ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"251"> rens postes que les troupes doivent occper; le jour du fourrage étant venn, si l'armée entiere doit fourrager, comme on le suppose ici, le commandant des fourrages fait partir les escortes à la pointe du jour, ou pendant la nuit, saivant la distance du camp au lieu où le fourrage doit se faire, ou selon qu'on veut cacher ses desseins à l'ennemi.

Les escortes partent toûjours quelque tems avant les fourrageurs, afin qu'elles puissent former la chaine ou l'enceinte du fourrage avant leur arrivée, & s'assûrer des postes qu'elles doivent garder.

Les escortes partent ordinairement du camp sur deux colonnes, dont l'une sort par la droite & l'autre par la gauche. L'officier qui les commande, qui communément est un marechal de camp, se met à la tête de celle de ces colonnes qu'il juge à - propos; & le principal officier après lui, se charge de la conduite de l'autre. Elles marchent chacune de lour côté vers le lieu du fourrage: lorsqu'elles y sont arrivées, elles se réunissent vers le lieu le plus avancé du fourrage, en formant chacune la moitié de la chaîne qui doit le renfermer; ce qui se fait de cette maniere.

A mesure que le commandant de chaque colonne passe à portée de l'endroit où il doit poster une troupe, il en donne l'ordre à l'officier qui la commande, ou à un autre qu'il choisit pour cet effet, lequel la fait rester dans cet endroit, & prendre la position qu'elle doit avoir.

On observe de prendre à la queue de chaque colonne les troupes qui doivent occuper les premiers postes, afin que les têtes des colonnes ne souffrent point de retardement dans leur marche, & qu'elles se reunissent ensemble pour fermer le milieu de l'enceinte ou de la chaine du fourrage.

Comme les têtes des deux colonnes précédentes occupent la partie de l'enceinte la plus avancée du côté de l'ennemi, & par conséquent la plus exposée, le comman dant du fourrage, outre les troupes qui forment la chaîne, en tient encore ordinairement en cet endroit d'autres particulieres pour le forifier davantage, pour servir de reserves en cas qu'il soit nécessaire de porter du secours dans quelqu'autre partie de l'enceinte.

L'ossicier qui commande le fourrage doit prendre son poste vers le point de reunion des tetes des colonnes: c'est - là qu'on doit le trouver pour l'informer de tout ce qui peut arriver dans l'opération du fourrage, & pour prendre ses ordres. S'il veut néanmoins le promener dans l'enceinte du fourrage, pour examiner si les gardes sont bien postées & en bon état, il doit laisser des officiers à son poste, chargés de lui amener tous ceux qui auroient à lui parler, & à lui donner des avis sur les demarches de l'ennemi. Pour en être informé plus exactement, il est à - propos qu'il ait depetits partis de troupes lege es qui rodent continueliement entre le camp de l'ennemi & le lieu du fourrage.

L'heure preserite par le général pour le départ des foursageurs etant arrivée, on les fait sortir en ordre du camp, distingues par régimens & brigades.

A la tête de chaque régiment de cavalerie & de dragons, il y a un officier accompagné de quelques cavaliers armes, qui forment ce que l'on appelle petite escorte; les colonels & les brigadiers qui vonr au fourrage, se mettent a la tête de ces petits corps. Les domestiques des officiers de cavalerie & de dragons marchent immédiatement après les cavaliers ou les dragons de leur régiment ou de leur escadron. A l'égard des domestiques des officiers de l'infanterie, ils s'asiemblent également par régiment, & ils ont de même des officiers de leur corps à leur tête, pour les commander.

Les fourrageurs du quartier général se réunissent aussi en corps pour aller au fourrage; ils y sont conduits par des officiers particuers chargés de veiller sur eux. Il en est de même des fourrageurs de l'artillerie & des vivres.

Tous ces differens corps de sourrageurs marchent en ordre sur le nombre de colonnes regiees par le commandant du fourrage. Lorsqu'ils sont arrives sur le terrein qu'on doit fourrager, on leur permet, si la chaîne est formée, de se séparer, & d'entrer dans les fourrages qu'ils doivent couper; ce qu'ils exécutent aussi - tôt au grand galop.

Ils se répandent dans la plaine, à peu - près de la même maniere qu'un torrent qui auroit rompu ses digues; & à mesure qu'ils arrivent dans les endroits ou ils croyent devoir s'arrêter, ils se jettent à terre promptement, & ils designent le terrein qu'ils veulent foutrager, en coupant avec la saux le dessus de l'herbe ou des grains de l'enceinte de ce terrein.

Tout endroit ainsi marque appartient à celui ou à ceux qui en ont pris possession de cette maniere. Les autres fourrageurs vont plus loin s'approprier également le terrein dont ils ont besoin, ou dont ils jugent avoir besoin. Comme chacun d'eux determine ainsi à sa volonté l'espace qu'il veut fourrager, il arrive presque toûjours que cet espace est plus grand qu'il ne faut; ce qui oblige d'augmenter, & par copsequent d'assoiblir la chaine du fourrage; que d'ailleurs tout n'est pas coupé exactement ou avec soin, & qu'il y en a beaucoup de foulé aux pies des cimvaux, & de gâte inutilement.

