ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
Previous page
"40">
modicité des profits qu'il fait sur chacune, & que
par conséquent le nombre des marchands se proportionne
au nombre actuel des consommateurs,
ensorte que chaque marchand corresponde à un
certain nombre de ceux - ci. Cela posé, je suppose
que le prix d'une denrée soit tel que pour en
soûtenir le commerce, il soit nécessaire d'en vendre
pour la consommation de trois cents familles, il
est évident que trois villages dans chacun desquels
il n'y aura que cent familles, ne pourront soûtenir
qu'un seul marchand de cette denrée; ce marchand
se trouvera probablement dans celui des trois villages,
où le plus grand nombre des acheteurs pourra
se rassembler plus commodément, ou à moins de
frais; parce que cette diminution de frais fera préférer
le marchand établi dans ce village, à ceux qui
seroient tentés de s'établir dans l'un des deux autres: mais plusieurs especes de denrées seront vraissemblablement
dans le même cas, & les marchands
de chacune de ces denrées se réuniront dans le même
lieu, par la même raison de la diminution des
frais, & par ce qu'un homme qui a besoin de deux
especes de denrées, aime mieux ne faire qu'un
voyage pour se les procurer, que d'en faire deux;
c'est réellement comme s'il payoit chaque marchandise
moins cher. Le lieu devenu plus considérable
par cette réunion même des différens commerces,
le devient de plus en plus; parce que tous les artisans
que le genre de leur travail ne retient pas à la campagne,
tous les hommes à qui leur richesse permet
d'être oisifs, s'y rassemblent pour y chercher les
commodités de la vie. La concurrence des acheteurs
attire les marchands par l'espérance de vendre;
il s'en établit plusieurs pour la même denrée.
La concurrence des marchands attire les acheteurs
par l'espérance du bon marché; & toutes deux continuent
à s'augmenter mutuellement, jusqu'à ce que
le desavantage de la distance compense pour les
acheteurs éloignés le bon marché de la denrée produit
par la concurrence, & même ce que l'usage &
la force de l'habitude ajoûtent à l'attrait du bon
marché. Ainsi se forment naturellement différens
centres de commerce ou marchés, auxquels répondent
autant de cantons ou d'arrondissemens plus
ou moins étendus, suivant la nature des denrées, la
facilité plus ou moins grande des communications,
& l'état de la population plus ou moins nombreuse.
Et telle est, pour le dire en passant, la premiere &
la plus commune origine des bourgades & des villes.
La même raison de commodité qui détermine le
concours des marchands & des acheteurs à certains
lieux, le détermine aussi à certains jours, lorsque les
denrées sont trop viles pour soûtenir de longs transports,
& que le canton n'est pas assez peuplé pour
fournir à un concours suffisant & journalier. Ces
jours se fixent par une espece de convention tacite,
& la moindre circonstance suffit pour cela. Le nombre
des journées de chemin entre les lieux les plus
considérables des environs, combiné avec certaines
époques qui déterminent le départ des voyageurs,
telles que le voisinage de certaines fêtes, certaines
échéances d'usage dans les payemens, toutes sortes
de solennités périodiques, enfin tout ce qui rassemble
à certains jours un certain nombre d'hommes,
devient le principe de l'établissement d'un marché à
ces mêmes jours; parce que les marchands ont toûjours
intérêt de chercher les acheteurs, & réciproquement.
Mais il ne faut qu'une distance assez médiocre pour
que cet intérêt & le bon marché produit par la concurrence,
soient contrebalancés par les frais de voyage
& de transport des denrées. Ce n'est donc point au
cours naturel d'un commerce animé par la liberté,
qu'il faut attribuer ces grandes foires, où les produc<cb->
tions d'une partie de l'Europe se rassemblent à grands
frais, & qui semblent être le rendez - vous des nations.
