ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
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"488"> ont resusé à ces derniers la garde ou le bail, comme on voit dans la coûtume de Châteauneuf en Thimerais, art. 139. qui porte que dans cette baronnie bail de mineurs n'aura plus lieu, mais qu'il sera pourvû de tuteurs & curateurs, sinon que les peres ou meres eussent pris la garde d'iceux mineurs.

Les anciennes ordonnances ont compris sous le terme de bail l'administration des ascendans aussi bien que celle des collatéraux; l'une & l'autre est nommée ballum dans une ordonnance de saint Loüis du mois de Mai 1246. Cette même ordonnance distingue néanmoins la garde du bail; la garde paroît prise pour le soin de la personne, & le bail pour l'administration des biens. En effet cette même ordonnance veut que le collatéral héritier présomptif du fief du mineur en ait le bail, mais que la garde de la personne du mineur appartienne au collatéral qui est dans le degré suivant.

Les Anglois qui ont emprunté comme nous la garde du droit féodal, nous en fournissent des exemples fort anciens. Malcome II. roi d'Ecosse, qui monta sur le throne en 1004, traita avec ses sujets auxquels il donna les terres qu'ils possédoient, à la charge de les tenir de lui à foi & hommage, & tous les barons lui accorderent le relief & la garde; & omnes barones concesserunt sibi wardam & relevium de hoerede cujuscumque baronis defuncti ad sustentationem domini regis. La charte des libertés d'Angleterre de l'an 1215, fait aussi mention de la garde.

En France l'acte le plus ancien que je connoisse où il soit parlé du bail ou garde des mineurs, c'est une charte de l'an 1227, rapportée par Duchesne dans ses preuves de l'histoire de la maison de Chatillon.

Matthieu Paris en parle aussi aux années 1231, 1245 & 1257, où l'on voit que le roi vendoit ou donnoit la garde des mineurs à qui bon lui sembloit.

La plus ancienne ordonnance qui concerne le bail & la garde, est celle de saint Loüis du mois de Mai 1246, qui a pour objet de régler le bail & le rachat dans les coûtumes d'Anjou & du Maine.

Le chap. xvij. des établissemens faits par ce même prince en 1270, porte que la mere noble a le bail de son hoir mâle jusqu'à 21 ans, & celui de la fille jusqu'à 15, au cas qu'il n'y ait pas d'hoir mâle. Il paroît résulter de - là que quand il y avoit un enfant mâle, la fille ne tomboit pas en garde ou en bail, l'aîné étoit apparemment saisi de toute la succession, & gagnoit les fruits jusqu'à ce que ses puînés l'eussent sommé de leur en faire partage.

Le chap. cxvij. de cette même ordonnance veut que la garde du fief soit donnée à celui qui en est héritier présomptif, & la garde de la personne à un autre parent, de crainte que l'héritier ne desirât plûtôt la mort que la vie des enfans; & l'on ne donnoit joüissance de la terre du mineur à celui qui avoit la garde de sa personne, qu'autant qu'il en falloit pour le nourrir.

A l'égard des roturiers, les pere & mere étoient les seuls qui eussent le bail de leurs enfans; & en cas qu'ils fussent tous deux décédés, l'héritier présomptif pouvoit bien tenir les enfans; mais ils avoient la liberté d'aller demeurer chez un autre parent ou même chez un étranger qui avoit le soin de leurs personnes & de leurs biens.

Le roi Jean qui étoit bail & garde du duc de Bourgogne, étant prisonnier en Angleterre, son fils aîné, comme le représentant, fit les fonctions de bail, & en cette qualité donna des bénéfices dont la nomination appartenoit au duc de Bourgogne.

Anciennement il n'y avoit que les fruits des héritages féodaux qui tombassent en garde, ce qui s'observe encore dans les coûtumes de Vermandois & de Melun.

La garde n'étoit point considérée comme un avantage; mais insensiblement les gardiens étendirent leurs droits au préjudice des mineurs. Ces usages furent reçus diversement dans les coûtumes.

Quelques - unes n'usent que du terme de garde pour designer cette administration, comme celle de Paris; d'autres l'appellent simplement bail, comme celle du Maine; d'autres disent garde ou bail indifféremment, telle que la coûtume de Peronne.

D'autres distinguent la garde du bail. Celle d'Orléans dit que les ascendans sont gardiens, que les baillistres sont la mere ou ayeule remariée & les collatéraux; celles de Melun & de Mantes déferent le bail aux collatéraux; celle de Reims dit que bail d'enfant n'a lieu, & elle ne défere la garde qu'aux ascendans.

La coûtume de Blois joint ensemble les termes de garde, gouvernement, & administration.

Quelques coûtumes, comme celles de Mantes & d'Anjou, n'admettent la garde que pour les nobles, & non pour les roturiers; d'autres, comme Paris, admettent l'une & l'autre.

En Normandie il y a garde royale & garde seigneuriale.