Pendant l'execution du fourrage, les petites escortes se promenert dans l'enceinte, pour observer les sourrageurs de leurs régimens, & empécher le desordre & les disputes qui pour orent s'elever entre eux.

Après que les commandans des petites escortes ont reconnu toute la di position interieure du fourrage, ils placent ces escortes dans les lieux les plus propres à decouvrir tout ce qui se passe dans son etendue, afin de pouvoir se transporter promptement par - tout où on peut en avoir besoin, & d'agir même contre les ennemis, s'il y en a qui veulent inquieter les fourrageurs.

Si - tot que les fourrageurs ont marqué l'enceinte du terrein qu'ils veulent fourrager, ils le fauchent le plus pronmptement qu'il leur est possible.

Pendant cette opération, leurs chevaux qui y sont renfermes, repaislent & se reposent: lorsqu'elle est finie, ils fort leurs trousses, ils les chargent sur les chevaux, & ils montent dessus pour regagner tranquillement le camp de l'armée.

On a observé que le tems de l'exécution du fourrage, depuis l'arrivee des fourrageurs dans le lieu ou il doit se faire jusqu'à ce qu'ils soient prêts à partir pour retourner au camp, n'est que d'environ deux heures, pourvû toutesois qu'on ait soin d'empecher les fourrageurs de courir aux legumes, & de s'amuser autour des villages pour chercher à piller.

Les petites escortes de chaque régiment se mettent en mouvement des que leurs fourrageurs commencent à défiler: quand ils sont entierement sortis du lieu qu'on? fourragé, elles les suivent pour y entretenir le bon ordre, & les empêcher de s'aniuser en chemin.

Les fourrageurs étant tous retirés, le commandant du fourrage donne les ordres nécessaires pour reunir les troupes qui en ont formé la chaine: il fait ensuite la retraite avec ces troupes, observant de ne laisser aucuns fourrageurs ou traîneurs en - arriere.

Dans les fourrages au sec, on va chercher dans les villages les provisions que l'on ne trouve plus sur la terre ou dans la plaine. Souvent chaque brigade a ordre d'aller sourrager à un village détermine; alors [p. 252] les autres brigades ne peuvent venir dans le même lieu. Il résulte de cet arrangement beaucoup plus d'ordre & de police dans l'exécution du fourrage, parce que les chefs sont plus à portée d'y veiller.

Pour que cette opération se fasse sûrement, il faut avoir reconnu le pays auparavant, soit par soi - même, soit par le rapport des espions ou des différens partis qu'on y aura fait roder, commandés par des officiers intelligens.

Si l'on avoit tout le tems nécessaire, on pourroit, comme le propose M. le Maréchal de Puységur, aller examiner dans les granges de chaque village qu'on a dessein de fourrager, la quantité de fourrage qu'on en peut tirer: mais cet examen est presque impossible, tant par le tems qu'il exige, que parce qu'il faudroit mettre ensuite des gardes dans toutes les granges, pour empêcher les paysans d'en enlever le fourrage ou le grain, qu'ils enfoüissent souvent dans la terre, lorsqu'ils se croyent à portée d'être fourragés.

Pour éviter cet inconvénient, il faut que l'arrivée des fourrageurs dans les villages ne puisse pas être prévûe; & alors on ne peut savoir ce qu'ils contiennent de fourrage, que par les lumieres qu'on peut tirer des gens du pays; s'informant, dit M. le Maréchal de Puységur, combien le village nourrit de bêtes à corne ou de chevaux pendant l'hyver; si les récoltes qu'il fait sont suffisantes pour ses différentes provisions, ou s'il est obligé d'en tirer d'ailleurs. On peut par - là avoir une idée de la quantité de fourrage qu'on peut trouver dans un village, & évaluer en conséquence le nombre de fourrageurs auxquels on peut l'abandonner.

Au lieu de laisser les fourrageurs se répandre ou se disperser dans un village pour en enlever le fourrage, on peut obliger les chefs du lieu à faire amener à la tête du village toutes les provisions qu'on peut en tirer. Lorsqu'on prend les précautions nécessaires pour qu'ils l'exécutent exactement & fidelement, le fourrage se fait bien plus promptement. Alors les cavaliers ont moins d'occasions de s'écarter dans les maisons pour y piller au lieu de fourrager; ce qui n'arrive que trop souvent.

Dans le fourrage au sec, il faut, comme dans celui qui est au verd, former une chaîne pour la sûreté du fourrage, & pour empêcher les fourrageurs libertins de se répandre dans le pays.

