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L'instrument qui sert à mesurer les degrés de chaleur,
comme ceux du froid, est connu sous le nom
de thermometre; il est fondé sur la propriété qu'a la
chaleur de raréfier les corps, sur - tout les liqueurs,
& sur celle qu'a le froid de les condenser. Voyez
Le thermometre nous a appris que le plus grand froid se faisoit sentir chaque jour environ une demi-heure après le soleil levé; c'est au - moins ce qui arrive le plus souvent, & en voici, je crois, la principale raison. La chaleur imprimée à un corps ne se conservant que quelque tems, la terre & l'air se refroidissent depuis trois ou quatre heures après midi jusqu'au soir, & plus encore pendant la nuit: ce refroidissement doit continuer même après le lever du soleil, jusqu'à ce que cet astre, dont l'action est très foible à l'horison, ait acquis par son élévation assez de force pour communiquer à l'air & à la terre, plus de chaleur qu'ils n'en perdent par la cause qui tend toûjours à les refioidir. Or c'est ce qui n'arrive qu'au bout d'une demi - heure ou environ, la hauteur du soleil commençant alors à être un peu considérable. Au reste ici comme ailleurs, les vents peuvent causer d'assez grandes irregularités. On a vû querquefois, mais raremenz, > de l'après - midi sutpasser celui de la matinée; cequi venoit d'un vent qui s'étoit élevé vers le milieu du jour.
Depuis qu'on a rectifié la construction des thermometres, on a observé avec beaucoup d'exactitude certains froids excessifs en differens lieux de la Terre. La table suivante fera connoître quelques - uns des principaux résultats de ces diverses observations; elle est tirée d'une autre table un peu plus étendue, donnée par M. de Lisle, à la suite d'un mémoire très curieux du même académicien, sur les grands froids de la Sibérie. Ce mémoire est imprimé dans le recueil de l'académie des Sciences de l'annee 1749.
Degres au - dessous de la congelation, sui vant la division de M. de Reaumur. A Astracan en 1746 . . . . . . . . . . . . 24 1/2 A Petersbourg en 1749. . . . . . . . . . . 30 A Quebec en 1743 . . . . . . . . . . . . . 33 A Tornea° en 1737. . . . . . . . . . . . . 37 A Tomsk en Sibérie en 1735 . . . . . . . . 53 1/2 A Kirenga en Sibérie en 1738 . . . . . . . 66 2/3 A Yeniseik en Sibérie en 1735. . . . . . . 70
En jettant les yeux sur cette table, on séra bientôt pleinement convaincu qu'un froid egal à celui qui se fit sentir à Paris en 1709, exprime par 15 1/2 degrés au - dessous de la congelation, est un froid très - médiocre à beaucoup d'égards. Il suffit de comparer ce degré de 1709, avec la plûpartde ceux qu'on a marqués dans la table.
Le froid qu'on a marqué le quatrieme est celui qu'éprouverent en 1737 MM. les académiciens, qui allerent en Laponie pour mesurer un degré de méridien vers le cercle polaire. Ce froid fit descendre au vingt - septieme degré les thermometres de mercure, reglés sur la division de M. de Reaumur; les thermometres d'esprit - de - vin se gelerent. Par un tel froid, lorsqu'on ouvioit une chambre chaude, l'air de dehors convertissoit sur le champ en neige la vapeur qui s'y trouvoit, & en formoit de gros tourbillons; lorsqu'on sortoit, l'air sembloit déchirer la poitrine. Mesure de la terre au cercle polaire, par M. de Maupertuis, &c.
Un froid qui produit de tels effets, est intérieur de 30 & de 33 degrés à certains froids qui se font quelquefois sentir en Sibérie.
On n'apoint d'observations du thermometre faites à la baie de Hudson; mais ce que les voyageurs anglois nous racontent des grands froids qu'on y éprouve, est prodigieux. Dans ces contrées, lorsque le vent souffle des régions polaires, l'air est chargé d'une infinité de petits glaçons que la simple vûe fait appercevoir. Ces giaçons piquant la peau comme autant d'aiguilles, y excitent des ampoules, qui d'abord sont blanches comme du linge, & qui deviennent ensuite dures comme de la corne. Chacun se renferme bien vîte par des tems si affreux; mais quelque précaution qu'on prenne, on ne sauroit s'empécher de sentir vivement le froid. Dans les plus petites chambres & les mieux échauffées, toutes les liqueurs se gelent, sans en excepter l'eau - de - vie; & ce qui paroîtra peut - être plus étonnant, c'est que tout l'interieur des chambres & les lits se couvrent d'une croûte de glace épaisse de plusieurs pouces, qu'on est obligé d'enlever tous les jours.
