ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"822"> sance, & dont la callosité subsiste après la consolidation parfaite.

Les fistules attaquent toutes les parties du corps; elles viennent en général de trois causes qu'il est important de bien discerner, si l'on veut réussir facilement à les guérir: ce sont, 1°. la transudation d'un fluide quelconque par la perforation d'un conduit excréteur, ou d'un reservoir destiné à contenir quelque liqueur: 2°. la présence d'un corps étranger: 3°. les chairs dures & calleuses d'une plaie ou d'un ulcere.

Les signes de l'écoulement d'un fluide à - travers les parties dont la continuité divisée le laisse échapper, sont sensibles par la seule inspection, à celui qui a des connoissances anatomiques. L'indication curative de ces sortes de fistules, consiste à déterminer le cours du fluide par les voies naturelles & ordinaires, en levant les obstacles qui s'y opposent; ou à former par l'art une route nouvelle à ce fluide. On remplit ces indications générales par des procédés différens, & relatifs à la structure différente des organes affectés, & aux diverses complications qui peuvent avoir lieu. C'est ce que je vais exposer dans la description du traitement qui convient à plusieurs especes de fistules comprises sous ce premier genre.

La fistule lacrymale est un ulcere situé au grand angle de l'oeil, qui attaque le syphon lacrymal; & qui l'ayant percé, permet aux larmes de se répandre sur les joues. Voyez Pl. XXIV. de Chirurgie, fig. 1.

La cause de cette maladie vient de l'obstruction du canal nasal; les larmes qui ne peuvent plus se dégorger dans le nez, séjournent dans le sac lacrymal, & s'y amassent en trop grande quantité. Si elles sont douces, & qu'elles conservent leur limpidité, elles crevent le sac par la seule force que leur quantité leur donne; si elles sont viciées, elles rongent le sac, ou plûtôt il s'enflamme & s'ulcere par l'impression du fluide, sans qu'il soit nécessaire qu'il y en ait un grand amas.

Pour prévenir la fistule lorsqu'il n'y a encore qu'une simple dilatation du sac lacrymal par la retention des larmes (voyez Pl. XXIV. fig. 2.), il faut tâcher de déboucher le conduit nasal. Les malades font disparoître cette tumeur pour quelques jours en la comprimant avec le bout du doigt, & cette compression fait sortir par les points lacrymaux, & pousse souvent aussi dans le nez, les larmes purulentes qui étoient retenues dans le sac dilaté. Cette derniere circonstance mérite une attention particuliere; elle montre que l'obstruction du conduit nasal n'est point permanente, & qu'elle ne vient que de l'épaisseur des matieres qui embarrassent le canal: ainsi cette obstruction, loin d'être la maladie principale, ne seroit que l'accident de l'ulcération du sac lacrymal. Cet état n'exige que la détersion de la partie ulcérée: M. Anel, chirurgien françois, mérire des loüanges pour avoir saisi le premier cette indication; il débouchoit les conduits, qui des points lacrymaux vont se terminer au sac lacrymal, avec une petite sonde d'or ou d'argent très - déliée, & boutonnée par son extrémité antérieure (voyez Pl. XXIII. fig. 11.). Une seringue, dont les syphons étoient assez déliés pour être introduits dans les points lacrymaux, servoit ensuite à faire dans le sac les injections appropriées (voyez ibid Pl. XXIII. fig. 10.). Lorsque M. Anel croyoit devoir déboucher le grand conduit des larmes, il faisoit passer ses stilets jusque dans la fosse nasale. Après avoir bien détergé les voies la crymales, on fait porter avec succès un bandage qui comprime le sac. Voyez Pl. XXIV. fig. 3.

