toutes les fêtes, ce spectacle nouveau. D'abord, dit Tite - Live, l'arene ne leur parut qu'un objet d'horreur. Antiochus ne se rebuta point, il fit combattre les champions seulement jusqu'au sang. On regarda ces combats mitigés avec plaisir: bientôt on ne détourna plus les yeux des combats à toute outrance; ensuite on s'y accoûtuma insensiblement, aux dépens de l'humanité. Il se forma enfin des gladiateurs dans le pays, & ces spectacles devinrent encore des écoles pour les artistes: ce fut - là où Ctésilas étudia son gladiateur mourant, dans lequel on pouvoit voir ce qui lui restoit encore de vie.

Nous avons pour voisin, ajoûte avec raison M. l'abbé du Bos, un peuple tellement avare des souffrances des hommes, qu'il respecte encore l'humanité dans les plus grands scélérats; tous les supplices dont il permet l'usage, sont de ceux qui terminent les jours des plus grands criminels, sans leur faire souffrir d'autre peine que la mort. Néanmoins ce peuple si respectueux envers l'humanité, se plaît à voir les bêtes s'entre - déchirer; il a même rendu capables de se tuer, ceux des animaux à qui la nature a voulu refuser des armes qui pussent faire des blessures mortelles à leurs semblables: il leur sournit avec industrie des armes artificielles qui blessent facilement à mort. Voyez Combat du Coq, (Encycl. supplém.)

Le peuple dont on parle, regarde toûjours avec tant de plaisir des hommes payés pour se battre jusqu'à se faire des blessures dont le sang coule, qu'on peut croire qu'il auroit de vérirables gladiateurs à la romaine, si la religion chrétienne qu'il professe, ne défendoit absolument de verser le sang des hommes, hors le cas d'une absolue nécessité.

On peut assûrer la même chose d'autres peuples polis, éclairés, & qui font profession de la même religion ennemie du sang humain. Nous avons dans nos annales une preuve bien forte, pour montrer qu'il est dans les spectacles cruels une espece d'attrait. Les combats en champ - clos, entre deux ou plusieurs champions, ont été long - tems en usage parmi nous, & les personnes les plus considérables de la nation y tiroient l'épée, par un motif plus sérieux que de divertir l'assemblée; c'étoit pour s'entre - tuer: on accouroit cependant à ces combats, comme à des fêtes.

Après tout, je ne dissimulerai point que les Romains n'ayent été le peuple du monde qui a fait des jeux barbares son plus cher divertissement, & tout ce que j'al dit là - dessus ne le démontre que trop. Cicéron a eu tort, ce me semble, de ne condamner que les abus qui s'y étoient glissés, & d'approuver le spectacle de l'arene, lorsque les seuls criminels y combattoient en présence du peuple. Pour moi, je crains fort que ces jeux meurtriers n'ayent entretenu les Romains dans une certainc humeur sanguinaire que Rome dévoila dès son origine, & dont elle se fit une habitude par les guerres continuelles qu'elle soûtint pendant plus de cinq cents ans.

Concluons qu'il faut proscrire, non - seulement par religion, mais par esprit philosophique, mais par amour de l'humanité, tout jeu? tout spectacle qui pourroit insensiblement familiariser les hommes avec des principes opposés à la compassion.

Ceux de la morale des Athéniens ne leur permirent point d'avoir d'autres sentimens que des sentimens d'aversion pour le jeu des gladiateurs: jamais ils ne voulurent les admettre dans leur ville, malgré l'exemple des autres peuples de la Grece; & quelqu'un s'étant un jour avisé de proposer publiquement ces jeux, afin, dit - il, qu'Athenes ne le cede pas à Corinthe: « Renversez donc auparavant, s'écria un athénien avec vivacité, renversez l'autel que nos peres, il y a plus de mille ans, ont érigé à la Miséricorde ». (D. J.)

Gladiateurs (Page 7:697)

Gladiateurs, (Guerre des) bellum gladiatorum, (Hist. rom.) guerre domestique & dangereuse que Spartacus excita en Italie l'an 680 de la fondation de Rome.