L'intérêt qui doit compenser ces frais exorbitans,
ne vient point de la nature des choses; mais
il résulte des priviléges & des franchises accordées
au commerce en certains lieux & en certains tems,
tandis qu'il est accablé par - tout ailleurs de taxes
& de droits. Il n'est pas étonnant que l'état de gêne
& de vexation habituelle dans lequel le commerce
s'est trouvé long - tems dans toute l'Europe, en ait
déterminé le cours avec violence dans les lieux où
on lui offroit un peu plus de liberté. C'est ainsi que
les princes en accordant des exemptions de droits,
ont établi tant de foires dans les differentes parties de
l'Europe; & il est évident que ces foires doivent être
d'autant plus considérables, que le commerce dans
les tems ordinaires est plus surchargé de droits.
Une foire & un marché sont donc l'un & l'autre un
concours de marchands & d'acheteurs, dans des lieux
& des tems marqués; mais dans les marchés, c'est
l'intérêt réciproque que les vendeurs & les acheteurs
ont de se chercher; dans les foires, c'est le desir de
joüir de certains priviléges qui forme ce concours:
d'où il suit qu'il doit être bien plus nombreux & bien
plus solennel dans les foires. Quoique le cours naturel
du commerce suffise pour établir des marchés, il
est arrivé, par une suite de ce malheureux principe,
qui dans presque tous les gouvernemens a si
long - tems infecté l'administration du Commerce, je
veux dire la manie de tout conduire, de tout regler,
& de ne jamais s'en rapporter aux hommes sur leur
propre intérêt; il est arrivé, dis - je, que pour établir
des marchés, on a fait intervenir la police; qu'on
en a borné le nombre, sous prétexte d'empêcher
qu'ils ne se nuisent les uns aux autres; qu'on a défendu
de vendre certaines marchandises ailleurs que
dans certains lieux désignés, soit pour la commodité
des commis chargés de recevoir les droits dont
elles sont chargées, soit parce qu'on a voulu les
assujettir à des formalités de visite & de marque,
& qu'on ne peut pas mettre par - tout des bureaux.
On ne peut trop saisir toutes les occasions de combattre
ce système fatal à l'industrie, il s'en trouvera
plus d'une dans l'Encyclopédie.
Les foires les plus célebres sont en France celles
de Lyon, de Bordeaux, de Guibray, de Beaucaire, &c. En Allemagne, celles de Leipsic, de Francfort, &c. Mon objet n'est point ici d'en faire l'énumération,
ni d'exposer en détail les priviléges accordés
par différens souverains, soit aux foires en
général, soit à quelques foires en particulier; je me
borne à quelques réflexions contre l'illusion assez
commune, qui fait citer à quelques personnes la
grandeur & l'étendue du commerce de certaines foires, comme une preuve de la grandeur du commerce
d'un état.
Sans doute une foire doit enrichir le lieu où elle se
tient, & faire la grandeur d'une ville particuliere:
& lorsque toute l'Europe gémissoit dans les entraves
multipliées du gouvernement féodal; lorsque chaque
village, pour ainsi dire, formoit une souveraineté
indépendante; lorsque les seigneurs renfermés
dans leur château, ne voyoient dans le Commerce
qu'une occasion d'augmenter leurs revenus, en soûmettant
à des contributions & à des péages exorbitans,
tous ceux que la nécessité forçoit de passer sur
leurs terres; il n'est pas douteux que ceux qui les
premiers furent assez éclairés pour sentir qu'en se
relâchant un peu de la rigueur de leurs droits, ils
seroient plus que dédommagés par l'augmentation
du commerce & des consommations, virent bientôt
les lieux de leur résidence enrichis, aggrandis,
embellis. Il n'est pas douteux que lorsque les rois
& les empereurs eurent assez augmenté leur auto<pb->
[p. 41]
xité, pour soustraire aux taxes levées par leurs vassaux
les marchandises destinées pour les foires de
certaines villes qu'ils vouloient favoriser, ces villes
devinrent nécessairement le centre d'un très grand
commerce, & virent accroître leur puissance
avec leurs richesses: mais depuis que toutes ces petites
souverainetés se sont réunies pour ne former
qu'un grand état sous un seul prince, si la négligence,
la force de l'habitude, la difficulté de réformer
les abus lors même qu'on le veut, & la difficulté de
le vouloir, ont engagé à laisser subsister & les mêmes
gênes & les mêmes droits locaux, & les mêmes
priviléges qui avoient été établis lorsque chaque
province & chaque ville obéissoient à différens
souverains, n'est - il pas singulier que cet effet du hasard
ait été non - seulement loué, mais imité comme
l'ouvrage d'une sage politique? n'est - il pas singulier
qu'avec de très - bonnes intentions & dans la vûe de
rendre le Commerce florissant, on ait encore établi de
nouvelles foires, qu'on ait augmenté encore les priviléges
& les exemptions de certaines villes, qu'on
ait même empêché certaines branches de Commerce
de s'établir dans des provinces pauvres, dans la crainte
de nuire à quelques autres villes, enrichies depuis
long - tems par ces mêmes branches de Commerce?