On ne croiroit pas, si l'expérience ne prouvoit le contraire, qu'un pareil froid pût laisser rien subsister de ce qui végete & de ce qui vit. Ce qui est certain, c'est que des froids bien moins considérables sont souvent nuisibles aux plantes & aux animaux.
La chaleur du soleil étant le principal agent employé
par la nature dans l'ouvrage de la végétation,
il est elair que quand cette chaleur diminue, les arbres
& les plantes croissent avec plus de lenteur: ainsi
le froid retarde par lui - même les progrès de la végétation.
Il est vrai que certaines plantes exigent moins
de chaleur que d'autres; & de - là vient en grande partie
la diversité des plantes selon les lieux & les climats: mais d'un autre côté il n'est pas moins constant
que le froid poussé jusqu'à un certain degré est
toûjours nuisible, & même pernicieux à quantité de
végétaux. Voyez
Les fortes gelées qui accompagnent les grands
froids, produisent aussi sur les arbres & sur les plantes
de funestes effets. Voyez
Plusieurs auteurs ont parlé des effets du froid sur les corps des animaux. Ils nous disent qu'un air froid resserre, contracte, racourcit les fibres animales; qu'il condense les fluides, qu'il les coagule & les gele quelquefois; qu'il agit particulierement sur le poumon, en le desséchant, en épaississant considérablement le sang qui y coule, &c. de - là les différentes maladies causées par le froid, les catarrhes, les inflammations de poitrine, le scorbut, la gangrene, le sphacele, l'apoplexie, la paralysie, &c. Le froid tue quelquefois subitement les hommes, & plus souvent les autres animaux, qui ne peuvent pas comme l'homme se procurer des défenses contre les injures de l'air. Tout ceci est parfaitement conforme à l'idée qu'on a donnée jusqu'ici de la nature du froid. Voy. Boerhaave, inslit. med. n°. 747. Arbuthnot, essai des effets de l'air sur le corps humain, &c.
Une difference essentielle entre les animaux vivans & les corps inanimés, tels que les plantes, les minéraux; c'est que ceux - ci prennent au bout d'un [p. 318]
Nous ne parlerons point de quelques autres effets
du froid, qui ont trouvé ou qui trouveront leur place
ailleurs. Voyez, par exemple, sur l'évaporation
des liquides pendant le grand froid, les artic.
Du froid artificiel. On donne le nom de froid artificiel, à celui que les hommes produisent en quelque sorte par différens moyens, dont plusieurs sont très - connus. Le plus simple de tous ces moyens est l'application d'un corps plus froid ou moins chaud que celui qu'on veut refroidir; car il suit de la loi générale de la propagation de la chaleur, que ce dernier corps doit être rendu par - là moins chaud ou plus froid qu'il n'étoit auparavant. C'est ainsi que pour rafraîchir de l'eau, du vin, ou d'autres liqueurs, on les met à la glace ou dans la neige.
Un autre moyen de faire naître du froid est le mélange intime de différentes substances, soit solides, soit fluides. Il faut remarquer que ces substances qu'on mêle ont souvent le même degré de température; & quand cela n'est pas, la plus chaude refroidit quelquefois celle qui l'est moins. Voici ce que l'expérience nous apprend au sujet du froid, qui résulte de ces divers melanges.
1°. Si l'on jette dans une suffisante quantité d'eau
un sel alkali volatil quelconque, ou un sel neutre tel
que le nitre, le sel polychreste, le vitriol, le sel gemme,
le sel marin, l'alun, le sel ammoniac, &c. ce
sel en se dissolvant dans l'eau, la refroidira au - delà
même du degré ordinaire de la congelation, si la
froideur de cette eau en approchoit déjà: à cet égard
le sel ammoniac est de tous les sels le plus efficace.
Une livre qu'on en jette dans trois ou quatre pintes
d'eau, fait descendre la liqueur du thermometre de
M. de Reaumur de quatre, cinq, ou six degrés, plus
ou moins, selon le degré de froid qu'avoit l'eau avant
qu'on y eût mis le sel. De l'eau qu'on a refroidie de
cette maniere au - delà du terme de la glace, ne se gele
pourtant point. Si quelques gouttes séparées de cette
dissolution viennent à se glacer, c'est par le hasard
d'une prompte crystallisation, & par le concours de
plusieurs circonstances rarement réunies. M. Geoffroy, mém. de l'académ. des Sciences, ann. 1700, pag.
