ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"458"> turellement en quatre petits systèmes ou tétracordes composés chacun de quatre sons ou cordes, qui faisoient l'étendue d'une quarte.

La quatrieme corde du premier tétracorde étoit la premiere du second, & la quatrieme corde du troisieme étoit la premiere du quatrieme; mais le second & le troisieme n'avoient point de corde commune. Chaque corde étoit désignée par un nom particulier; ces noms étant très - difficiles à retenir, nous y substituerons ceux qui leur répondent dans la musique d'aujourd'hui. Les quatre tétracordes dont il s'agit étoient les suivans, en montant du grave à l'aigu.

1er tétracorde, ou le plus grave, si, ut, ré, mi. Second, mi, fa, sol, la. Troisieme, si, ut, ré, mi. Quatrieme, mi, fa, sol, la. Ce qui fait en tout quatorze sons. Pour avoir le quinzieme son & compléter les deux octaves, on ajoûtoit un son la au - dessous du si du premier tétracorde. Voyez Proslambanomene.

Il y avoit une seconde maniere d'entonner le troisieme tétracorde; c'étoit de lui substituer celui - ci, la, si, ut, ré, qui avoit son premier son la commun avec le tétracorde précédent, & qui donnoit au système un si de plus, & par conséquent une seizieme corde.

Les noms de chacune des cordes du système étant longs & embarrassans, ne pouvoient servir pour ce que nous appelions solfier. Pour y suppléer, les Grecs désignoient les quatre cordes de chaque tétracorde, en montant du grave à l'aigu, par ces quatre monosyllabes, té, ta, té, tô. Voyez les mémoires de M. Burette, dans le recueil de l'acad. des Belles - Lettr. Par - là on voit aisément la différence du système des Grecs & de celui de Guy.

On sait que les notes ut, ré, mi, &c. de la gamme de Guy, sont prites des trois premiers vers de l'hymne de S. Jean; mais on ne sait pas précisément quelle raison a déterminé Guy à ce choix. Il est certain que dans cette hymne, telle qu'on la chante aujourd'hui, les syllabes ré, mi, fa, &c. n'ont point, par rapport à la premiere syllabe ut, les sons qu'elles ont dans la gamme. Ainsi ce n'est point cette raison qui a déterminé Guy, à - moins qu'on ne veuille dire qu'alors le chant de l'hymne étoit différent de celui qu'elle a aujourd'hui, ce qu'on ne peut ni prouver, ni nier.

Il n'est pas inutile de remarquer que la gamme est une des inventions dûes aux siecles d'ignorance; Guy vivoit en 1009. Il publia sur son système une lettre dans laquelle il dit: j'espere que ceux qui viendront après nous prieront Dieu pour la rémission de nos péchés, puisqu'on apprendra maintenant en un an, ce qu'on pouvoit à peine apprendre en dix. On a vû par ce qui précede, que celui qui a inventé la gamme françoise ut, ré, mi, fa, sol, la, si, ut, appellée gamme du si, étoit encore plus en droit de se flater de la reconnoissance de la postérité, puisque la gamme de Guy a été par ce moyen très - simplifiée. (O)

Nous joindrons à ces remarques un écrit que M. le pr sident de Brosses, correspondant - honoraire de l'académie royale des Belies - Lettres, a bien voulu nous communiquer sur la gamme de Guy d'Arezzo. Il y examine par quelle suite d'idées ce musicien est parvenu à la former, & ses successeurs à la perfectionner.

« Les Grecs, dit - il, marquoient les caracteres de leur Musique par une grande quantité de lettres & de figures différentes, que les Latins réduisirent depuis aux quinze premieres lettres de l'alphabet, dont ils formerent une tablature. Mais quoique le gamma fût une de ces lettres, il est douteux que les Latins se soient jamais servi du mot gamma, comme le dit M. Saverien, pour nommer leur tablature: il faut s'en tenir à ce qu'il ajoûte dans la suite, sur le tems où ce mot fut en usage. Guy d'Arezzo forma, vers le commencement de l'onzieme siecle, un nouveau système de Musique: alors on se servoit de l'ancien système des Grecs, autrefois composé de deux tétracordes conjoints, représentés par des lettres, & égaux à ceux - ci, si, ut, ré, mi; mi, fa, fol, la, dans lesquels on peut remarquer que tous deux commencent par une tierce mineure, & qui plus est par un intervalle de sémi - ton: ou plûtôt tout deux sont de vrais tricordes du mode majeur, comprenant chacun une tierce majeure, au - dessous de laquelle les Grecs avoient savamment ajoûté la note sensible du ton, qui représente à son octave la septieme du même ton, c'est à - dire la principale dissonnance du ton. Il y a grande apparence que Guy d'Arezzo, lorsqu'il commença de concevoir son nouveau système, ayant égard à ce que les deux tétracordes des Grecs commençoient par deux tierces mineures, composa le sien de deux tricordes disjoints faisant chacun une tierce mineure; & qu'il les exprima de la maniere suivante, par les six premieres lettres de l'alphabet latin, a, b, c; d, e, f, équivalentes à la, si, ut; ré, mi, fa. Dans la suite, il conçut l'echelle diatomque de six sons, commençant par une tierce majeure, telle que nous l'avons aujourd'hui, & mit pour les trois premieres notes de son échelle, c, d, e, qui seules laissant entre chacune l'intervalle d'un ton entier, lui donnoient la tierce majeure.

