ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"34"> seau déférent pour la porter ailleurs, qu'elle soit reprise par les veines, à proportion de ce qui en est porté par les arteres. Ces veine tendent toutes au foie; elles coucourent à former la veine - porte: ainsi le suc huileux qu'elles y charrient continuellement (après avoir éprouvé une élaboration considérable dans l'épiploon, par l'effet de la chaleur abdominale, par la pression, & pour ainsi dire le broyement qu'operent continuellement le diaphragme, les muscles du bas - ventre, le mouvement péristaltique des boyaux; élaboration par laquelle se fait une atténuation des globules de ce suc), a contracté une grande disposition à rancir, à devenir amer, & en même tems à devenir miscible avec la sérosité du sang liénaire: ensorte qu'il ne lui manque rien des qualités nécessaires pour fournir la principale matiere de la bile; ce qu'aucune autre des différentes sortes de sang versé dans la veine - porte, ne peut faire (excepté ceux du mésentere & du mésocolon, mais en petite quantité), la rate, le ventricule, le pancréas n'ayant point de graisse, & ne pouvant par conséquent fournir aucun suc huileux les changemens dont est susceptible celui qui est mêlé au sang de la veine - porte, sont aisément prouvés par les opérations de la Chimie sur de semblables substances. Voyez Huile, (Chimie.) On sait combien l'huile d'olives, d'amandes la plus douce, dont le contact ne blesseroit pas l'organe le plus délicat, peut cependant contracter d'acrimonie rancide, par le seul effet de la chaleur. Les personnes qui ont l'estomac soible éprouvent souvent qu'après avoir pris des alimens gras en trop grande quantité, il en survient des retours acres, rances, & amers, qui les fatiguent beaucoup par l'irritation qu'ils causent dans toutes les voies par où ils se font, c'est - à - dire dans l'oesophage, la gorge, la bouche. Ainsi qu'on n'objecte pas qu'il paroît plus vraissemblable qu'une huile douce, telle que celle de l'épiploon, puisse être convertie en bile, qui est susceptible de devenir si acre & si amere.

7°. Il faut cependant observer que la bile n'a pas essentiellement ces qualités; elle ne les contracte que par accident; & même ce n'est qu'une petite partie de cette humeur, en qui elles sont éminemment sensibles. La bile qui coule continuellement par le conduit hépatique, est totalement différente de celle qui vient de la vésicule du fiel. Il est aisé de s'en convaincre, sur - tout par l'expérience faite dans le cochon, dont le foie & les trois conduits biliaires ont beaucoup de conformité avec ces mêmes organes dans l'homme. On peut s'assûrer combien la bile est éloignée d'être amere, tant qu'elle est dans les vaisseaux secrétoires, par le goût du foie qui est très agréable à manger dans les poissons, dans la plûpart des oiseaux, des quadrupedes; pourvû qu'on en sépare soigneusement la bile de la vésicule, dans ceux qui en ont une: car la plus petite quantité de cette derniere bile suffit pour infecter de son amertume tout ce à quoi elle se mêle. Six gouttes dans une once d'eau, la rendent fort amere. Lorsque la vésicule manque, dans l'homme même, ce qui a souvent été observé, la bile qui coule alors par le seul conduit hépatique, a été trouvée très - peu jaune, presque point amere, & au contraire d'un goût assez agréable, selon Hartman. Il est un grand nombre d'animaux qui n'ont point de fiel, parce qu'ils n'ont point de follicule pour le contenir, dont le foie ne fournit pas de la bile d'une autre nature que celle qui se trouve dans le canal hépatique; tels sont le cheval, l'âne, le cerf, l'éléphant, le dromadaire, l'élan, &c. parmi les quadrupedes; parmi les volatiles, la colombe, la grue, la geline de montagnes, le paon, l'autruche, &c. entre les poissons qui sont en petit nombre en comparaison des autres animaux, le marsouin, &c. d'où on doit conclure, qu'il n'est pas essentiel à la bile d'être amere, & qu'elle peut être séparée avec toutes les qualités qui lui sont nécessaires pour l'usage auquel elle est destinée, sans le concours de celles qu'elle acquiert par le moyen de la vésicule; ce qui est vrai, même par rapport à l'homme, qui ne laisse pas d'avoir de la bile dans les cas où il est privé de ce dernier organe. hist. de l'acad. des Sciences. 1701, 1705. Il existe aussi des animaux dans lesquels la bile de la vésicule est absolument distincte & séparée de celle que le foie fournit continuellement au conduit hépatique; parce que la vésicule n'a aucune communication avec ce canal: ensorte qu'il ne peut passer rien de l'un dans l'autre; cela est très ordinaire dans la plûpart des poissons, tels que l'anguille, l'alose, la perche, le loup, &c. On en trouve aussi des exemples parmi les oiseaux, dans la cicogne, &c. Il fuit donc de tout ce qui vient d'être dit sur ces variétés, que le foie sépare constamment de la bile, indépendamment de la vésicule du fiel; que celle - ci existe ou n'existe pas dans l'individu: ainsi, il y a lieu de croire que la bile hépatique est d'une nécessité plus générale que la cystique dans toute l'oeconomie animale.

