ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"214"> que, & sur - tout les mots Tonnerre & Météore.

La foudre est beaucoup plus fréquente dans les endroits où le terrein exhale plus de soufre; au lieu qu'elle est rare dans les pays humides, froids, & couverts d'eau. Le terrein n'est pas sulphureux en Egypte, ni en Ethiopie: aussi la foudre est - elle rare dans ces pays. Les anciens disoient comme par une espece de proverbe: les Ethiopiens ne craignent point la foudre, ni les habitans de la Gaule les tremblemens de terre. Voyez Plutarque, traité de la superstition, chap. iij. Mais l'Italie est un pays très rempli de soufre; ce qui fait qu'il est tres - sujet au tonnerre: c'est aussi pour cela qu'il tonne toute l'année à la Jamaïque.

L'utilité de la foudre est 1°. de rafraichir l'athmosphere; en effet, on observe presque toùjours qu'il fait plus froid après qu'il a tonné: 2°. de purger l'air d'une infinite d'exhalaisons nuisibles, & peut - être même de les rendre utiles en ies atténuant. On prétend que la pluie qui tombe lorsqu'il tonne, est plus propre qu'une autre à féconder les terres.

Selon les observations de M. Musschenbroek, il tonne à Utrecht quinze fois par an année moyenne; il a remarqué aussi que la direction & la nature du vent ne fait en géneral rien à la foudre, mais qu'il tonne plus communément par un vent de sud. La foudre est plus fréquente l'éte que l'hyver, parce que les exhalaisons qui s'élevent de la terre par la chaleur, sont en plus grand nombre. Selon le même physicien, la matiere des globes de feu est la même que celle de la foudre. Voyez Globe de Feu. Il fait quelquefois des éclairs & du tonnerre en tems serein; ce que M. Musschenbroek attribue aux exhalaisons qui s'enflamment avant d'être montees assez haut pour produire des nuages. Une grande pluie diminue la foudre, ou même la fait cesser, parce que cette pluie emporte avec elle une grande partie de la matiere qui contribue à former la foudre. Quelquefois la nuée est si épaisse, qu'elle empéche de voir l'eclair, quoiqu'on entende la foudre.

Pour juger de la distance de la foudre, voyez Éclair.

Plusieurs liqueurs fermentent par l'action de la foudre; d'autres cessent de fermenter, comme le vin & la bierre; d'autres se gâtent, comme le lait. Ces phénomenes si simples sont très - difficiles à expliquer, & nous ne l'entreprendrons point.

On peut detourner la foudre en tirant des coups de canon; le son des cloches est un moyen bien moins sûr; il produit quelquefois plus de mal que de bien, il fait crever la nue au - dessus de l'endroit oû l'on sonne, au lieu de la detourner. Voyez l'hist. de l'acad. de 1718.

Les Priscillianistes croyoient que la foudre étoit un effet du démon; mais leur opinion a eté condamnée dans un concile, qui, comme l'observe M. Musschenbroek, s'est conduit tres - sagement en cela. (O)

Foudre (Page 7:214)

* Foudre, pierres de (Hist. nat. & Physiq.) pierre dont le vulgaire pense que la chûte, ou même la formation du tonnerre est toûjours accompagnée. Leur existence est fort douteuse. M. Lemery croit pourtant qu'il n'est pas abselument impossible que les ouragans, en montant rapidement jusqu'aux nues, n'enlevent avec eux des matieres pierreuses & minerales, qui s'amollissant & s'unissant par la chaleur, forment ce qu'on appelle pierre de foudre. St cette idée de M. Lemery n'est pas une vision, il ne s'en manque guere.

Ce qu'on a pris pour une pierre de foudre, est une matiere minérale, fondue & formée par l'action du tonnerre, ou peut - être même quelque substance, telle que la terre en renferme beaucoup dans les endroits ou elle a été fouillée par des volcans qui se sont éteints.

