ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"255"> mettrez dans un tonneau defoncé d'un bour. Vous pancherez le tonneau, afin que les peaux se trouvent sur le fond qui reste, comme sur un plan incline. Ce tonneau doit être regarde comme une erpece de moulin à toulon. Un ouvrier nud depuis la ceinture jusqu'aux pies, entrera dans ce tonneau; il se ceindra le corps d'un drap ou d'une sarpilliere qu'il rabattra sur l'ouverture du tonneau. On liera la sarpilliere sur le tonneau. Alors il commencera à fouler les peaux avec ses piés. Les peaux s'échaufferont; & la sarpilliere qui couvre l'ouverture du tonneau, empéchera que la chaleur ne se dissipe. On foule les peaux pendant deux heures.

Apres qu'on les a foulees, on les retire du tonneau. On a du mare d'huile d'olive, ou de la graisse, mais le mare d'huile vaut mieux; on en oint par - tout les peaux. C'ependant on a mis un rechaud avec du ten dans le tonueau; quand il est echauffe suffisamment, on ote le rechaud. On remet les peaux dans le tonneau; l'ouvrier y rentre avec la sarpilliere qui est attachee autour de sa ceinture, & qu'on lie sur le tonneau, comme on avoit fait la premiere fois; & les peaux sont encore foulees pendant deux heures.

Cela fait, il faut triballer les peaux. Cette manoeuvre a pris son nom de l'instrument qu'on emproye, & qu'on appelle triballe. La triballe est un morceau de fer, tout semblable à celui dont on se sert à la campagne pour travailler le chanvre. Il a 18 pouces de hauteur, 3 de largeur, & 2 de branches; sur le dos 5 lignes d'epaisseur; mais cette épaisseur va toulours en diminuant, comme si l'instrument devoit se terminer par un tranchant; mais il est mousse & ne coupe point. La difference de la triballe & du fer des filassiers, c'est que la triballe a son espece de tranchant ou de côté menu, en - dedans des branches, & le dos tourne à l'ouvrier.

Pour triballer, l'ouvrier prend une peau tout au sortir du tonneau; il a enfoncé les branches de sa triballe dans un poteau, ou dans un mur; pour cet effet ces branches sont pointues par chaque bou, & sont longues d'environ 3 pouces. Il passe sa peau sous la lame se la triballe, entre cette lame & le poteau; il en tient le milieu de la main droite, & la tête de la main gauche, sans être debousee; il avance le pié gauche du côté du mur; il retire le pié droit en - arriere: làchant la peau & la conduisant de la main gauche, & la tirant fortement de la main droite, il la fait alier & venir sur la triballe contre laquelle tout le poi ls de son corps qu'il jette en - arriere à chaque mouvement, la tient appliquée.

On triballe de toutes ses forces les peaux de chien & de loup. On ne risque point de les déchirer. Il faut travailler les autres avec plus de ménagement.

L'action de triballer les peaux les corrompt & les assouplit; peut - être même aide encore à leur faire prendre l'huile qu'elles ont commencé à boire dans le tonneau à fouler.

