ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Garde royale (Page 7:490)

Garde royale, en Normandie, est celle qui appartient au roi sur les enfans mineurs à cause des fiefs nobles qu'ils possedent, mouvans immédiatement du roi, soit à cause de sa couronne ou à cause de son domaine.

Cette espece particuliere de garde, qui est propre à la province de Normandie, paroît avoir eu la même origine que la garde seigneuriale, & conséquemment la même origine que la garde noble, c'est - à - dire de suppléer au service militaire que les vassaux mineurs n'étoient pas en état de faire.

Nous croyons par la même raison que l'usage de la garde royale est aussi ancien que celui de la garde seigneuriale ou garde noble dans les autres coûtumes.

Mais il y a aussi lieu de croire que cette garde fut d'abord ducale avant d'être royale; les fiefs ayant commencé à devenir héréditaires vers la fin de la seconde race & au commencement de la troisieme, c'est - à - dire dans le dixieme siecle. Rollo qui fut premier duc de Normandie en 910, ou quelqu'un de ses successeurs ducs, établit sans doute la garde seigneuriale ou ducale, à l'imitation des autres seigneurs. Ceux - ci la remirent ensuite aux parens, moyennant un droit de rachat; au lieu que les ducs de Normandie continuerent de joüir par eux - mêmes du droit de garde: aussi Terrien, qui a travaillé sur l'ancienne coûtume, ne parle - t - il pas de la garde royale, mais seulement de la garde d'orphelins, qu'il divise en deux especes, savoir celle qui appartient au duc de Normandie, & celle qui appartient aux autres seigneurs de la même province.

Cette garde ducale devint royale, soit lorsque Guillaume II. dit le Bâtard & le Conquérant, septieme duc de Normandie, eut conquis le royaume d'Angleterre, ce qui arriva l'an 1066; ou bien lorsque la Normandie fut réunie à la couronne de France par Philippe - Auguste.

Mais Terrien s'est trompé, en supposant que la garde avoit été introduite en Angleterre depuis que les ducs de Normandie en ont été rois: car les barons d'Ecosse accorderent le relief & la garde à Malcome II. qui monta sur le throne d'Ecosse en 1004.

Il n'y a en Normandie que deux sortes de garde, savoir la garde royale & la garde seigneuriale; la garde bourgeoise n'y a pas lieu.

Le privilége de la garde royale est que le roi fait les fruits siens, non - seulement de ce qui échet pour raison des fiefs nobles tenus immédiatement de lui, & pour raison desquels on tombe en garde: mais il a aussi la garde, & fait les fruits siens de tous les autres fiefs, rotures, rentes, & revenus, tenus d'autres seigneurs que lui, médiatement ou immédiatement; au lieu que la garde seigneuriale ne s'étend que sur les fiefs nobles ou qui relevent immédiatement des seigneurs particuliers, & non sur les autres fiefs nobles ou autres héritages relevans & mouvans d'autres seigneurs que d'eux. La raison de cette différence est que la majesté royale seroit blessée de souffrir un partage avec d'autres seigneurs qui sont les sujets du roi.

Si les arriere - vassaux du roi viennent à tomber en garde noble, pour raison des fiefs nobles qui relevent immédiatement des mineurs tombés en la garde noble royale, le roi fait pareillement siens les fruits & revenus de ces arriere - fiefs, tant que dure la garde noble royale des vassaux immédiats, & que les arrierevassaux sont mineurs: de sorte que si la minorité de ceux - ci duroit encore après la garde noble royale finie, ils tomberoient en la garde du seigneur immédiat pour le restant de leur minorité, & ne seroient plus dans la garde royale.

La garde royale ne s'étend point sur des fiefs & biens situés dans une autre coûtume que celle de Normandie, à - moins qu'elle n'eût quelque disposition semblable.

Les apanagistes ni les engagistes du domaine n'ont point la garde royale; c'est un droit de la couronne qui est inaliénable.

Le roi ne tire aucun bénéfice de la garde noble royale; il en gratifie ordinairement les mineurs, ou leurs pere ou mere, ou quelqu'un de leurs parens ou amis: mais le droit de patronage qui appartient aux mineurs étant en la garde du roi, n'est point compris dans le don ou remise que le roi fait de la garde.

S'il n'y a qu'un seul bénéfice, le roi y présente à l'exclusion de la doüairiere qui joüit du fief; mais s'il y en a plusieurs, la doüairiere présente au bénéfice dont le patronage est attaché au fief dont elle joüit.

La garde royale ou seigneuriale ne commence que du jour qu'elle est demandée en justice, si ce n'est par rapport à la présentation aux bénéfices.

Elle finit à l'âge de vingt - un ans accomplis, pour les mâles; au lieu que la garde seigneuriale finit à vingt ans, tant pour les mâles que pour les filles.

La garde royale finit à l'âge de vingt ans accomplis pour les filles, & même plûtôt si elles sont mariées du consentement de leur seigneur & des parens & amis: c'est la même chose, à cet égard, pour la garde seigneuriale.

