ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"594"> d'attention: enfin, que reprocher à une langue un procédé qui lui est particulier, c'est reprocher à la nation son génie, sa tournure d'idées, sa maniere de concevoir, les circonstances où elle s'est trouvée involontairement dans les différens tems de sa durée; toutes causes qui ont sur le langage une influence irrésistible.

D'ailleurs les vices qui paroissent tenir à l'institution même des genres, ne viennent souvent que d'un emploi mal - entendu de cette institution. « En féminisant nos adjectifs, nous augmentons encore le nombre de nos e muets ». C'est une pure maladresse. Ne pouvoit - on pas choisir un tout autre caractere? Ne pouvoit - on pas rappeller les terminaisons des adjectifs masculins à certaines classes, & varier autant les terminaisons féminines?

Il est vrai que ces précautions, en corrigeant un vice, en laisseroient toûjours subsister un autre; c'est la difficulté de reconnoître le genre de chaque nom, parce que la distribution qui en a été faite est trop arbitraire pour être retenue par le raisonnement, & que c'est une affaire de pure mémoire. Mais ce n'est encore ici qu'une mal - adresse indépendante de la nature intrinseque de l'institution des genres. Tous les objets de nos pensées peuvent se réduire à différentes classes: il y a les objets réels & les abstraits; les corporels & les spirituels; les animaux, les végétaux, & les minéraux; les naturels & les artificiels, &c. Il n'y avoit qu'à distinguer les noms de la même maniere, & donner à leurs corrélatifs des terminaisons adaptées à ces distinctions vraiment raisonnées; les esprits éclairés auroient aisément saisi ces points de vûe; & le peuple n'en auroit été embarrassé, que parce qu'il est peuple, & que tout est pour lui affaire de mémoire. (E. R. M.)

Genre (Page 7:594)

Genre, s. m. (Métaph.) notion universelle qui se forme par l'abstraction des qualités qui sont les mêmes dans certainès especes, tout comme l'idée de l'espece se forme par l'abstraction des choses qui se trouvent semblables dans les individus. Toutes les especes de triangle se ressemblent en ce qu'elles sont composées de trois lignes qui forment trois angles; ces deux qualités, figure de trois lignes & de trois angles, suffisent donc pour former la notion générique du triangle. Les chevaux, les boeufs, les chiens, &c. se ressemblent par les quatre piés: voilà le genre des quadrupedes qui exprime toutes ces especes.

Le genre le plus bas est celui qui ne contient sous lui que des especes, au lieu que les genres supérieurs se subdivisent en de nouveaux genres. Le chien, par exemple, se partage en plusieurs especes, épagneuls, lévriers, &c. mais comme ces especes n'ont plus que des individus sous elles, si l'on veut regarder l'idée du chien comme un genre, c'est le plus bas de tous; au lieu que le quadrupede est un genre supérieur, dont les especes en contiennent encore d'autres, comme l'exemple du chien vient d'en fournir la preuve.

La méthode de former la notion de ces deux sortes de genre est toûjours la même, & l'on continue à réunir les qualités communes à certains genres jusqu'à ce qu'on soit arrivé au genre suprème, à l'être; ces qualités s'appellent détertninations génériques. Leur nombre s'accroit à mesure que le genre devient moins étendu; il diminue lorsque le genre s'éleve: ainsi la notion d'un genre inférieur est toûjours composée de celle du genre supérieur, & des déterminations qui sont propres à ce genre subalterne. Qui dit un triangle équilatéral désigne un genre inférieur ou une espece, & il exprime la notion du genre supérieur, c. à. d. du triangle; & ensuite la nouvelle détermination qui caractérise le triangle équilateral; c'est la raison d'égalité qui se trouve entre les trois côtés.

Les genres & les especes se déterminent par les qualites essentielles. Si l'on y faisoit entrer les mo<cb-> des qui sont changeans, ces notions universelles ne seroient pas fixes, & ne pourroient être appliquées avec succès; mais comme il n'est pas toûjours possible de saisir les qualités essentielles, on a recours en physique & dans les choses de fait aux qualités qui paroissent les plus constantes aux possibilités des modes, à l'ordre & à la figure des parties; en un mot à tout ce qui peut caracteriser les objets qu'on se propose de réduire en certaines classes.

La possibilité des genres & des especes se découvre en faisant attention à la production ou génération des choses qui sont comprises sous ces genres ou especes; dans les êtres composés les qualités des parties & la maniere dont elles sont liées servent à déterminer les genres & les especes. Art. de M. Formey.

Genre (Page 7:594)

Genre, en Géometrie: les lignes géometriques sont distinguées en genres ou ordres, selon le degré de l'équation qui exprime le rapport qu'il y a entre les ordonnées & les abscisses. Voyez Courbe & Géométrique.

Les lignes du second ordre ou sections coniques sont appellées courbes du premier genre, les lignes du troisieme ordre courbes du second genre, & ainsi des autres.