Je ne doute pas que ce ne soit le sens du premier vers de l'hymne de saint Jean.

Ut queant laxis resonare fibris, qui a déterminé l'auteur à tirer de cette strophe le nom de ces six cordes qu'il vouloit faire sonner à vuide, resonare laxis fibris. C'est donc ici la cause occasionnelle de l'étymologie déjà connue des six premiers sons de la gamme.

Pour imiter & perfectionner les deux tétracordes grecs, on ajoûta à l'échelle des six tons precédens, une septieme note, que l'on nomma si, & l'octave ou répetition du premier ton, nommé de même, ut. De cette sorte, l'échelle diatonique se trouva contenir une octave complette, dirigée selon la plus grande conformité avec la voix humaine, qui ne peut facilement faire trois tons entiers de suite, tels que seroient ut, ré, mi, fa #; mais qui après deux tons entiers, aime à se reposer par l'intonation succédante d'un sémi - ton; ainsi ut, ré, mi, fa, &c. Cette échelle est en même tems composée de deux tétracordes disjoints & à - peu - près pareils, ut, ré, mi, fa; sol, la, si, ut. En suivant toûjours la méthode des Grecs usitée de son tems (car les inventeurs mêmes travaillent d'exemple), Guy d'Arezzo joignit aux syllabes qu'il prenoit pour noms des sons, les lettres A, B, C, D, E, F, qui les nommoient ci - devant: mais A représentoit la, premiere note de ses deux tricordes, & non pas ut, premiere note de son échelle d'octave: tellement que pour nommer les tons, en joignant la lettre à la syllabe, & y ajoûtant entre deux le nom de la dominante du ton qui en marque toute la modulation & les subséquences, on a dit, en suivant l'ordre des tricordes, A mi la, B fa si, C sol ut, D la ré, E si mi, F ut fa. De - là viennent aussi ces anciennes expressions familieres aux Musiciens, le premier en A mi la; le quint en E si mi. Il manquoit une lettre au septieme ton; l'inventeur, suivant son plan, prit la septieme de l'alphabet latin G, qu'il écrivit en grec G, gamma, quoique le G se trouve la troisieme de l'alphabet grec: de cette [p. 463] maniere, le septieme ton fut nommé G ré sol; & le caractere grec plus singulier dans la tablature que les caracteres vulgaires, donna le nom de gamma à toute l'échelle diatonique. Pour imiter toûjours l'ancienne méthode greque, dont le tétracorde commençoit par un sémi - ton ou note sensible, l'inventeur baissa d'un demi - ton l'intervalle A, B de son premier tricorde A, B, C; ensorte qu'au lieu d'un ton entre A & B, & d'un demi - ton entre B & C, il se trouva un demi - ton entre A & B, & un ton complet entre B & C: pour avertir de ce changement, il joignit un signe particulier au B; & comme le son du B devenoit par - là plus doux & plus mou, on nomma ce signe B mol: or le B étant le si, de - là vient que le premier bémol en Musique se pose sur le si. Usant du même artifice sur son second tricorde, quand il voulut le faire commencer comme le grec, il baissa d'un demi - ton l'intervalle du au mi: de - là vient que le second bémol en Musique se pose sur le mi: s'il voulut remettre son premier tricorde A, B, C, dans le premier état naturel où il l'avoit composé, il joignit au B un signe quarré angulaire à - peu - près de cette figure , pour avertir que l'intervalle d'A à B étoit d'un ton dur & entier; & ce signe fut nommé B quarre. Il s'étoit occupé sur ses tricordes mineurs de l'abaissement des sons qui convient au mode mineur: revenant à son échelle d'octave modulée selon le mode majeur, il s'occupa de l'élévation des sons convenable à ce mode; il éleva d'un demi - ton de plus le premier intervalle de sémi - ton qui se trouve dans l'ordre de son échelle, c'est - à - dire celui du mi au fa; & en fit autant sur le second intervalle semblable, c'est - à - dire sur celui du si à l'ut: de - là vient que dans la Musique le premier dièse se pose sur le fa, & le second sur l'ut. Cette expérience dut lui paroitre très - heureuse, & d'autant plus conforme à la suite des sons dans la nature, que le fa # annonçoit la modulation du sol, dont il est la note sensible; & qu'en effet, la modulation de sol est engendrée dans les corps sonores par la modulation d'ut, dont sol est la note dominante. L'inventeur, pour avertir qu'il vouloit mettre l'intervalle d'un ton entier entre mi & fa, joignit au fa un signe quarré #, de figure à - peu - près semblable au béquarre, parce que l'effet des deux signes étoit le même: on appella ce signe dièse, du mot grec DIHSIS2, division, parce qu'il divisoit en deux l'intervalle du ton entre fa & sol; & parce que dans les instrumens grecs, entre deux cordes formant entre elles un intervalle d'un ton, ou en mettoit un autre qui les séparoit, & formoit le sémi - ton intermédiaire. L'échelle diatonique ainsi formée avec adjonction de deux dièses par ut, ré, mi, fa #, sol, la, si, ut #, est suivie progressivement par l'échelle suivante, ré, mi, fa #, sol, la, si, ut #, ré, entierement semblable dans l'ordre de ses intervalles à l'échelle naturelle de l'octave ut, sans aucun dièse. Or en continuant de procéder selon le mode majeur, en élevant le premier intervalle de sémi - ton qui se rencontre dans la nouvelle octave entre fa # & sol, pour la rendre pareille en intervalle à l'octave ut avec deux dièses, il en résulte ré, mi, fa #, sol #, la, si, ut #, ré #: de - là vient que dans la Musique le troisieme dièse se pose sur le sol, & le quatrieme sur le ré.