Les charges de la garde royale sont les mêmes que celles de la garde seigneuriale & de la garde noble en général.

Ceux auxquels le roi a fait don ou remise de la garde royale, sont en outre obligés d'en rendre compte aux mineurs lorsque la garde est finie, excepté lorsque le donataire est étranger à la famille.

Le donataire de la garde qui est parent du mineur, est seulement exempt des intérêts pupillaires; il ne peut demander que ses voyages & séjours, & non des vacations.

Le don ou remise de la garde fait à la mere, quoiqu'elle ne soit pas tutrice, ou au tuteur depuis son élection, est réputé fait au mineur, au profit duquel ils sont obligés de tenir compte des intérêts pupillaires; ce qui a lieu pareillement quand lors de l'élection le tuteur ne s'est point réservé à joüir de la garde qui lui étoit acquise avant sa tutelle. Art. 36. du réglement de 1666.

En concurrence de plusieurs donataires de la garde royaie, celui qui est parent est préféré à l'étranger; & entre parens, c'est le plus proche. Voyez ci - après Garoe seigneuriale; & les commentateurs de la coûtume de Normandie, sur les articles 214. & suiv. (A)

Garde seigneuriale (Page 7:490)

Garde seigneuriale, en Normandie, est la garde noble des enfans mineurs, qui appartient aux seigneurs particuliers de fiefs, à cause des fiefs qui relevent immédiatement d'eux. L'origine de ce droit est la même que celle de la garde royale & de la garde noble en général.

Cette garde ne s'étend point sur les autres fiefs & biens des mineurs; quand même ces biens seroient aussi situés en Normandie.

Le seigneur qui a la garde fait les fruits siens, sans être obligé d'en rendre compte, ni de payer aucun reliquat.

Le devoir du seigneur est de veiller sur la personne & sur les intérêts du mineur; de ne rien faire à son préjudice; enfin d'en user comme un bon pere de famille: autrement, si le seigneur abusoit de la garde, on pourroit l'en faire décheoir.

Il est libre au seigneur, quoiqu'il ait accepté la garde, d'y renoncer dans la suite, s'il reconnoît qu'elle lui soit plus onéreuse que profitable.

Le seigneur n'est obligé à la nourriture, & n'entretient des mineurs sur les biens compris en la garde, qu'au cas qu'ils n'ayent point d'ailleurs de revenu suffisant. [p. 491]

On donne un tuteur au mineur pour les biens qui n'entrent pas dans la garde.

Mais si le tuteur & les parens du mineur abandonnent au seigneur la joüissance de tous les biens des mineurs, alors il est obligé d'entretenir le mineur selon son état & eu égard à la valeur des biens, de contribuer au mariage des filles, de conserver le fief en son intégrité, & d'acquitter les arrerages des rentes foncieres hypothécaires & charges réelles.

S'il y a plusieurs seigneurs ayant la garde noble à cause de divers fiefs appartenans au mineur, chacun contribue aux charges de la garde pour sa quotepart; & si les seigneurs y manquoient, les tuteurs ou parens pourroient les y contraindre par justice.

Le seigneur qui a la garde doit entretenir les biens comme un bon pere de famille.

Si pendant que le mineur est en la garde de son seigneur, ceux qui tiennent quelque fief noble de ce mineur tombent aussi en garde, elle appartient au mineur, & non à son seigneur; à la différence de la garde royale, qui s'étend sur les arriere siefs.

La garde seigneuriale finit à l'âge de vingt ans accomplis, tant pour les mâles que pour les filles; & pour la faire cesser, il suffit de faire signifier au seigneur le passé - âge, c'est - à - dire que le mineur est devenu majeur.

Elle peut finir plûtôt à l'égard des filles par leur mariage, pourvû qu'il soit fait du consentement du seigneur gardien & des parens & amis.

Si la fille qui est sortie de garde épouse un mineur, elle retombe en garde.

La femme mariée ne retombe point en garde encore que son mari meure avant qu'elle ait l'âge de 20 ans.

Celui qui sort de garde ne doit point de relief à son seigneur.

La fille aînée mariée, qui n'a pas encore vingt ans accomplis, ne tire point ses soeurs puînées hors de garde jusqu'à ce qu'elles soient mariées ou parvenues à l'âge de vingt ans; sauf à la fille aînée à demander partage au tuteur de ses soeurs. Voyez les commentateurs de la coûtume de Normandie, sur les art. 214. & suiv. jusque & compris l'art. 234; & ci - devant Garde royale. (A)

Garde, (Droit de - (Page 7:491)

Garde, (Droit de - ) droit qui se levoit anciennement par les seigneurs, & que les titres appellent garda ou gardagium; il est souvent nommé conjointement avec le droit de guet. Les vassaux & autres hommes du seigneur etoient obligés de faire le guet & de monter la garde au château pour la défense de leur seigneur. Ce service personnel fut ensuite converti en une redevance annuelle en argent ou en grains. Il en y a des titres de l'an 1213, 1237, & 1302, dans l'histoire de Bretagne, tome I. pp. 334, 372, & 452: il y en a aussi des exemples dans l'histoire de Dauphiné par M. de Valbonnais.

