ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"586"> cas obliques, la seule terminaison is y est changée; hom - in - is, hom - in - i; hom - in - em, hom - in - e, hom - in - es, hom - in - um, hom - in - ibus. De même de temp - or - is, génitif de tempus, sont venus temp - or - i, temp - or - e, tempor - a, temp - or - um, temp - or - ibus. C'est par une suite de cet usage du génitif, que ce cas a été choisi comme le signe de la déclinaison, voyez Déclinaison. C'est le signal de ralliement qui rappelle à une même formule analogique tous les noms qui ont à ce cas la même terminaison. Il est vrai que la distinction des déclinaisons doit résulter des différences de la totalité des cas; mais ces différences suivent exactement celles du génitif, & par conséquent ce cas seul peut suffire pour caractériser les déclinaisons.

Les noms de la premiere ont le génitif singulier en oe, comme mensa (table) gén. mensoe: ceux de la seconde ont le génitif en i, comme liber (livre), génit. libri. Ceux de la troisieme l'ont en is, comme parter (pere), gén. patris. Ceux de la quatrieme l'ont en ûs, comme fructus (fruit), génit. fructûs; & ceux de la cinquieme l'ont en ei, comme dies (jour), génit. diei. On en trouve quelques - uns dont le génitif s'éloigne de cette analogie; ce sont des noms grecs auxquels l'usage de la langue latine a conservé leur génitif originel: Andromache (Andromaque), génit. Andromaches, premiere déclinaison: Orpheus (Orphée), génit. Orphei & Orpheos, seconde déclinaison: syntaxis (syntaxe), génit. syntaxis & syntaxeos, troisieme déclinaison.

Ces exceptions sont, pour ainsi dire, les restes des incertitudes de la langue naissante. Les cas, & spécialement le génitif, n'y furent pas fixés d'abord à des terminaisons constantes, & les premieres qu'on adopta étoient greques, parce que le latin est comme un rejetton du grec; elles s'altérerent insensiblement pour se défaire de cet air d'emprunt, & pour se revêtir des apparences de la propriété.

Ainsi as fut d'abord la terminaison du génitif de la premiere déclinaison, & l'on disoit musa, musas, comme les Doriens MOU=SA, MD/SAS2: outre le pater familias connu de tout le monde, on trouve encore bien d'autres traces de ce génitif dans les auteurs; dans Ennius, dux ipse vias, pour vioe; & dans Virgile (AEnoeid. xj.) nihil ipsa, nec auras, nec sonitus memor, selon Jules Scaliger qui attribue à l'impéritie le changement d'auras en auroe. Le génitif de la premiere déclinaison fut aussi en ai, terraï, aulaï; on lit dans Virgile, aulaï in medio, pour auloe: comme on rencontre plus d'exemples de ce génitif dans les poëtes, on peut présumer qu'ils l'ont introduit pour faciliter la mesure du vers, & qu'ils se régloient alors sur la déclinaison éolienne, où au lieu du MD/SAST dorien, on disoit MD/SAIST.

Les noms des autres déclinaisons ont eu également leurs variations au génitif. On trouve plusieurs fois dans Salluste senati. Aulu - Gelle (lib. VI. c. xvj.) nous apprend qu'on a dit senatuis, fluctuis; & le génitif senatûs, fluctûs paroît n'en être qu'une contraction. Le génitif de dies se présente dans les auteurs sous quatre terminaisons différentes: 1°. en es, comme equites daturos illius dies poenas (Cic. pro Sext.): 2°. en e, comme César l'avoit indiqué dans ses analogies, & comme Servius & Priscien veulent qu'on le lise dans ce vers de Virgile (j. Géorg. 208.)

Libra die somnique pares ubj fecerit horas.

3°. en ii, comme dans cet autre passage du même poëte, munera loetitiam que dii; quod imperitiores dei legunt, dit Aulu - Gelle, lib. jx. cap. xjv. 4°. enfin en ei, & c'est la terminaison qui a prévalu.

