ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"596"> diaires; & de - là vient qu'on appelloit ce genre chromatique ou coloré. Dans l'enharmonique la modulation procédoit par quart de ton, en divisant, selon la doctrine d'Aristoxene, le semi - ton majeur en deux parties égales, & un diton ou tierce majeure, comme mi, mi dièse enharmonique, fa & la; ou bien, selon les Pythagoriciens, en divisant le semi - ton majeur en deux intervalles inégaux qui formoient, l'un le sémi - ton mineur, c'est - à - dire notre dièse ordinaire, & l'autre le complément de ce même sémi - ton mineur au sémi - ton majeur; & ensuite le diton comme ci - devant, mi mi dièse ordinaire, fa, la. Dans le premier cas les deux intervalles égaux du mi au fa, étoient tous deux enharmoniques ou d'un quart de ton; dans le second cas il n'y avoit d'enharmonique que le passage du mi dièse au fa, c'est - à - dire, la différence du sémi - ton mineur au sémi - ton majeur, laquelle est le diése pythagonque dont le rapport est de 125 à 128. Voyez Dièse.

Cette derniere division enharmonique du tétracorde, dont nul auteur moderne n'a fait mention, semble confirmée par Euclide même, quoique Aristoxenien; car dans son diagramme général des trois genres, il insere bien pour chaque genre un lichanos particulier, mais la parhypate y est la même pour tous les trois; ce qui ne peut se faire que dans le système des Pythagoriciens: comme donc cette modulation, dit M. Burette, se tenoit d'abord très - serrée, ne parcourant que de petits intervalles, des intervalles presqu'insensibles; on la nommoit enharmonique, comme qui diroit bien jointe, bien assemblée, probè coagmentata.

Outre ces genres principaux, il y en avoit d'autres qui résultoient tous des divers partages du tétracorde, ou des façons de l'accorder différentes de celles dont on vient de parler. Aristoxene subdivise le genre chromatique en mol, hémiéolien & tonique; & le genre diatonique en syntonique & diatonique mol, dont il donne toutes les différences. Aristide - Quintilien fait mention de plusieurs autres genres particuliers, & il en compte six qu'il donne pour très - anciens; savoir, le lydien, le dorien, le phrygien, l'ionien, le mixolydien & le syntonolydien Ces six genres qu'il ne faut pas confondre avec les tons ou modes de même nom, différoient en étendue; les uns n'arrivoient pas à l'octave, les autres la remplissoient, les autres excédoient: on en peut voir le détail dans le musicien grec.

Nous avons comme les anciens le genre diatonique, le chromatique & l'enharmonique, mais sans aucunes subdivisions; & nous considérons ces genres sous des idées fort différentes de celles qu'ils en avoient. C'étoit pour eux autant de manieres particulieres de conduire le chant sur certaines cordes prescrites; pour nous ce sont autant de manieres de conduire le corps entier de l'harmonie, qui forcent les parties à marcher par les intervalles prescrits par ces genres; de sorte que le genre appartient encore plus à l'harmonie qui l'engendre, qu'à la mélodie qui le fait sentir.

Il faut encore remarquer que dans notre musique les genres sont presque toûjours mixtes; c. à. d. que le diatonique entre pour beaucoup dans le chromatique, & que l'un & l'autre sont nécessairement mêlés à l'enharmonique. Tout cela vient encore des regles de l'harmonie, qui ne pourroient souffrir une continuelle succession enharmonique ou chromatique, & aussi de celles de la mélodie qui n'en sauroit tirer de beaux chants; il n'en étoit pas de même des genres des anciens. Comme les tétracordes étoient également complets, quoique divisés différemment dans chacun des trois systemes, si un genre eût pû emprunter de l'autre d'autres sons que ceux qui se trouvoient nécessairement communs entr'eux, le tétracorde auroit eu plus de quatre cordes, & toutes les regles de leur musique auroient été confondues. Voyez Diatonique, Chromatique, Enharmonique . (S)

Il est donc aisé de voir qu'il y avoit dans le système de musique des Grecs des cordes communes à tous les genres, & d'autres qui changeoient d'un genre à l'autre; par exemple, dans le premier tétracorde si, ut, re, mi, les cordes si & mi se trouvoient dans tous les genres, & les cordes ut & re changeoient.

Les communes à tous les systèmes s'appelloient cordes stabies & immobiles, les autres se nommoient cordes mobiles: de sorte que si l'on traitoit séparément les trois genres sur des instrumens à cordes, il n'y avoit autre chose à faire que de changer le degré de tension de chaque corde mobile; au lieu que quand on exécutoit sur le même instrument un air composé dans deux de ces genres à la fois ou dans tous les trois, il falloit multiplier les cordes selon le besoin qu'on en avoit pour chaque genre. Voyez les mém. de M. Burette dans le recueil de l'académie des Belles - Lettres.