Eh qu'importe que ce soit Pierre ou Jacques, le Maine ou la Bretagne, qui fabriquent telle ou telle marchandise,
pourvû que l'état s'enrichisse, & que des
François vivent? qu'importe qu'une étoffe soit vendue
à Beaucaire ou dans le lieu de sa fabrication,
pourvû que l'ouvrier reçoive le prix de son travail?
Une masse énorme de commerce rassemblée dans
un lieu & amoncelée sous un seul coup - d'oeil, frappera
d'une maniere plus sensible les yeux des politiques
superficiels. Les eaux rassemblées artificiellement
dans des bassins & des canaux, amusent les
voyageurs par l'étalage d'un luxe frivole: mais les
eaux que les pluies répandent uniformément sur la
surface des campagnes, que la seule pente des terreins
dirige, & distribue dans tous les vallons pour
y former des fontaines, portent par - tout la richesse
& la fécondité. Qu'importe qu'il se fasse un
grand commerce dans une certaine ville & dans un
certain moment, si ce commerce momentané n'est
grand que par les causes mêmes qui gênent le Commerce, & qui tendent à le diminuer dans tout autre
tems & dans toute l'étendue de l'état? Faut - il, dit le
magistrat citoyen auquel nous devons la traduction
de Child, & auquel la France devra peut - être un
jour la destruction des obstacles que l'on a mis aux
progrès du Commerce en voulant le favoriser; fautil jeûner toute l'année pour faire bonne chere à certains
jours? En Hollande il n'y a point de foire; mais toute
l'étendue de l'état & toute l'année ne forment, pour ainsi
dire, qu'une foire continuelle, parce que le commerce y
est toûjours & par - tout également florissant.
On dit:
« L'état ne peut se passer de revenus; il est
indispensable, pour subvenir à ses besoins, de charger
les marchandises de différentes taxes: cependant
il n'est pas moins nécessaire de faciliter le débit
de nos productions, sur - tout chez l'étranger; ce
qui ne peut se faire sans en baisser le prix autant
qu'il est possible. Or on concilie ces deux objets en
indiquant des lieux & des tems de franchise, où le
bas prix des marchandises invite l'étranger, & produit
une consommation extraordinaire, tandis que
la consommation habituelle & nécessaire fournit
suffisamment aux revenus publics. L'envie même
de profiter de ces momens de grace, donne aux
vendeurs & aux acheteurs un empressement que la
solennité de ces grandes foires augmente encore par
une espece de séduction, d'où résulte une augmentation
dans la masse totale du Commerce ».