II. Dans la dérivation philosophique le génitif est la racine génératrice d'une infinité de mots, soit dans la langue latine même, soit dans celles qui y ont puisé; on en reconnoît sensiblement la figurative dans ses dérivés.

Ainsi du génitif des adjectifs l'on forme, à peu d'exceptions près, leurs degrés comparatif & superlatif, en ajoûtant à la figurative de ce cas les terminaisons qui caractérisent ces degrés: docti, docti - or, docti - ssimus; prudenti - s, prudenti - or, prudenti - ssimus. Il en est de même des adverbes dérivés des adjectifs; ils prennent cette figurative au positif, & la conservent dans les autres degrés: prudent - is, prudent - er, prudent - iùs, prudent - issimé.

Le génitif des noms sert à la dérivation de plusieurs especes de mots: de patris sont sortis les noms de patria, patriciatus, patratio, patronus, patrona, patruus; les adjectifs patrius, patricius, patrimus; l'adverbe patriè; les verbes patrare, patrissare. On trouve même plusieurs noms dont le génitif, quant au matériel, ne differe en rien de la seconde personne du singulier du présent absolu de l'indicatif des verbes qui en sont dérivés: lex, legis; lego, legis: dux, ducis; duco, ducis. Quelques génitifs inusités hors de la composition, se retrouvent de même dans des verbes composés de la même racine élémentaire: tibicen, tibi - cinis; con - cino, con cinis; parti - ceps, participis; ac - cipio, ac - cipis.

Nous avons dans notre langue des mots qui viennent immédiatement d'un génitif latin; tels sont capitaine, capitation, qui sont dérivés de capitis; tels encore les monosyllabes art, mort, part, sort, &c. qui viennent des génitifs art - is, mort - is, part - is, sort - is, dont on a seulement supprimé la terminaison latine. De - là les dérivés simples: de capitaine, capitainerie; d'art, artiste, artistement; de mort, mortel, mortellement, mortalité, mortuaire; de part, partie, partiel; de sort, sorte, sortable, &c.

III. Dans la composition, c'est encore le génitif qui est la racine élémentaire d'une infinité de mots, soit primitifs, soit dérivés. On le voit sans aucune altération dans les composés legis - lator, legis - latio; juris - peritus, juris - prudentia; agri - cola, agri - cultura. On en reconnoît la figurative dans patri - monium, patro - cinium, fronti - spicium, juri - stitium; & on la retrouve encore dans homi - cidium malgré l'altération; hom - o, c'est le nominatif; hom - in - is, c'est le génitif dont la figurative est in; & la consonne n de cette figurative est retranchée pour éviter le choc trop rude des deux consonnes n c, mais i est resté.

Nous appercevons sensiblement la même influence dans les mots composés de notre langue, qui ne sont pour la plûpart que des mots latins terminés à la françoise; patri - moine, légis - lateur, légis - lation, jurisconsulte, juris - prudence, agri - culture, frontis - pice, homi - cide: & l'analogie nous a naturellement conduits à conserver les droits de ce génitif dans les mots que nous avons composés par imitation; part - ager, assort - ir, res - sort - ir, &c.

On voit par ce détail des services du génitif dans la génération des mots, que le nom qu'on lui a donné le plus unanimement a un juste fondement; quoiqu'il n'exprime pas l'espece de service pour lequel il paroît que ce cas a été principalement institué, je veux dire la détermination du sens vague du nom appellatif auquel il est subordonné.

C'est pour cela qu'en latin il n'est jamais construit qu'avec un nom appellatif, quoiqu'on rencontre souvent des locutions où il paroît lié à d'autres mots: mais on retrouve assément par l'ellipse le nom appellatif auquel se rapporte le génitif.

