ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"470"> camens par quelques bouteilles d'eau bouillante, des linges & des briques chaudes, placées proche de la partie malade, ou des sachets remplis de sable échauffé. Les parties débarrassées de la lymphe reprenant du ressort, il se fait à la circonférence de l'escarre une suppuration purulente qui détache ce qui est gangrené. Le chirurgien seconde la nature, & conduit le malade à une parfaite guérison par les moyens que nous avons déjà indiqués.

Dans les contusions, le froissement des chairs affoiblit ou détruit l'action organique des vaisseaux. Si l'organisation des chairs est entierement ruinée, ces parties doivent être déjà regardées comme mortes, c'est - à - dire gangrenées; leur substance écrasée se laisse pénértrer & remplir excessivement de sucs, dont la corruption attire bien - tôt celle de toute la partie. C'est le seul cas où l'engorgement succede à la gangrene. La contusion est souvent accompagnée de commotion; c'est - à - dire d'un ébranlement interne & violent, qui s'étend quelquefois fort loin dans les nerfs, & qui ralentit le mouvement des esprits. La stupeur que produit cette commotion suspend l'action des vaisseaux, & interdit la circulation dans toute la partie frappée. Cet accident est d'une grande considération dans les plaies d'armes - à - feu. L'effet de la commotion ne se borne pas toûjours à la partie blessée; elle se communique quelquefois par le moyen du genre nerveux jusqu'au cerveau, & en dérange les fonctions. Les sucs arrêtés dans les chairs mortes ou stupéfiées, ne sont plus défendus contre la pourriture par l'action des vaisseaux. Ces sucs pervertis irritent les parties nerveuses, & suscitent quelquefois des étranglemens, suivis d'un engorgement gangreneux. Nous avons parlé de cette cause de gangrene. Il suffit de remarquer ici que souvent c'est la dépravation des sucs, qui seule fait périr immédiatement les parties engorgées; parce que les sucs corrompus irritent, enflamment & éteignent le principe vital. La contagion putride contribue ensuite aux progrès de la gangrene, en infectant les sucs des chairs voisines; progrès que l'action vigoureuse des vaisseaux pourroit empêcher: mais cette action est affoiblie dans les parties qui ont souffert commotion; aussi la gangrene fait - elle des progrès fort rapides dans cette complication de causes.

Dans toutes les gangrenes humides, il faut procurer l'évacuation des sucs corrompus, & emporter les chairs qui ne sont pas en état de pouvoir être revivifiées. Quelque précieuse que soit la partie, les chairs mortes ne prescrivent aucun ménagement; elles n'appartiennent plus au corps vivant, elles ne peuvent plus par leur séjour que lui être nuisibles à cause de l'infection & de la malignité de la pourriture. Ce sera sur ces vûes générales que le chirurgien dirigera ses opérations. Si le voisinage de quelque partie qu'il seroit dangereux d'intérésser, l'empêche d'emporter bien exactement les parties corrompues, il doit défendre ce qui en reste par le moyen des anti - putrides les plus pénétrans & les plus puissans. Le sel ammoniac & le sel marin sont des dissolvans anti - putrides, qui prouvent efficacement le dégorgement des chairs. On peut aussi réduire les chairs en escarres, par le feu, l'huile bouillante, des esprits acides concentrés, seuls ou dulcifiés avec l'esprit - de - vin, suivant les parties sur lesquelles on doit les appliquer. L'huile de térébenthine suffit pour le cerveau, &c. L'inflammation des parties circonvoisines, & l'établissement d'une bonne suppuration, donnent des espérances qu'on pourra conserver le membre. Lorsque le desordre est fort considérable dans les os & dans les chairs, les accidens viennent quelquefois si brusquement & sont si funestes, qu'on le repent de n'avoir pas emporté le membre. Il est certain qu'on risque souvent la vie du malade, en voulant éviter l'opération; & il n'est pas douteux qu'on ampute beaucoup de membres qu'on auroit pû guerir. Dans les cas mêmes où l'opération est nécessaire, il y en a qui exigent que l'amputation ne soit pas faite sur le champ. L'académie royale de Chirurgie a cru cette question très - importante; elle en a fait le sujet d'un prix. Les auteurs qui ont concouru, ont exposé une fort bonne doctrine sur ce point délicat, qu'il faudra lire dans le troisieme volume des mémoires des prix de cette académie.

La stupeur est un effet des corps contondans, qui frappent avec beaucoup de violence. Cet accident, auquel on sera dorénavant plus attentif dans la cure des plaies d'armes - à - feu, depuis les solides réflexions qu'on doit à M. Quesnay, prescrit de la modération dans les incisions. On croit souvent avoir bien débridé une plaie par de grandes incisions extérieures, qui ne l'est point - du - tout; parce que l'on n'a point eu d'égard aux parties tendues & qui brident dans le trajet du coup. C'est en portant le doigt dans la plaie, qu'on juge s'il n'y a point d'étranglement; & il y a des personnes qui n'en veulent juger que par la vûe. La stupeur exige des remedes pénétrans & fortifians; des cataplasmes vulnéraires & aromatiques. S'il survient engorgement qui oblige à faire quelques searifications, elles doivent se borner aux graisses, & être lisposées de la façon la plus favorable à procurer le dégorgement.