Comme on trouve dans les villages le fourrage de tout le terrein qui en dépend, un petit nombre de villages peut fournir celui dont on a besoin. Par conséquent la chaîne peut avoir moins d'étendue que dans les fourrages au verd: mais elle doit toûjours renfermer exactement les viliages qu'on veut fourrager. Si ceux qu'on a renfermés d'abord ne sont pas suffisans, le commandant du fourrage fait étendre la chaîne pour en comprendre d'autres dedans; il faut éviter de recourir à cet expédient, parce qu'il dérange l'ordre des postes, qu'il fatigue l'escorte, & que le fourrage est alors d'une expédition moins prompte.

La retraite se fait dans les fourrages au sec de la même maniere que dans ceux qui se font au verd; c'est - à - dire qu'à mesure que les fourrageurs d'un régiment ont chargé le fourrage sur leurs chevaux, ils partent aussi - tôt suivis des petites escortes de leurs régimens; & qu'à mesure qu'un village est évacué, l'escorte qui forme la chaîne du fourrage, doit se resserrer pour se mettre en état de marcher à la suite de tous les fourrageurs.

Considérations qui servent de regles ou de principes pour la sûreté des fourrages. 1°. On peut compter d'abord sur l'ignorance de l'ennemi, qui ne sait ni le jour que l'armée doit fourrager, ni le lieu où elle doit aller, lorsqu'on prend la précaution de ne le point déclarer.

Quand il seroit instruit du jour du fourrage, à moins qu'il ne le soit aussi à - peu - près du lieu où il doit se faire, il ne sera pas à - portée de venir le troubler.

S'il a plusieurs partis ou détachemens en campagne pour le découvrir, il faut que ces détachemens non - seulement rencontrent les fourrageurs, mais qu'ils puissent les suivre pour s'assûrer exactement du lieu que l'on va fourrager; ce qui demande trop de tems pour que l'ennemi en soit informé assez tôt pour venir tomber en force sur les fourrageurs pendant l'opération du fourrage.

S'il se contente d'y envoyer des troupes legeres, l'escorte des fourrageurs sera en état de leur résister. Ainsi en observant le secret sur le jour & le lieu du fourrage, on empêche ordinairement que l'ennemi ne prenne des mesures pour le troubler.

2°. On fait ensorte de savoir le jour que l'ennemi doit aller lui - même au fourrage; si l'on en est instruit, on peut s'assûrer qu'il s'occupera du sien, & qu'il ne cherchera pas à troubler le vôtre. Mais il faut bien prendre garde que ce ne soit une ruse de sa part pour vous engager d'envoyer vos troupes au fourrage, & tomber sur vous avec les siennes: c'est ce qui demande bien de l'attention, lorsque les armées ne sont qu'à très - peu de distance l'une de l'autre.

3°. Comme le général a toûjours des espions dans le camp de l'ennemi, il faut qu'ils ayent soin d'observer les différens détachemens qui en sortent, & de lui en donner avis aussi - tôt, en lui marquant le chemin que ces détachemens leur ont paru prendre. Par cette précaution le général, lorsque ses espions le servent bien, c'est - à - dire lorsqu'il les choisit intelligens & qu'il les paye bien, peut juger de l'objet de l'ennemi; s'il croit qu'il ait dessein de tomber sur les fourrageurs, il leur envoye des ordres pour les faire retirer promptement.

4°. Si le général apprend que l'ennemi marche en force pour troubler le fourrage, & que cette nouvelle arrive avant que les fourrageurs puissent être parvenus au lieu du fourrage, il envoye aussi - tôt au - devant d'eux pour les arrêter; & si l'on présume qu'ils y soient arrivés, on leur fait les signaux convenus, pour les rappeller ou les faire retirer. Ces signaux se font ordinairement par un certain nombre de décharges de pieces de canon.

Si c'est le commandant du fourrage qui soit informé par ses partis, que l'ennemi s'avance en bon ordre pour l'attaquer avec un nombre de troupes supérieures aux siennes, il fait retirer promptement les fourrageurs, & il envoye au camp pour en instruire le général, & lui demander du secours, pour assûrer & protéger sa retraite; en attendant il rassemble toutes les escortes, & il leur fait prendre le chemin du camp dans le meilleur ordre qui lui est possible.

Lorsque les ennemis qui marchent contre un fourrage sont en grand nombre, il est rare que le pays lour permette de marcher sur un assez grand front pour arriver ensemble. Si le terrein leur est favorable pour cela, il est au - moins difficile de marcher alors avec ordre & vîtesse. Les différens corps de l'armée ou du détachement de l'ennemi, se trouvent dans l'obligation de s'attendre les uns & les autres: pendant ce tems le commandant du fourrage, dont la marche est plus legere, fait sa retraite ou se met à - portée du secours que le général lui envoye.

Si l'ennemi détache quelques troupes en - avant pour commencer l'attaque & retarder la marche des fourrageurs; pendant qu'il s'avance plus lentement avec le gros de son détachement, le commandant du fourrage doit faire ensorte que la retraite ne soit point interrompue; & pour se débarrasser des ennemis qui le harcelent, réunir à la queue des fourra<pb->

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