ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"249"> ne sert qu'à faire paître les bestiaux; on donne rarement du sainfoin pur aux chevaux lorsqu'on a le moyen de le mêler avec d'autres fourrages, par la raison qu'il est une nourriture trop foible. Selon M. de Tournefort, cette plante est détersive, atténuante, digestive, apéritive, sudorifique; qualités par conséquent tres - propres à la santé du cheval, & sur - tout si on coupe cette plante avant qu'elle ne soit trop mûre, c'est - à dire sitôt qu'elle est en fleur, tems auquel ses feuilles sont encore succulentes, pourvû qu'on ne la donne à manger que mêlée avec du foin.

La luzerne est une des meilleures nourritures que nous ayons pour les chevaux, & nous croyons pouvoir l'égaler au meilleur foin. En vain dit - on qu'elle echauffe ces animaux. On semble fondé à tenir ce langage, en ce qu'elle est tres - appétissante & tres nourrissante, que les chevaux en sont fort friands, & qu'elle leur cause des indigestions lorsqu'ils en mangent avec exces; mais c'est à quoi l'on peut remédier facilement, en ne leur en donnant qu'une quantité mesuree.

Si on avoit du terrein propre à semer de la luzerne, on en tireroit un grand produit; 1°. elle donne beaucoup plus que les prés ordinaires, quand on n'y supposeroit que la premiere récolte. La luzerne fournit trois coupes au - moins par an: la premiere est excellente pour les chevaux; la seconde est moins bonne, & la troisieme n'est prop que pour les vaches.

Enfin la luzerne se reproduit sans la renouveller huit à neuf ans; elle demande un terrein, qui sans être sec, ne soit ni aquatique, ni marécageux. Elle produit d'autant plus que le terrein est meilleur; il y a des pays où elle rapporte quatre ou cinq fois par an; on n'en recueille la graine qu'à la seconde pousse. Nous croyons que cela dépend de ce que l'on coupe la premiere avant que la plante soit montée en graine. Elle engraisse les chevaux beaucoup mieux qu'aucun autre fourrage. Selon le botaniste que nous avons cité, elle est rafraîchissante, propre à calmer les ardeurs du sang. Columelle dir qu'elle guéri les mulets de plusieurs maladies, & que rien n'est meil leur pour eux lorsqu'ils sont si maigres qu'ils ont la peau collée sur les os. Quoique nous n'ayons point fait cette expérience sur les mulets, celles que nous avons faites sur les chevaux la confirment. Quant aux maladies que cet auteur prétend que la luzerne guérit, il est à présumer que ce ne sont que des suites du marasme; & comme le marasme ne vient que d'un défaut d'aliment, la luzerne étant très - succulente, doit en guérir les accidens en même tems que la cause.

Le son est un accessoire du fourrage: c'est la partie la plus maigre & la plus terrestre du sroment; on en donne aux chevaux malades & à ceux que l'on prépare à la purgation, & pour leur faire de l'eau blanche, & quelquefois des lavemens; le son est humectant, rafraîchissant, détersif, & adoucissant; mais lorsqu'il est vieux, il contracte un mauvais goût: son sel essentiel s'évapore, il n'y reste que la partie huileuse qui devient fétide; son altération fait que les chevaux n'en mangent point, & ne boivent point l'eau blanche avec lequel elle est faite.

Tous les genres de fourrages dans leur nouveauté doivent être interdits aux chevaux jusqu'après les premieres gelées, & plus long - tems s'il est possible, par la raison que ces sortes d'alimens doivent acquerir dans le grenier leur dernier degré de maturité. Cette élaboration ne peut être executée que par un mouvement naturel, & secondé à l'égard de l'avoine par le remuement de la pelle pour expulser de cette graine les principes les plus volatils qui troubleroient le méchanisme de l'économie animale: enfin pour se servir du terme du vulgaire, on ne doit pas faire manger des fourrages aux chevaux, avant qu'ils ayent jetté leur feu.

Si l'avoine nouvelle fermente dans le grenier ainsi que les autres fourrages, comme nous l'avons observé, elle fermente aussi dans le corps du cheval; ses parties ignées avec les sels acides & alkali volatils sont très - propres à former un chyle aigre qui sert de germe aussi à quantités de maladies moins graves à la vérité que celles que produit l'avoine corrompue, mais qui cependant sont toûjours à craindre. Nous avons vû que dans le fourrage le mélange naturel & fortuit des plantes bonnes & mauvaises, est tres - dangereux pour les chevaux; on sent d'ailleurs l'extreme difficulté de purger les prés des herbes pernicieuses qui y naissent; cependant l'industrie humaine est déjà parvenue à faire des prés artificiels en sainfoin & en luzerne; on en fait de même de trefle dans le terrein de Flandres. Ne pourroit - on pas proposer à ceux qui ont un intérêt essentiel à recueillir un foin pur, pour procurer à leurs chevaux la nourriture la plus saine, de prendre parmi les herbes qui composent le foin, la classe de celles que nous avons indiquées comme les meilleures, & de ne se servir que de ces graines pour ensemencer leurs prés? Le choix n'en seroit ni difficile ni coûteux, & procureroit de grands avantages; cet objet demande d'autant plus d'attention, qu'il importe beaucoup à la conservation & à la santé de celui de tous les animaux, dont la foibiesse industrieuse de l'homme tire le plus de soulagement & de secours. (e)

Fourrage (Page 7:249)

Fourrage, dans l'art militaire, est tout ce qui sert à la nourriture des chevaux des cavaliers & des officiers de l'armée, soit en garnison, soit en campagne.

