ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"468"> les inflammations, l'étranglement, l'infiltration, les contusions & stupéfactions, la morsure des bêtes venimeuses, le froid excessif, la brûlure & la pourriture. La gangrene seche vient ordinairement du défaut des sucs nourriciers.

De la gangrene par inflammation. La vie ne subsiste que par le cours des fluides des arteres dans les veines. Toute inflammation suppose un obstacle dans les extrémités artérielles, par le moyen duquel le passage du liquide, qui doit traverser les vaisseaux, est intercepté. Lorsque cet obstacle a lieu dans tous les vaisseaux d'une partie, le mouvement vital y est entierement aboli, elle tombe en gangrene. Les signes qui caractérisent cette eece de gangrene sont assez faciles à saisir. L'inflammation qui étoit l'état primitif de la maladie, diminue à mesure que l'engorgement devient excessif; le jeu des arteres est empêché par le sang qui les remplit; la chaleur s'affoiblit de plus en plus: elle ne suffit plus pour entretenir la fluidité du sang: la tumeur s'affaisse, la rougeur vive de l'inflammation devient plus foncée: les sucs stagnans se putréfient: la partie exhale une odeur fétide & cadavéreuse; effets de la pourriture qui détruit les parties solides.

L'essentiel de la cure des inflammations qui tendent à dégénérer en gangrene par un engorgement extrème, est de débarrasser au - plûtôt la partie malade. La diete & la saignée se présentent d'elles - mêmes pour satisfaire à cette intention; mais lorsque ces secours poussés aussi loin qu'il est possible, ne réussissent pas, & qu'on voit la tumeur s'affaisser, la chaleur s'éteindre, la rougeur s'obscurcir, l'élasticité s'anéantir, les chairs devenir compactes & un peu pâteuses, qui sont les signes de la cessation de l'action organique des vaisseaux engorgés; les saignées sont inutiles aussi - bien que les topiques, qui ne peuvent agir que par l'entremise de l'action des solides. Or dans ce cas les vaisseaux ont perdu toute action; ils ne sont donc plus capables de déplacer les humeurs arrêtées. Les scarifications produisent alors un dégorgement efficace; les cataplasmes résolutifs & antiputrides donnent aux vaisseaux le ton nécessaire pour détacher les parties mortifiées. Il se fait dans les parties vives une suppuration purulente; les chairs animées se distinguent, & l'ulcere se cicatrise suivant la marche ordinaire que tient la nature dans la réunion des plaies avec perte de substance. Voyez Incarnation & Ulcere.

M. Quesnay ne croit pas qu'il puisse survenir gangrene par excès d'inflammation simplement; il pense que c'est plûtôt la malignité qui accompagne l'inflammation ou les étranglemens qu'elle suscite, lorsquelle occupe ou qu'elle avoisine des parties nerveuses qui attirent cette gangrene.

A l'égard de la malignité qui accompagne les inflammations, il y en a une qui se déclare d'abord par l'extinction du principe vital: à peine l'inflammation se saisit - elle d'une partie, qu'elle la fait périr sur le champ. Les malades perdent presque tout - à - coup la sensibilité; ils sont ordinairement assez tranquilles, le pouls est petit & sans vigueur; il s'assoiblit peu - à - peu, & les malades périssent lorsque la gangrene est fort étendue. Il y a de la ressource lorsque cette sorte de gangrene est circonscrite & bornée à un certain espace. L'inflammation maligne qui la précede est causée par un hétérogene pernicieux répandu dans la masse des humeurs, & qui fait périr l'endroit où il se rassemble. L'indication qui se présente le plus naturellement, c'est de fortifier & de ranimer le principe vital affoibli & languissant, afin qu'il puisse résister à la malignité de l'humeur gangréneuse. Les saignées ne conviennent point dans ce cas, puisqu'elles diminuent la force de l'action organique: loin d'arrêter les effets funestes de cette malignité, elles peuvent au contraire les accélerer. C'est vraissemblablement, selon M. Quesnay, dans de pareils cas que Boerhaave dit que dans certaines inflammations épidémiques, on a vû les malades périr presqu'aussi tôt qu'ils ont été saignés, & plus ou moins promptement, selon qu'on leur tiroit plus ou moins de sang. On ne doit donc pas trop legerement recourir à ce remede dans ces inflammations languissantes qui tendent si fort à la gangrene: il y a des exemples sans nombre de fievres malignes & pestilentielles, de petites véroles, & de sievres pourprées, & autres maladies inflammatoires causées par des substances malignes qui tendent immédiatement à éteindre le principe vital, dans lesquelles la saignée, si utile dans d'autres cas, n'a d'autre effet que celui d'accélerer la mort.

Les Chirurgiens qui voyent à découvert les effcts de la malignité des inflammations dont il s'agit, pensent plûtôt à défendre & à ranimer la partie mourante, qu'à répandre le sang du malade. Cependant si ces inflammations arrivent dans des corps pléthoriques, si elles ne dégénerent pas d'abord en gangrene, ou si elles sont fort ardentes, comme le sont souvent les érésipeles malignes, quelques saignées paroissent alors bien indiquées pour faciliter le jeu des vaisseaux, & tempérer un peu, s'il est possible, l'inflammation & la fievre; mais lorsque la gangrene est décidée par l'oedématie pateuse, accompagnée de phlyctaines & de taches livides, la saignée est inutile.