8°. Mais ces deux biles ont - elles une origine différente? Il y a eu différens sentimens à cet égard, voy. Bile. Cependant que la bile de la vésicule lui soit portée par les conduits hépato - cystiques, ou qu'elle lui soit fournie par le reflux du conduit hépatique, il paroît tout simple de regarder avec Ruysch, (observ. anat. 31.) cette bile cystique, lorsqu'elle entre dans la vésicule, comme étant de la même nature que l'hépatique: mais elle change de qualité, & contracte une véritable altération par son séjour dans ce réservoir; elle y devient jaune, acre, rancide, amere; & elle acquiert plus de consistence, de rénacité, par la dissipation de ses parties séreuses, & la réunion de ses parties huileuses; effets qui doivent être attribués à la chaleur du lieu & à la disposition qu'ont toutes les humeurs animales à se trier, pour ainsi dire, par la tendance à l'adhésion des parties homogenes entr'elles; à perdre leur fluidité qu'elles ne doivent qu'au mouvement, à l'agitation; effets qui ont également lieu par rapport à la bile hépatique, si elle est empêchée de couler: si elle est retenue dans ses conduits excrétoires par quelque cause que ce soit, selon que Ruysch dit l'avoir observé, loco citato. Ainsi il n'y a pas d'autres raisons que celles qui viennent d'être rapportées, de la différence dans l'état naturel entre la bile cystique & la bile hépatique: ce qui arrive à celle - là lui est commun avec ce que l'on observe reiativement à l'humeur cérumineuse des oreilles, qui a beaucoup d'analogie avec la bile, voyez Cérumineuse (matiere), & Cire des Oreilles. Il n'y a qu'une sorte de bile, dans tous les vaisseaux secrétoires du foie; elle est telle dans toutes les parties de ce viscere, qu'elle arrive dans le conduit hépatique: celle - ci qui forme la plus grande partie de l'humeur séparée, coule dans ce conduit sans avoir presque changé de qualité, respectivement à ce qu'elle étoit dans les pores biliaires, Malpighi, in posth. p. 47. Elle se rend ainsi du conduit commun aux deux biles, qui est le canal cholidoque, & se répand dans le duodenum. Ceux qui ont attribué à cette bile hépatique les qualités de la bile cystique, n'ont examiné celle - là qu'après son mélange avec celle - ci dans le canal cholidoque: telle a été la cause de l'erreur, à cet égard, de Bohnius & de plusieurs autres: on pourroit donc, pour éviter l'équivoque, appeller bile simplement celle que nous avons appellée hépatique, & laisser à la bile cystique le nom de fiel, que le vulgaire lui donne.