La grande délicatesse & la flexibilité des filets dont nous venons de parler, ne permettent pas qu'on débouche par leur moyen le canal nasal obstrué ou fermé par des tubercules calleux, ou par des cica<cb-> trices, comme cela arrive fréquemment à la suite de la petite vérole. On ne voit alors d'autres ressources que dans l'ouverture de la tumeur du grand angle, pour passer dans le conduit une sonde assez solide, capable de détruire tous les obstacles. C'est la méthode de M. Petit; elle est fondée sur la structure des parties, & sur le méchanisme de la nature, qu'elle tend à rétablir dans ses fonctions. Les chirurgiens avant M. Petit, n'avoient point pensé à rétablir le cours naturel des larmes; ils pratiquoient une nouvelle voûte en brisant l'os unguis, presque toûjours sans nécessité à sans raison, sur la fausse idée que la maladie avoit pour cause, ou au moins qu'elle étoit toûjours accompagnée de la carie de l'os unguis; ce qui n'est presque jamais. Antoine Maître - Jan, ce chirurgien célebre, dont nous avons un si bon traité sur les maladies des yeux, rapporte deux cas de fistules, accompagnées de carie à l'os unguis. Les malades ne se soûmirent point aux opérations qu'on leur avoit proposées; la nature rejetta par la voie de l'exfoliation les portions d'os cariées, & ils obtinrent une parfaite guérison sans la moindre incommodité. On a remarqué au contraire, que ceux à qui l'on avoit pereé l'os unguis, étoient obligés de porter des tentes & des cannules assez long - tems dans ce trou, pour en rendre la circonférence calleuse. Ces corps étrangers entretiennent quelquefois, sur - tout dans les sujets mal constitués, des fluxions & des inflammations dangereuses: & malgré toutes ces précautions, pour conserver un passage libre aux larmes dans le nez, on voit que presque toutes les personnes qui ont été guéries de la fistule lacrymale par cette méthode, restent avec un écoulement involontaire des larmes sur les joües; à moins que le conduit nasal ne se soit débouché naturellement. Il ne sera donc plus question dans la pratique chirurgicale, de cet entonnoir (Pl. XXV. fig. 2.) ni du cautere (ibidem fig. 3.) que les anciens employoient pour percer l'os unguis. Les modernes qui suivent encore la pratique de la pertoration par routine, ne se servent point d'un fer rougi: ils lui ont substitué le poinçon d'un trocar, ou un instrument particulier (Pl. XXV. fig. 4.); mais tous ces moyens ne vont point au but, puisqu'ils ne tendent pas à retablir l'usage du conduit natal obstrué.

Pour déboucher ce canal, il faut faire une incision demi - circulaire à la peau & au sac lacrymal: il faut prendre garde de couper la jonction des deux paupieres, ce qui occasionneroit un éraillement. Pour faire cette incision, le malade assis sur une chaise, aura la tête appuyée sur la poitrine d'un aide, dont les doigts seront entrelacés sur le front, afin de la contenir avec fermeté; un autre aide tend les deux paupieres en les tirant du côté du petit angle; on apperçoit par - là le tendon du muscle orbiculaire; c'est au - dessous de ce tendon qu'on commence l'incision (Pl. XXV. fig. 6.); elle doit avoir six à huit lignes de longueur, & suivre la direction du bord de l'orbite: cette ouverture pénetre dans le sac. Le bistouri, dont M. Petit se servoit, avoit une legere cannelure sur le plat de la lame près du dos; & comme le dos doit toûjours - être tourné du côté du nez, il avoit deux bistouris cannelés, un pour chaque côté. La pointe du bistouri étant portée dans la partie supérieure du canal nasal, la sonde cannelée, taillée en pointe comme le bout aigu d'un curedent de plume, étoit poussée sur la cannelure du bistouri dans le canal nasal jusque sur la voûte du palais. En faisant faire quelques mouvemens à la sonde, on détruit tous les obstacles, & sa cannelure favorise l'introduction d'une bougie proportionnée. On change tous les jours cette bougie, qu'on charge du médicament qu'on juge convenable. Il y a des praticiens qui employent un stilet de plomb pour cicatriser la [p. 823] surface interne du canal; enfin lorsqu'il n'en sort plus de matieres purulentes, on cesse l'usage des bougies ou du stilet de plomb: les larmes reprennent leur cours naturel de l'oeil dans le nez, & la plaie extérieure se réunit en peu de jours. Quelques chirurgiens mettent une eannule d'or fort déliée dans le canal, ce qui n'empêche point la cicatrice de la plaie extérieure. La précaution recommandée par quelques auteurs, de faire journellement des injections par les points lacrymaux pendant l'usage de la bougie, est tout - à - fait inutile. On les a proposées dans la crainte que les conduits, dont les points lacrymaux sont les orisices, ne viennent à s'oblitérer; ce qui occasionneroit, dit - on, un larmoyement malgré la liberté du conduit nasal. Cette crainte est détruite par l'observation de ces maladies. L'obstruction simple du conduit n'empêche jamais les larmes de pénétrer dans le sac lacrymal, puisqu'apres l'avoir vuidé par la compression du doigt, il se remplit de nouveau. Les larmes ne coulent jamais involontairement sur les joues que par regorgement, lorsque la plénitude du sac ne lui permet pas de recevoir le sluide: les larmes passent naturellement dans le sac pendant la cure; & les injections recommandées, souvent fatiguantes pour le malade sans aucune utilité. La recherche de M. Petit est décrite dans les mémoires de l'académie royale des Seiences, année 1734. L'appareil de cette opération consiste dans l'application de deux compresses soûtenues par le bandage dit morocule, voyez ce mot.