Le mot genre s'employe aussi quelquefois en parlant des équations & des quantités différentielles; ainsi quelques - uns appellent équations du second, du troisieme genre, &c. ce qu'on appelle aujourd'hui plus ordinairement équations du second, du troisieme degré, &c. Voyez Degré & Equation. Et on appelle aussi quelquefois différentielles du second, du troisieme genre, &c. ce qu'on appelle plus communément différentielles du second, du troisieme ordre. Voyez Différentiel. (O)

Genre (Page 7:594)

Genre, en Hist. nat. Lorsque l'on fait des distributions méthodiques des productions de la nature, on désigne par le mot genre les ressemblances qui se trouvent entre des objets de différentes especes; par exemple, le cheval, l'âne & le zébre qui sont des animaux de trois différentes especes, se rapportent à un même genre, parce qu'ils se ressemblent plus les uns aux autres qu'aux animaux d'aucune autre espece; ce genre est appellé le genre de solipedes, parce que les animaux qu'il comprend n'ont qu'un seul doigt à chaque pié: ceux au contraire qui ont le pié divisé en deux parties, comme le taureau, le bélier, le bouc, &c. sont d'un autre genre, appellé le genre des animaux à pié fourchu, parce qu'ils ont plus de rapport les uns avec les autres qu'avec les animaux solipedes, ou avec les fissipedes qui ont plus de deux doigts à chaque pié, & que l'on rassemble sous un troisieme genre: de la même façon que l'on établit des genres en réunissant des especes, on fait des classes en réunissant des genres. Les animaux solipedes, les animaux à pié fourchu & les fissipedes sont tous compris dans la classe des quadrupedes, parce qu'ils ont plus de ressemblances les uns avec les autres qu'avec les oiseaux ou les poissons qui forment deux autres classes. Voyez Classe, Espece, Méthode . (I)

Genre (Page 7:594)

Genre, en Anatomie. Le genre nerveux, est une expression assez fréquente dans nos auteurs, & signifie les nerfs considérés comme un assemblage ou système de parties similaires distribuées par tout le corps. Voyez Nerf. Le tabac contient beaucoup de sel piquant, caustique & propre à irriter le genre nerveux; le vinaigre pris en trop grande quantité incommode le genre nerveux. Chambers.

Genre de Style (Page 7:594)

Genre de Style, (Lutérat.) Comme le genre d'exécution que doit employer tout artiste dépend de l'objet qu'il traite; comme le genre du Poussin n'est point celui de Teniers, ni l'architecture d'un temple celle d'une maison commune, ni la musique d'un opéra tragédie celle d'un opéra bousson: aussi [p. 595] chaque genre d'écrire a son style propre en prose & en vers. On sait assez que le style de l'histoire n'est point celui d'une oraison funebre; qu'une dépêche d'ambassadeur ne doit point être écrite comme un sermon; que la comédie ne doit point se servir des tours hardis de l'ode, des expressions pathétiques de la tragédie, ni des métaphores & des comparaisons de l'épopée.

Chaque genre a ses nuances différentes; on peut au fond les réduire à deux, le simple & le relevé. Ces deux genres qui en embrassent tant d'autres ont des beautés nécessaires qui leur sont également communes; ces beautés sont la justesse des idées, leur convenance, l'élégance, la propriété des expressions, la pureté du langage; tout écrit, de quelque nature qu'il soit, exige ces qualités. Les différences consistent dans les idées propres à chaque sujet, dans les figures, dans les tropes; ainsi un personnage de comédie n'aura ni idées sublimes ni idées philosophiques, un berger n'aura point les idées d'un conquérant, une épitre didactique ne respirera point la passion; & dans aucun de ces écrits on n'employera ni métaphores hardies, ni exclamations pathétiques, ni expressions véhémentes.

Entre le simple & le sublime il y a plusieurs nuances; & c'est l'art de les assortir qui contribue à la perfection de l'éloquence & de la poésie: c'est par cet art que Virgile s'est élevé quelquefois dans l'églogue; ce vers

Ut vidi! ut perü! ut me malus abstulit error! seroit aussi beau dans la bouche de Didon que dans celle d'un berger; parce qu'il est naturel, vrai & élégant, & que le sentiment qu'il renferme convient à toutes sortes d'états. Mais ce vers

Custaneoeque nuces mea quas Amarillis amabat. ne conviendroit pas à un personnage héroïque, parce qu'il a pour objet une chose trop petite pour un héros.

Nous n'entendons point par petit ce qui est bas & grossier; car le bas & le grossier n'est point un genre, c'est un défaut.

Ces deux exemples font voir évidemment dans quel cas on doit se permettre le mélange des styles, & quand on doit se le défendre. La tragédie peut s'abaisser, elle le doit mème; la simplicité releve souvent la grandeur selon le précepte d'Horace.

Et tragicus plerumque dolet sermone oedestri.

