ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"58"> Rameau lui - même; ainsi M. Rousseau a eu raison de dire au moi Accompagnement, que l'accord parfait peut être précédé non - seulement de l'accord de la dominante & de celui de la sous - dominante, mais encore de l'accord de septieme diminuée, & même de celui de sixte superflue. Soit qu'on regarde ces accords comme dérivés de quelque autre ou non, il est certain qu'ils entrent dans la basse fondamentale, & que par conséquent l'observation de M. Rousseau est très - exacte.

Nous avons expliqué au mot Dissonance, l'origine la plus naturelle des accords fondamentaux de la dominante & de la sous - dominante, sol si ré fa, fa la ut ré; & si en cet endroit nous n'avons point cité le chapitre jx. de la Génération harmonique de M. Rameau, comme on nous l'a reproché, c'est qu'il nous a paru que dans ce chapitre l'auteur insistoit préférablement sur une autre origine de la dissonance; origine fondée sur des proportions & progressions, dont la considération nous semble entierement inutile dans cette matiere. Les remarques que fait M. Rousseau, au mot Dissonance, sur cet usage des proportions, nous ont paru assez justes pour chercher dans les principes même de M. Rameau une autre origine de la dissonance; origine dont il ne paroît pas savoir senti tout le prix, puisqu'il ne l'a toutau - plus que legerement indiquée. Ce que nous disons ici n'a point pour objet de rien ôter à M. Rameau; mais de faire voir que dans l'article Dissonance, nous nous sommes très - exactement exprimés sur la matiere dont il étoit question.

Il est essentiel à l'accord de septieme qui se pratique sur la dominante tonique, de porter toûjours la tierce majeure. Cette tierce majeure est la note sensible du ton (Voyez Note sensible); elle monte naturellement à la tonique, comme la dominante y descend: ainsi elle annonce le plus parfait de tous les repos appellé cadence parfaite. Voyez Cadence. Telles sont en substance les raisons qui font porter la tierce majeure à l'accord dont il s'agit, soit que le ton soit d'ailleurs majeur ou mineur. Voyez mes Elémens de Musique, art. 77. & 109.

Il n'en est pas de même de l'accord de sixte, pratiqué sur la sous - dominante; la tierce est majeure ou mineure, selon que le mode est majeur ou mineur: mais sa sixte est toûjours majeure, parce qu'elle est la quinte de la dominante qu'elle représente dans cet accord, comme on l'a expliqué au mot Dissonance, à la fin.

Les accords de septieme, tels que ut mi sol si, ne sont autre chose que l'accord de dominante tonique, ut mi sol sib du mode de fa, dans lequel on a changé le sib en si naturel, pour conserver l'impression du mode d'ut. Sur quoi voyez mes Elémens de Musique, art. 115. & l'article Dominante.

A l'égard de l'accord de septieme diminuée, tel que sol # si ré fa (Voyez Septieme diminuée), nous en avons indiqué l'origine ci - dessus. On peut le regarder comme formé des deux accords mi sol # si ré & ré fa la si, de la dominante tonique & de la sous - dominante dans le mode de la, qu'on a réunis ensemble en retranchant d'un côté la dominante mi, dont la note sensible sol # est censée tenir la place; & de l'autre la note la, qui est sousentendue dans la quinte . On peut voir au mot Enharmonique, l'usage de cet accord pour passer d'un ton dans un autre qui ne lui est point relatif.

Il nous reste encore un mot à dire sur l'origine que nous avons donnée à la dissonance de la sous-dominante, au mot Dissonance. Nous avons dit que dans l'accord fa la ut on ne pouvoit faire entrer la dissonance sol, parce qu'elle dissoneroit doublement avec sol & avec la. M. Rousseau, un peu plus haut & dans le même article, se sert d'une raison semblable pour rejetter le la ajoûté à l'accord sol si ré. En vain objecteroit - on qu'on trouve au mot Accord cette double dissonance dans certains accords, pag. 78. Nous répondrions que ces accords, quelqu'origine qu'on leur donne, n'appartiennent point à la basse fondamentale, que ce ne sont point des accords primitifs, qu'ils sont pour la plûpart si durs, qu'on est obligé d'en retrancher différens sons pour en adoucir la dureté. Ainsi les dissonances tolérées dans ces accords, ne doivent point être permises dans des accords primitifs & fondamentaux, dans lesquels si on altere par des dissonances l'accord parfait, afin de faire sentir le mode, on ne doit au moins altérer l'harmonie de cet accord que le plus foiblement qu'il est possible.

Basse fondamentale (Page 7:58)

Basse fondamentale. On a déjà vû au mot Basse sa définition; elle ne renferme que les accords fondamentaux dont nous venons de parler, & qui sont au nombre de dix; savoir les cinq accords de septieme, l'accord de sixte superflue, les deux accords parfaits, & les deux accords de sous-dominante. On a vû dans le même article qui vient d'être cité, les principales regles sur lesquelles on doit former la basse fondamentale, & on peut les voir expliquées plus en détail, d'après M. Rameau, dans mes Elémens de Musique. On trouvera au mot Septieme diminuée les regles particulieres de cet accord.