Lorsque les peaux sont triballées, on les débouse, on les etend sur leur large. On a un chevalet tel que celui des Chamoiseurs, en des d'âne, à demi-rond, ou convexe en - dessus, & concave par - dessous; ce chevalet doit avoir 5 à 6 piés de longeur. Vous le placez appuye d'un bout contre le mur; vous élevez l'autre à la hauteur de votre estomac, par le moyen d'une espece de croix de saint André, qu'on appelle la gambette; vous etendez votre peau de loup ou de chien sur le chevalet; vous prenez un couteau à deux manches, qui ait depuis 22 juiqu'à 23 pouces de long, y compris les manches, dont la lame ait deux pouces & demi de large, & six lignes d'épaisseur au dos. Ce couteau qui est un peu concave du côté du taillant, pour pouvoir prendre la rondeur du chevalet, s'appelle couttau a echarner. Il ne coupe pas sur toute sa longueur, mais seulement d'un de ses bouts jusqu'au milieu. Vous pressez votre ventre contre la peau que vous arretez ainsi sur le chevalet. Vous appliquez dessus le concave de votre couteau, du côté de la chair; vous la raclez avec la partie qui ne coupe point, afin de corrompre la chair & en preparer la separation d'avec le cuir. Vous travaillez ensuite avec la partie tranchante, appuyant également & legerement, & craignanttoûjours d'endommager la peau. Vous continuerez d'écharner, jusqu'à ce que vous apperceviez à la peau de petits points noirs. Ces points sont la racine du poil. Si vous continuez l'action du couteau, vous détacherez le poil du cuir; & votre peau aura alors le defaut que les ouvriers désignent, quand ils disent d'une peau, qu'elle lache.

Quand la peau est écharnée, vous la prenez, l'agitez en l'air de la main gauche; & avec une baguette que vous tenez de la droite, vous la frappez sur le poil, afin de le faire relever. Ayez ensuite un tonneau traversé de part en part des deux fonds, par un axe, à l'un des bouts duquel il y ait une manivelle; que ce tonneau soit soûtenu comme une roue, & puisse tourner sur lui - même; qu'il y ait à son flanc une ouverture de huit pouces en quarré, avec une porte pour la fermer. Ayez du plâtre pulvérisé bien menu: faites - le chauffer d'une chaleur à pouvoir y supporter la main, & à ne point brûler le cuir; mettez - le dans le tonneau avec les peaux, & faites tourner le tonneau lentement, ensorte que le plâtre s'insinue entre les poils de la peau, & les dégraisse. Pour empécher que les peaux ne se tortillent sur elles - mêmes dans le tonneau, on y a pratiqué à sa surface, en differens endroits, des trous, où sont enfoncées des chevilles ou broches de bois qui entrent dans le tonneau d'environ 5 pouces de long.

On peut travailler ainsi quatre à cinq peaux de loup à - la - fois. Il faut pour ce nombre de peaux, un demi - boisseau de plâtre. On tourne ainsi les peaux pendant un quart - d'heure: on les retire; on les bat avec la baguette ou contre le mur, pour en faire tomber la grosse poussiere; on les rebat avec la baguette, on les repasse une seconde fois dans le tonneau avec le plâtre en poudre, ou de la - cendre de motte de tan, ou des cendres ordinaires, mais de preférence avec le plâtre; on les rebat, & on passe à une autre manoeuvre.

Nous obse - verons seulement sur celle - ci qu'elle a lieu pour les renards, les chats sauvages, les demestiques, & autres; les fouines, les martes de France, &c. avec cette difference que ces dernieres peaux se dégraissent séparément; au lieu qu'on pout travailler les autres ensemble.

Quand vous aurez si bien battu vos peaux dégraissées qu'il n'en sorte plus de poussiere, vous les tirerez au fer. Pour cet effet ayez un fer de pelletier. Cet instrument ou lame a 25 pouces de longueur, sur 6 de largeur; il a le taillant en dos d'âne; il vient en diminuant vers ses extrémités, où il n'a guere que trois pouces & demi de largeur; il a 4 à 5 lignes d'épaisseur sur le dos; cette épaisseur est la même jusqu'au milieu de la largeur de la lame, afin de le fortifier; de - là jusqu'au taillant qui est arrondi, l'épaisseur diminue.

Voici comment on attache ou fixe le fer de pelletier; on a deux branches ou pitons de la longueur de 21 à 22 pouces; ils sont fendus à la tête; les bouts du ser sont recus dans des especes de mortaises ou de fentes pratiquées à ces pitons. Vous plantez dans le mur votre piton le plus bas, environ à deux piés huit pouces de terre. Vous y fixez l'extrémité inférieure de votre fer, dont le taillant doit être tourné contre le mur; vous déterminez par la longueur du fer la hauteur à laquelle l'autre piton doit être plan<pb-> [p. 256] té. Vous arrêtez l'autre bout de votre fer dans la fente de ce piton que vous plantez dans le mur. Cela sait, vous tirez sur ce fer les peaux dégraissées, asin de les rendre nettes de chair, les corrompre, & les étendre davantage.