Il est possible de trouver la basse fondamentale dans le genre chromatique des Grecs; ainsi mi, fa, fa #, la, a ou peut avoir pour basse ut, sa, re, la. Mais il n'en est pas de même dans le genre enharmonique; car ce chant, mi, mi dièse enharmonique, fa, n'a point de basse fondamentale naturelle, comme M. Rameau l'a remarqué. Voyez Enharmonique. Aussi ce grand musicien paroît rejetter le système enharmonique des Grecs, comme le croyant contraire à ses principes. Pour nous, nous nous contenterons d'observer, 1°. que ce genre n'étoit vraissemblablement employé qu'à une expression extraordinaire & détournée, & que cette singularité d'expression lui venoit sans doute de ce qu'il n'avoit point de basse fondamentale naturelle; ce qui paroît appuyer le système de M. Rameau, bien loin de l'insirmer. 2°. Qu'il n'est guere permis de douter, d'après les livres anciens qui nous restent, que les Grecs n'eussent en effet ce genre; peut - être n'étoit - il pratiqué que par les instrumens, sur lesquels il est évidemment pratiquable, quoique très difficile: aussi étoit - il abandonné dès le tems de Plutarque. Ce genre pouvoit produire sur les Grecs, eu égard à la sensibilité de leur oreille, plus d'effet qu'il n'en produiroit sur nous, qui tenons de notre climat ces organes moins délicats. M. Rameau, il est vrai, 2 prétendu depuis peu qu'une nation n'est pas plus favorisée qu'une autre du côté de l'oreille; mais l'expérience ne prouve - t - elle pas le contraire? & sans sortir de notre pays, n'y a - t - il pas une différence marquée à cet égard entre les françois des provinces méridionales, & ceux qui sont plus vers le Nord?

On a vû au mot Enharmonique, en quoi consiste ou peut consister ce genre dans notre musique moderne. Il y en a proprement ou il peut y en avoir de trois sortes; l'enharmonique simple, qui est produit par le seul renversement de l'accord de septieme diminuée dans les modes mineurs, & dans lequel, sans entendre le quart de ton, on sent son effet. Ce genre est évidemment possible, soit pour les instrumens, soit même pour les voix, puisqu'il existe sans qu'on soit obligé de faire les quarts de ton; c'est à l'oreille à juger si son effet est agréable, ou du - moins assez supportable pour n'être pas tout - à - fait rejetté, quoiqu'il doive d'ailleurs être employé rarement & sobrement. Le second genre est le diatonique enharmonique, dans lequel le quart de ton a lieu réellement, puisque tous les semi - tons y sont majeurs; & le troisieme est le chromatique - enharmonique, dans lequel le quart de ton a également lieu, puisque les semitons y sont tous mineurs. Ce dernier genre, possible ou non, n'a jamais été exécuté: M. Rameau assûre [p. 597] que le diatonique - enharmonique peut l'être, & même l'a été par de bons musiciens; mais M. le Vens, maître de musique de la métropole de Bordeaux, doute de ce fait dans un ouvrage publié en 1743. « Il est vrai, dit - il, qu'une des parties de symphonie frappe le la b dans le tems que la haute - contre srappe le sol #, & ensuite fa avec mi #. Si c'est - là en quoi consiste le genre enharmonique, il est très aise d'en donner, & toute la musique le deviendra, si l'on veut, puitque tout consistera dans la maniere de la copier. On me dira peut - être que réellement il y a un quart de ton de sol # à la , & de sa à mi #: j'y consens; mais qu'en résulte - t - il, si les deux partis disent la même chose, à la faveur du tempérament qui a rapproché ces deux notes de si près, qu'elles ne sont plus qu'un seul & même son; & si l'intervalle du quart de ton existoit réellement, il n'y a point d'oreille assez forte pour résister au tiraillement qu'elle souffriroit dans cet instant »? Qu'opposer à ce raisonnement? l'expérience contraire que M. Rameau assure avoir faite, & sur laquelle c'est aux connoisseurs à décider.

L'enharmonique du premier genre, où le quart de ton n'a point lieu, & où il se fait pour ainsi dire sentir sans être entendu, a été employé par M. Rameau avec succès dans le premier monologue du quatrieme acte de Dardanus; & nous croyons que le mélange de ce genre avec le diatonique & le chromatique, aideroit beaucoup à l'expression, sur - tout dans les morceaux où il faudroit peindre quelque violente agitation de l'ame. Quel effet, par exemple, le genre enharmonique sobrement ménagé & mélé de chromatique, n'eût - il pas produit dans le fameux monologue d'Armide, où le poete est si grand & le musicien si foible; où le coeur d'Armide fait tant de chemin, candis que Lulli tourne froidement autour de la même modulation, sans s'écarter des routes les plus communes & les plus élémentaires? Aussi ce monologue est - il tout - à - la - fois une tres - bonne leçon de composition pour les commençans, & un.très mauvais modele pour les hommes de génie & de goût. M. Rameau, il est vrai, a entrepris de la défendre contre les coups qui lui ont été portés:

