ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"566"> ment ne semble avoir aucune proportion avec leur état au tems de leur naissance, & dont les premieres figures se perdent totalement dans les figures nouvelles qu'ils acquierent. Qui pourroit reconnoître le même animal dans le ver dont se forme ensuite le papillon? &c.

Cette découverte des animalcules dans la semence, qu'on doit à Lewenhoeck principalement, & à Hartsoëker, fut confirmée ensuite par Valisnieri, Andry, Bourguet, & plusieurs autres observateurs. Ces animalcules sont, disoient - ils, de différente figure dans les différentes especes d'animaux; cependant ils ont tous cela de commun, qu'ils sont longs, menus, sans membres: ils sont en si grand nombre, que la semence paroît en être composée en entier, & Lewenhoeck prétend en avoir vû plusieurs milliers dans une goutte plus petite qu'un grain de sable. Selon les observations d'Andry, ils ne se trouvent que dans l'âge propre à la génération, que dans la premiere jeunesse; & dans la grande vieillesse ils n'existent point. Ils se remuent avec beaucoup de vîtesse dans la semence des animaux sains; ils sont languissans dans ceux qui sont incommodés, sur - tout dans la semence des vérolés: ils n'ont aucun mouvement dans la semence des impuissans. Ces vers dans l'homme ont la tête, c'est - à - dire l'une des deux extrémités par lesquelles se termine leur corps, plus grosse, par rapport à l'autre extrémité, qu'elle ne l'est dans les autres animaux; ce qui s'accorde, dit le même Andry, avec la figure du fétus, dont la tête en effet est beaucoup plus grosse, à proportion du corps, que celle des adultes.

D'après ces différentes observations, la plûpart de ceux qui les avoient faites crurent être bien fondés à renoncer au système des oeufs, & à s'y opposer de toutes leurs forces. Ils disoient que les femelles ne fournissant rien de pareil aux animalcules de la semence des mâles, qui avoient été trouvés par Lewenhoeck dans la matrice même & dans les trompes d'une chienne, peu de tems après avoir été couverte; il étoit évident que la fécondité qu'on attribuoit aux femelles de tous les animaux, appartenoit au contraire aux mâles; que n'y ayant que la semence de ceux - ci dans la quelle on puisse découvrir quelque chose de vivant, ce fait seul avançoit plus l'explication de la génération, que tout ce qu'on avoit imaginé auparavant, puisqu'en effet ce qu'il y a de plus difficile à concevoir dans la génération, c'est la production de l'être qui a vie, l'origine de la vie elle - même; que tout le reste est accessoire, & qu'ainsi on ne pouvoit pas douter que ces petits animaux de la semence humaine ne fussent destinés à devenir des hommes, comme ceux de la semence des autres animaux à devenir des animaux parfaits dans chaque espece. Et lorsqu'on opposoit aux partisans de ce système, qu'il ne paroît pas naturel d'imaginer que de plusieurs millions d'animalcules, dont chacun pouvoit devenir un homme ou un autre animal parfait, il n'y eût qu'un seul de ces animalcules qui eût cet avantage; lorsqu'on leur demandoit pourquoi cette profusion inutile de germes d'hommes, ils répondoient que c'étoit la magnificence & la profusion ordinaire de la nature; que dans les plantes & dans les arbres on voyoit bien que de plusieurs millions de graines qu'ils produisent naturellement, il n'y en a qu'un très - petit nombre employées à la reproduction de l'espece; & qu'ainsi on ne devoit point être étonné de celui des animaux spermatiques, quelque prodigieux qu'il fut. Tout concourt donc, concluoient - ils, à favoriser le systeme qui leur attribue d'être les principaux agens de la génération, & à faire rejetter celui des oeufs.

Cependant, disoient quelques - uns, si l'on veut absolument leur attribuer encore quelqu'usage pour l'oeuvre de la fécondation, & qu'ils soient employés dans les femelles des vivipares comme dans celles des ovipares, ces oeufs, dans les unes & dans les autres, peuvent être admis, comme un reservoir qui contient la matiere nécessaire pour fournir à l'accroissement du ver spermatique: il y trouve une nourriture préparée à cet effet; & lorsqu'il y est une fois entré, après avoir rencontré l'ouverture du pédicule de l'oeuf, & qu'il s'y est logé, un autre ne peut plus y entrer, parce, disent - ils, que celui qui s'y est introduit, bouche absolument le passage, en remplissant la cavité; ou bien parce qu'il y a une soupape à l'ouverture du pédicule, qui peut jouer loisque l'oeuf n'est pas absolument plein, mais qui ne peut plus s'ouvrir lorsque l'animalcule a achevé de remplir l'oeuf. Cette soupape est d'ailleurs imaginée là fort à - propos, parce que s'il prend envie au nouvel hôte de sortir de l'oeuf, elle s'y oppose; il est obligé de rester & de se transformer. Le ver spermatique est alors le vrai fétus, la substance de l'oeuf le nourrit, les membranes de cet oeuf lui servent d'enveloppe; & lorsque la nourriture contenue dans l'oeuf commence à manquer, que l'oeuf lui - même a grossi par l'humidité qu'il pompe dans la matrice, comme une graine dans la terre, il s'applique à la surface intérieure de ce viscere, s'y attache par des racines, & tire par leur moyen sa nourriture & celle du fétus, du sang de la mere, jusqu'à ce qu'il ait pris assez d'accroissement & de force pour rompre enfin ses liens, & sortir de la prison par sa naissance.

