ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"313"> s'il n'est privé de toute chaleur, ne sauroit être absolument froid. Nous appellons froids, dit M. s'Gravesande, element. physie. lib. III. pag. l. cap. vj. pr. edit. les corps moins chauds que les parties de notre corps, auxquelles ils sont appliqués, & qui par cela même diminuent la chaleur de ces parties, comme nous nommons chauds, ceux qui augmentent cette chaleur. A notre égard, le froid, continue le même auteur, n'est que le sentiment qu'excite en nous la diminution de chaleur que notre corps éprouve. Il y a de la chaleur, ajoûte - t - il, dans un corps que nous nommons froid; mais une chaleur toûjours moindre que celle de notre corps, puisqu'elle diminue celle - ci. Voyez cet auteur à l'endroit que nous venons de citer; Mariotte, troisieme essai de physique; Musschenbroek, essai de physique, tome I. chap. xxvj. vers la fin; Hamberger, element. physie. n°. 493 & seq. &c.

Qu'est - ce qu'une moindre chaleur? La réponse à cette question dépend visiblement de l'idée qu'on doit se former de la chaleur en général; on sait que les Physiciens sont partagés sur cet article. Le plus grand nombre persuadés que le feu est un corps particulier distingué de tous les autres, croyent que la seule présence de ce même feu mis en mouvement, constitue la chaleur. C'est le sentiment le plus vraissemblable, & qui paroit le mieux s'accorder avec l'observation. Voyez Feu & Chaleur. Au reste, comme la chaleur dans tous les systèmes imaginés jusqu'ici pour en expliquer la nature, est susceptible d'augmentation & de diminution, il est clair que dans chacur. de ces systemes particuliers, le froid peut toûjours être conçû comme une chaleur affoiblie.

Cette maniere de le concevoir est simple & naturelle; elle ne multiplie point les principes sans nécessité; elle rend raison des phénomenes. Pour les expliquer, elle n'a point recours à de vaines suppositions; la diminution de chaleur & la force de cohésion suffisent à tout. J'entends ici par force de cohésion, celle que tous les Physiciens admetent sous ce nom, par laquelle les parties qui composent les corps, tendent les unes vers les autres, s'unissent entr'elles, ou sont disposées à s'unir. Voyez Cohésion. Cette force qui est si obscure dans son principe, & si sensible dans la plûpart des effet, qu'elle produit, est sans cesse en opposition avec la chaleur. Ce sont deux agens, qui par la contrariété de leurs efforts toûjours subsistans, peuvent se surmonter réciproquement. L'un des deux ne sauroit un peu s'affoiblir, que l'autre à l'instant ne rentre, si je puis m'exprimer ainsi, dans une partie de ses droits. On voit par - là, que quand la chaleur qui écartoit les parties des corps les unes des autres vient à diminuer, ces mêmes parties se rapprochent aussi - tôt par leur cohésion mutuelle, d'autant plus que leur chaleur s'est plus affoiblie. Ainsi les corps qui, généralement parlant, se rarésient tous à mesure qu'ils s'échauffent, doivent se condenser quand leur chaleur diminue, pourvû toutefois que nul agent physique différent de la chaleur ne s'oppose d'ailleurs à cette condensation. Voyez Cohésion & Attraction.

Ce n'est point precisément par le défaut de chaleur (on ne peut trop le faire remarquer) que les corps se réduisent à un moindre volume. Un tel effet pourroit - il dépendre d'une simple privation, d'un être purement négatif? Non sans doute, c'est la force de cohésion qui condense les corps; une moindre chaleur n'est ici qu'une résistance plus ou moins diminuée, qu'un obstacle plus facile à surmonter.

Ne perdons point de vûe ce principe incontestable que la cohésion des parties intégrantes des corps est d'autant plus forte, que la chaleur est plus affoiblie. Il suit évidemment de - là qu'un corps en deve<cb-> nant moins chaud, acquiert plus de fermeté & de consistance. Si la solidité & la fluidité dépendent essentiellement, comme on ne sauroit en disconvenir, du plus ou du moins de cohésion; si par une conséquence nécessaire la chaleur doit être regardée comme une des principales causes de la fluidité, quelle difficulté y aura - t - il à concevoir qu'un corps auparavant fluide, devienne par une plus sorte adhésion des parties qui le composent, une masse entierement solide, quand il aura été privé d'une partie de sa chaleur?

Nous venons de déduire la formation de la glace de l'idée du froid, conçû comme une moindre chaleur. Musschenbroek, quoiqu'attaché à cette même idée, explique autrement la congelation: le froid & la gelée ont beaucoup moins de rapport, selon lui, qu'on ne l'imagine communément. Il regarde le froid comme la simple privation du feu, & il croit que la gelée est l'effet d'une matiere étrangere, qui s'insinuant entre les parties d'un liquide, fixe leur mobilité respective, les attache fortement ensemble, les lie en quelque maniere, comme feroit de la colle ou de la glu. La présence de cette matiere tantôt plus, tantôt moins abondante dans l'air, & la facilité qu'elle a d'exercer son action en certaines saisons & en certains climats, supposent la réunion de plusieurs circonstances, dont le froid, s'il en faut croire l'illustre auteur que nous citons, n'est pas toûjours la plus essentielle. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner en détail cette explication. Voyez Glace. Qu'on la rejette on qu'on l'adopte, le froid entant qu'il influe plus ou moins sur la formation de la glace, pourra toûjours être conçû comme une moindre chaleur.