Le tonnerre étant venu à tomber dans ces endroits, & le peuple y ayant ensuite rencontré ces substances qui portent extérieurement des empreintes évidentes de l'action du feu, il les aura prises pour ce qu'il a appellé des pierres de foudre.

Foudre (Page 7:214)

Foudre, (Medec. & Anatom.) Les Medecins recherchent très - curieusement quelle peut être la cause de la mort des hommes & des animaux qui perssent d'un coup de foudre, sans qu'on leur trouve aucun mal, ni aucune trace de ce qui peut leur avoir ôté la vie. Meurent - ils par la frayeur que leur fait le fracas horrible du tonnere, & le grand feu dont ils le voyent environnés? Sont - ils etousiés par la vapeut du soufre allumé, qui est le poison le plus prompt pour tous les animaux? Ou bien ne pourroit on pas croire aussi que lorsque la foudre eclate, & qu'elle chasse l'air de l'endroit ou elle agit, en lui faisant perdre en même tems son élasticite, les ammaux se trouvent alors comme dans un vuide parfait, & meurent de la même maniere que ceux que l'on enferme sous le récipient d'une pompe pneumatique? Il est assez vraissemblable que ces trois causes separement ou conjointement, produisent la destruction de la machine.

Scheuchzer raconte qu'une femme qui portoit son enfant sur ses bras, fut touchée d'un coup de foudre dont elle mourut, sans que l'enfant en reçut le moindre mal: on voit par cet exemple, que la frayeur seule peut avoir procuré la mort de cette femme, puisque les deux autres causes ne paroissent point avoir eu lieu dans cette occasion.

Lower & Willis ayant ouvert un jeune homme qui avoit été frappé de la foudre, lui trouverent le coeur sain & les poumons tres - gonflés; ce jeune homme n'étoit donc pas mort par la troisieme cause, mais par l'une des deux premieres.

D'autres cas nous apprennent que les hommes peuvent mourir de frayeur, ou que la terreur peut les réduire à l'extrémité: deux exemples suffiront pour le prouver. Le tonnerre étant tombé en 1717 sur la tour de S. Pierre à Hambourg, un jeune garçon de quinze ans qui dormoit sur une chaise, en fut tellement saisi, qu'il demeura quelque tems sans mouvement & sans sentiment. La tour de ville d'Epéries, dans la haute Hongrie, ayant été frappée de la foudre la même année 1717, un étudiant qui se tenoit pres d'une fenêtre, tomba par terre presque mort, & ne reprit ses esprits que par les secours de la Medécine.

On dit que M M. du Verney, Pitearn, & autres, ayant ouvert plusieurs personnes qui avoient eté frappées de la foudre, leur trouverent les poumons affaissés, comme ceux des animaux qu'on fait mourir dans le vuide. La cause de la mort de ces person ne sera donc ici la troisieme de celles que nous avons exposées.

Enfin quelquefois la foudre opere sur le corps de ceux qu'elle fait perir, plusieurs phénomenes fort etranges; & les memoires de l'académie de Peterfbourg m'en fournissent un exemple trop curieux pour le passer sous silence: ces mémoires rapportent, tom VI. pag. 383. que dans la dissection du cadavre d'un homme tué d'un coup de foudre à Petersbourg, le bas - ventre & la verge furent trouvés prodigieusement enflés. La peau, du côté gauche, ressembloit à du cuir brûlé; toutes les autres parties du corps avoient une couleur de pourpre, excepté le cou qui étoit rouge comme de l'écarlate: on appercevoit les marques d'une petite hémorrhagie à l'oreille droiter sur le dessus de la tête se voyoit une legere blessure, comme si le péricrane avoit été dechiré; & le crane n'avoit point souffert: le cerveau néanmoins etoir rempli de sang très - fluide, & l'étui des vertebres d'u ne grande abondance de serosites: les poumens étoient noirâtres & tombés, le coeur privé de sang, [p. 215] de même que les vaisseaux qui l'entourent: la vésicule du fiel & la vessie urinaire etoient affaissés & entierement vuides, tandis que les ureteres se trouvoient extrèmement distendus par la quantité d'urine qu'ils contenoient.