I. Il est quelquefois à la suite d'un nom propre; Terentia Ciceronis, supp. uxor; Sophia Septimi, supp. filia.

Il. D'autres fois il suit quelqu'un de ces adjectifs présentés sous la terminaison neutre, & réputés pronoms par la foule des Grammairiens; ad id locorum, c'est - à - dire ad id punctum locorum; quid rei est? c'est - à - dire quod momentum rei est? [p. 587]

III. Souvent il paroît modifier tout autre adjectif dont le corrélatif est exprimé ou supposé: plenus vini, lassus viarum, supp. de copiâ vini, de labore viarum. C'est la même chose après le comparatif & le superlatif; fortior manuum, primus ou doctissimus omnium, supp. è numero manuum, è numero omnium.

IV. Plus souvent encore le génitif est à la suite d'un verbe, & les méthodistes énoncent expressément qu'il en est le régime; c'est une erreur, il ne peut l'être en latin que d'un nom appellatif, & l'ellipse le ramene à cette construction. Il est aisé de le vérifier sur des exemples qui réuniront à - peu - près tous les cas. Est regis, c'est - à - dire est officium regis. Refert Coesaris, c'est - à - dire refert ad rem Coesaris, comme Plaute a dit (in Pers.). Quid id ad me aut ad meam rem refert? Interest reipublicoe; est inter negotia, est inter commoda reipublicoe. Manet Romoe, c'est à - dire manet in urbe Romoe.

On trouve communément le génitif après les verbes poenitere, pudere, pigere, toedere, miserere; & les rudimentaires disent que ces verbes sont impersonnels, que leur nominatif se met à l'accusatif, & leur régime au génitif. Il est aisé d'appercevoir les absurdités que renferme cette décision: nous ferons voir au mot Impersonnel, que ces verbes sont réellement personnels, & que leur sujet doit être au nominatif quand on l'exprime. Nous allons montrer ici que leur prétendu régime au génitif est le régime déterminatif du nom qui leur sert de sujet; & que ce qu'on envisage ordinairement comme leur sujet sous la dénomination ridicule de nominatif, est véritablement leur régime objectif.

On lit dans Plaute (Stich. in arg.) & me quidem hoec conditio nunc non poenitet: il est évident que hoec conditio est le sujet de poenitet, & que me en est le régime objectif; & l'on pourroit rendre littéralement ces mots me hoec conditio non poenitet, par ceux - ci: cette condition ne me peine point, ne me fait aucune peine; c'est le sens littéral de ce verbe dans toutes les circonstances. Cet exemple nous indique le moyen de ramener tous les autres à l'analogie commune, en suppléant le sujet sousentendu de chaque verbe: poenitet me facti veut dire conscientia facti poenitet me, le sentiment intérieur de mon action me peine.

Pareillement dans cette phrase de Cicéron (pro domo), ut me non solum pigeat stultitioe meoe, sed etiam pudeat; c'est tout simplement, ut conscientia stultitie meoe non solum pigeat, sed etiani pudeat me.

Dans celle - ci, sunt homines quos infamioe suoe neque pudeat neque toedeat (2. verr.); suppléez turpitudo, & vous aurez la construction pleine: sunt homines quos turpitudo infamioe suoe neque pudeat neque toedeat.

De même dans cette autre qui est encore de Cicéron, miseret me infelicis familioe; suppléez sors, & vous aurez cette phrase complete, sors infelicis familioe miseret me.

On voit donc que les mots facti, stultitioe, infamioe, familioe, ne sont au génitif dans ces phrases, que parce qu'ils sont les déterminatifs des noms conscientia, turpitudo, sors, qui sont les sujets des verbes.

Le génitif se construit encore avec d'autres verbes; quanti emisti? c'est - à - dire, pro re quanti pretii emisti? Cicéron (Attic. viij.) parlant de Pompée, dit facio pluris omnium hominum neminem; c'est comme s'il avoit dit, facio neminem ex numero omnium hominum virum pluris momenti: c'est la même chose du passage de Térence (in Phorm.) meritò te semper maximi feci, c'est - à - dire virum maximi momenti. Mais si le régime objectif est le nom d'une chose inanimée, le nom appellatif qu'il faut suppléer, c'est res; illos scelestos qui tuum fecerunt fanum parvi (Plaut. in Rudent.), c'est - à - dire, qui tuum fécerunt fanum rem parvi pretii. Accusare furti, c'est accusare de crimine furti; condemnare capitis, c'est condemnare ad poenam capitis. Oblivisci, cordari, meminisse alicujus rei; suppléez memoriam alicujus rei; c'est ce même nom qu'il faut sous - entendre dans cette phrase de Cicéron & dans les pareilles, tibi tuarum virtutum veniat in mentem (de orat. ij. 61.) suppléez memoria.