En Bretagne les enfans tomboient aussi en la garde du duc & des autres seigneurs; mais ce droit fut changé en rachat par accord fait entre Jean duc de Bretagne, fils de Pierre Mauclerc, & les nobles du pays.

Quelques coûtumes, comme celle de Châlons, n'admettent ni garde ni bail.

Enfin quelques - unes n'en parlent point, & ont pourvû en diverses autres manieres à l'administration des mineurs & de leurs biens, & aux droits des pere, mere, & autres ascendans.

Le droit commun & le plus général que l'on suit présentement par rapport à la garde qui a lieu pour les pere, mere, & autres parens, est qu'on la considere comme un avantage accordé au gardien, parce qu'ordinairement il y trouve du bénéfice, & qu'il ne l'accepte que dans cette vûe.

Elle participe de la tutelle, en ce que le gardien est chargé de nourrir & entretenir les mineurs selon leur condition, & qu'il a l'administration de leurs biens qui tombent en garde: mais le pouvoir du tuteur est beaucoup plus étendu.

Les pere & mere mineurs ont la garde de leurs enfans, aussi - bien que les majeurs: mais on donne un tuteur ou curateur au gardien, lorsqu'il est mineur.

Les dispositions entre - vifs ou testamentaires, par lesquelles les ascendans ordonneroient que leurs enfans ne tomberont pas en garde, ne seroient pas valables, parce qu'ils ne peuvent pas ôter ce droit au survivant, qui le tient de la coutume.

La garde n'est jamais ouverte qu'une fois à l'égard des mêmes enfans; quand on ne l'a pas prise lorsqu'elle étoit ouverte, on ne peut plus y revenir; & elle ne se réitere point, c'est - à - dire que les enfans ne tombent jamais deux fois en garde.

Si les ascendans ont laissé créer un tuteur à leurs enfans ou petits - enfans, ils ne peuvent plus en prendre la garde, quand même ce seroit eux qui seroient tuteurs, à - moins qu'ils ne se soient reservé expressément la faculté de prendre la garde.

La garde doit être acceptée en personne, & non par procureur.

L'acceptation ne peut pas être faite au greffe, mais en jugement, c'est - à - dire l'audience tenante. L'usage est que le gardien se présente assisté d'un procureur, qui requiert lettres de ce que sa partie accepte la garde; ce que le juge lui accorde.

Les juges de privilége ne peuvent pas déférer la garde; c'est au juge ordinaire du domicile du défunt à la déférer. Cette regle ne reçoit d'exception qu'à l'é<pb-> [p. 489] gard des princes & princesses du sang, auxquels la garde est déférée par le parlement; & il est bon à ce propos de relever une fausse tradition qui a eu cours à ce sujet, savoir, que lorsque Gaston, frere de Louis XIII. voulut prendre la garde noble de ses filles; pour le dispenser d'aller au châtelet, le roi rendit une déclaration, par laquelle il transféra le châtelet pour vingt - quatre heures au palais d'Orléans, dit Luxembourg, où demeuroit Gaston; que le châtelet y tint son audience, pendant laquelle Gaston vint en personne accepter la garde. Cependant il est certain qu'il y a arrêt du parlement du 2 Septembre 1627, qui montre que l'acceptation de la garde noble y fut véritablement faite par Gaston duc d'Orléans.

Dans les coûtumes qui ne fixent point le tems pour accepter la garde, elle peut toûjours être demandée tant qu'il n'y a pas de tuteur nommé.

L'acceptation de la garde faite rebus integris, a un effet rétroactif au jour de l'ouverture de la garde.

Celui qui a une fois accepté la garde ne peut plus s'en démettre que du consentement de ses mineurs; mais il peut s'en démettre malgré ses créanciers.

Le gardien même mineur n'est point relevé de son acceptation, sous prétexte de minorité, lésion, ou autrement.

Dans les coûtumes où le gardien, soit noble ou roturier, gagne les meubles, il n'en fait point d'inventaire: mais il doit toûjours faire inventorier les titres & papiers, pour en constater la quantité & la valeur, afin que l'on ne puisse pas lui en demander davantage: cet inventaire doit être fait avec le tuteur ou subrogé - tuteur des enfans.

Si le gardien est en communauté de biens avec ses enfans, il faut que l'inventaire soit fait & clos dans le tems & la forme prescrits par la coûtume; autrement la communauté continueroit, & le bénéfice de la garde y seroit confondu jusqu'à ce qu'il y ait un inventaire clos.

Le gardien doit aussi, pour sa sûreté, faire un procès - verbal de l'état des immeubles, pour les rendre au même état de grosses réparations.

La tutelle n'appartient pas de plein droit au gardien; ainsi il ne peut, sans être tuteur, recevoir le remboursement volontaire ou forcé des rentes dûes à ses mineurs; il ne peut aliéner leurs immeubles, & on ne peut en faire le decret sur lui; il ne peut déduire en jugement aucunes actions réelles de ses mineurs, soit en demandant ou en défendant, ni même y déduire d'autres actions personnelles que celles qui concernent la joüissance qu'il a droit d'avoir comme gardien.