Ce gladiateur homme de courage & d'une bravoure à toute épreuve, s'échappa de Capoue où il étoit gardé avec soixante & dix de ses camarades; il les exhorta de sacrifier leur vie plûtôt pour la défense de la liberté, que pour servir de spectacle à [p. 698] l'inhumanité de leurs patrons; il les persuada, rassembla sous ses drapeaux un grand nombre d'autres eselaves fugitifs, animés du même esprit; il se mit à leur tête, s'empara de la Campanie, & remporta de grands avantages sur les préteurs romains, que le sénat se contenta d'abord de lui opposer avec peu de troupes.

L'assaire ayant paru plus sérieuse, les consuls eurent ordre de marcher avec les légions; Spartacus les défit entierement, ayant choisi son camp & le champ de bataille comme auroit pû faire un général consommé; de si grands succès attirerent une foule innombrable de peuples sous les enseignes de Spartacus, & ce gladiateur redoutable se vit jusqu'à six vingt mille hommes à ses ordres, bandits, esclaves, transfuges, gens féroces & cruels, qui portoient le fer & le feu de tous côtés, & qui n'envisageoient dans leur révolte qu'une licence effrénée & l'impunité de leurs crimes.

Il y avoit près de trois ans que cette guerre domestique duroit en Italie, avec autant de honte que de desavantage pour la république, lorsque le sénat en donna la conduite en 682 à Licinius - Crassus, un des premiers capitaines du parti de Sylla, & qui avoit eu beaucoup de part à ses victoires.

Crassus savoit faire la guerre, & la fit heureusement; il tailla en pieces en deux batailles rangées les troupes de Spartacus, qui cependant prouva toûjours qu'il ne lui manquoit qu'une meilleure cause à défendre: on le vit blessé à la cuisse d'un coup de javeline combattre long - tems à genou, tenant son bouclier d'une main & son épée de l'autre. Enfin percé de coups, il tomba sur un monceau ou de romains qu'il avoit immolés à sa propre fureur, ou de ses propres soldats qui s'étoient fait tuer aux piés de leur général en le défendant.

Voyez les détails de la guerre célebre des gladiateurs dans les historiens romains, dans Tite - Live, liv. XCVII. Athénée, liv. II. Eutrope, liv. VI. Appian, de la guerre civile, liv. II. Florus, liv. III. chap. xx. César, commentaires liv. I. Valere - Maxime, liv. VIII. Velleius - Paterculus, liv. II. & autres. (D. J.)

Gladiateur expirant (Page 7:698)

Gladiateur expirant (le), Sculpture antiq. c'est une admirable piece de l'antique qui subsiste toûjours; il n'y a point d'amateurs des beaux arts, dit M. l'abbé du Bos, qui n'ait du - moins vû des copies de la figure du gladiateur expirant, laquelle étoit autrefois à la Vigne Ludovece, & qu'on a transportée depuis au palais. Chigi. Cet homme qui vient de recevoir le coup mortel veille à sa contenance, ut procumbat honestè: il est assis à terre, & a encore la force de se soûtenir sur le bras droit; quoiqu'il aille expirer, on voit qu'il ne veut pas s'abandonner à sa douleur ni à sa défaillance, & qu'il a l'attention de tenir ce maintien courageux, que les gladiateurs se piquoient de conserver dans ce funeste moment, & dont les maîtres d'escrime leur apprenoient l'attitude: il ne craint point la mort, il craindroit de faire une grimace ou de pousser un lâche soupir; quis mediocris gladiator ingemuit, quis vultum mutavit unquam, quis non modò stetit, verùm etiam decubuit turpiter, dit Ciceron dans l'endroit de ses Tusculanes, où il nous raconte tant de choses étonnantes sur la fermeté de ces malheureux? On sent dans celui - ci que malgré la force qui lui reste après le coup dont il est atteint, il n'a plus qu'un moment à vivre, & l'on regarde long - tems dans l'attente de le voir tomber en expirant; c'est ainsi que les anciens savoient animer le marbre, & lui donner de la vie. On en trouvera plusieurs autres exemples dans cet ouvrage. Voyez Sculpture ancienne. (D. J.)