On a mis en usage depuis quelques années une méthode de traiter les maladies des voies lacrymales, on sondant le conduit des larmes par le nez, & en y plaçant à demeure un syphon, par lequel on fait les injections convenables. M. de la Forest, maître en Chirurgie à Paris, a donné sur cette opération, qu'il pratique avec succès, un mémoire inséré dans le second volume de l'académie royale de Chirurgie. M. Bianchi avoit sondé le conduit nasal dès l'année 1716. Il a donné à ce sujet une lettre qu'on lit dans le théatre anatomique de Manger. M. Bianchi a de plus reconnu la possibilité de faire des injections par le nez dans ce conduit; & M. Morgagni qui reprend cet auteur de l'opinion qu'il avoit sur la structure & sur les maladies des voies lacrymales, traite cette question dans la soixante - sixieme remarque de sa sixieme critique, & qu'il intitule ainsi ... De injectionibus per finem ductûs lacry nalis.

M. Bianchi soûtient qu'on sonde très - facilement le conduit nasal, parce que l'orifice inférieur de ce conduit a la forme d'un entonnoir. M. Morgagni prétend au contraire, que l'orifice du conduit nasal n'a pas plus de diametre que les points lacrymaux; de là il conclut, que loin qu'on puisse rencontrer aisément l'orifice du conduit nasal avec une sonde introduite dans la narine, on le trouve avec assez de peine dans une administration anatomique, lorsqu'après les coupes nécessaires, le lieu de son insertion est à découvert. J'ai trouvé le plus souvent les choses comme M. Morgagni assûre les avoir vûes; & j'ai observé quelquefois l'orifice inférieur du conduit nasal évasé en forme d'entonnoir, comme M. Bianchi dit l'avoir trouvé. J'ai expérimenté sur un grand nombre de cadavres l'usage de la sonde: il y en a sur lesquels je la portois avec la plus grande facilité dans le conduit nasal, & d'autres fois je n'y pouvois réussir. Or, comme rien n'indique les variations, qui font qu'on peut ou qu'on ne peut pas réussir à l'introduction de cette sonde, il s'ensuit que les tentatives sur le vivant peuvent être inutiles, qu'elles exposent les malades à des tatonnemens incommodes & douloureux; & faute de précautions & de ménagemens, on pourroit fracturer les lames spongieuses inférieures, ce qui seroit suivi d'acci<cb-> dens. La méthode de M. Petit me paroit plus simple & moins douloureuse dans les fistules; mais dans la simple obstruction du canal nasal, si l'on peut introduire la sonde dans ce conduit sans faire de violence, la méthode de M. la Forest guérit sans incision, & c'est un avantage; voyez les différens mémoires sur la fistule lacrymale dans le second volume de l'académie royale de Chirurgie.