C'est encore à l'introduction de cette matiere étrangere, que le même Musschenbroek attribue l'augmentation du volume de l'eau glacée. Essai de physique, teme I. chap. xxv. D'autres physiciens en tres - grand nombre, pensent que l'air contenu dans l'eau forme différentes bulles, qui se dilatant par leur ressort, sont l'unique cause de cet effet. Il y en a qui ont eu recours au dérangement des parties d'eau, en vertu de leur tendance à former entr'elles certains angles déterminés. Voyez M. de Mairan, dissert. su la glace, pages 169 & suiv. M. de Reaumur admet un deplacement dans les parties du fer fondu, pour rendre raison de la dilatation qu'éprouve ce métal, dans l'instant qu'il perd sa liquidité acquise par la fusion. Toutes ces explications qui rapportent le phénomene dont il s'agit, à des causes particulieres, différentes de l'action générale du froid, ont chacune leur probabilité, comme nous le verrons à l'article Glace. Ce qu'il est important d'observer ici, c'est qu'elles ne donnent aucune atteinte à l'idée du froid conçû comme une moindre chaleur, & qu'elles laissent subsister entierement le principe que nous avons établi, que les corps dont la chaleur diminue se condensent de plus en plus, quand rien d'ailleurs ne s'oppose à leur condensation.

Si nous considérons dans les corps froids l'action qu'ils exercent sur nos organes, nous n'aurons pas de peine à comprendre comment un corps moins chaud que les parties de notre corps auxquelles il est appliqué, peut en diminuant la chaleur de ces mêmes parties, exciter en nous la sensation de froid. Et premierement il est clair que l'application d'un tel corps doit diminuer le degré de chaleur de nos organes, suivant ce principe général, que deux corps inegalement chauds étant contigus, le plus chaud des deux communique de la chaleur à l'autre, & en perd lui - même. D'un autre côté, cette diminution de chaleur introduisant dans nos organes un véritable changement, pourquoi la sensation de froid n'en pourroit - elle pas résulter? [p. 314]

Consultons l'expérience; elle nous apprendra que la sensation de froid est relative à l'état actuel de l'organe du toucher, de sorte qu'un corps est jugé froid, quand il est moins chaud que les parties de notre corps auxquelles il est appliqué, quoiqu'à d'autres égards le degré de sa chaleur soit considérable. C'est par cette raison que des caves d'une certaine profondeur, qui réellement sont plus chaudes en été qu'en hyver, nous paroissent si froides dans la premiere de ces deux saisons, & si chaudes dans la derniere. Voyez Caves. Il arrive souvent en été, qu'un orage succede à des chaleurs excessives & suffocantes. A peine cet orage est - il passé, que l'air semble se rafraîchir, & que cette grande chaleur est suivie d'un froid tres - incommode. Nos corps sont vivement affectés de ce prompt changement; ils frissonnent, & l'on diroit preique qu'on est au milieu de l'hyver. Cependant le thermometre prouve que cet air, qui paroît si froid, est réellement si chaud, que s'il l'étoit à ce point en hyver, nous ne serions pas en état d'en supporter la chaleur. En effet, si dans le tems de la plus forte gelée, on excitoit dans une chambre un degré de chaleur, qui, au rapport du thermometre, seroit le même absolument que celui qu'a l'atmosphere au mois d'Août, après quelqu'un de ces orages, dont on vient de parler, il n'y auroit aucun homme, qui sortant d'un lieu découvert, où il auroit été exposé pendant quelque tems à un air froid, pût soûtenir la chaleur de cette chambre sans tomber en défaillance. Boerhaave, Chim. tom. I. tract. de igne. Les voyageurs nous disent que les nuits de certains pays situés sur la zone torride, sont quelquefois si froides, qu'elles causent des engelures aux Européens même établis depuis quelque tems dans ces pays. Ces mêmes nuits seroient jugées fort tempérées dans d'autres climats. Voyez observ. physiq. & mathém. faites aux Indes & à la Chine, dans les anciens mémoires de l'académie, tome VII. part. XI. Il seroit facile de multiplier ces sortes d'exemples, mais ceuxci sont plus que suffisans pour prouver que la sensation de froid peut être facilement conçûe comme une perception confuse de l'impression que fait sur nous une moindre chaleur.