Mais on nous permettra de faire ici aux Musiciens une question: pourquoi n'a - t - on employé jusqu'ici dans la basse fondamentale que les dix sortes d'accords dont nous venons de parler? Nous avons vû avec quel succès les Italiens font usage de l'accord de sixte superflue, que la basse fondamentale ne paroît pas donner; nous avons vû comment on a introduit dans cette même basse les différens accords de septieme: est - il bien certain qu'on ne puisse employer dans la basse fondamentale que ces accords, & dans la basse continue que leurs dérivés? L'oreille est ici le vrai juge, ou plûtôt le seul; tout ce qu'elle nous présentera comme bon, devra sans doute ou pourra du moins être employé quelquefois avec succès: ce sera ensuite à la théorie à chercher l'origine des nouveaux accords, ou si elle n'y réussit pas, à ne point lui en donner d'autres qu'eux - mêmes. Je crains que la plûpart des Musiciens, les uns aveuglés par la routine, les autres prévenus par des systèmes, n'ayent pas tiré de l'harmonie tout le parti qu'ils auroient pû, & qu'ils n'ayent exclu une infinité d'accords qui pourroient en bien des occasions produire de bons effets. Pour ne parler ici que d'un petit nombre de ces accords; par quelle raison n'employe - t - on jamais dans l'harmonie les accords ut mi sol # ut, ut mi sol # si, dont le premier n'a proprement aucune dissonance, le second n'en contient qu'une, comme l'accord usité ut mi sol si? N'y a - t - il point d'occasions où de pareils accords ne puissent être employés, ne fût - ce que par licence, car on sait combien les licences sont fréquentes en Musique? Et pour n'en donner ici qu'un seul exemple analogue à l'objet dont il s'agit, M. Rameau n'a - t - il pas fait chanter dans un air de trompette des Fêtes de l'hymen, pag. 233. les deux parties supérieures à la tierce majeure l'une de l'autre, quoique deux tierces majeures de suite, & à plus forte raison une suite de tierces majeures, soient interdites par lui - même? Pourquoi donc ne pourroit on pas quelquefois faire entendre dans un même accord deux tierces majeures ensemble? & cela ne se pratique - t - il pas en effet dans l'accord ut mi sol # si ré, nommé de quinte superflue, & qui étant pratiqué dans l'harmonie, semble autoriser à plus forte raison les deux dont nous venons de parler? Si ces accords ne peuvent entrer dans la basse fondamentale, ne pourroient - ils pas au moins entrer dans la basse continue? Si [p. 59] l'oreille les jugeoit trop durs en les rendant complets, ne pourroit - on pas les adoucir par le retranchement de quelques sons, pourvû qu'on laissât toûjours subsister le sol #, qui constitue la différence essentielle entre ces accords, & les mêmes accords tels qu'on les employe d'ordinaire en y mettant le sol au lieu de sol #? Ce n'est pas tout. Imaginons cette liste d'accords, terminés tous ou par l'octave ou la septieme majeure, & dont les trois premiers sons forment des tierces.

ut mi sol # ut. ut mi sol # si. ut mi b sol si. ut mi b sol b ut. ut mi b sol b si. Pourquoi ces accords, dont aucun, excepté le dernier, ne renferme pas plus d'une ou de deux dissonances, sont - ils proscrits de l'harmonie? Est - il bien certain par l'expérience (car encore une fois l'expérience est ici le grand juge) qu'aucun d'eux ne puisse être employé en aucune occasion, en les considérant soit en eux - mêmes, soit par rapport à ceux qui peuvent les précéder ou les suivre? Je ne parle point d'une infinité d'autres accords, sur lesquels je pourrois faire une question semblable; accords qu'il est aisé de former par des combinaisons qu'on peut varier en un grand nombre de manieres, qui ne doivent être ni admis, ni aussi rejettés sans épreuve, & sur lesquels on n'en a peut - être jamais fait aucune: tels que ceux - ci.

ut mi sol # si b. ut mi b sol # ut. ut mi b sol # si. ut mi b sol # si b. ut mi sol la b. ut mi sol # la. ut mi b sol # la. ut mi sol b si. ut mi sol b la b. &c. &c.

Il est aisé de voir qu'on peut rendre cette liste beaucoup plus longue.