Par ce système des vers spermatiques en général, ce n'est plus la premiere femme qui renfermoit les races passées, présentes & futures; mais c'est le premier homme qui en effet contenoit toute sa postérité. Les germes préexistans ne sont plus des embryons sans vie, renfermés comme de petites statues dans des oeufs contenus à l'infini les uns dans les autres; ce sont de petits animaux, de petits homancules, par exemple, réellement organisés & actuellement vivans, tous renfermés les uns dans les autres, auxquels il ne manque rien, & qui deviennent parfaits par un simple développement aidé d'une transformation semblable à celle que subissent les insectes avant d'arriver à leur état de perfection.

Cette transformation, qui ne fut d'abord proposée que comme une conjecture, que comme le résultat d'un raisonnement fait par analogie, parut ensuite être prouvée, démontrée par la prétendue découverte concernant les animalcules de la semence de l'homme, publiée dans les nouvelles de la république des Lettres (année 1669), sous le nom de Dalempatius, qui assûroit qu'ayant observé cette liqueur prolifique, il y avoit trouvé des animaux semblables aux têtards, qui doivent devenir des grenouilles; que leur corps lui parut à - peu - près gros comme un grain de froment; que leur queue étoit quatre ou cinq fois plus longue que le corps; qu'ils se mouvoient avec une grande agitation, & frappoient avec la queue la liqueur dans laquelle ils nageoient. Mais, chose plus merveilleuse, il ajoûtoit qu'il avoit vû un de ces animaux se développer, ou plûtôt quitter son enveloppe; que ce n'étoit plus un animal tel qu'auparavant, mais un corps humain, dont il avoit très - bien distingué les deux bras, les deux jambes, le tronc, & la tête, à laquelle l'enveloppe servoit de capuchon. Il ne manquoit à cette observation, pour les conséquences qu'on vouloit en tirer, que la vérité du fait. L'auteur, qui étoit, sous le nom emprunté de Dalempacius, M. de Plantade, secrétaire de l'académie de Montpellier, a souvent avoüé que toute cette prétendue découverte est absolument supposée, & qu'il n'avoit eu, en la produisant, d'autre dessein que de s'amuser aux dépens des admirateurs, trop crédules, de ces sortes d'observa<pb-> [p. 567] tions; en quoi il ne réussit que trop bien dans le tems ou il voulut ainsi en imposer au monde savant, de sorte qu'il ne contribua même pas peu à faire adopter au grand Boerhaave le système des animalcules, avec toutes ses dépendances.

Les deux opinions sur la génération, qui viennent d'être rapportees; c'est - à - dire celle des oeufs, comme contenant les rudimens du fétus; & celle des vers spermatiques, comme formant eux - mêmes ces rudimens, ont partagé presque tous les Physiciens depuis environ un siecle. La plûpart de ceux qui ont eerit nouvellement sur ce sujet, ont embrassé l'un ou l'autre de ces sentimens; mais le système qui attribue aux oeufs presque tous les principes de la génération, a été le plus reçu, & est resté le dominant danstes écoles. Il est donc important de rapporter ici les principales raisons qui ont été employées pour soûtenir, pour defendre ce systeme, & pour combattre celui des animaleules.

On a commencé par lbjecter contre la destination des ammalcules, qu'il ne paroît pas vraissemblable que l'Auteur de la nature ait voulu les employer en si grande quantité (en tant qu'une seule goutte de semence versée dans la matrice, en contient un nombre infini), pour les sacrifier tous, selon la supposition de quelques partisans des vers, au plus fort d'entr'eux, qui parvient à en faire un massacre général avant que de s'emparer seul de la matrice ou de l'oeuf; ou, selon que l'ont imaginé d'autres, pour faire périr presque tous ces animalcules dans l'une de ces deux cavités, en tant qu'elles ne sont propres à fournir asyle qu'à un ou deux animalcules tout - auplus; tandis que tout le reste se trouvant pour ainsi dire dans un climat qui lui est contraire, ne peut pas s'y conserver, & qu'il n'y a que les plus robustes qui resistent. On oppose ensuite le desaut de proportion entre le volume des animalcules, observé dans la semence des differens animaux, & les animaux même qui sont supposés devoir en être produits. En effet Lewenhoeck avoue qu'il n'a point trouvé de différence entre les animalcules de la semence des plus petits insectes, & ceux de la semence des grands animaux; d'où on peut, ce semble, assez raisonnablement inférer qu'ils ne sont point destinés à changer d'état, & qu'ils sont simplement habitans de la liqueur séminale, comme ils le sont dans bien d'autres humeurs animales, où il en a aussi été découvert, telles que la salive, à l'egard de laquelle Lewenhoeck dit qu'il avoit trouve que sa bouche contenoit plus de ces animalcules que la Hollande ne contient d'nabitans. On prétend encore prouver que les animalcules ne sont point destinés à joüer le principal rôle dans la génération, de ce qu'il ne s'en trouve point dans la semence de plusieurs animaux, tels que les petits cochons d'Inde, & le coq sur - tout, cet animal si porté à travailler à la multipl cation de son espece, tandis qu'il se trouve de ces animalcules dans la prétendue semence de la femme, selon que le rapporte Valisnieri, d'après l'observation certaine d'un docteur italien de ses amis, nommé Buono, qui s'etoit permis des recherches à ce sujet.