Ainsi ces deux beaux vers de Titus si naturels & si tendres,

Depuis cinq ans entiers chaque jour je la vois, Et crois toûjours la voir pour la premiere fois. ne seroient point du tout déplacés dans le haut comique.

Mais ce vers d'Antiochus

Dans i'orient desert quel devint mon ennui! ne pourroit convenir à un amant dans une comédie, parce que cette belle expression figurée dans l'orient desert, est d'un genre trop relevé pour la simplicité des brodequins.

Le défaut le plus condamnable & le plus ordinaire dans le mélange des sty les, est celui de défigurer les sujets les plus sérieux en croyant les égayer par les plaisanteries de la conversation familiere.

Nous avons remarqué déjà au mot Esprit, qu'un auteur qui a écrit sur la Physique, & qui prétend qu'il y a eu un Hercule physicien, ajoûte qu'on ne pouvoit résister à un philosophe de cette force. Un autre qui vient d'écrire un petit ilvre (lequel il suppose être physique & moral) contre l'utilité de l'inoeulation, dit que si on met en usage la petite vérole artificielle, la mort sera bien attrapee.

Ce défaut vient d'une affectation ridicule; il en est un autre qui n'est que l'esset de la négligence, c'est de mêler au style simple & noble qu'exige l'histoire, ces termes populaires, ces expressions triviales que la bienséance réprouve. On trouve trop souvent dans Mezeray, & même dans Daniel qui ayant écrit long - tems après lui, devroit être plus correct; qu'un général sur ces entrefaites se mit aux trousses de l'ennemi, qu'il suivit sa pointe, qu'il le battit à plate couture. On ne voit point de pareilles bassesses de style dans Tite - Live, dans Tacite, dans Guichardin, dans Clarendon.

Remarquons ici qu'un auteur qui s'est fait un genre de style, peut rarement le changer quand il change d'objet. La Fontaine dans ses opéra employe ce même genre qui lui est si naturel dans ses contes & dans ses fables. Benserade mit dans sa traduction des métamorphoses d'Ovide, le genre de plaisanterie qui l'avoit fait réussir à la cour dans des madrigaux. La perfection consisteroit à savoir assortir toûjours son style à la matiere qu'on traite; mais qui peut être le maître de son habitude, & ployer à son gré son génie? Article de M. de Voltaire.

Genre (Page 7:595)

Genre, en Rhétorique, nom que les rhéteurs donnent aux classes générales auxquelles on peut rapporter toutes les différentes especes de discours; ils distinguent trois genres, le démonstratif, le délibératif, & le judiciaire.

Le genre démonstratif a pour objet la loüange ou le blâme, ou les sujets purement oratoires; il renferme les panégyriques, les discours académiques, &c. Voyez Démonstratif. Le délibératif comprend la persuasion & la dissuasion. Il a lieu dans les causes qui regardent les affaires publiques, comme les philippiques de Démosthene, &c. Voy. Délibératif. Le judiciaire roule sur l'accusation ou la demande & la défense. Voyez Judiciaire. (G)

Genre (Page 7:595)

Genre, en Musique. On appelloit genres dans la musique des Grecs, la maniere de partager le tétracorde ou l'étendue de la quarte, c'est - à - dire la maniere d'accorder les quatre cordes qui la composoient.

La bonne constitution de cet accord, c'est - à - dire l'établissement d'un genre régulier, dépendoit des trois regles suivantes que je tire d'Aristoxene; la premiere étoit que les deux cordes extrèmes du tétracorde devoient toûjours rester immobiles, afin que leur intervalle fût toûjours celui d'une quarte juste ou du diatessaron. Quant aux deux cordes moyennes, elles varioient à la vérité; mais l'intervalle du lichanos à la mése (voyez ces mots) ne devoit jamais passer deux tons, ni diminuer au - delà d'un ton; de sorte qu'on avoit précisément l'espace d'un ton pour varier l'accord de lichanos, & c'est la seconde regle. La troisieme étoit que l'intervalle de la parhypate ou seconde corde à l'hypate, ne passât jamais celui de la même parhypate au lichanos.

Comme en général cet accord pouvoit se diversisier de trois façons, cela constituoit trois principaux genres, qui étoient le diatonique, le chromatique & l'enharmonique; & ces deux derniers genres où les deux premiers intervalles du tétracorde faisoient toûjours ensemble une somme moindre que le troisieme intervalle, s'appelloient à cause de cela genres épais ou denjes. Voyez Epais.

Dans e diatonique la modulation précédoit par un semi - ton, un ton & un autre ton, mi, fa, sol, la; & comme les tons y dominoient, de - là lui venoit son nom. Le chromatique procédoit par deux semi - tons consécutifs, & une tierce mineure ou un ton & demi, mi, fa, fa diése, la. Cette modulation tenoit le milieu entre celles du diatonique & de l'enharmonique, y faisant pour ainsi dire sentir diverses nuances de sons, de même qu'entre deux couleurs principales on introduit plusieurs nuances intermé<pb->

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