Toutefois, quand l'on rencontre de tels phénomenes, ou simplement des meurtrissures & des blessures à ceux qui sont morts de la foudre, ce n'est pas tant leur mort qui surprend que la route tout - à - fait singuliere que la foudre a prise, en causant les meurtrissures, les plaies, & les blessures des parties externes ou internes: mais il est vrai que ces sortes de singularités de la foudre ne sont pas particulieres aux corps animés. Voyez Foudre, (Physique.) (D. J.)

Foudre (Page 7:215)

Foudre, (Mytholog.) sorte de dard enflamme dont les Peintres & les Poetes ont armé Jupiter. Celus, dit la Fable, avant ete delivré par Jupiter de la prison où le tenoit Saturne, pour recompenser son libérateur, lui fit present de la foudre, qui le rendit maître des dieux & des hommes. Suivant les Poetes, ce sont les Cyclopes qui forgent les foudres du pere des immortels. Virgile ajoùte que dans la trempe des foudres les Cyclopes mêloient les terribles eclairs, le bruit affreux, les trainées de flammes, la colere de Jupiter, & la frayeur des humains.

Fulgores nunc terrificos, sonitumque, metumque Miscebant operi, flammisque sequacibus iras. Aneid. VIII. 431.

Stace est le seul des anciens qui ait donné la foudre à la déesse Junon; car Servius assure, sur l'autorite des livres étrusques, dans lesquels tout le cérémonial des dieux étoit reglé, qu'il n'y avoit que Jupiter, Vulcain, & M.nerve, qui pussent la lancer. Chaque foudre rentermoit trois rayons de grêle, trois de pluie, trois de feu, & trois de vents.

La foudre de Jupiter est figurée en deux manieres; l'une, en une espece de tisonflamboyant parles deux bouts, qui ne montrent qu'une flamme; l'autre, en une machine pointue des deux côtés, armée de deux fleches. Lucien semble lui donner cette derniere forme, lorsqu'il nous represente fort plaisamment Jupiter se plaignant de ce qu'ayant depuis peu lancé sa foudre longue de dix pies contre Anaxagore, qui nioit l'existence des dieux, Pericles detour la le coup qui porta sur le temple de Castor & de Pollux, & le réduisit en cendres: par cet évenement, la foudre s'étoit presque brisée contre la pierre; & ses deux principales pointes avoient été tellement émoussées, que le maitre des dieux ne pouvoit plus s'en servir sans les racommoder.

La principale divinité de Seleucie, selon Pausanias, etoit la foudre, qu'on honoroit avec des hymnes & des cerémonies toutes particulieres; peutétre étoit - ce Jupiter même qu'on honoroit ainsi sous le symbole de la foudre. Quoi qu'il en soit, on voit sur quelques medailles de cette ville un foudre posé sur une table que Tristan prend pour un autel; & il regarde ces médailles comme un monument de ce culte subsistant encore sous Eliogaballe & Caracalla, de qui sont les medailles.

La foudre représentoit un pouvoir égal aux dieux; c'est pourquoi Apelles peignit Alexandre dans le temple de Diane d'Ephese, tenant la foudre à la main: c'est encore par cette raison qu'on trouve sur les médailles romaines, que la foudre y accompagne quelquefois la téte des empereurs, comme dans des médailles d'Auguste. La slaterie des peuples asservis s'est portée à des bassesses bien plus etranges.

Icquez me paroit plus heureux que Menage dans l'etymologie du mot foudre; il le derive de fuar, terme de la langue des Cimbres, qui signifie chaleur, brúlure, & mouvement rapide. (D. J.)