On remarque enfin, contre les animalcules considérés comme propres à former le fétus dans tous les animaux, que quoiqu'ils ayent éte facilement observés dans la semence du mâle tirée de ses propres reservoirs, il n'est aucun observateur, selon le temoignage même de Valisnieri, qui ait jamais assûré les avoir retrouvés dans cette semence, lorsqu'elle a été injectée dans la matrice, où ii devroit y en avoir au moins quelqu'un qui parut plus sensiblement & avec plus de vigueur, à proportion qu'il seroit plus disposé à changer de forme. Il ne conste pas davantage que l'on en ait decouvert dans les trompes & dans les ovaires, où l'unagination seule d'Andry les a fait pénétrer, puisque les meilleurs microscopes ne les y ont pu faire appercevoir.

Pour achever de renverser l'opinion des animalcules prolifiques, on demande de quelle maniere ils se reproduisent eux - mêmes; ce qui ramene la difficulté commune à tous les systèmes, pour trouver en quoi consiste le premier principe vivifiant dans l'ordre physique de la fécondation; principe qu'on ne peut attribuer aux animalcules, qu'en remontant de ceux qui contiennent d'autres animalcules dans leur semence, à ceux qui y sont contenus, & ainsi de ceux - ci à d'autres, par un progrès de diminution à l'infini qui paroît absurde, d'autant plus qu'il ne décide rien.

Mais ne peut - on pas douter même si ces prétendus animalcules sont veritablement des êtres organisés, vivans? M. Lieberkuhn, célebre observateur microscopique de Berlin, prétend être fondé à le nier; ainsi il ne resteroit plus aucun fondement au système qui les fait regarder comme les propagateurs de la vie animale.

Enfin on a observé des animalcules, ou de petits êtres crus tels, dans l'infusion de plusieurs sortes de plantes: il ne s'ensuit pas cependant qu'ils soient des embryons de plantes, & qu'ils servent à la reproduction des vegétaux.

C'est donc d'après ces différentes raisons, si propres à faire rejetter le système des animalcules dans l'oeuvre de la génération, que la plûpart des medecins & autres physieiens se sont plus fortement attachés au systeme des oeufs fournis par les testicules des femelles, fécondés par la liqueur seminale des máles, sans qu'elle opere autre chose que de mettre en jeu les rudimens du fétus, déjà délinéés dans l'oeuf. Ils nt crû devoir préférer ce système, qui est fondé sur an si grand nombre d'expériences, qu'il semble étonnant que l'on puisse se refuser aux apparences de certitude qu'il présente, s'il y a quelque chose de bien certain en fait d'observations physiques.

Eu effet, les partisans des oeufs alleguent pour fondement de leur opinion, 1° que l'on ne peut pas douter que les petites bulles qui composent ce que les anciens appellent les testicules des femelles vivipares, ne soient de vrais oeufs, comme dans les femelles ovipares; que ces oeufs ne renferment les rudimens du fetus, Ruisqu'il a été trouvé des oeufs encore attachés à leur ovaire, qui n'ayant pû s'en détacher après y avoir été fécondés, y avoient pris leur accroissement, au point que l'embryon y étoit apperçû sensiblement, ayant toutes ses parties bien formées: tel est le cas rapporté par M. Littre, mém. de l'acad. 1707. Valisnieri rapporte un exemple pareil, d'après un journal de Médecine de 1663. Selon plusieurs auteurs cités par M. de Haller dans ses notes sur les commentaires des institutions de Boerhaave, on a vû des oeufs adhérans à l'ovaire, qui contenoient des portions de fétus, telles que des os, des dents, des cartilages qui s'y étoient formés, c'est - à - dire qui y avoient pris accroissement par une suite de fecondation imparfaite.

2°. Que l'on a trouvé plusieurs fétus de différentes grandeurs, qui étoient attachés par leur placenta à quelque partie du bas - ventre, de la même maniere qu'ils doivent être naturellement attachés aux parois de la matrice, & qui n'avoient pû s'être égarés ainsi, qu'en tant que des oeufs avoient été détachés de l'ovaire après la fécondation, sans avoir été reçûs par les trompes de Fallope, pour être portés dans la matrice. Il y a une infinité d'exemples de conceptions suivies de grossesses, dans lesquelles les fétus étoient placés hors de la matrice, dans les enveloppes qui leur sont propres. On peut consulter à ce

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