ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"315"> quelle impression pourroient faire les rayons de cet astre sur un corps qui se laisse traverser presque sans obstacle? La chaleur du soleil refléchie par les particules de l'air échauffe beaucoup plus que la chaleur directe. Or les particules d'un air subtil étant fort écartées les unes des autres, les rayons qu'elles réfléchissent sont en trop petite quantité. A cette raison générale, ajoûtons pour expliquer le froid qui se fait sentir sur le sommet des montagnes, que le soleil n'éclaire chacune des faces d'une montagne que pendant peu d'heures; que les rayons sont souvent reçûs fort obliquement sur ces différentes faces; que sur une haute pointe de rochers fort escarpés, laquelle est toûjours d'un très - petit volume, la chaleur n'est point fortifiée comme dans une plaine horisontale par une multitude de rayons, qui refléchis sur la surface de la terre, se croisent & s'entrelacent dans l'air de mille manieres différentes, &c. M. Bouguer, relation abregée du voyage fait au Pérou, à la tête du livre intitulé la figure de la terre déterminée par les observations, &c.

Les pays situés vers le milieu des grands continens sont en général plus élevés que ceux qui sont plus voisins de la mer; aussi fait - il plus de froid dans les premiers que dans les derniers, toutes choses d'ailleurs égales. Moscou par cette raison est beaucoup plus froid qu'Edimbourg, quoique les latitudes de ces deux villes different à peine de quelques minutes.

La nature du terrein mérite une considération particuliere. Rien n'est plus ordinaire que de voir arriver au milieu même de l'été, de grands froids & de très - fortes gelées dans les pays dont le terrein contient beaucoup de salpetre, comme par exemple, à la Chine & dans la Tartarie chinoise. La plûpart des sels fossiles, & sur - tout le sel ammoniac, lorsqu'il s'en trouve dans les terres, produisent de semblables effets. Voyez ce que dit M. de Tournefort, voyage du levant, lettre 18. du grand froid qu'il éprouva dans le mois de Juin aux environs d'Erzerom, ville capitale de l'Arménie, pays abondant en sel ammoniac naturel. On doit remarquer qu'Erzerom n'est tout au plus qu'au 40°. degré de latitude.

En parlant du froid artificiel, nous verrons que les sels ont la propriété de refroidir l'eau dans laquelle ils sont dissous. Il suit de - là que des terres chargées de sels, pourvû qu'elles se trouvent fort hamides, peuvent acquérir indépendamment de la cause générale des saisons, un degré de froid considérable. La froideur du terrein se communique en partie à l'air; & si comme le prétendent plusieurs physiciens, l'action du soleil ou quelque autre cause fait élever dans l'atmosphere une assez grande quantité de corpuscules salins, le froid redouble, ces corpuscules refroidissant les molécules d'eau disperées & soûtenues dans l'air. M. de Mairan, dissert. sur la glace, pag. 42 & suiv.

Il y a dans l'intérieur de la terre, au - moins jusqu'à une certaine profondeur, un fond de chaleur qui n'est nullement assujetti à la vicissitude des saisons. La température assez constante de certaines caves, des mines, & de la plûpart des lieux un peu profonds, les sources d'eaux chaudes, les volcans, les tremblemens de terre, & mille autres phénomenes en sont la preuve incontestable. Je n'examinerai point si cette chaleur a sa source dans un feu central, ou si elle dépend principalement de la nature du soufre & de certains minéraux qui se trouvent abondamment dans les entrailles de la terre. Tout ce qu'il importe de considérer ici, c'est que la terre indépendamment de l'action du soleil, doit pousser hors d'elle - même des vapeurs chaudes, quand rien ne s'y oppose d'ailleurs. Or ces vapeurs chaudes une sois admises, il est clair que la quantité qui s'en eleve en différens tems & en différens pays, doit variet à cause des fréquens changemens qui arrivent dans l'intérieur de la terre; & il n'est pas moins évident qu'on ne peut supprimer en tout ou en partie ces mêmes vapeurs, sans que la chaleur qui en résultoit sur la terre & dans l'air n'en soit diminuée, ou ce qui revient au même, le froid augmenté. Plusieurs causes locales, telles que des bancs de rochers, des nappes d'eau soûterreines, & même en certains endroits des amas de glaces, peuvent intercepter les vapeurs dont nous parlerons. M. de Mairan, dissert. sur la glace, pp. 55. & suiv. Voyez Feu central, Terre, Tremplement de Terre , &c.

Tout ce qui vient d'être dit, sert à reudre raison de certains froids excessifs très - peu proportionnés à la latitude des lieux où on les éprouve. Les hyvers sont beaucoup plus rigoureux en Sibérie entre les 55 & 60 degrés de latitude, que dans la plûpart des autres pays situés entre les mêmes paralleles. C'est que la Sibérie, si on s'en rapporte aux rivieres qui y prennent leur source, est peut - être le pays du monde le plus élevé; que le terrein y est fort compacte; qu'il abonde en nitre & en autres sels; que presque toûjours on y trouve en plusieurs endroits de la glace à quelques piés sous terre, & que cette glace s'étend vraissemblablement à une très - grande profondeur. Nous verrons ailleurs comment ces amas de glace peuvent se conserver sous terre, la chaleur de l'été n'étant pas assez forte pour les fondre entierement. Voyez Glace.