Vous commencez ce travail en prenant les deux flancs de la culée, endroits où il n'y a pas ordinairement beaucoup de poil, & qui se trouvent sous la cuisse de derriere de l'animal (il en est de même des épaules qui se trouvent sous les cuisses de devant). Vous passez votre peau entre votre fer & la muraille; vous vous postez comme pour écharner; vous inclinez seulement en travaillant votre tête sur le côté gauche du fer; vous travaillez comme en écharnant; vous veillez soigneusement à ce que la peau ne se plisse point sur le fer; ces plis occasionneroient autant de trous à la peau; vous menez ainsi votre peau sur le fer le plus fermement & le plus également que vous pouvez. Les piés ne se dérangent point; tout le mouvement est des bras. Le corps se tord un peu sur lui - même; il tourne de droite à gauche, quand on tire à gauche, & de gauche à droite quand on tire à droite. Il faut seulement observer en tirant à gauche, de ne pas fortement appuyer sur le fer. Il s'agit seulement dans ce mouvement de prevenir les plis qui pourroient se faire à la peau; la force du bras droit, est la seule qui soit employée en entier.

Lorsque vous aurez corrompu votre peau sur le dos, vous la corromprez sur le ventre; & vous travaillerez jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de chair: alors vous mettez votre peau sur son carré.

Il faut observer que quand le fer ne coupe plus, il faut lui donner le sil des deux côtés, & renverser le morsil du côté gauche.

Toutes les peaux soit en poil, soit en laine, se tirent de la même maniere. Quant à celles d'ours qui sont très - grandes & très - pesantes, il est difficile de les tirer au fer. On se contente de les bien écharner; ensuite on a un banc à quatre piés, semblable à celui des Bourreliers. Il est long de six piés, & large de quatorze pouces; de la hauteur d'un siége; on fixe à une de ses extrémités des fers paralleles ou qui se regardent, comme deux especes de palissons de chamoiseur & de gantier; il y a à l'autre extrémité une perche mobile à charniere, de la longueur de neuf piés; cette perche peut en s'approchant du corps du chevalet, retomber entre les deux planches qui sont encastrées sur le banc, & garnies des fers ou palissons paralleles.

Deux hommes sont employés à l'usage de cet outil. Il faut que celui qui doit manier la peau, se mette à cheval sur la perche; qu'il prenne la peau, & qu'il la place sur les deux palissons du côté de la chair; que la perche soit ensuite abaissée sur le milieu de la peau comprise entre les deux palissons; qu'un autre ouvrier tienne le bout de la perche à deux mains, la leve & la laisse retomber de trois pouces de haut au - dessus des palissons; que le premier fasse glisser la peau bien étendue sur les palissons; que le second releve la perche & la laisse retomber; & que le travail se continue ainsi jusqu'à ce que la peau soit bien corrompue.

Au demeurant ces peaux ne se dégraissent point dans le tonneau comme les autres. On les étend sur une table; on a de la poussiere de motte de tanneurs bien seche & bien échauffée au soleil; on en prend, & avec les mains on en frotte les peaux du côté du poil. Cela fait, on les bat à quatre sur le poil.

Il est bon de savoir que si l'on employoit à cette manoeuvre le plâtre, loin de donner à la peau d'ours un beau noir, on lui trouveroit le fond du poil blanchâtre.

