ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"257"> claire, on avance les mains du côté de la tête, qui est tournée vers l'ouvrier dans cette manipulation: on serre, on frotte, en un mot on lave cette partie, & tout le reste de la peau, comme la premiere. On rechange d'eau; cependant les peaux s'égouttent: quand elles sont bien égouttées, on les reporte au cuvier, pour leur donner un dernier lavage, après lequel on les jette l'une après l'autre sur une perche exposee à l'air, où on les laisse pendant quatre heures. Alors elles sont prêtes à pasler au confit.

Voici comment vous le préparerez. Vous prendrez pour un cent de peaux d'agneaux propres à faire des fourrures, un bichet de sarine moitié seigle & moitié orge, avec quinze livres de sel: vous ferez fondre le sel dans de l'eau, & vous vous servirez de cette eau pour détremper votre farine. Quand elle sera bien délayée, vous y jetterez de plus, pour deux cents d'agneaux, de nouvelle eau, à la quantité en tout de cinq à six seaux, tant de cette eau nouvelle que de l'eau salée: au reste, cela varie selon la force des peaux.

Quand vos peaux seront bien égouttées, pliez - les de la tête à la culée, l'une après l'autre, la laine en - dedans; que les deux slancs se touchent. Prenez de la main droite une peau par la culée; tenez - la par la tête de la main gauche: que le dos soit tourné de votre côté. Trempez - la dans le consit; d'abord d'un côté, ensuite de l'autre, la tournant & la retournant sans déranger vos mains, que vous glisserez seulement le long du dos, pour faire pénétrer la pâte dans la peau.

Quand vous aurez ainsi trempé toutes vos peaux, placez - les dans un cuvier propre, les unes sur les autres, les arrosant de ce qui peut vous rester de pâte. Deshabillez - vous jusqu'à la ceinture; entrez dans le cuvier, & foulez pendant un quart - d'heure: marchez tout - autout du cuvier; tâchez d'atteindre le fond avec vos piés; pressez les peaux de toute votre force. Faites entrer la nourriture dans le cuir; cela s'appelle renfoncer le consit. Cette manoeuvre se réitere deux fois par jour, une fois le matin, une fois le soir, & se continue quinze jours, & quelquefois trois semaines, pendant lesquelles, de deux jours l'un, on jette les peaux sur une planche mise en - travers sur le cuvier, les laissant égoutter pendant la journée: le soir on les remet de dessus la planche dans le cuvier, observant de les tenir posées lâchement les unes sur les autres & comme soulevées, afin qu'elles prennent fausse par - tout.

Ce travail du consit ne se pratique que dans les mois de Mai, Juin, & Juillet, afin d'avoir un tems favorable pour étendre. Si vous voulez vous assûrer que le cosit est mûr, c'est l'expression du fourreur, c'est - à - dire si les peaux sont prêtes à étendre, regardez aux flans de la peau du côté de la laine: placez vos doigts sous la peau du côté du cuir; frottez - la du côté de la laine avec le pouce. Si vous emportez le court - poil, ou si même en avançant vers le milieu du corps, vous faites la même expétience & la même observation, il est tems d'étendre.

Vous choisirez un jour de beau soleil; sur les trois ou quatre heures du matin, vous tirerez toutes vos peaux du cuvier, & les étendrez sur la planche mise en - travers du cuvier; elles seront les unes sur les autres, la laine tournée en - dessus; vous les laisserez égoutter pendant quatre heures: de - là vous les passerez dans quelqu'endroit d'un pré où l'herbe soit courte, & que le soleil échausse long - tems; vous les porterez par la culée, & les étendrez sur la laine, observant de tirer à droite & à gauche les deux ventres, & de bien étaler les pattes.

Lorsque le cuir sera sec, vous retournerez les peaux, & vous exposerez la laine en - dessus, ne négligeant pas de les changer de place. Si vous les re<cb-> mettiez au même endroit, l'humidité que la laine auroit laissée sur l'herbe, ne manqueroit pas de rentrer dans les peaux & de les ramollir; ce qui pourroit les gâter.