. . . . . . . Si Pergama dexerâ Defendi possent, etiam hâc defensa suissent. Mais en changeant, comme il l'a fait, la basse de Lulli en divers endroits, pour répondre aux plus fortes objections de M. Rousseau, en supposant dans cette basse mille choses sousentendues qui ne devroient pas l'être, & auxquelles Lulli n'a jamais pensé, il n'a fait que montrer combien les objections étoient solides. D'ailleurs, en se bornant à quelques changemens dans la basse de Lulli, croit - on avoir rechaussé ou pallié la froideur du monologue? Nous en appellons au propre témoignage de son célebre défenseur. Eût - il fait ainsi chanter Armide? eût - il fait marcher la basse d'une maniere si pédestre & si triviale? Qu'il compare ce monologue avec la scene du second acte de Dardanus, & il sentira la différence. Les beautés de Lulli sont à lui, ses fautes viennent de l'état d'enfance où la musique étoit de son tems; excusons ces fautes, mais avoiions - les.

La scene de Dardanus, que nous venons de citer, vient ici d'autant plus à - propos, qu'elle nous fournit un exemple du genre chromatique employé dans le chant & dans la basse: nous voulons parler de cet endroit,

Et s'il étoit un coeur trop foible, trop sensible, Dans de funestes noeuds malgré lui retenu, Pourriez vous? &c. Le chant y procede en montant par semi - tons, ce qui amene nécessairement le demi - ton mineur dans la mélodie, & par conséquent le chromatique; la basse fondamentale, au premier vers, descend de tierce mineure de la tonique sol sur la dominante tonique mi, & remonte à la tonique la portant l'accord mineur, laquelle devient ensuite dominante tonique elle - méme, c'est - à - dire porte l'accord majeur. Voyez Dominante. Cette dominante tonique remonte à sa tonique , qui dans le second vers descend de tierce mineure sur la dominante tonique si, pour remonter de - là à la tonique mi. Or une marche de basse fondamentale dans laquelle la tonique qui porte l'accord mineur, reste sur le même degré pour devenir dominante tonique, ou dans laquelle la basse descend de tierce d'une tonique sur une dominante, produit nécessairement le chromatique par l'effet de l'harmonie. Voyez Chromatique, & nos élémens de Musique.

Le genre chromatique qui procede par semitons en montant, a été employé avec d'autant plus de vérité dans ce morceau, qu'il nous paroît représenter parfaitement les tons de la nature. Un excellent acteur rendroit infailliblement le second & le troisieme vers comme ils sont notés, en élevant sa voix par semi - tons; & nous remarquerons que si on chantoit cet endroit comme on chante le récitatif italien, sans appuyer sur les sons, sans les filer, àpeu - près comme si on parloit ou on lisoit, en observant seulement d'entonner juste, on n'appercevroit point de différer ce entre le chant de ce morceau & une belle déclamation théatrale: voilà le modele d'un bon récitatif.

Je ne sai, pour le dire en passant, si la méthode de chanter notre récitatif à l'italienne, seroit impraticable sur notre théatre. Dans les récitatiss bien faits, elle n'a point paru choquante à d'excellens connoisseurs devant lesquels j'en ai fait essai; ils l'ont unanimement préférée à la langueur insipide & insupportable de notre chant de l'opéra, qui devient tous les jours plus traînant, plus froid, & d'un ennui plus mortel. Ce que je crois pouvoir assûrer, c'est que quand le récitatif est bon, cette maniere de le chanter le fait ressembler beaucoup mieux à la déclamation. J'ajoûte, par la même raison, que tout récitatif qui déplaira étant chanté de cette sorte, sera infailliblement mauvais; ce sera une marque que l'artiste n'aura pas suivi les tons de la nature, qu'il doit avoir toûjours présens. Ainsi un musicien veutil voir si son récitatif est bon? qu'il l'essaye en le chantant à l'italienne; & s'il lui déplaît en cet état, qu'il en fasse un autre. On peut remarquer que les deux vers du monologue d'Armide, que M. Rousseau trouve les moins mal déclamés,

Est ce ainsi que je dois me venger aujourd'hui? Ma colere s'éteint quand j'approche de lui, sont en effet ceux qui, étant récités à l'italienne, auroient moins l'air de chant. Nous prions le lecteur de nous pardonner cette legere digression, dont une partie eût peut - être été mieux placée à Récitatif; mais on ne sauroit trop se hâter de dire des vérités utiles, & de proposer des vûes qui peuvent contribuer au progrès de l'art. (O)

Genre (Page 7:597)

Genre, (Peintuie.) Le mot genre adapté à l'art de la Peinture, sert proprement à distinguer de la classe des peintres d'histoire, ceux qui bornés à certains objets, se font une étude particuliere de les peindre, & une espece de loi de ne représenter que ceux - là: ainsi l'artiste qui ne choisit pour sujet de ses tableaux que des animaux, des fruits, des fleurs ou des paysages, est nommé peintre de genre. Au reste cette modestie forcée ou raisonnée qui engage un artiste à se borner dans ses imitations aux objets qui lui plaisent davantage, ou dans la représentation desquels il trouve plus de facilité, n'est que loüable,

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