Tels
sont les prétextes qu'on allegue pour soûtenir l'utilité
des grandes foires. Mais il n'est pas difficile de se convaincre
qu'on peut par des arrangemens généraux, &
en favorisant également tous les membres de l'état,
concilier avec bien plus d'avantage les deux objets
que le gouvernement peut se proposer. En effet, puisque
le prince consent à perdre une partie de ses
droits, & à les sacrifier aux intérêts du Commerce, rien n'empêche qu'en rendant tous les droits
uniformes, il ne diminue sur la totalité la même
somme qu'il consent à perdre; l'objet de décharger
des droits la vente à l'étranger, en les laissant
subsister sur les consommations intérieures,
sera même bien plus aisé à remplir en exemptant
de droits toutes les marchandises qui sortentcar
enfin on ne peut nier que nos foires ne fournissent
à une grande partie de notre consommation intérieure.
Dans cet arrangement, la consommation
extraordinaire qui se fait dans le tems des foires,
diminueroit beaucoup; mais il est évident que la
modération des droits dans les tems ordinaires, rendroit
la consommation générale bien plus abondante;
avec cette différence que dans le cas du droit
uniforme, mais modéré, le Commerce gagne tout
ce que le prince veut lui sacrifier: au lieu que dans
le cas du droit général plus fort avec des exemptions
locales & momentanées, le roi peut sacrifier beaucoup,
& le Commerce ne gagner presque rien, ou,
ce qui est la même chose, les denrées baisser de prix
beaucoup moins que les droits ne diminuent; &
cela parce qu'il faut soustraire de l'avantage que
donne cette diminution, les frais du transport des
denrées nécessaire pour en profiter, le changement
de séjour, les loyers des places de foire enchéris encore
par le monopole des propriétaires, enfin le risque
de ne pas vendre dans un espace de tems assez
court, & d'avoir fait un long voyage en pure perte:
or il faut toûjours que la marchandise paye tous ses
frais & ses risques. Il s'en faut donc beaucoup que le
sacrifice des droits du prince soit aussi utile au Commerce par les exemptions momentanées & locales,
qu'il le seroit par une modération legere sur la totalité
des droits; il s'en faut beaucoup que la consommation
extraordinaire augmente autant par l'exemption
particuliere, que la consommation journaliere
diminue par la surcharge habituelle. Ajoûtons, qu'il
n'y a point d'exemption particuliere qui ne donne
lieu à des fraudes pour en profiter, à des gênes nouvelles,
à des multiplications de commis & d'inspecteurs
pour empêcher ces fraudes, à des peines pour
les punir; nouvelle perte d'argent & d'hommes pour
l'état. Concluons que les grandes foires ne sont jamais
aussi utiles, que la gêne qu'elles supposent est nuisible;
& que bien loin d'être la preuve de l'état florissant du
Commerce, elles ne peuvent exister au contraire
que dans des états où le Commerce est gêné, surchargé
de droits, & par conséquent médiocre.
Foire de Respect
(Page 7:41)
Foire de Respect, (Comm.) c'est un tems (ordinairement de trois mois) qu'un commettant accorde
à son commissionnaire pour lui payer le prix des
marchandises que ce dernier a vendues à crédit, &
dont il s'est rendu garant. (G)
FOIRIAO ou FOQUEUX
(Page 7:41)
* FOIRIAO ou FOQUEUX, (Hist. mod.) nom
d'une secte de la religion des Japonois, ainsi appellée
d'un livre de leur doctrine qui porte ce nom. L'auteur de la secte fut un homme saint appellé Xaca, qui
persuada à ces peuples que les cinq mots inintelligibles,
nama, mio, foren, qui, quio, contenoient un
mystere profond, avoient des vertus singulieres, &
qu'il suffisoit de les prononcer & d'y croire, pour être
sauvé. C'est en vain que nos missionnaires leur prêcherent
que ce dogme renversoit toute la Morale,
encourageoit les hommes au crime, & qu'il n'y avoit
rien qu'on ne fût tenté de faire, quand on croyoit
pouvoir tout expier à si peu de frais; d'ailleurs, que
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the
French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et
Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the
Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division
of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic
Text Services (ETS) of the University of Chicago.
PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.