On éprouve à la baie de Hudson sous la latitude de 57 degrés 20 minutes, un froid pour le moins aussi grand que celui qui se fait sentir en Sibérie. En général il regne un froid extrème dans le nord - oüest de l'Amérique. Le célebre M. Hailey conjecture que cette partie du nouveau monde étoit située autrefois beaucoup plus près du pole; qu'elle en a été éloignée par un changement considérable arrivé il y a fort long - tems dans notre globe. Il regarde en conséquence le froid qu'on ressent actuellement dans ces contrées, comme un reste de celui qu'elles éprouvoient dans leur ancienne position, & les glaces qu'on y trouve en très - grande quantité, comme les restes de celles dont elles étoient autrefois couvertes, qui ne sont pas encore entierement fondues.

L'air froid de la Sibérie ou de la baie de Hudson étant emporté par les vents dans d'autres régions, y doit augmenter considérablement la rigueur de l'hyver. Il fait beaucoup de froid dans la partie méridionale de la Tartarie moscovite ou chinoise, par certains vents qui viennent de la Sibérie. De même les vents qui soufflent du nord - oüest de l'Amérique, causent un froid extrème dans le Canada. C'est probablement la principale raison pour laquelle Quebec & Astracan, placés à - peu - près sous les latitudes de 46 ou 47 degrés, éprouvent des froids très - supérieurs à ceux qu'on ressent en l'rance sous les mêmes paralleles.

Les vents ont une influence très - marquée sur les vicissitudes des saisons; ils ne rafraîchissent point l'air par leur mouvement, mais ils apportent souvent avec eux l'air de certaines régions plus froides que la nôtre: ce qui fait le même effet. Dans notre hémisphere boréalle vent de nord est froid, principalement en hyver, parce que les pays d'où il vient sont plus froids par leur position que ceux où sa direction le porte. Il faut dire le contraire du vent de sud, qui dans notre hémisphere souffle des pays chauds vers les pays froids. Il est aisé de comprendre que dans l'hémisphere austral le vent de nord est chaud, & le vent du midi froid.

Il suffit de considérer ce qui arrive dans notre hémisphere. Puisque généralement parlant, le vent de nord y est froid, & le vent du midi chaud, les plus [p. 316] grands froids doivent se faire sentir en hyver par le vent de nord, ou par ceux de nord - oüest, de nordest, &c. qui participent plus ou moins à la froideur du premier. C'est aussi ce que l'on observe le plus communément.

On remarque souvent en hyver que quand le vent passe subitement du sud au nord, un froid vif & piquant succede tout - à - coup à une assez douce température. La raison de ce dernier changement est facile à trouver. Quand le vent de sud regne en hyver, l'air est plus échauffé par ce vent qu'il ne le seroit par la seule action des rayons du soleil. Cependant la chaleur dans ces circonstances est encore assez foible; puisque dans les provinces méridionales de la France, le vent étant au sud dans les mois de Décembre, de Janvier, & de Février, le thermometre de M. de Réaumur ne s'éleve guere le matin qu'à 6 ou 7 degrés au - dessus de la congolation, & l'après - midi à 10 ou 11 degrés. La seule privation du vent de sud doit donc causer dans l'atmosphere un refroidissement, qui sans être fort considérable, ira bien - tôt jusqu'à un terme fort approchant du terme de la glace dans des pays qui ne sont pas extrèmement froids. Si nous ajoûtons que le vent de nord augmente le refroidissement, nous verrons clairement pourquoi le froid est déjà assez vif, lorsqu'à peine le vent le nord a commencé de souffler.

Si le vent de nord est déterminé à souffler en même tems sur une grande partie de la surface de notre globe, le froid pourra commencer en même tems dans des pays fort éloignés.

Le froid est plus général ou plus particulier, selon que le vent de nord qui l'amene regne sur une plus grande ou sur une moindre étendue de pays; il est d'autant plus considérable que les régions d'où vient ce vent de nord, sont plus voisines du pole, ou plus froides d'ailleurs par quelqu'une des causes locales indiquées ci - dessus.

Il n'y a nulle difficulté à concevoir qu'un vent de nord, ou tout autre vent regne en même tems dans une grande partie de notre hémisphere, les causes qui produisent les vents étant par elles - mêmes assez puissantes pour imprimer à une partie considérable de l'atmosphere terrestre un certain mouvement déterminé. Voyez Vent.