Guy d'Arezzo s'appercevant que les sept lettres ou les sept syllabes dont il se servoit pour tracer les sons musicaux au - dessus des paroles, n'exprimoient qu'une octave, & ne distinguoient pas si le son étoit d'une octave plus basse ou plus aiguë que la moyenne, s'avisa d'un troisieme expédient plus commode, à ce qu'il lui parut, que les lettres ou les syllabes; ce fut de tracer sur le papier de lon<cb-> gues raies paralleles, probablement pour imiter la figure des cordes tendues de la lyre, qu'il fut forcé de disposer horisontalement, non verticalement; sans quoi, il n'auroit pû y joindre avec facilité l'écriture des paroles chantées, qui parmi nous est horisontale & non verticale. Il traça donc plusieurs lignes les unes sur les autres, représentant les degrés & les intervalles des sons plus ou moins aigus; il figura sur les lignes & les entre - lignes de petites notes noires, chaque ligne & entre - ligne immédiats représentant l'intervalle d'un demi ton. D'autres musiciens ont depuis distingue la vîtesse ou la lenteur du chant, & fixé la duree intrinseque de chaque note, en traçant les notes blanches, noires, à queue, crochues, doublement crochues, &c. d'autres ont ensuite inventé divers autres signes, pour représenter les tremblemens & les renflemens du son, le tems, la mesure à deux, trois, & quatre gestes, les silences, &c. ces derniers s'appellent pauses & soupirs, parce qu'ils donnent au chanteur le tems de se reposer, de respirer, & de reprendre haleine. Quant aux clés placées au commencement de chaque ligne, soit qu'on les y voye seules, soit qu'elles soient accompagnées de dièses & de bémols, elles ouvrent l'intelligence de la modulation traitée dans l'air: elles montrent tout - d'uncoup quelle est l'octave employée dans cet air; si c'est la basse, la moyenne, ou l'aiguë; & par - là elles font voir à portée de quel genre de voix l'air est composé. Noas répétons la clé au commencement de chaque ligne: mais les Italiens se contentent de la figurer une fois pour toutes au commencement de la premiere ligne. Il y a sept clés, c'est - à - dire autant que de sons dans l'échelle diatonique: dans la regle, les sept clés devroient porter le nom des sept sons, & chacune se trouver posée au commencement de la ligne sur la place de la tonique de l'air qu'elle indique. Mais comme les clés ont été introduites moins encore pour montrer le ton final & principal de l'air, que pour indiquer si l'air est grave, moyen, ou aigu; & comme l'inventeur ne considéroit alors que son échelle naturelle de l'octave ut, il n'a donné que trois noms aux clés, sçavoir, fa, ut, sol; parce que dans cette échelle de son octave ut, la note tonique, c'est à - dire le son principal, final, & moyen, est ut, ayant pour dominante aiguë sol, & pour sous dominante grave fa. Sur ce principe, il s'est déterminé à indiquer le chant grave par la cle de fa; le chant moyen, par la clé d'ut; le chant aigu, par la clé de sol. Cette observation étoit très - heureuse de la part de l'inventeur, soit qu'il y ait été conduit par force de génie, ou par hasard; car elle indiquoit en même tems tout le plan de l'harmonie, tant consonnante que dissonnante. Elle s'est trouvée d'accord avec le fameux principe de la basse fondamentale par quintes, découvert depuis par le célebre Rameau, & qui sert de base à sa profonde théorie. Un chant, dit ce savant homme, composé du ton ut & de ses deux quintes fa & sol, l'une au - dessous, l'autre au - dessus, donne le chant ou la suite des quintes fa, ut, sol, que j'appelle basse fondamentale d'ut par quintes. Les trois sons qui forment cette basse & les harmoniques de chacun de ces trois sons, composent tout le mode majeur d'ut, & en même tems toute la gamme diatonique inventée par Guy d'Arezzo, comme nous le verrons encore mieux ci - après.

Telle est la suite des procédés & des idées qu'a eu dans la tête l'inventeur de notre gamme, en réformant la méthode greque. Ces procédés sont si connexes, si bien liés, si dépendans les uns des autres, qu'on ne peut douter qu'il n'ait eu de telles pensées dans l'esprit, & à - peu - près dans le même ordre que

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