Tous les autres effets du froid s'expliquent avec la même facilité par la simple notion d'une chaleur affoiblie. Cette idée se soûtient toûjours parfaitement dans l'application qu'on en fait au détail des phénomenes. Eile est d'ailleurs d'une grande simplicité. Par ces deux raisons elle doit être préférée. Imaginer d'autres systèmes, ce seroit s'écarter de la premiere regle de Newton, suivant laquelle on ne doit admettre pour l'explication des effets naturels, que des causes réellement existantes, propres à rendre raison de ces mêmes effets.

C'est en vain qu'on auroit recours à des parties frigorifiques, dont l'existence, pour ne rien dire de plus, n'est nullement prouvée On ne nie pas que certaines particules subtiles s'introduisant dans les pores d'un corps ne puissent en chasser le feu, au moins en partie, & on conviendra de même qu'elles pourront diminuer le mouvement intestin des parties du corps, si, comme le prétendent quelques philosophes, un certain mouvement déterminé constitue la chaleur. C'est en agissant de la sorte que les sels communiquent en se fondant un nouveau degré de froid à la neige ou à la glace pilée. Mais outre qu'il n'est pas prouvé que les corpuscules salins ou d'autres particules de cette espece se trouvent toûjours par - tout où il y a diminution de chaleur; il est certain d'ailleurs que ces sortes de particules ne sont point frigorisiques dans le sens qu'on attache communement à ce terme. Les Gassendistes & ceux qui pensent comme eux à cet égard, designent par - là des parties, qui non - seulement chassent le feu des corps, mais qui de plus exercent une action partieuliere sur les organes de nos sens, en se repliant antour des silamens de la peau, en les serrant & les tiraillant; ce qui cause ce sentiment vif & piquant que nous appellons froid. Or l'existence de ces sortes de parties n'est constatée, comme je l'ai déjà dit, par aucun phénomene. Voyez ce qu'on dira ci - après du froid artificiel.

Le froid n'étant qu'une chaleur affoiblie, le plus grand degré de refroidissement d'un corps est la privation de toute chaleur. Un corps refroidi à ce degré seroit froid absolument & à tous égards; ainsi on a raison de donner à cette extinction totale de chaleur le nom de froid absolu. Il y a apparence qu'untel froid n'existe point dans la nature. La chaleur tend toûjours à se répandre par - tout unitormément. Ainsi nul corps n'est probablement exempt de toute chaleur.

En voilà assez sur la nature du froid. Il est tems de parler des causes qui peuvent opérer le refroidislement des corps, ou ce qui est le même, diminuer leur chaleur. Ces causes sont en grand nombre. les unes purement naturelles, agissent d'elles mêmes en certaines ci - constances; les autres, pour proune leur effet, attendent que l'art ou l'industrie huma ne les mette en action; de - là la division du froid en naturel & artificiel.

Du froid naturel. Le froid naturel, comme nous venons de le dire, doit sa naissance à des cautes purement naturelles, à des agens que l'art des homme; n'a point excités, mais qu obéissent simplement aux lois générales de l'univers. Tel est le froid qui se fait sentir en hyver dans nos climats; tel est celui qu'éprouvent les habitans des zones glaciales pendantl a plus grande partie de l'année.

C'est dans l'air de notre atmosphere que le froid dont il est ici question s'excite le plus promptement; les autres corps placés sur la superficie de notre globe reçoivent les mêmes impressions; ce froid penetre enfin dans l'intérieur de la terre, jusqu'à une profondeur qui excede rarement 90 ou 100 piés.

Tout ceci ne suppose qu'une chaleur simplement diminuée. Or une grande partie de la chaleur des corps terrestres venant de l'action que le soleil exerce sur eux, il est évident que tout ce qui affoibat cette action doit par - là même contribuer au froid.

On a vû au mot Chaleur quelles sont les causes génerales du chaud en été, & du froid en hyver, c'est pourquoi nous y renvoyons.

Les causes particulieres & accidentelles du froid en se mêlant avec la cause générale, empêchent qu'on ne puisse reconnoitre ce qui appartient précisément à celle - ci. Ces causes accidentelles sont de plusieurs sortes. Celles qu'on a raison de regarder comme les principales, sont la situation particuliere des lieux, la nature du terrein, l'élevation ou la pression de certaines vapeurs ou exhalaisons, les vents.

Plusieurs pays sont par leur situation particuliere beaucoup plus froids que leur latitude ne temble le comporter. En général plus le terrein d'un pays est élevé, plus le froid qu'on y éprouve est considérable. C'est une chose constante qu'à toutes les latitudes & sous l'équateur même la chaleur diminue, & le froid augmente, à mesure qu'on s'éloigne de la surface de la terre; de - là vient qu'au Pérou, dans le centre même de la zone torride, les sommets de certaines montagnes sont couverts de neiges & de glaces que l'ardeur du soleil ne fond jamais La rareté de l'air toûjours plus grande dans les couches plus élevées de notre atmosphere, paroît être la principale caute de ce phénomene. Un air plus rare & plus subtil étant plus diaphane, doit recevoir moins de chaleur par l'action immédiate du soleil. En effet,

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.