La fistule salivaire est un écoulement de salive à l'occasion d'une plaie ou d'un ulcere aux glandes qui servent à la seerétion de cette humeur, ou aux canaux excréteurs par lesquels elle passe. On sit dans les Mémoires de l'académie royale des Sciences, année 1719, qu'un soldat a qui un coup de sabre sur la joue avoit divisé le conduit salivaire de Stenon, resta avec une petite fistule, par laquelle chaque fois qu'il mangeoit, il sortoit une abondance prodigieuse de salive, jusqu'à moüiller plusieurs serviettes pendant les repas, qui n'étoient pas fort longs. On observe le même symptome dans la fistule de la glande parotide. Cette remarque est de grande conséquence dans la pratique; car les moyens qui suffisent pour guérir cette seconde espece de fistule salivaire seroient absolument sans effet pour la guérison de celle qui attaque le canal de Stenon. Ambroise Paré, célebre chirurgien, rapporte l'histoire du soldat blessé d'un coup d'épée au - travers de la mâchoire supérieure, ce sont les termes de l'anteur. Quelques précautions qu'on eût prises pour la réunion de cette plaie, il resta un petit trou dans lequel on auroit à peine pû mettre la tête d'une épingle, & dont il sortoit une grande quantité d'eau fort claire, lorsque le malade parloit ou mangeoit: Paré est parvenu à guérir radicalement cette fistule, après l'avoir cauterisée jusque dans son fond avec de l'eau forte, & y avoir appliqué quelquefois de la poudre de vitriol brûlé. La situation de la fistule, & le succès de ce traitement, qui auroit été insuffisant, & même préjudiciable dans la perforation du canal salivaire, montre que l'ecoulement de la salive venoit dans ce cas de la glande parotide. Fabrice d'Aquapendente fait mention de l'écoulement de la salive à la suite des plaies des joues. Je ne sai, dit - il, d'où ni comment sort cette humeur; mais pour tarir une humidité si copieuse, il a appliqué des compresses trempées dans les eaux thermales d'Appone, & des cérats puissamment dessicatifs. Ces moyens n'auroient été d'aucune utilité pour l'ulcere fistuleux du canal de Stenon. L'expérience & la raison nous permettent de croire que Munniches n'a jugé que par les apparences trompeuses de l'écoulement de la salive sur la joue, lorsqu'il assûre avoir guéri radicalement & en peu de jours, la fistule de ce conduit, après en avoir détruit la callosité avec un caustique. Comment en effet l'application d'un tel remede, qui aggrandissoit l'ulcere du canal excréteur, pourroit - elle empêcher le passage de l'humeur, dont l'écoulement continuel est une cause permanente & nécessaire de fistule? il est certain que dans les cas dont je viens de donner le précis, c'étoit la glande parotide qui fournissoit la matiere sereuse qui entretenoit la fistule. M. Ledran ayant ouvert un abcès dans le corps de la glande parotide, ne put parvenir à terminer la cure; il restoit un petit trou qui laissoit sortir une grande quantité de salive, sur - tout lorsque le malade mangeoit. M. Ledran appliqua sur l'orifice de cette fistule un petit tampon de charpie trempé dans de l'eau - de - vie; il le soutint par quatre compresses graduées, voyez Compresses, & les maintint par un bandage assez ferme. En levant cet appareil au bout de cinq jours, pendant lesquels le malade ne vécut que de bouillon, le trou fistuleux se trouva cicatrisé. La compression exacte avoit effacé le point glanduleux dont l'ulcération fournissoit cette grande

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