Fourrager ou aller au fourrage, c'est lorsque les armées sont en campagne, aller chercher dans les champs & dans les villages le grain & les herbes propres à la nourriture des chevaux.

Lorsque des troupes sont commandées pour cette opération, on dit qu'elles vont au sourrage, & l'on dit aussi qu'un champ, une plaine ou un pays ont été fourragés, lorsque les troupes ont enlevé ou consommé tout le fourrage qu'il contenoit. Ceux qui travaillent à couper le fourrage ou à l'enlever des granges & autres lieux où il est renfermé, sont appellés fourrageurs.

Pour que les armées puissent se mettre en campagne, il faut avoir de grandes provisions de fourrage dans les lieux voisins de celui qu'elles doivent occuper, ou bien il faut que la terre soit en état de sournir elle - même ce qui est nécessaire pour la nourriture des chevaux. Comme ce sont les blés qui produisent les fourrages les plus abondans & les plus nourrissans, les armées ne peuvent guere s'assembler que lorsqu'ils ont assez de maturité pour servir à la subsistance des chevaux; ce qui arrive en France & dans les pays voisins vers le 15 du mois de Mai. Avant ce tems il n'est pas possible de tenir la campagne sans de nombreux magasins de fourrage, qui sont d'une dépense très - considérable, & qui d'ailleurs servent souvent à faire connoîtie à l'ennemi le côté où l'on se propose de l'attaquer.

Lors donc que la terre est chargée de blés, d'autres différens grains, & d'herbes en état de couper, on envoye les troupes au fourrage.

Pour cet effet les fourrageurs, outre leur mousqueton ou leur épée qu'ils doivent porter chacun pour s'en servir en cas d'attaque, ont aussi des faulx pour couper le fourrage, & des cordes pour le lier & en faire des trousses. Ce sont de grosses & longues bottes du poids de cinq à six cents livres ou environ. On les charge sur les chevaux. Chaque cheval en porte une & le fourrageur par - dessus.

Fourrager de cette mantere en plaine campagne, c'est [p. 250] fourrager au verd ou en verd, parce que tout le fourrage que l'on coupe est verd; mais lorsque les moissons sont recueillies & qu'il n'y a plus rien dans la campagne, on va prendre le fourrage dans les villages, & l'on dit alors qu'on fourrage en sec, ou au sec.

Dans les fourrages au sec, on prend le grain battu lorsque l'on en trouve, & on le met dans des sacs que l'on porte avec soi pour cet usage. On lie aussi avec des cordes le foin que l'on veut emporter, & l'on en fait des trousses que l'on charge sur le cheval; le cavalier monte dessus, & il revient tout doucement au camp comme dans le fourrage au verd.

Lorsqu'une armée arrive dans un camp, elle se sert d'abord du fourrage renfermé dans l'enceinte des gardes du camp. Comme il est bien - tôt consommé, on s'arrange pour en aller chercher plus loin.

Pour le faire avec sûreté, le général donne une escorte aux fourrageurs, & il fixe le jour & lieu où doit se faire le fourrage.

L'escorte étant parvenue au lieu du fourrage, on lui fait former une espece d'enceinte qui renferme le terrein que les troupes doivent fourrager. Cette enceinte se nomme la chaine du fourrage. Elle a beaucoup de ressemblance à celle des troupes qui composent la garde du camp; c'est - à - dire qu'elle est formée de même de différens corps à portée de se soûtenir les uns & les autres, & d'empêcher que les fourrageurs ne puissent sortir de l'enceinte du fourrage. Comme ces corps n'ont pas la facilité d'être secourus du corps de l'armée comme les gardes du camp, à cause de leur éloignement, on les fait assez nombreux pour qu'ils soient en état de résister aux différens partis ou détachemens que l'ennemi pourroit envoyer pour troubler le fourrage & attaquer les fourrageurs.

Pour régler la force des escortes, il faut savoir quelle est la position de l'ennemi, la facilité qu'il a de se transporter au lieu du fourrage, & le tems dont il a besoin pour cela.

On doit comparer ce tems avec celui qui est nécessaire pour l'exécution du fourrage & pour la retraite des fourrageurs.

Si l'on juge qu'on n'ait rien à craindre que de quelques petits partis de troupes legeres, il suffit alors de former une chaîne de sentinelles & de védetes pour empêchar les fourrageurs de passer du côté de l'ennemi, & de placer seulement dans les lieux les plus exposés, des corps de quarante ou cinquante hommes.