Foudre (Page 7:215)

Foudre, (Littérat.) les surprenans effets que pro<cb-> duit la foudre, ont fourni de tout tems une ample matiere à la superstition des peuples. Les Romains serviront de preuve, & me dispensent d'en chercher ailleurs.

Ils distinguoient deux sortes de foudre, celles du jour & celles de la nuit; ils donnoient les premieres à Jupiter, & les secondes au dieu Summanus; & si la foudre grondoit entre le jour & la nuit, ils l'appelloient sulgur provorsum, & l'attribuoient conjointement à Jupiter & à Summanus.

Non contens de cette distinction générale, ils tiroient toutes sortes de présages de la foudre. Quand, par exemple, elle étoit partie de l'orient, & que n'ayant fait qu'effleurer quelqu'un, elle retournoit du même cóte, c'étoit le signe d'un lbonheur parfait, summae felicitatis proesagium, comme Pline le raconte a l'occasion de Silla. Les foudre qui faisoient plus de bruit que de mal, ou celles qui ne signifioient rien, etolent nommées vana & bruta fulmina; celles qui promettorent du bien & du mal s'appelloient fatidica fulmina; & la plupart des foudres de cette espece etoient prises pour une marque de la colere des dieux: telle sut la foudre qui tomba dans le camp de Crassus; elle fut regardee comme un avant - coureur de sa défaite; & telle encore, selon Ammien Marcellin, fut celle qui précéda la mort de l'empereur Valentinien. De ces foudres de mauvaise augure, il y en avoit dont on ne pouvoit eviter le preta e par aucune expiation, inexplabile fulmen; & d'autres, dont le malheur pouvoit être detourne par des ceremonies religieures, piabile fulmen.

La langue latine s'enrichit de la sotte confiance qu'on donnoit aux augures tires de la foudre. On appella conciliaria fulmina celles qui arrivoient lorsqu'on deliberoit de quelque affaire publique; auctorativa fulmina, celles qui tomboient après les delibérations prises, comme pour les autoriser; monitoria fulmina, celles qui avertissoient de ce qu'il falioit éviter: deprecaria fulmina, celles qui avoient apparence de danger, sans qu'il y en eut pourtant efiectivement; postulatoria fulmina, celles qui demandoient le retablissement des sacrifices interrompus; familiaria fulmina, celles qui présageoient le mal qui devoit arriver à quelque famille; publica fulmina, celles dont on tiroit des predictions generales pour trois cents ans; & privata fulmina, celles dont les predictions particulieres ne s'etendoient qu'au terme de dix annees.

Ainsi les Romains porterent au plus haut comble d'extravagance ces tolies; ils vinrent jusqu'à croire que le tonnerre étoit un bon augure, quand on l'entendoit du côté droit, & qu'il etoit au contraire un signe fatal, quand on l'entendoit du côté gauche; il n'etoit pas même permis, suivant le rapport de Ciceron, de tenir les assemblees publiques lorsqu'il tonnoit, Jove tonante, fulgurante, comitia populi habere nesas.

Les endroits frappés de la foudre étoient réputés sacres; & comme si Jupiter eut voulu se les approprier, il n'etoit plus permis d'en faire des usages prophanes. On y elevoit des autels au dieu tonnant, avec cette inscription, deo fulminatori. Les aruspices purifioient tout lieu sans exception sur lequel la foudre étoit tombée, & le consaeroient par le sacrifice d'une brebis appellee bidens, c'est - à - dire à qui les dents avoient poussé en - haut & en bas; ce lieu separe de tout autre, s'appelloit bidental, du nom de la brebis qu'on avoit immolée, & on regardoit pour impies & pour sacrileges ceux qui le prophanoient ou en remaoient les bornes; c'est - là ce qu'Horace appelle quelque part movere bidental.

Tout ce qui avoit ete brule ou noirci par la foudre étoit place sous un autel couvert, & les augures etoient chargés de ce soin. On employoit en particu<pb->

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