ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"116"> qu'elle agit contre des obstacles; & cette maniere de la considérer ne doit rien changer à sa mesure, puisque selon eux cette force n'est regardée comme proportionnelle au quarré de la vîtesse, qu'autant qu'on suppose cette force anéantie insensiblement par des obstacles contre lesquels elle agit.

Reconnoissons donc que cette définition de l'action donnée par les partisans des forces vives est purement arbitraire, & même peu conforme à leurs principes. A l'égard de ceux qui comme M. de Maupertuis, n'ont point pris de parti dans la dispute des forces vives, on ne peut leur contester la définition de l'action, sur - tout lorsqu'ils paroissent la donner comme une définition de nom; M. de Maupertuis dit lui - même à la page 26 du premier volume de ses nouvelles oeuvres imprimés à Lyon; Ce que j'ai appellé action, il auroit peut - être mieux valu l'appeller force; mais ayant trouvé ce mot tout établi par Leibnitz & par Wolf, pour exprimer la même idée, & trouvant qu'il y répond bien, je n'ai pas voulu changer les termes. Ces paroles semblent faire connoître que M. de Maupertuis, quoiqu'il croye que l'action peut - être représentée par le produit du quarré de la vîtesse & du tems, croit en même tems qu'on pourroit attacher à ce mot une autre notion; à quoi nous ajoûterons relativement aux articles Action & Cosmologie, que quand il regarde l'action envisagée sous ce point de vûe, comme la dépense de la nature, ce mot de dépense ne doit point sans doute être pris dans un sens métaphysique & rigoureux, mais dans un sens purement mathématique, c'est - à - dire pour une quantité mathématique, qui dans plusieurs cas est égale à un minimum.

Par les mêmes raisons, je crois qu'on peut adopter également toute autre définition de l'action, par exemple celle que M. d'Arcy en a donnée dans les Mém. de l'acad. des Sciences de 1747 & 1752, pourvû (ce qui ne contredit en rien les principes de M. d'Arcy) qu'on regarde aussi cette définition comme une simple définition de nom. On peut dire dans un sens avec M. d'Arcy, que l'action d'un système de deux corps égaux qui se meuvent en sens contraire avec des vîtesses égales, est nulle, parce que l'action qui feroit équilibre à la somme de ces actions seroit nulle; mais on peut aussi dans un autre sens regarder l'action de ce système comme la somme des actions séparées, & par conséquent comme réelle. Ainsi on peut regarder comme très - réelle l'action de deux boulets de canon qui vont en sens contraires. Au reste M. d'Arcy remarque avec raison que la conservation de l'action, prise dans le sens qu'il lui donne, a lieu en général dans le mouvement des corps qui agissent les uns sur les autres, & il s'est servi avantageusement de ce principe pour faciliter la solution de plusieurs problemes de Dynamique*.

Comme l'idée qu'on attache ordinairement au mot action suppose de la résistance à vaincre, & que nous ne pouvons avoir d'idée de l'action que par son effet, j'ai cru pouvoir définir l'action dans l'Encyclopédie, en disant qu'elle est le mouvement qu'un corps produit, ou qu'il tend à produire dans un autre corps. Un auteur qui m'est inconnu prétend dans les mém. de l'acad. de Berlin de 1753, que cette

* Je crois m'être expliqué avec beaucoup d'exactitude sur la question de la moindre action à l'article Cosmologie. L'espece de reproche qu'on semble m'avoir fait du contraire dans les mém. de l'Académie de 1752, disparoîtra entierement si on veut bien lire avec attention cet article & le mot Causes finales. Par exemple, en parlant du levier dans cet article Cosmologie, je me suis exprimé ainsi, l'application & l'usage du principe ne comportent pas une généralité plus grande; & au mot Causes finales, j'ai remarqué que le chemin de la réflexion est souvent (& non pas toûjours) un maximum dans les miroirs concaves.
définition est vague. Je ne sai s'il a prétendu m'en faire un reproche; en tout cas, je l'invite à nous donner une définition mathématique de l'action qui représente d'une maniere plus exacte & plus précise, non la notion métaphysique du mot action, qui est une chimere, mais l'idée qu'on attache vulgairement à ce mot.

Tout ce que nous venons de dire sur l'action avoit un rapport nécessaire au mot force, & peut être regardé comme un supplément aux mots Action & Cosmologie, auxquels nous renvoyons.

Réflexions sur la nature des forces mortes, & sur leurs différentes especes. En adoptant comme une simple definition de nom l'idée que les défenseurs des forces vives nous donnent de la forces morte, on peut distinguer deux sortes de forces mortes; les unes cessent d'exister dès que leur effet est arrêté, comme il arrive dans le cas de deux corps durs égaux qui se choquent directement en sens contraires avec des vîtesses égales. La seconde espece de forces mortes renferme celles qui périssent & renaissent à chaque instant, ensorte que si on supprimoit l'obstacle, elles auroient leur plein & entier effet; telle est celle de deux ressorts bandés, tandis qu'ils agissent l'un contre l'autre; telle est encore celle de la pesanteur. Voyez la fin de l'article Equilibre, (Méchan.) où nous avons remarqué que le mot équilibre ne convient proprement qu'à l'action mutuelle de cette derniere sorte de forces mortes.