Mais s'il y a un corps considérable de troupes ou un camp - volant de l'ennemi placé ou campé plus près du fourrage que ne l'est le camp de l'armée qui fait fourrager, il faut alors régler la force des escortes sur celle de l'ennemi, & prendre toutes les précautions nécessiares pour l'empêcher de troubler le fourrage, ou du - moins pour être en état de résister à ses attaques, en cas qu'il juge à - propos d'en faire.

Pour juger de l'étendue du terrein que le fourrage doit occuper, il faut, comme le remarque M. le Maréchal de Puységur, savoir le nombre des chevaux qu'il y a dans l'armée, afin de pouvoir évaluer àpeu - près la quantité de rations de fourrage dont on a besoin.

Suivant cet auteur, la nourriture d'un cheval par jour, dans le tems du verd, comme en Mai & en Juin, où l'on fauche les prés & les blés, doit peser de cinquante à soixante livres; & comme le fourrage devient sec au bout de trois ou quatre jours qu'il est coupé, & qu'alors les chevaux n'en veulent plus, il s'ensuit qu'il faut nécessairement aller au fourrage tous les trois ou quatre jours.

Dans le mois de Juiilet, ou le grain commence à avoir plus de consistence dans l'épi, il n'est plus besoin d'un poids si pesant pour la nourriture du cheval: c'est pourquoi un moindre nombre de chevaux peut alors suffire à porter le fourrage dont on a besoin.

Lorsqu'on est parvenu à connoître le nombre des rations de fourrage nécessaires pour l'armée, & qu'on sait quelle est la quantité qu'un cheval peut en porter, il est aisé de déterminer le nombre des chevaux qu'il faut envoyer au fourrage; ou, ce qui est la même chose, le nombre des trousses qu'il faut en rapporter.

Si l'on sait après cela ce qu'il faut de terrein pour faire une trousse, suivant les différentes especes de terres ensemencées, on pourra évaluer à - peu - pres l'espace que le fourrage doit embrasser.

Quoique ce calcul ne puisse pas se faire avec précision, il peut servir neanmoins à donner une idée de la grandeur du terrein qu'il faut fourrager.

L'illustre auteur que nous venons de citer prétend que si on trouve qu'une plaine peut fournir, par exemple, vingt mille trousses, il faut les réduire à dix mille, parce que les troupes françoises sont dans l'usage de fourrager sans ordre, & de perdre ou gaipiller la moitié du fourrage; inconvénient très - grand, auquel il seroit très - important de remédier: car outre qu'il oblige l'armée, pour peu qu'elle séjourne dans un même camp, à aller chercher les fourrages au loin, ce qui fatigue & ruine la cavalerie, il contrair aussi fort souvent le général de changer de camp & de position dans des circonstances où il ne peut le faire sans donner quelqu'avantage sur lui à l'ennemi. Comme les autres nations, & particulierement les Allemands, fourragent avec plus d'ordre & d'oeconomie, peut - être qu'il ne seroit pas impossible de parvenir à les imiter en cela, si l'on vouloit donner à l'exécution du fourrage toute l'attention qu'elle mérite.

Avant de donner le détail de l'opération du fourrage, il est à - propos d'observer qu'il y a de grands fourrages & de petits. Les premiers sont ceux qui se font au loin pour toute la cavalerie de l'armée, dont il marche environ les deux tiers; les autres se font dans l'enceinte des grandes gardes du camp, ou un peu au - delà: lorsqu'ils se font plus loin, c'est seulement par une partie de la cavalerie, comme d'une aîle ou d'une ligne.

Les grands fourrages, ainsi que les petits, peuvent se faire en - avant ou en - arriere de l'armée: comme dans ce dernier cas ils n'exigent pas les mêmes précautions que dans l'autre, parce qu'ils sont couverts de l'armée, nous ne parlerons ici que des grands qui se font en - avant, & nous donnerons un précis des différentes considérations qui peuvent contribuer à leur sûreté: car comme le dit M. le chevalier de Folard, ces sortes de sourrages ne se font qu'avec de grandes précautions & un très - grand art, lorsque les armées sont proches l'une de l'autre.

Exécution du fourrage. Lorsque le lieu que l'on veut fourrager est ouvert, c'est - à - dire qu'il est en plaine ouverte de tous côtés, sans bois ni désilés, les escortes doivent être plus fortes en cavalerie qu'en infanterie. Si au contraire il est couvert en partie de bois, de ravins, ruisseaux, &c. l'infanterie de l'escorte doit être alors plus nombreuse que la cavalerie, parce que la défense de ces sortes de postes la regarde uniquement. Il suit de - là, que pour regler le nombre & la nature des troupes qui doivent servir d'escorte aux fourrageurs, il faut avoir visité avec beaucoup d'attention le terrein que l'on veut fourrager.

Supposant donc que l'officier qui doit commander le fourrage, a pris toutes les précautions nécessaires à cet égard pour se mettre à l'abri des entreprises de l'ennemi, & qu'il a reconnu pour cet effet les disle<pb->

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