110. & suiv. M. de Mairan, dissert. sur la glace, pag.
374. & suiv. M. Musschenbroek, essai de Physique,
tom. I. ch. xxvj. & suiv. Voyez
2°. Tous les sels concrets ou qui sont sous forme seche, de quelque espece qu'ils soient d'ailleurs, acides, neutres, ou alkalis, tant fixes que volatils, étant mêlés avec de la neige ou de la glace pilée, ce mélange prend bien - tôt un nouveau degré de froid plus ou moins considérable, selon que les sels ont plus ou moins de vertu, ou qu'on les employe en différentes doses. La maniere si connue de faire geler des li<cb->
On voit par toutes les expériences qu'on a faites jusqu'à présent, que les sels mèlés avec la glace la fondent promptement, & que ce n'est qu'en la sondant & en s'y dissolvant eux - mêmes, qu'ils la rendent plus froide. Tout ce qui accélere cette fusion réciproque de la glace & des sels, doit hâter le refroidissement: au contraire, quand par un moyen dont nous parlerons bien - tôt, on empêche cette fusion, nulle nouvelle production du froid.
Deux parties de sel marin mêlées avec trois parties de glace pilée, font descendre dans les jours les plus chauds, la liqueur du thermometre de M. de Reaumur à 15 degrés au - dessous de la congelation. Le sel ammoniac un peu moins actif à cet égard, ne donne à la glace que 13 degrés de froid. L'efficacité du salpetre raffiné, ou de la troisieme cuite, est beaucoup moindre; le froid qui en résulte, n'est que de trois degrés 1/2. Le salpetre de la premiere cuite qui contient beaucoup de sel marin, fait descendre le thermometre de 11 degrés. Il suit évidemment de - là qu'on s'est trompé pendant long - tems, quand on a regardé le salpetre comme le sel le plus propre aux congelations artificielles. Le sel marin fait plus d'effet: cependant il ne tient pas ici le premier rang, puisque le froid qu'il produit est inférieur de deux degrés à celui que donne le sel gemme, & de deux degrés 1/2 au froid qu'on fait naître avec de la potasse qui est un sel alkali. Tout ceci est constant par les expériences de M. de Reaumur. Voyez le mémo> de cet académicien sur les congelations artificielles, dans le recueil de l'académie des Sciences pour l'année 1734.
3°. Les esprits de sel & de nitre possedent à un plus haut degré que les sels concrets, la vertu de produire le froid. De l'esprit de nitre qu'on aura en soin de refroidir jusqu'au point de la congelation du thermometre, étant versé sur de la glace pilée, dont le poids >t environ double du sien, on verra bientôt le thermometre descendre avec vitesse jusqu'à 19 degrés. On produira un degré de froid plus consideble, si avant que de verser l'esprit de nitre sur la glace pilée, on a fait prendre à ces deux matieres un froid beaucoup plus grand que celui de la congelation, en les environnant séparément l'une & l'autre de glace, mêlée avec d'autre esprit de nitre. On a par cette préparation un esprit de nitre déjà très - froid, qui versé sur de la glace extrèmement refroidie, fera descendre le thermometre à 25 degrés. En refrodissant davantage par cette même voie l'esprit de nitre & la glace, nous aurons de plus grands degrés de froid. De cette maniere M. Fahrenheit a poussé le froid artificiel jusqu'à 40 degrés au - dessous du zéro de sa division, ou ce qui revient au même, au trente - deuxieme degré des thermometres de M. de Reaumur. Voyez le détail curieux de l'expérience de M. Fahrenheit, dans la chimie de Boerhaave, expér. jv. coroll. 4.
Il est possible en pratiquant cette même méthode,
d'augmenter beaucoup le froid qui résulte du melange
de la glace & d'un sel concret, quoiqu'on ne
puisse jamais rendre ce dernier froid égal à celui que
l'on obtient en employant des esprits acides. Si, par
exemple, avant de mêler la glace & le sel marin on
a fait prendre à chacune de ces deux matieres 14
degrés de froid, on pourra faire naître un froid de
17 degrés & 1/2, qu'il sera facile de pousser enfuite
jusqu'à 22 degrés, en suivant toûjours le même
procédé, pourvû néanmoins qu'après avoir mis ensemble
la glace & le sel déjà refroidis, on verse sur
ce mélange de l'eau chargée de sel marin, & froide
de huit à neuf degrés: sans cela, comme M. de Reaumur l'a éprouvé, le sel & la glace ne se fondant
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