La plûpart des seigneurs s'arrogerent ces droits, sous prétexte de la protection qu'ils accordoient à leurs vassaux & sujets dans les tems des guerres privées & des incursions que plusieurs barbares firent dans le royaume: dans ces cas malbeureux, les habitans de la campagne se retiroient avec leurs femmes, leurs enfans, & leurs meilleurs effets, dans les châteaux de leurs seigneurs, lesquels leur vendirent cette garde, protection ou avoüerie, le plus cher qu'ils purent; ils les assujettirent à payer un droit de garde en blé, vin, ou argent, & les obligerent de plus à saire le guet.

On voit dans le chap. lüj. des établissemens de S. Louis, que dans certains lieux les sujets étoient obligés à la garde avec leurs femmes; en d'autres, ils n'étoient pas obligés de mener leurs femmes avec eux; & quand ils n'en avoient pas, ils devoient mener avec eux leurs sergens, c'est - à - dire leurs servireurs ou leur ménage. La garde ou le guet obligeoient l'homme à passer les nuits dans le chateau du seigneur, lorsqu'il y avoit necessité; & l'homme avoit le jour à lui. Ces droits de guet & de garde furent dans la suite reglés par nos rois; Louis XI. les regla à cinq sols par an. Voyez ci - après Guet; & le gloss. de M. de Lauriere, aux mots lige - étage & guet & garde. (A)

Garde, (Denier de - (Page 7:491)

Garde, (Denier de - ) est une modique redevance de quelques deniers, qui se paye au seigneur pour les années qu'une terre labourable se repose; & la rente, champart, terrage, agrier, ne se paye que pour les autres années où la terre porte des fruits. Il est parlé de ce droit dans plusieurs anciens baux passés sous le seel de la baillie de Mehun - sur - Yevre, qui ont été faits à la charge de rente fonciere & de garde. On voit dans le proces - verbal de la coûtume du grand Perche, que ce droit est prétendu par le baron de Loigny: il en est aussi fait mention en la quest. jx. des decisions de Grenoble. (A)

Garde des Eglises (Page 7:491)

Garde des Eglises, est la protection spéciale que le roi ou quelqu'autre seigneur accorde à certaines églises; nos rois ont toûjours pris les églises sous leur protection.

S. Louis confirma en 1268 toutes les libertés, franchises, immunités, prérogatives, droits & priviléges accordés, tant par lui que par ses prédécesseurs, aux églises, monasteres, lieux de piété, & aux religieux & personnes ecclésiastiques.

Philippe - le - Bel, par son ordonnance du 23 Mars 1308, déclara que son intention étoit que toutes les églises, monasteres, prélats, & autres personnes écclésiastiques, fussent sous sa protection.

Le même prince déclara que cette garde n'empêchoit pas la jurisdiction des prélats: lorsque cette garde emportoit une attribution de toutes les causes d'une église à un certain juge, elle étoit limitée aux églises qui étoient d'ancienneté en possession de ce droit; & Philippe - le - Bel déclara même que dans la garde des eglises & monasteres, les membres qui en dépendent n'y étoient pas compris.

Il étoit défendu aux gardiens des églises, ou aux commissaires députés de par le roi & par les sénéchaux, de mettre des pannonceaux ou autres marques de garde royale sur les biens des églises, àmoins qu'elles n'en fussent en possession paisible, ou à - peu - près telle. Lorsqu'il y avoit quelque contestation sur cette possession, le gardien ou le commissaire faisoit ajourner les parties devant le juge ordinaire; & cependant il leur faisoit défense de rien faire au préjudice l'un de l'autre: il ne poursuivoit personne pro fractione gardioe, c'est - à - dire, pour contravention à la garde, à - moins que cette garde ne fût notoire, telle qu'est celle des cathédrales & de quelques monasteres qui sont depuis très - long - tems sous la garde du roi, ou que cette garde n'eût été publiée dans les assises, ou signifiée à la partie.

Philippe VI. dit de Valois, promit par rapport à certaines sénéchaussées qui étoient par - delà la Loire, qu'il n'accorderoit plus de garde dans les terres des comtes & barons, ni dans celles de leurs sujets, sans connoissance de cause, les nobles appellés, excepté aux églises & monasteres, qui de toute ancienneté sont sous la garde royale, & aux veuves, pupilles, & aux clercs vivant cléricalement, tant qu'ils seroient dans cet état; que si dans ces sénéchaussées, les sujets des hauts - justiciers ou autres violoient une garde, les juges royaux connoîtroient de ce délit, mais qu'ils ne pourroient condamner le délinquant qu'à la troisieme partie de son bien; que la poursuite qu'ils feroient contre lui, n'empêcheroit pas le juge ordinaire du haut - justicier de procéder contre le délinquant, comme à lui appartiendroit; mais que si le crime étoit capital, il ne pourroit rendre sa sentence que les juges royaux n'eussent rendu la leur au sujet de la sauve - garde.

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