V. Quand on trouve un génitif avec un adverbe, il n'y a qu'à se rappeller que l'adverbe a la valeur d'une préposition avec son complément, voyez Adverbe; & que ce complément est un nom appellatif: en décomposant l'adverbe, on retrouvera l'analogie. Ubi terrarum, décomposez; in quo loco terrarum: nusquam gentium, c'est - à - dire in nullo loco gentium.

Il faut remarquer ici qu'on ne doit pas chercher par cette voie l'analogie du génitif, après certains mots que l'on prend mal - à - propos pour des adverbes de quantité, tels que parum, multum, plus, minus, plurimum, minimum, satis, &c. ce sont de vrais adjectifs employés sans un nom exprimé, & souvent comme complément d'une préposition également sousentendue: dans ce second cas, ils font l'office de l'adverbe: mais par - tout, le génitif qui les accompagne est le déterminatif du nom leur corrélatif; satis nivis, c'est copia satis nivis, ou copia conveniens nivis. De l'adjectif satis vient satior.

VI. Enfin on rencontre quelquefois le génitif à la suite d'une préposition; il se rapporte alors au complement de la préposition même qui est fous - entendue. Ad Castoris, suppléez oedem; ex Apollodori (Cic.) suppléez chronicis; labiorum tenus, suppléez extremitate.

Nous nous sommes un peu étendus sur ces phrases elliptiques; premierement, parce que le génitif qui est ici notre objet principal, y paroissant employé d'une autre maniere que sa destination originelle ne semble le comporter, il étoit de notre devoir de montrer que ce ne sont que des écarts apparens, & que les assertions contraires des méthodistes sont fausses & fort éloignées du vrai génie de la langue latine: en second lieu, parce que nous regardons la connoissance des moyens de suppléer l'eliipse, comme une des principales clés de cette langue.

On doit être suffisamment convaincu par tout ce qui précede, que le génitif fait l'office de déterminatif à l'égard du nom auquel il est subordonné: mais il faut bien se garder de conclure que ce soit le seul moyen qu'on puisse employer pour cette détermination. Il faut bien qu'il y en ait d'autres dans les langues dont les noms ne reçoivent pas les inflexions appellées cas.

En françois on remplace assez communément la fonction du génitif latin par le service de la préposition de, qui par le vague de sa signification semble exprimer un rapport quelconque; ce rapport est spécifié dans les différentes occurrences (qu'on nous permette les termes propres) par la nature de son antécédent & de son conséquent. Le créateur de l'univers, rapport de la cause à l'effet: les écrits de Cicéron, rapport de l'effet à la cause: un vase d'or, rapport de la forme à la matiere: l'or de ce vase, rapport de la matiere à la forme, &c. En hébreu, on employe des préfixes, sortes de prépositions inséparables, dont quelqu'une est spécialement déterminative d'un terme antécédent. Chaque langue a son génie & ses ressources.

La langue latine elle - même n'est pas tellement restrainte à son génitif déterminatif, qu'elle ne puisse remplir les mêmes vûes par d'autres moyens: Evandrius ensis, c'est la même chose qu'ensis Evandri; liber meus, c'est liber mei, liber pertinens ad me; domus regia, c'est domus regis. On voit que le rapport de la chose possédée au possesseur, s'exprime par un adjectif véritablement dérivé du nom du possesseur, mais qui s'accorde avec le nom de la chose possédée; parce que le rapport d'appartenance est réellement en elle & s'identifie avec elle.

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