Mais il y a d'autres peaux que l'ours, qui ne se peuvent fouler au tonneau; telles sont toutes celles qui ont le poil tendre & délicat: comme le lievre blanc, le renard noir, le renard bleu, le loup cervier, &c. on se sert alors d'une pâte dont nous allons donner la préparation, après avoir averti qu'elle peut être employée sur des peaux qui ont été mal passées, & auxquelles la négligence de l'ouvrier n'aura laissé que cette ressource.

Prenez trois pintes grande mesure de farine de seigle, & une douzaine & demie de jaunes d'oeufs; délayez le tout ensemble dans une grande terrine avec deux livres de sel que vous aurez fait fondre dans de l'eau. Mais avant que d'arroser la farine & les jaunes d'oeufs avec l'eau salée, mêlez - y une demi-livre d'huile d'olive; ensuite achevez de détremper votre pâte par le moyen de l'eau salée. Cette pâte aura quelqu'épaisseur, mais cependant assez de fluidité. Appliquez - la sur le cuir de votre peau; qu'il y en ait par - tout également, & à - peu - près de l'épaisseur de deux écus; cela fait, pliez - la en deux, depuis la tête à la culée; laissez cet enduit enfermé dans le pli environ douze jours. Au bout de ce tems ouvrez votre peau: raclez l'enduit en un endroit avec un couteau; tirez le cuir; s'il vous paroît blanc, il sera passé; s'il n'est pas blanc, remettez de la pâte: repliez la peau, & la laissez encore huit jours en cet état. Mais ce tems écoulé, portez - la sur le chevalet & l'écharnez. Quand elle sera écharnée, gardez - vous bien de la faire sécher à l'air, de peur qu'elle ne durcisse. Mais prenez de la farine (de quelqu'espece que ce soit), étendez - en sur votre peau du côté du cuir, de l'épaisseur d'une demi - ligne: frottez bien par - tout avec vos mains: pliez la peau comme ci - dessus; laissez - la ainsi saupoudrée & pliee pendant deux jours. Au bout de ce tems ouvrez - la, ôtez la farine: gardez à part cette farine pour une autre occasion, & passez la peau au fer de pelletier, comme nous l'avons dit plus haut.

On se sert de cette pâte pour passer les peaux de marte, de foüine, & de renard, qui ne peuvent se fouler.

Mais il y a une façon de passer les peaux d'agneaux, dont on se sert pour fourrer les manchons; on l'appelle passement au consit.

Voici comme on passe au consit: Prenez un cent de peaux d'agneaux; faites - les tremper pendant deux jours dans un grand cuvier rempli d'eau. Prenez votre chevalet; placez - le comme nous avons dit ci - dessus, pour écharner. Ayez un tablier de peau de veau bien tannée: faites le haut du tablier de la tête de cette peau; attachez à chaque pate de devant une ficelle, & ceignez ce tablier avec ces sicelles. Etendez la peau sur le chevalet; contenez la culée entre le chevalet & votre estomac: écharnez avec le couteau à écharner; ayez - en un autre avec lequel vous séparerez de la peau les oreilles, le bout du nez, & les mâclioires, qui ne serviroient qu'à faire tourner le consit. Voyez à l'article Chamoiseur, le travail de ces peaux sans poil.

Lorsque vous aurez écharné toutes vos peaux, vous les remettrez dans le cuvier rempli de nouvelle eau; vous les y laisserez tremper une heure ou deux; vous les en tirerez l'une après l'autre, pour les remettre sur le chevalet, la laine en l'air; que vous froterez fortement avec le dos de votre coutena à écharner, afin d'en séparer toute la malproprete cette malpropreté feroit aussi tourner le confit; celle manoeuvre s'appelle rétaler. Quand vous aurez retalé toutes vos peaux des deux côtés, vous remplirez votre cuvier d'eau nouvelle, & les y laverez l'une après l'autre: pour les laver, on les prend par les flanes de derriere de chaque main; on tourne la laine en - dessus; on les plonge ainsi dans l'eau, on les serre, on les frote; on fait sortir la crasse: quand l'eau tombe

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