Si la pluie survenoit tandis que vos peaux sont étendues, il ne faudroit pas manquer de les relever, & de les porter à couvert sur des perches, la laine tournée en - dessus. On les laisseroit sur les perches jusqu'à ce que la pluie fût passée, & qu'on pût les rétendre sur l'herbe, afin d'achever de les sécher. Il ne faut pas ignorer que si le consit pressoit, c'est à - dire demandoit qu'on tirât les peaux du cuvier, & qu'on ne le fit pas, ou que le tems ne le permit pas, il pourroit arriver que les peaux seroient perdues; elles lâcheroient la laine. Mais on prévient aisément ces accidens, avec un peu de précaution.

Lorsque votre confit ou vos peaux seront bien seches, il s'agit de les tirer au fer du pelletier.

Pour cet effet, ayez une grosse éponge; trempez - la dans l'eau; mouillez toutes vos peaux sur la chair legerement & uniment. Quand elles seront humectées, placez - les chair contre chair, culée contre culée, tête contre tête; laissez - les ainsi jusqu'au lendemain, ou même deux jours; elles s'imbiberont de leur eau. Quand elles seront bien soulées d'eau, prenez alors une claie; placez la au pié d'une table; jettez dessus cinq à six peaux; & les mains appuyées sur la table, foulez - les avec les piés: cette maniere de fouler est particuliere. L'ouvrier rassemble les peaux, il les roule sous le talon de son soulier droit; il les développe en - arriere, en poussant fortement; tandis qu'avec le derriere du talon de son soulier gauche, il les frappe, les pressant de la semelle, les tirant, les étendant, les brisant, les corrompant. Apres cette manoeuvre pratiquée sur toutes les peaux, il s'agit de les tirer au fer de pelletier: nous avous expliqué ci - dessus comment cela se pratiquoit. Quand elles sont tirées au fer, on les étend à l'air, la laine en - dessus: on choisit un beau jour de soleil. Le but de cet étendage est de sécher les peaux, afin d'en faire ensuite sortir la farine, & leur ôter la mauvaise odeur qu'elles ont, ainsi que toutes les autres peaux en poil, qu'il faut par conséquent exposer à l'air, comme les peaux d'agneaux: trois ou quatre heares d'exposition susfiront à celles - ci. Quand elles seront séchées, vous les hattrez sur la laine avec la baguette, comme il a été dit ailleurs.

Il ne s'agit plus maintenant que de savoir teindre à froid le poil de toutes sortes d'animaux: c'est le secret des sourreurs; & c'est ce qu'ils appellent lustrer les peaux.

Pour teindre à froid ou lustrer les peaux, voici les drogues dont il faut se pourvoir.

De noix de galle; il faut les choisir pesantes, noirâtres, & bien nourries: de verd - de - gris, soit en poudre, soit en pain, mais le plus sec, le moins rempli de taches blanches, & celui dont le verd est le plus beau: d'alun de glace ou d'Angleterre: de couperose d'un beau verd bleuâtre, claire, transparente, en gros morceaux, & bien seche: d'arsenic, en gros morceaux pesans, luilans en - dedans, & blanchâtres en - dehors: de sel ammoniac de Venise, en pains épais de cinq doigts, gris en - dehors, blances & crystallins en - dedans; blanc, net, sec, d'un goût acre & pénétrant: d'antimoine à longues aiguilles, brillantes & faciles à casser: de summac. Voyez ces drogues a leurs articles.

Pourvû de ces drogues, ayez les ustensiles suivans.

1°. Un pot de cuivre rouge fait en poire, à deux couvercles; l'un posé en - dedans sur un rebord, l'autre emboîtant le dessus ou la gorge du pot par - dehors, où il se fixe par deux crochets placés aux cô<pb-> [p. 258] tés opposés aux deux anses: ce pot doit tenir dix à douze pintes, grande mesure.