Cette distinction entre les forces mortes nous donnera lieu d'en faire encore une autre: ou la force morte est telle qu'elle produiroit une vîtesse finie, s'il n'y avoit point d'obstacle; ou elle est telle que l'obstacle ôté, il n'en résulteroit d'abord qu'une vîtesse infiniment petite, ou pour parler plus exactement, que le corps commenceroit son mouvement par zéro de vîtesse, & augmenteroit ensuite cette vîtesse par degrés. Le premier cas est celui de deux corps égaux qui se choquent, ou qui se poussent, ou qui se tirent en sens contraire avec des vîtesses égales & finies; le second est celui d'un corps pesant qui est appuyé sur un plan horisontal. Ce plan ôté, le corps descendra; mais il commencera à descendre avec une vîtesse nulle, & l'action de la pesanteur fera croître ensuite à chaque instant cette vîtesse; c'est du moins ainsi qu'on le suppose. Voyez Accélération & Descente. De - là les Méchaniciens ont conclu que la force de la percussion étoit infiniment plus grande que celle de la pesanteur, puisque la premiere est à la seconde comme une vîtesse finie est à une vîtesse infiniment petite, ou plûtôt à zéro; & par - là ils ont expliqué pourquoi un poids énorme qui charge un clou à moitié enfoncé dans une table ne fait pas avancer ce clou, tandis que souvent une percussion assez legere produit cet effet. Sur quoi voyez l'article Percussion.

Forces accélératrices (Page 7:116)

Forces accélératrices. Les forces mortes prises dans le dernier sens, deviennent des forces accélératrices ou retardatrices, lorsqu'elles sont en pleine liberté de s'exercer; car alors leur action continuée, ou accélere le mouvement, ou le retarde, si elle agit en sens contraire. V. Accélératrice. Mais cette maniere de considérer les forces accélératrices paroît sujette à de grandes difficultés. En effet, pourra - t - on dire, si le mouvement produit par une forces accélératrice quelconque, comme la pesanteur, commence par zéro de vîtesse, pourquoi un corps pesant soûtenu par un fil fait - il éprouver quelque résistance à celui qui le soûtient? Il devroit être absolument dans le même cas qu'un corps placé sur un plan horisontal, & attaché à un fil aussi horisontal à l'extrémité duquel on placeroit une puissance. Cette puissance n'auroit aucun effort à faire pour retenir le corps, parce que ce corps est en repos, ou ce qui re<pb-> [p. 117] vient au même, parce que la vîtesse avec laquelle il tend à se mouvoir est zéro. Or si la premiere vîtesse avec laquelle un corps pesant tend à se mouvoir est aussi égale à zéro comme on le suppose, pourquoi l'effort qu'il faut faire pour le retenir n'est - il pas absolument nul? Ce corps en descendant prendra sans doute une vîtesse finie au bout d'un tems quelconque, mais l'effort qu'on fait pour le soûtenir n'agit pas contre la vîtesse qu'il prendra, il agit contre celle avec laquelle il tend actuellement à se mouvoir, c'est - à - dire contre une vîtesse nulle. En un mot, un corps pesant soûtenu par un fil tend à se mouvoir horisontalement & verticalement avec zéro de vîtesse; d'où vient donc faut - il un effort pour l'empêcher de se mouvoir verticalement, & n'en faut - il point pour l'empêcher de se mouvoir horisontalement? On ne peut répondre à cette objection que de deux manieres, dont ni l'une ni l'autre n'est capable de satisfaire pleinement.

On peut dire en premier lieu que l'on a tort de supposer que la vîtesse initiale d'un corps qui descend soit zéro absolu; que cette vîtesse est finie quoique très - petite, & aussi petite qu'on voudra le supposer; qu'il paroît difficile de concevoir comment une vîtesse qui a commencé par zéro absolu deviendroit ensuite réelle; comment une puissance dont le premier effet est zéro de mouvement, pourroit produire un mouvement réel par la succession du tems; que la pesanteur est une force du même genre que la force centrifuge, ainsi qu'on le verra dans la suite de cet article; & que cette derniere force telle qu'elle a lieu dans la nature, n'est point une force infiniment petite, mais une force finie très - petite, les corps qui se meuvent suivant une courbe, ne décrivant point réellement des courbes rigoureuses, mais des courbes polygones, composées d'une quantité finie, mais très grande, de petites lignes droites contigues entr'elles à angles très - obtus. Voilà la premiere réponse.