Je sens toute mon insuffisance pour décider de pareilles questions: mais je desirerois que quelque musicien consommé (& sur - tout, je le répete, non - prévenu d'aucun système) voulût bien s'appliquer à l'examen que je propose. Dira - t - on que ces accords n'ont point d'origine dans la basse fondamentale? C'est ce qu'il faudroit examiner. Si l'accord de sixte superflue n'en a point, pourquoi ceux - ci en auroient - ils? & si cet accord en a, pourquoi ceux - ci ne pourroient - ils pas en avoir? Ne pourroit - on pas par exemple trouver une origine à l'accord ut mi sol # ut, fondée sur ce que la corde mi doit faire résonner sa dix - septieme majeure double octave de sol #, & faire frémir sa dix - septme majeure en descendant, double octave d'ut? & ainsi du reste? Quoi qu'il en soit, & pour le dire en passant, il se présente ici une question bien digne d'être proposée à ceux qui prétendent expliquer la raison physique du sentiment de l'harmonie: pourquoi l'accord ut mi sol # ut, quoiqu'il soit proprement sans dissonances, est - il dur à l'oreille, comme il est aisé de s'en assûrer? Par quelle fatalité arrive - t - il que des accords, qui nous flateroient étant séparés, nous paroissent peu agréables étant réunis? Je l'ignore, & je crois que c'est la meilleure réponse. Passons maintenant à quelques autres remarques, relatives à la basse fondamentale.

La basse continue, qui forme ce qu'on appelle accompagnement, n'est proprement que le renversement de la basse fondamentale, & contient beaucoup d'autres accords, tous dérivés des fondamentaux: ainsi l'accompagnement représente vraiment la basse fondamentale, puisqu'il n'en est qu'un renversement & pour ainsi dire une espece de modification. Mais est - il vrai, comme le prétendent quelques musiciens, que l'accompagnement représente le corps sonore? La question se réduit à savoir si la basse fondamentale représente le corps sonore. Or de tous les accords employés dans la basse fondamentale, il n'y en a qu'un seul qui représente vraiment le corps sonore; savoir l'accord parfait majeur; encore ne représente - t - il véritablement & exactement le corps sonore, que quand cet accord contient la douzieme & la dix - septieme majeure; parce que le corps sonore ne sait entendre que ces deux sons, sans y comprendre son octave. Tous les autres accords, soit consonans, soit dissonans, sont absolument l'ouvrage de l'art, & d'autant plus l'ouvrage de l'art, qu'ils renferment plus de dissonances. On doit donc, ce me semble, rejetter ce principe, que l'accompagnement représente le corps sonore, & regarder au - moins comme douteuses des regles qu'on appuieroit sur ce seul fondement: par exemple, que dans l'accompagnement on doit completer tous les accords, même ceux qui renfermant le plus de dissonances, comme les accords par supposition, seroient les plus durs à l'oreille. M. Rameau a déduit sans doute avec vraissemblance de la résonnance du corps sonore, les principales regles de l'harmonie; mais la plûpart de ces regles sont uniquement l'ouvrage de la réflexion qui a tiré de cette résonnance des conclusions plus ou moins directes, plus ou moins détournées, plus ou moins rigoureuses (V. Gamme), & nullement l'ouvrage de la nature: ainsi ce seroit parler très - incorrectement, pour ne rien dire de plus, que de prétendre que l'accompagnement représente le corps sonore, sur - tout quand l'accord est chargé de dissonances. Dira - t - on qu'il y a des corps qui en résonnant, produisent des sons dissonans avec le principal, comme l'avance M. Daniel Bernoulli, dans les mémoires de l'acad. de Berlin 1753. pag. 153? En supposant même la vérité de cette expérience, que nous n'avons point faite, nos adversaires n'en pourroient tirer aucune conclusion, puisque cette expérience iroit à infirmer toute la théorie sur laquelle la basse fondamentale est appuyée. Aussi M. Daniel Bernoulli prétend - il dans le même endroit déjà cité, qu'on ne peut tirer de la résonnance du corps sonore aucune théorie musicale. Je crois cependant cette conclusion trop précipitée: car en général les corps sonores rendent très sensiblement la douzieme & la dix - septieme, comme M. Daniel Bernoulli en convient lui - même au même endroit. S'il y a des exceptions à cette regle (ce que nous n'avons pas vérisié), elles sont apparemment fort rares, & viennent sans doute de quelque structure particuliere des corps, qui les empêche de pouvoir être véritablement regardés comme des corps sonores. Le son d'une pincette, par exemple, peut renfermer beaucoup de sons discordans: mais aussi le son d'une pincette n'est guere un son harmonique & musical; c'est plûtôt un bruit sourd qu'un son. D'ailleurs M. Rameau, à l'oreille duquel on peut bien s'en rapporter sur ce sujet, nous dit dans la génération harmonique, p. 17. que si on frappe une pincette, on n'y apperçoit d'abord qu'une confusion de sons qui empêche d'en distinguer aucun; mais que les plus aigus venant à s'éteindre insensiblement à mesure que la résonnance diminue, alors le son le plus pur, celui du corps total, commence à s'emparer de l'oreille, qui distingue encore avec lui sa douzieme & sa dix - septieme.

La question si l'accompagnement représente le corps sonore, produit naturellement celle ci, si la mélodie est suggérée par l'harmonie. Voici quelques réflexions sur ce sujet.

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.