Allumez du feu; mettez votre pot sur un trépié: prenez deux onces de graisse de boeuf; hachez - la bien menu; faites - la fondre dans votre pot: quand elle sera fondue, jettez - y huit livres de noix de galle; couyrez le pot de votre premier couvercle, qui doit s'ajuster fort exactement; couvrez du second, & accrochez - le. Lorsque ce mélange sera chaud, vous prendrez votre pot par les anses; vous l'agiterez de gauche à droite, de droite à gauche; ensuite vous le renverserez tout - à - fait, ensorte que le fond soit tourné en - haut, & le couvercle vers la terre. La matiere se mêlera dans ce mouvement. Remettez ensuite le pot sur le trépié; tenez - le sur le feu pendant une heure, observant de le remuer, comme nous venons de le prescrire, de cinq en cinq minutes pendant la premiere demi - heure, & de trois en trois minutes pendant la seconde. Soûtenez le feu égal pendant l'heure entiere; alors vous n'entendrez plus sonner vos noix de galle dans le pot; elles vous paroîtront faire une masse, & rendre une odeur forte de brûlé: c'est à ce moment, disent les fourreurs, que creve la noix de galle. Otez le pot de dessus le feu; ne le débouchez point, tenez - le renversé, & le laissez refroidir pendant huit heures: alors ouvrez votre pot: ayez un mortier de fonte tout prêt, de la capacité d'un seau d'eau, ou environ; prenez trois poignées de vos noix de galle brûlées; jettez - les dans le mortier, & pilez - les à petits coups, pour n'en pas perdre les éclats; réduisez en poudre très menue; tamisez au tamis de soie; remettez sous le pilon ce qui ne passera pas au tamis: cela fait, renfermez votre noix de galle brûlée & tamisée dans un pot de terre vernissé, que vous boucherez bien exactement.

Prenez un bichet de chaux; mettez - la dans un tonneau de la capacité de dix à vingt pintes, grande mesure; laissez - la s'éteindre; emplissez ensuite votre tonneau d'eau; remuez - bien, & laissez - le reposer jusqu'à ce que l'eau vous paroisse claire & nette.

Cela fait, voici comment vous lustrerez les peaux de renard, de chat sauvage, de loutre, &c.

Prenez une livre d'alun de glace, une demi - livre de sel ammoniac, une livre & demie de verd - de - gris, une livre & demie de couperose verte, un quarteron d'alun de Rome; mêlez le tout ensemble dans un mortier; pilez, réduisez en poudre; arrosez de l'eau de chaux préparée peu - à - peu; délayez. Lorsque le mélange aura la fluidité la plus grande, laissez reposer deux heures: alors prenez de vos noix de galle cuites, pulvérisées, & tamisées, trois livres; de litharge d'or, une livre; d'antimoine bien pilé & passé, une demi - livre; une demi - livre de plomb de maire aussi bien passé, & de mine de plomb, deux livres: délayez - le tout ensemble dans un bacquet avec votre eau de chaux. Quand tout sera dans une espece de bouillie, versez dessus cette bouillie ce que vous avez préparé dans votre mortier, ajoûtez un peu d'eau, mais très - peu: car les deux mélanges ensemble ne doivent pas faire plus de dix à douze pintes, toûjours grande mesure. Remuez - bien; laissez reposer pendant une heure, & commencez à lustrer.

On ne doit point lustrer de peaux qu'elles n'ayent été bien passées & dégraissées, comme nous l'avons prescrit ci - dessus.