9°. Cette derniere distinction des deux biles étant posée, on doit remarquer que presque tous les auteurs, faute de l'avoir faite, ont confondu les qua<pb-> [p. 35] lités de ces deux humeurs, & n'ont parlé de leurs effets & de leur usage, que d'après l'idée qu'elles peuvent donner, lorsqu'elles ont été mêlées dans le canal cholidoque, & qu'elles sont ainsi versées dans les intestins. Mais puisqu'ils conviennent qu'elles n'y coulent pas toutes les deux continuellement; que la seule hépatique a un cours réglé, sans interruption; que la cystique n'y est portée que lorsque le follicule est exprimé, peu avant & pendant le travail de la digestion: ce qui est en effet prouvé par de nombreuses observations, desquelles il résulte que dans les cadavres d'hommes & d'animaux ouverts peu de tems après qu'ils avoient mangé, la véficule n'a jamais été trouvée pleine; qu'il s'en falloit le plus souvent d'un tiers de sa capacité; qu'au contraire elle a toûjours été trouvée très - remplie & distendue, presque au point de crever, dans les animaux qui avoient été privés de manger long - tems avant la mort: c'est ce que rapportent entr'autres Riolan, Borelli, Lister, & Boerhaave; pourquoi n'a - t - on pas insisté sur la différence des qualités & des effets de la bile qui coule toûjours, & du fiel dont l'écoulement n'a qu'un tems? Il semble cependant que la considération de cette différence doit être importante pour l'intelligence de l'usage de ces deux biles, qui doit être différent par rapport à chacune d'elles.

10°. Riviere, dans ses institutes, semble avoir entrevû la distinction qu'il convient d'en faire, lorsqu'il établit qu'il y a deux sortes de biles, dont l'une est alibile, c'est - à dire recrémentitielle, & l'autre excrémentitielle: la premiere, selon cet auteur, est celle qui est la plus fluide, qui a très - peu d'amertume, & qui passe dans la masse des humeurs; ce qui convient à l'hépatique; & l'autre est moins fluide, plus amere, doüée de beaucoup d'acrimonie, qui sert à exciter le mouvement des boyaux à l'expulsion des matieres fécales avec lesquelles elle se mele, pour être portée hors du corps; effets qui désignent bien la bile cystique: aussi ne dit - il point de la premiere qu'elle vienne de la vésicule; il ne le dit que de la seconde. Ne seroit - on pas sondé à adopter la maniere dont cet auteur distingue les deux biles, c'est - à - dire en recrémentitielle & en excrémentitielle, si l'or fait attention à ce qu'enseigne l'expérience à l'égard du chyle, savoir qu'il n'est point amer dans les veines lactées, selon la remarque d'Hoffman? La bile cystique ne passe donc point avec lui dans ces veines, après avoir été mêlée avec la matiere du chyme, dans le canal intestinal. Il se fait donc une sorte de secrétion qui ne permet point aux parties ameres de la bile, de passer avec le suc des alimens: ces parties restent donc avec le marc, & se sont évacuées avec lui, comme excrémentitielles. Il ne paroît rien qui empêche de répondre affirmativement à toutes ces questions. Ainsi on peut regarder, avec Riviere, le fiel comme un excrément, mais qui est destiné à produire de bons effets dans les premieres voies, avant d'être porté hors du corps, tels que de diviser par sa qualité pénétrante les matieres muqueuses qui tapissent la surface intérieure des intestins; d'empêcher qu'elles ne s'y ramassent en trop grande abondance; de les détacher des parois du canal, & de découvrir ainsi les orifices des veines lactées: tout cela se fait pendant que la digestion s'opere dans l'estomac. Tous les organes qui doivent servir à cette fonction, se mettant en jeu en même tems, la vésicule du fiel entre aussi en contraction, exprime ce qu'elle contient; & la bile qui y étoit déposée coule dans les intestins, pour y préparer les voies à la continuation de la préparation du chyle, qui doit s'y perfectionner & s'y achever. L'écoulement de la bile cystique continue encore à se faire pendant cette derniere digestion, pour exciter de plus en plus l'action des boyaux, pour dissoudre par sa qualité savonneuse, plus émi<cb-> nente que dans la bile hépatique, les matieres grasses qui pourroient éluder l'action de celle - ci. Le fiel se mêle ainsi à la pâte alimentaire, & reste ensuite mêlé avec sa partie la plus grossiere, qui forme les excrémens; à laquelle il donne la couleur iaune plus ou moins foncée, qu'on y observe dans l'état naturel, les dispose à se corrompre plus promptement par la disposition qu'il y a lui - même, irrite ensuite les gros boyaux, jusqu'à ce que parvenus à l'extrémité du canal, ils soient poussés hors du corps. Voyez Déjection.