Lors donc qu'il s'agit de quelque acte que le gardien ne peut pas faire, on crée un tuteur ou curateur au mineur.

Si le mineur n'a pas d'autres biens que ceux compris dans la garde, le gardien doit avancer au tuteur l'argent nécessaire pour exercer les droits du mineur, quand ce seroit pour procéder contre le gardien lui - même, sauf à celui - ci à répéter ces avances après la fin de la garde, s'il y a lieu.

Quant à l'émolument de la garde, c'est un statut réel qui se regle par chaque coûtume pour les biens qui y sont situés.

Les coûtumes ne sont pas uniformes sur ce point; les unes donnent au gardien les meubles en propriété; d'autres ne les donnent qu'au gardien noble; d'autres n'en donnent que l'administration.

La coûtume de Paris & plusieurs autres donnent au gardien l'administration des meables, & le gain de tous les fruits des immeubles pendant la garde; à la charge de payer les dettes & arrérages des rentes que doivent les mineurs; les nourrir, alimenter & entretenir selon leur état & qualité; payer & acquitter les charges annuelles que doivent les hérita<cb-> ges, & entretenir lesdits héritages de toutes réparations viageres.

D'autres coûtumes ne donnent la joüissance que des héritages nobies. Voyez les commentateurs sur les titres des coûtumes où il est parlé de la garde noble & bourgeoise, & le traité qu'en a fait de Renusson. (A)

Garde bourgeoise (Page 7:489)

Garde bourgeoise, est celle qui est déférée par la coûtume au pere ou mere bourgeois & non nobles.

Quelques auteurs ont écrit que ce privilége fut accordé aux bourgeois de Paris par Charles V. par des lettres - patentes du 9 Août 1371: mais en examinant avec attention ces lettres, on voit que l'usage de la garde bourgeoise étoit plus ancien, & que Charles V. ne fit que le confirmer. On voit en effet dans ces lettres, que les bourgeois de Paris représenterent au roi, que dans les tems passés, tant de son regne que de celui de ses predécesseurs, ils avoient joüi des droits de garde & baux de leurs enfans & cousins, consanguineorum; ce qui suppose qu'alors la garde avoit lieu à Paris au profit des collatéraux; Charles V. les confirma dans tous leurs priviléges, sans les spécifier.

Ce droit de garde bourgeoisie n'a lieu dans la coûtume de Paris, qu'en faveur des bourgeois de la ville & fauxbourgs de Paris, & non pour les bourgeois des autres villes; mais il a été étendu dans d'autres coûtumès aux bourgeois de certaines villes.

Les ayeux & ayeules ne peuvent prétendre la garde bourgeoise.

Pour regler la capacité de celui qui prétend la garde bourgeoise, on ne considere pas le domicile du gardien, mais la coûtume du lieu où le défunt qui a donné ouverture à la garde, avoit son dernier domicile; & certe garde n'a son effet que sur les biens situés dans la coûtume qui accorde la garde, & ne comprend pas ceux qui seroient dans d'autres coûtumes, quand même elles accorderoient aussi la garde bourgeoise, parce qu'elle n'est donnée qu'à ceux qui sont domiciliés dans la coûtume; & que le défunt ne pouvoit pas être domicilié à - la - fois dans plusieurs coûtumes. Voyez les arrêtés de M. de Lamoignon, tit. j. art. 29.

La garde bourgeoise ne dure que jusqu'à quatorze ans pour les mâles, & douze ans pour les filles, excepté dans la coûtume de Reims, où elle dure jusqu'à vingt - cinq ans, tant pour les mâles que pour les femelles.

Du reste le pouvoir & les droits du gardien bourgeois sont les mêmes que ceux du gardien noble. Voyez ci - après Garde noble. (A)

Garde coutumiere (Page 7:489)

Garde coutumiere, est la garde soit royale ou seigneuriale, noble ou bourgeoise, des enfans mineurs, qui est déférée à certaines personnes par les coûtumes, à la différence de la garde royale ou sauve - garde accordée à certaines personnes par des lettres - patentes. (A)

Garde noble (Page 7:489)

Garde noble, est celle qui appartient aux pere, mere, ou autres ascendans nobles.

Par rapport à l'origine de cette garde, voyez ce qui a été dit ci - devant sur la garde des enfans mineurs en général.

L'émolument de cette garde est reglé diversement. Quelques coûtumes donnent au gardien les meubles en propriété; d'autres ne lui en donnent que l'administration.

Dans quelques coûtumes, le gardien ne gagne que les fruits des fiefs du mineur; dans d'autres, il a les revenus de tous leurs biens, même roturiers; d'autres les chargent de rendre compte de tous les fruits.

L'âge auquel finit la garde noble est le même que celui de la majorité féodale, lequel est reglé diversement par les coûtumes. Voyez ci - devant Garde bourgeoise, & ci - après Garde royale et seigneuriale

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