La morsure des animaux venimeux produit la gangrene par la faculté déletere du virus, manifestée par le grand abattement, les syncopes, les sueurs froides, les vomissemens, les ardeurs d'entrailles qui accompagnent la morsure de la plûpart des serpens. Dans la partie blessée, il y a une douleur fort vive, avec douleur, tension & inflammation, qui dégénerent en une mollesse oedémateuse. Il se forme de grandes taches d'un rouge violet très - foncé, qui annoncent une mortification prochaine.

Les desordres qui troublent toute l'économie animale, dépendent de l'impression suneste que fait le venin sur le genre nerveux. Cette pernicieuse substance attaque directement le principe de la vie; aussi n'a - t - on pas cru qu'il y ait d'autre indication à remplir dans la cure de ces plaies, que de combattre la malignité du venin par des remedes pris intérieurement, & appliqués extérieurement. Les anciens, dans la piquûre de la vipere, faisoient prendre une forte dose des sels volatils & de la poudre de vipere, & frottoient la blessure avec des eaux thériacales & spiritueuses. L'alkali volatil passe actuellement pour un spécifique contre cette morsure. M. Quesnay examine à fond, dans son traité de la gangrene, toutes les cures empyriques des morsures faites par des animaux venimeux. Peut - être réussiroit - on mieux par un procédé méthodique, en s'attachant aux indications prises de l'état manifeste de la tumeur, plûtôt que de la cause particuliere qui l'a produit. Les accidens paroissant un effet de l'étranglement des incisions, aussi profondes que les piquures faites par les dents de l'animal, changeroient la nature de la plaie & pourroient empêcher l'action du virus. Ambroise Paré proposoit le cautere actuel, ou le potenciel. Tous les grands praticiens ont recommandé cette méthode. Il faut essentiellement observer si la morsure n'est point placée dans un endroit où quelque aponévrose ou tendon pourroit avoir été piqué; car une telle piquûre seroit aussi dangereuse que le venin; & alors, comme l'observe judicieusement M. Quesnay, la maniere ordinaire de traiter ces morsures ne réussiroit certainement pas seule. Toutes les réflexions rappellent à donner la préférence à la cure rationelle sur l'empyrique.

Le froid cause la gangrene, en congelant les sucs dans les vaisseaux. Il n'est pas même nécessaire que [p. 471] nos parties soient exposées à un froid trop vif, pour que les liqueurs s'arrêtent. Les repercussifs employes indiscretement sur une partie enflammée, y causent la gangrene. Plusieurs personnes ont été attaquées d'une esquinancie gangreneuse, pour avoir bû de l'eau fraiche étant fort échauffées. Ambroise Paré rapporte qu'il a vû un si grand froid, que des malades couchés à l'Hôtel - Dieu eurent le nez mortifié sans aucune pourriture. Il le coupa à quatre, deux guérirent. Ce n'étoit point l'amputation de la partie gelée qu'il falloit faire dans ce cas; il falloit avoir recours à l'expédient dont se servent les habitans des pays septentrionaux, où ces sortes de maux sont assez fréquens. Fabtice de Hilden dit qu'en retournant le soir à leur maison, ils se frottent d'abord les mains de neige, les extrémités du nez & les oreilles, avant que d'approcher du feu; s'ils se chauffoient sans cette précaution, les parties saisies du froid tomberoient en pourriture. C'est ce qu'on voit arriver aux pommes gelees; si on les approche du feu & qu'on les laisse geler une seconde fois, elles perdent tout leur goût & se corrompent bien - tôt: si au contraire on les plonge à plusieurs reprises dans de l'eau très froide, étant ensuite bien essuyées & bien séchées, elles jouissent encore de leur premiere saveur, & peuvent être long - tems conservées. L'application de la neige ou de l'eau froide fait sortir les particules frigorifiques que la chaleur mettroit en mouvement, & qui détruiroit par - là le tissu des vaisseaux de la partie dans laquelle elles ont pénétré.

Fabrice de Hilden raconte qu'un voyageur qui étoit tombé roide de froid dans un chemin, ayant été porté à une hôtellerie comme un homme presque mort, fut sur le champ plongé par l'aubergiste dans de l'eau froide. Ayant après cela avalé un grand verre d'hydromel, avec de la canelle, du mais & du gérofle, réduits en poudre, on le mit au lit pour provoquer la sueur. Il recouvra la santé, ayant copendant perdu les dernieres phalanges des piés & des mains. On peut donc espérer de revivisier une partie actuellement saisie de froid; & l'expérience a découvert une voie à laquelle la théorie n'auroit peut - être jamais conduit. Suivant le grand axiome que les maladies guérissent par leur contraire, la chaleur auroit paru seule capable de dissiper un mal que produit un froid actuel: mais toutes les voies de la circulation étant fermées, la raréfaction des sucs retenus trop étroitement romproit les vaisseaux, & feroit périr la partie qu'on voudroit dégeler, avant que les sucs sussent en état de passer librement dans les vaisseaux voisins.