Pour lustrer une peau, étendez - la sur une table, le poil en - dessus; qu'elle ne fasse aucun pli; qu'elle ait la tête du côté gauche, & la culée du côté droit; faites remuer votre composition avec une spatule; ayez une brosse longue de huit pouces, & large de quatre, faite de soies de porc ou de sanglier de deux pouces de long, afin que ses poils puissent entrer parmi ceux de la peau. Appuyez votre main gauche sur la tête de la peau; & de la droite, trempez votre brosse dans le bacquet, & passez - la sur la peau depuis votre main gauche jusqu'à la culée: faites - en autant sur le pates; que votre peau ait été par - tout frottée de la brosse, & que les poils en soient bien unis: faites remuer la composition; retrempez votre brosse dedans; repassez - la sur la peau, mais en la faisant un peu tourner sur elle - même; ce mouvement fera entrer les poils de votre brosse entre les poils de votre peau: frottez ainsi depuis la téte jusqu'à la culée. Par ce moyen, le lustre pénétrera à fond; mais les poils de la peau seront tous mêlés. Reprenez pour la troisieme fois du lustre avec la brosse, & repassez encore de la tête à la queue, afin de coucher le poil & l'arranger. Cela fait, vous retremperez une quatrieme fois la brosse dans la composition au lustre; vous l'appliquerez sur la peau, & la toucherez à petits coups, afin que le lustre dont elle sera chatgée tombe sur la peau.

Regardez alors attentivement votre peau: si le lustre vous en paroît également étendu par - tout, prenez - la par la tête de la main gauche, & par la culée de la main droite: faites - la égoutter un moment sur votre bacquet, afin de ne point perdre de composition, & l'étendez ensuite au soleil, le poil en l'air; à moins que ce ne fussent des peaux de renard: dans ce cas, il faudroit les mettre deux à deux, poil contre poil, le cuir exposé au soleil; & de tems en tems retourner celle qui est dessous & la mettre dessus, le poil toûjours contre le poil: sans cette précaution, la chaleur du soleil feroit friser le poil, & gâteroit la peau. Si vous voulez cependant les faire sécher à l'air, le poil découvert, tenez les à l'ombre: mais le plus sur est de les mettre deux à deux, & poil contre poil.

L'ardeur du soleil échauffe le lustre, l'attache, & rend la peau noire & luisante.

Lorsque ces peaux sont seches, vous les battez jusqu'à ce qu'il n'en sorte point de poussiere; vous les rétendez sur la table; & avec une brosse plus rude, vous les brossez fortement de la tête à la queue, pour arranger le poil: après quoi, vous leur donnez du lustre, comme la premiere fois.

Il y a des renards que l'on lustre jusqu'à cinq fois, avant que de leur donner le fond.

Mais le travail du lustre avancera davantage, si l'on a une étuve où l'on puisse faire sécher les peaux, & le lustre en mordra beaucoup plus facilement sur le poil. Il faut que cette étuve ait cinq ou six piés de long sur trois piés de large, & cinq à six de haut: c'est un cabinet de planches assemblées, dont on a bien fermé toutes les jointures avec du papier collé, afin que la chaleur ne s'évapore point: le dedans est garni de clous à crochets, auxquels on suspend les peaux lustrees. On y tient deux poëles de feu allumées, l'une à un bout, & l'autre à l'autre; & l'on ferme la porte. Une attention qu'on ne peut avoir trop scrupuleusement, quand on met des peaux en étuve, c'est que la composition ou le lustre n'ait pas touché le cuir de la peau, & qu'il n'en soit pas mouillé: la peau en se séchant, en seroit infailliblement brûlée. Pour cet effet, quand vous avez mis une peau en lustre, vous en prenez une non lustrée; & la tenant de la main droite par la tête, & la tirant, le poil tourné contre la table, vous en pressez le cuir de la gauche: tandis qu'elle glisse ainsi entre la main gauche qui la presse, & la droite qui la tire, elle enleve tout ce qui s'est répandu de lustre sur la table; & celle que l'on y expose ensuite du côté du cuir, & le poil en - haut, ou la même, n'en prend plus du côté du cuir, & ne se mouille pas.

Lorsque vous voyez que la pointe des poils a bien pris le lustre, vous refaites de la composition telle que celle dont vous vous êtes servi pour lustrer; & vous

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.