Il faut considérer ces inflammations sous deux états différens; savoir, lorsqu'elles font encore du progrès, & lorsqu'elles sont entierement dégénérees en gangrene. Dans le premier état, loin de s'opposer au progrès de cette inflammation, il faut la ranimer; elle dépend d'une cause maligne qu'on doit laisser déposer entierement. On se sert avec succès des topiques résolutifs fort actifs, & quelquefois même des sinapismes les plus animés. Lorsque la mortification s'est emparée de la partie qui a été frappée d'inflammation maligne, il faut soûtenir les forces du malade par des cordiaux; & s'il reste de l'esperance pour la vie, on pense à procurer la séparation des chairs mortes d'avec les chairs vives. Cette séparation dépend plus de la nature que de l'art; on favorise l'action vitale en emportant une partie des escarres gangréneuses, sans intéresser les chairs vives, en touchant la circonférence des chairs mortes avec une dissolution de mercure dans l'esprit de nitre; c'est un remede que Belioste vantoit beaucoup. Son efficacité vient de ce qu'il raffermit l'escarre, & qu'il suscite au bord des chairs vives voisines une petite inflammation, d'où résulte une suppuration purulente bien conditionnée, par laquelle se doit faire la séparation du mort d'avec le vif. Ce procédé, ou tout autre équivalent, a lieu dans toutes les gangrenes de causes humorales bornées, pour appeller la suppuration lorsqu'elle ne se déclare point, ou qu'elle est languissante.

L'étranglement est une des principales causes de la gangrene, & c'est celle qui a été le plus ignoree. M. Quesnay en a parlé savamment dans son traité de la gangrene; on range sous le genre d'étranglement toutes les causes capables de compriner ou de serrer assez les vaisseaux pour y arrêter le cours des liquides. Les anciens ne rapportoient à ce genre de cause que les compressions sensibles, qui empêchoient la distribution du sang ou des esprits dans une partie, comme une forte ligature, une tumeur, un os de plaie, ou une autre cause sensible qui comprimoit les nerfs ou les arteres d'une partie.

Les étranglemens qui arrêtent le sang dans les veines, peuvent être suivis d'engorgemens prodigieux, sans inflammation considérable; M. Wanswieten rap<pb-> [p. 469] porte d'après Boerhaave, le cas d'un jeune homme qui s'endormit les coudes appuyés sur la fenêtre étant ivre. Ses jarretieres étoient si étroitement serrées, que le sang retenu avoit enflé les jambes; le mouvement vital des humeurs ayant entierement été suffoqué, la gangrene survint; elle gagna promptement les deux cuisses, & causa la mort.

Les étranglemens capables de causer la gangrene, ne sont pas même toûjours accompagnés d'engorgemens bien sensibles; l'inflammation qui se fait sur les parties aponévrotiques ne produit pas une tuméfaction apparente: mais les arteres étranglées ne portent bien - tôt plus les sucs nourriciers à la partie; elle devient oedémateuse, parce que les sucs graisseux sont arrêtés par l'extinction de la vie ou de l'action organique. Ces sucs croupissant se dépravent, & détruisent promptement le foible tissu qui les contient. L'espece de gangrene cachée dont nous parlons, est fort redoutable, parce qu'elle s'étend, sans presque qu'on s'en apperçoive, fort au loin dans les tissus graisseux.

C'est l'etranglement qui rend les plaies des parties nerveuses & aponévrotiques si dangereuses. On a commis des fautes considérables dans la pratique, parce qu'on n'a pas connu la véritable cause de ces desordres, & qu'on a ignoré qu'ils fussent l'effet d'un etranglement causé par la construction des parties blessées. On s'étoit bien apperçu qu'en débridant par des incisions assez étendues une aponévrose blessee, les enflures qui dépendoient de cette plaie se dissipoient aussi surement, que celles qui sont causées par des ligatures trop serrées, se dissipent facilement lorsqu'on coupe ces ligatures. Mais combien de fois n'a - t - on pas reconnu cette cause, en attribuant les accidens à un vice des humeurs, ou à un excès d'inflammation, pour lequel on crovoit avoir épuisé les ressources de l'art, en faisant de grandes scarifications sur la partie tuméfiée consécutivement, lorsqu'il auroit suffi de faire un leger débridement aux parties membraneuses qui occasionnoient tout le desordre par leur tension? Une piquûre d'épine au doigt, forme une plaie imperceptible, qui suscite des étranglemens suivis d'engorgemens gargreneux très - funestes. Les morsures des animaux produisent souvent les mêmes effets, surtout lorsqu'elles sont petites: on a imagine que l'animal portoit dans la plaie quelque malignité particuliere. Cependant nous avons les exemples de morsures tres - considérables qui n'ont eu aucunes suites facheuses, sans doute parce que la grande déchirure ne donne pas lieu à l'etranglement comme une plaie étroite. Les sucs qui s'épanchent dans ces sortes de plaies, & qui n'ont point d'issue, le dépravent aussi sur les parties nerveuses; ils les irritent, & excitent des étranglemens qui seroient bien - tôt suivis d'engorgemens prodigieux, si l'on ne procuroit pas un ecoulement à ces sucs épanchés.