Qu'un vent de nord apporte dans notre zone tempérée l'air glacé des régions voisines du pole, c'est ce qui doit arriver naturellement dans plusieurs circonstances. Si par exemple les vents de sud ont soufflé pendant long - tems avec beaucoup de violence dans une grande partie de notre hémisphere, l'air fortement comprimé se sera resserré vers notre pole; il se rétablira avec force, quand les causes qui produisoient les vents de sud auront cessé; il s'étendra au loin; il sera très - froid, parce que les régions d'où il viendra seront fort septentrionales.

C'est dans des circonstances à - peu - près semblables que le froid devenant plus considérable & plus général, on pourra éprouver dans une grande partie de la terre un froid pareil à celui qui se fit sentir en 1709.

Au reste je ne prétens nullement décider qu'on se soit effectivement trouvé en 1709 dans les circonstances que je viens d'indiquer. Différentes combinaisons des causes accidentelles du froid avec la cause générale pouvant produire à - peu - près les mêmes effets, il est souvent très - difficile, quand un froid extraordinaire arrive, de déterminer précisément ce qui peut y avoir donné lieu.

Le vent de nord nous apporte en assez peu de tems l'air des pays septentrionaux. On trouve par un calcul fort aisé, qu'un vent de nord assez modéré, qui parcourroit 4 lieues par heure, apporteroit l'air du pole à Paris en moins de 11 jours. Ce même air ar<cb-> riveroit à Paris en 7 jours par un vent violent, qui feroit par heure jusqu'à 6 lieues. Un vent de nordnord - est viendroit de la Norw ege ou de la Laponie en moins de tems.

Bien des physiciens sont persuadés que le vent de nord souffle presque toûjours de haut en - bas, parce qu'il nous apporte un air plus condensé. Je crois que cette direction de haut en - bas, à laquelle la terre resiste, n'a guere lieu que pour certains vents de nord qui soufflent dans une étendue de pays peu considerable. Un vent qui regne dans une grande partie de notre hémisphere, ne peut guere s'ecarter de la direction horisontale que pour souffler de bas en - haut. Je mets à part les obstacles que les montagnes opposent à la direction du vent.

Ce qui est bien certain, c'est qu'un vent est froid, par cela seul qu'il prend sa direction de haut en - bas, la raison en est sensible, après ce que nous avons dit, que les couches supérieures de notre atmosphere étoient toûjours plus froides que les inférieures.

Les vents qui ont passé sur les sommets des montagnes refroidissent beaucoup les plaines voisines, dans lesquelles ils se font sentir, principalement lorlque ces montagnes sont couvertes de neige. L'effet de ces sortes de vents est assez connu; ils sont souvent bornés à une étendue de pays peu considérable, & ils occasionnent par - là des froids particuliers.

Un vent de nord peut quelquefois au milieu mëme du printems ramener dans un climat d'ailleurs assez tempéré, toutes les rigueurs de l'hyver. On sait que la fin de l'automne & le commencement du printems sont froids, par la cause générale des saisons. Si quelque nouvelle cause survient, il ne sera pas impossible que le froid de l'hyver soit surpassé par celui de l'automne ou du printems.

Sans apporter aucun changement à l'ordre des saisons, les vents peuvent causer du dérangement dans les climats. On ne niera point, par exemple, que le climat de Paris ne soit en géneral plus froid que celui de Montpellier; cependant il a fait plus de froid en certaines années à Montpellier qu'à Paris Un vent de nord - oüest ou de nord - est soufflant dans l'une de ces deux villes pendant que le sud - oüest regne dans l'autre, rend suffisamment raison de cette irrégularite.

Nous avons beaucoup parlé de vents de nord, de nord - oüest, de nord - est, &c. qui régulierement parlant, sont les plus froids de tous: les vents d'est & d'oüest peuvent aussi contribuer dans certains cas à la rigueur de l'hyver. Il suffit pour cela que dans les pays d'où ils viennent, le froid soit actuellement considérable. Le vent de sud même est froid en certaines circonstances, comme on l'éprouve à Paris, quand les montagnes d'Auvergne méridionales à l'égard de cette capitale, sont couvertes de neige.

Un vent de nord, comme tout autre vent, selon les obstacles & les différentes résistances qu'il trouve, change de direction & passe à l'est, à l'oüest, ou même au sud, sans perdre son degré de froid. On peut expliquer par - là pourquoi en 1709 il gela très - fortement à Paris pendant quelques jours par un petit vent de sud; ce vent succédant à un vent de nord qui venoit de loin & qui s'étendoit loin, n'étoit qu'un reflux de même air que le nord avoit poussé, & qui ne s'étoit refroidi nulle part. Voyez l'hist, de l'acad. des Scienc. année 1709. pag. 9.

On voit par tout ce qui vient d'être dit jusqu'ou peut aller l'influence des vents sur la production du froid, & en général sur les saisons. Les vents ctant fort variables, fort inconstans dans les zones tempérées, les saisons par une conséquence nécessaire v seront pareillement sujettes à de grandes variations. Voyez Vent & Saison.

Quoique certains vents, ceux de nord sur - tout,

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