La brûlure un peu profonde attire une inflammation fort vive autour des parties que le feu a détruites, & un engorgeinent, que le défaut d'action dans les solides ne peut pas faire suppurer. Les sucs arrêtés se dépravent, & deviennent sort susceptibles de pourriture. Il faut dans ce cas, à raison de la vive douleur, joindre aux remedes adoucissans des anodyns volatils & un peu actifs, comme le camphre, les fleurs de sureau. Les oignons cuits corrigent la suppuration putride; l'esprit - de - vin est employé utilement pour résister à la pourriture. On suit d'ailleurs dans ces cas les indications générales, qui sont de faire dégorger par les scarifications, les sucs arrêtés dans les chairs mortes, ou prêtes à tomber en mortification; de procurer la séparation des escarres, en excitant une suppuration purulente dans les chairs vives.

La pourriture qui précede la gangrene humide, en est la principale cause. Lorsqu'elle vient de la dissolution putride de la masse des humeurs, les malades périssent en peu de jours. Les sucs vicieux & putrides que fournissent les vieux ulceres cacoethes, sont aussi une cause de gangrene, qu'on reprime par des détersifs irritans, lorsqu'ils dependent du vice local. L'eau phagedénique, l'aegyptiac, le sublimé corrosif, détruisent les chairs gangrenées. Les anciens avoient recours au feu pour cautériser les mauvaises chairs.

Les ulceres scorbutiques sont fort sujets à la gangrene. Les remedes anti - scorbutiques doivent être pris intérieurement pour corriger le vice de la masse du sang; & l'on panse aussi avec grand succès les ulceres, dont on touche les chairs gangreneuses avec l'esprit ardent des plantes anti - scorbutiques, & les couvrant ensuite de remedes anti - putrides ordinaires.

Nous parlerons des hernies avec gangrene au mot Hernie.

La gangrene seche est celle qui n'est point accompagnée d'engorgement, & qui est suivie d'un desséchement, qui préserve la partie morte de tomber en dissolution putride; la partie commence à devenir froide; la chaleur cesse avec le jeu des arteres; ces vaisseaux se resserrent par leur propre ressort; les chairs mortifiées deviennent plus fermes, plus coriaces, & plus difficiles à couper que les chairs vives. Les parties sont mortes bien auparavant qu'elles ne se dessechent. J'ai vû emporter plusieurs membres beaucoup plus haut que ce qui en paroissoit gangrené. Les malades ne sentoient rien; les chairs étoient sans pourriture, comme celles d'un homme récemment mort; il ne sortit qu'un peu de sang noirâtre. Les malades éprouvent quelquefois un sentiment de chaleur brûlante, quoique la partie soit actuellement froide; quelquefois ils sentent un froid très - douloureux; & il y a des gangrenes seches qui s'emparent d'une partie sans y causer de douleur. Les malades s'apperçoivent seulement d'un sentiment de pesanteur & d'engourdissement. Cette maladie peut venir de la paralysie des arteres. M. Boerhaave parle d'un jeune homme qui avoit eu l'artere axillaire coupée. Son bras étoit devenu sec & aride, ensorte qu'il étoit en tout semblable à une momie d'Egypte.

Le progrès des gangrenes seches est ordinairement fort lent: quelquefois il est très - rapide. Il y a des gangrenes seches critiques; elles sont salutaires, lorsqu'elles se placent avantageusement & qu'elles ne s'étendent pas trop; car il est impossible d'en arrêter le progres. L'amputation ne peut avoir lieu qu'après que toute la cause morbifique est déposée, que la mortification s'est fixée, & qu'on en connoît manifestement les bornes.

Parmi les causes qui éteignent l'action organique des vaisseaux artériels, & qui par cette extinction causent ensuite la perte de la partie, il y en a qui s'introduisent par la voie des alimens; tel est l'usage du blé ergoté: le virus vénérien & le scorbutique produisent assez souvent de pareilles gangrenes. Les causes des maladies aiguës en se portant sur une partie, peuvent la faire tomber subitement en mortification, sans y causer aucun engorgement ni inflammation précédente.

Cette maladie présente trois indications générales: prévenir le mal, en arrêter les accidens, le guérir lorsqu'il est arrivé.

L'épuisement & la caducité qui donnent lieu à cette maladie dans les vieillards, n'empruntent de la Medecine que quelques remedes fortifians, presque toûjours assez inutiles. On peut opposer au vice vénérien le spécifique connu, & l'on peut combattre avec avantage les causes qui dépendent de tout autre vice humoral, qui éteint immédiatement l'action organique des vaisseaux artériels d'une partie; j'entends parler de l'usage du quinquina. Des auteurs respectables assûrent que les essais qu'on a faits en France de ceremede, n'ont que confirmé les

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