GLAIE (Page 7:698)

* GLAIE, s. f. (Verrerie.) c'est ainsi qu'on appelle la partie de la voûte du four, composée depuis l'ex<cb-> térieur des deux tonnelles entre les arches à pot, jusqu'à l'extrémité du revêtement du four. Voyez les articles Tonnelle, Four, Verrerie

GLAIRE (Page 7:698)

GLAIRE, s. f. (Médecine.) ce terme est employé vulgairement pour designer une humeur gluante, visqueuse, une sorte de mucosité transparente produite dans le corps humain par quelque cause morbifique; c'est la même chose que ce que les medecins appellent phlegme, pituite. Voyez Pituite. (d)

GLAIRER (Page 7:698)

GLAIRER, v. act. (Relieure.) c'est passer du blanc d'oeuf avec une éponge fine sur le plat de la couverture d'un livre prêt à être doré & poli; on glaire à plusieurs reprises.

GLAISE (Page 7:698)

GLAISE, s. f. TERRE GLAISE, ARGILLE, (Hist. nat. Minéralog. Agric.) c'est une terre dont la couleur est ou blanche, ou jaune, ou brune, ou rougeâtre, ou grise, ou bleue, ou verdâtre; elle est tenace, pesante, compacte, visqueuse ou grasse au toucher comme du savon; ses parties sont très fines & fort étroitement liées les unes aux autres: elle s'amollit dans l'eau, & a la propriété de prendre corps, & de se durcir considérablement dans le feu.

Lister compte vingt - deux especes d'argilles ou de glaises en Angleterre; Wallerius en compte dix especes dans sa minéralogie, mais ces terres ne different point essentiellement entr'elles; elles ne varient que par la couleur, qui peut avoir un nombre infini de nuances, & par le plus ou moins de sable, de gravier, de terreau ou de humus, de craie, de marne, de parties ferrugineuses, & d'autres substances étrangeres qu'elles peuvent contenir.

On a quelquefois voulu mettre de la différence entre l'argille & la glaise; cette distinction étoit fondée sur ce que l'argille étoit, dit on, mêlée d'un plus grand nombre de parties de sable & de terreau; mais l'on sent que ce mélange purement accidentel ne suffit pas pour faire distinguer ces terres qui sont essentiellement les mêmes, & qui ont les mêmes propriétés, quoiqu'on les designe par deux noms différens. Cela posé, sans s'arrêter ici à faire un article séparé de la glaise, on auroit pû renvoyer à l'art. Argille; mais comme cet article n'est que l'exposé du système de M. de Busson sur la formation de l'argille, & comme d'ailleurs on n'y est point entré dans le détail des principales propriétés de cette terre, on a cru que ce seroit ici le lieu de suppléer à ce qui a été omis dans cet article.

Il y a long - tems que les Chimistes ont observé que l'argille ou glaise colorée contenoit une portion plus ou moins considérable de fer; ce qui prouve cette vérité, c'est la couleur rouge que prennent quelques - unes de ces terres, lorsqu'on les expose à l'action du feu; mais rien ne sert mieux à constater la chose que la fameuse expérience de Becher qui a obtenu une portion de fer attirable par l'aimant, d'un mélange fait avec de la glaise & de l'huile de lin: nous n'insisterons point sur cette expérience qui est suffisamment décrite à l'article Fer, non plus que sur la dispute qui s'éleva à son sujet dans l'académie royale des Sciences de Paris. Voyez Fer. C'est cette portion de fer contenue dans la glaise qui contribue à ses différentes couleurs. On peut dégager cette terre des parties ferrugineuses qu'elle contient en versant dessus de l'eau régale qui en fait l'extraction avec effervescence; la partie terreuse reste blanche, parce que ce dissolvant lui a enlevé sa partie colorante, & est devenue jaune. L'eau - forte ne produit point toûjours le même esset, parce que les parties martiales de cette terre sont quelquefois très fines & enveloppées de tant de parties visqueuses, que le dissolvant ne peut point agir sur elles. Voyez la Lithogéognosie de M. Pott, tom. I. pag. 99 & suiv.

La glaise ou l'argille pure ne fait point d'efferves<pb->

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