On voit que le point essentiel dans la cure des étranglemens est de lever l'obstacle que la tension des parties met au libre cours du sang. C'est aux connoissances anatomiques bien précises, à éclairer le chirurgien sur ces cas, & à diriger ses opérations; s'il ne connoit pas bien toutes les cloisons que les parties membraneuses & aponévrotiques fournissent aux muscles des parties engorgées, il risquera d'opérer au hasard & infructueusement.

Quand l'etranglement est levé, il reste encore à satisfaire aux indications de l'engorgement qu'il a causé; & elles sont différentes, selon les différens états ou les différens degrés où il est parvenu. Si les sucs arrêtés n'ont point encore perdu leur chaleur & leur fluidité, ni assoibli l'action organique des solides, dès qu'il n'y a plus d'obstacle à la circulation, la partie engorgce peut se débarrasser facilement: on peut aider l'action des vaisseaux par des fomentations avec le vin aromatique ou l'eau - de - vie camphrée. Mais si l'action organique du tissu cellulaire est entierement éteinte, on ne doit plus espérer de dégorgement par la résolution; il ne se peut faire que par la suppuration; & dans ce cas, la suppuration même ne peut se faire que par la pourriture. Or il est extrèmement dangereux d'attendre qu'une suppuration putride s'ouvre elle - même une voie, parce qu'elle fait un grand progrès dans la partie avant que d'avoir fourni à l'extérieur une issue suffisante aux sucs arrêtés & aux tissus celluiaires tombés en mortification. Il faut donc hâter ce dégorgement pai des scarifications qui penetrent le tissu des parties, & qu'elles soient assez étendues, pour emporter facilement par lambeaux ce tissu, dès que la suppuration commencera à la corrompre & à la détacher. On peut favoriser ce commencement de pourriture par les suppuratifs & digestifs; mais à mesure qu'ils produiront leur effet, il faut que le chirurgien soit attentif à emporter tout le tissu qui commencera à s'attendrir par la pourriture, & à pouvoir être détaché facilement. On voit bien qu'on procure ici la pourriture des débris du tissu cellulaire, pour prévenir celle de toute la partie. C'est un mal qui sert de remede; on fait usage de la pourriture pour en prévenir les mauvaises suites. Lorsqu'on aura àpeu - près toutes les graisses que la suppuration devoit détruire, on se sert de digestifs moins pourrissans; on les anime par le mélange de substances balsamiques & antiputrides, telles que l'onguent de stirax, le camphre, l'esprit de térébenthine, &c. On travaille ensuite à déterger l'ulcere. Voyez Détersif.

Si la mortification avoit fait des progrès irréparables, & que tout le membre en fût attaqué, cet état connu sous le nom de sphacele, exige l'amputation. Voyez Sphacele & Amputation.

L'infiltration des humeurs cause la gangrene en suffoquant le principe vital par la gêne de la circulation, le sang épanché dans les cellules du tissu adipeux à l'occasion de la plaie d'une veine ou d'une artere, occasionne par sa masse une compression sur les vaisseaux qui intercepte le cours du sang. Cela arrive principalement dans l'anevrysme faux, si l'on n'a pas recours assez promptement aux moyens que l'art indique. Voyez Anevrysme. La collection de lymphe sereuse dans les oedemes des cuisses, des jambes & du scrotum, attire la gangrene sur ces parties, en les macérant, & y éteignant insensiblement le principe vital: quelquefois cette eau devient acrimonicuse. Le pannicule adipeux considérablement distendu se corrompt facilement, sur - tout lorsque l'air a quelque acces dans la partie à l'occasion de scarifications faites imprudemment pour l'évacuation des humeurs infiltrées. Il faut se contenter de trois legeres mouchetures qui n'intéressent que l'épiderme; on applique des compresses avec l'eau de chaux qui est un excellent antiseptique; la matiere s'évacue, la partie reprend son ressort, & l'on ne craint point la gangrene. Lorsque par quelque occasion que ce soit, la gangrene survient aux oedemes, ce n'est point la croûte gangréneuse qu'il faut scaririfier. On fera sur la partie les legeres mouchetures que je viens d'indiquer pour la cure radicale de la maladie, & l'on aura recours aux cataplasmes faits avec les farines résolutives cuites dans l'oximel, ou avec ces farines & les poudres de plantes aromatiques cuites dans du vin. Ces cataplasmes conservent plus la chaleur qu'on leur donne que de simples fomentations, & il faut les étendre fort épais. Ils se refroidissent facilement par l'écoulement de l'humeur qui forme l'oedeme; aussi recommande - t - on bien dans ces cas d'entretenir la chaleur des médi<pb->

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