11°. Enfin il est important de remarquer encore dans un examen physiologique du foie, qu'il n'est aucun animal connu qui ne soit pourvû de ce viscere. Plus les autres visceres sont petits à proportion du sujet, plus le volume du foie est grand: c'est ce qui est démontré dans les poissons & dans les insectes. Les premiers n'ont point de poitrine; la capacité de l'abdomen en est d'autant plus étendue, & ce sont le foie & le pancréas qui la remplissent presqu'en entier, les boyaux en étant très peu considérables. Boerhaave a fait cette observation, particulierement dans le poisson appellé lamie. Mais il en est de même à l'égard de tous les autres poissons; on y trouve le foie intimement uni aux boyaux & lié à leur texture, de maniere qu'il en accompagne presque toutes les circonvolutions. Les quadrupedes, les oiseaux ont tous un foie, qui est dans tous d'un volume assez considérable, respectivement à chacun de ces animaux. Il s'y sépare dans tous de la bile, c'est - à - dire une humeur savonneuse, qui sans être amere dans tous, attendu qu'il en est plusieurs qui n'ont point de vésicule du fiel, ainsi qu'il a été dit ci - devant, a cependant les autres qualités de la bile, & un flux continuel.

12°. Il paroît surprenant que l'existence de cette humeur dans tout ce qui a vie, n'ait pas fait juger déterminément que le viscere qui la fournit doit être d'un usage plus étendu dans l'économie animale, que celui de servir seulement à la chylification. En effet ne peut - il pas être comparé avec fondement aux organes dont les fonctions influent sur toutes les parties du corps, tels que le cerveau & le poumon: ces deux organes - ci sont sans contredit chacun le viscere principal de la cavité où il est renfermé, l'un du ventre supérieur, l'autre du ventre moyen; ainsi l'on peut dire que le foie est le viscere principal du ventre inférieur. Le premier étend son action sur tous les solides qui sont susceptibles de sentiment & de mouvement; le second filtre toute la masse des humeurs, & leur fait éprouver la plus grande élaboration qu'elles puissent recevoir en commun; le troisieme fournit à cette masse un fluide reconnu pour avoir la propriété d'opérer de grands effets dans les premieres voies, par sa qualité dissolvante de séparer les parties homogenes des sucs alimentaires, d'en briser la viscosité, la tenacité, de les rendre miscibles avec des parties respectivement hétérogenes: pourquoi ne pourroit - on pas étendre ces effets jusque dans les secondes voies, & dans toute la distribution des fluides du corps animal, de maniere à regarder la bile comme étant la liqueur balsamique, le menstrue sulphureux, qui conserve ces fluides dans l'état de dissolution convenable, qui les rend propres à couler dans tous les vaisteaux, & à être distribués dans toutes les parties du corps; ensorte que le récrément que fournit le foie à la masse des humeurs seroit à cette masse, par ses effets physiques, ce que lui sont les poumons par leur action méchanique? Ainsi on pourroit dire que l'analogie semble concourir avec l'observation fournie par l'histoire naturelle des animaux, à établir l'influence générale du foie sur toute l'économie animale. En effet l'existence de ce viscere, commune à

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