Sur quoi je remarque, 1°. que s'il est difficile & peut - être impossible de comprendre comment une force qui a commencé par produire dans un corps zéro de vîtesse, peut par des corps successifs & réitérés à l'infini, produire dans ce corps une vîtesse finie, on ne comprend pas mieux comment un solide est formé par le mouvement d'une surface sans profondeur, comment une suite de points indivisibles peut former l'étendue, comment une succession d'instans indivisibles forme le tems, comment même des points & des instans indivisibles se succedent, comment un atome en repos dans un point quelconque de l'espace peut être transporté dans un point différent; comment enfin l'ordonnée d'une courbe qui est zéro au sommet, devient réelle par le seul transport de cette ordonnée le long de l'abscisse: toutes ces difficultés & d'autres semblables, tiennent à l'essence toûjours inconnue & toûjours incompréhensible du mouvement, de l'étendue & du tems. Ainsi, comme elles ne nous empêchent point de reconnoître la réalité de l'étendue, du tems & du mouvement, la difficulté proposée contre le passage de la vîtesse nulle à la vîtesse finie, ne doit pas non plus être regardée comme décisive. 2°. Sans doute la force centrifuge, soit dans les courbes rigoureuses, soit dans les courbes considérées comme des polygones infinis, est comparable, quant à ses effets, à la pesanteur: mais pourquoi vent - on - qu'aucune portion de courbe décrite par un corps dans la nature, ne soit rigoureuse, & que toutes soient des polygones d'un nombre de côtés fini, mais très grand? Ces côtés en nombre fini, & très - petits, seroient des lignes droites parfaites. Or pourquoi trouve - t - on moins de difficulté à supposer dans la nature des lignes droites parfaites très - petites, que des lignes courbes parfaites aussi très - petites? Je ne vois point la raison de cette préférence, la rectitude absolue étant aussi difficile à concevoir dans une portion d'étendue si petite qu'on voudra, que la courbure absolue. 3°. Et c'est ici la difficulté principale à la 1re réponse, si la nature de la force accélératrice est de produire au 1er instant une vîtesse très - petite, cette force agissant à chaque instant pendant un tems fini, produiroit donc au bout de ce tems une vîtesse infinie; ce qui est contre l'expérience. On dira peut - être que la nature de la pesanteur n'est point d'agir à chaque instant, mais de donner de petits coups finis qui se succedent comme par secousses dans des intervalles de tems finis, quoique très - petits: mais on sent bien que cette supposition est purement arbitraire; & pourquoi la pesanteur agiroit - elle ainsi par secousses & non pas par un effort continu & non - interrompu? On ne pourroit tout - au - plus admettre cette hypothèse que dans le cas où l'on regarderoit la pesanteur comme l'effet de l'impulsion d'un fluide; & l'on sait combien il est douteux que la pesanteur vienne d'une pareille impulsion, puisque jusqu'ici les phénomenes de la pesanteur n'ont pû s'en déduire, ou même y paroissent contraires. Voyez Pesanteur, Gravité & Gravitation . On voit par toutes ces réflexions, que la premiere réponse à la difficulté que nous avons proposée sur la nature des forces accélératrices, est elle - même sujette à des difficultés considérables.

On pourroit dire en second lieu pour répondre à cette difficulté, qu'à la vérité un corps pesant, ou tout autre corps mû par une force accélératrice quelconque, doit commencer son mouvement par zéro de vîtesse: mais que ce corps n'en est pas moins en disposition de se mouvoir verticalement si rien ne l'en empêche; au lieu qu'il n'a aucune disposition à se mouvoir horisontalement; qu'il y a par conséquent dans ce corps un nisus, une tendance au mouvement vertical, qu'il n'a point pour le mouvement horisontal; que c'est ce nisus, cette tendance qu'on a à soûtenir dans le premier cas, & qu'on n'a point à soûtenir dans le second; qu'elle ne peut être contre - balancée que par un nisus, une tendance pareille; que l'effort que l'on fait pour soûtenir un poids, est de même nature que la pesanteur; que cet effort produiroit, à la vérité, au premier instant une vîtesse infiniment petite, mais qu'il est très différent d'un effort nul, parce qu'un effort nul ne produiroit aucun mouvement, & que l'effort dont il s'agit en produiroit un fini, au bout d'un tems fini. Cette seconde réponse n'est guere plus satisfaisante que l'autre; car qu'est - ce qu'un nisus au mouvement, qui ne produit pas une vîtesse finie dans le premier instant? Quelle idée se former d'un pareil effort? D'ailleurs pourquoi l'effort qu'il faut faire pour soûtenir un grand poids, est - il beaucoup plus considérable que celui qu'il faut faire pour arrêter une boule de billard qui se meut avec une vîtesse finie? Il semble au contraire que ce dernier devroit être beaucoup plus grand, si en effet la force de la pesanteur étoit nulle par rapport à celle de la percussion.

Il résulte de tout ce que nous venons de dire, que la difficulté proposée mérite l'attention des Physiciens & des Géometres. Nous les invitons à chercher des moyens de la résoudre plus heureusement que nous ne venons de faire, supposé qu'il soit possible d'en trouver.

Lois des forces accélératrices, & maniere de les comparer. Quoi qu'il en soit de ces réflexions sur la nature des forces accélératrices, il est au - moins certain dans le sens qu'on l'a expliqué au mot Accélératrice, que si on appelle F la force accélératrice d'un corps, dt l'élément du tems, du celui de la vîtesse, on aura F dt = du; si la force est retardatrice, au lieu d'être accélératrice, on aura F dt = - du, parce

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