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La finesse, dans le sens figuré, s'applique à la conduite, aux discours, aux ouvrages d'esprit. Dans la conduite, finesse exprime toûjours, comme dans les Arts, quelque chose de délié; elle peut quelquefois subsister sans l'habileté; il est rare qu'elle ne soit pas mêlée d'un peu de fourberie; la politique l'admet, & la société la réprouve. Le proverbe des finesses cousues de fil blanc, prouve que ce mot au sens figuré, vient du sens propre de couture fine, d'étoffe fine.
La finesse n'est pas tout - à fait la subtilité. On tend
un piége avec finesse, on en échappe avec subtilité;
on a une conduite fine, on joue un tour subtil; on
inspire la défiance, en employant toûjours la finesse.
On se trompe presque toujours en entendant finesse
à tout. La finesse dans les ouvrages d'esprit, comme
dans la conversation, consiste dans l'art de ne pas
exprimer directement sa pensée, mais de la laisser
aisément appercevoir: c'est une énigme dont les gens
d'esprit devinent tout d'un coup le mot. Un chancelier
offrant un jour sa protection au parlement, le
premier président se tournant vers sa compagnie:
Messieurs, dit - il, remercions M. le chancelier, il nous
donne plus que nous ne lui demandons; c'est - là une
répartie très - fine. La finesse dans la conversation,
dans les écrits, differe de la délicatesse; la premiere
s'étend également aux choses piquantes & agréables,
au blâme & à la loüange même, aux choses
même indécentes, couvertes d'un voile à travers lequel
on les voit sans rougir. On dit des choses hardies
avec finesse. La délicatesse exprime des sentimens
doux & agréables, des loüanges fines; ainsi la
finesse convient plus à l'épigramme, la délicatesse au
madrigal. Il entre de la délicatesse dans les jalousies
des amans; il n'y entre point de finesse. Les loüanges
que donnoit Despréaux à Louis XIV. ne sont pas
toûjours également délicates; ses satyres ne sont pas
toûjours assez fines. Quand Iphigénie dans Racine a
reçu l'ordre de son pere de ne plus revoir Achille,
elle s'écrie: dieux plus doux vous n'aviez demandé que
ma vie. Le véritable caractere de ce vers est plûtôt
la délicatesse que la finesse. Article de M.
Finesse (Page 6:816)
La finesse differe de la pénétration, en ce que la pénétration fait voir en grand, & la finesse en petit détail. L'homme pénétrant voit loin; l'homme fin voit clair, mais de près: ces deux facultés peuvent se comparer au télescope & au microscope. Un homme pénetrant voyant Brutus immobile & pensif devant la statue de Caton, & combinant le caractere de Caton, celui de Brutus, l'état de Rome, le rang usurpé par César, le mécontentement des citoyens, &c. auroit pû dire: Brutus médite quelque chose d'extraordinaire. Un homme fin auroit dit: Voilà Brutus qui s'admire dans l'un de ces caracteres, & auroit fait une épigramme sur la vanité de Brutus. Un fin courtisan
La finesse ne peut suivre la pénétration, mais quelquefois aussi elle lui échappe. Un homme profond est impénétrable à un homme qui n'est que fin; car celui - ci ne combine que les superficies: mais l'homme profond est quelquefois surpris par l'homme fin; sa vûe hardie, vaste & rapide, dédaigne ou néglige d'appercevoir les petits moyens: c'est Hercule qui court, & qu'un insecte pique au talon.
La délicatesse est la finesse du sentiment qui ne refléchit point; c'est une perception vive & rapide du résultat des combinaisons.
Malo me Galatoea petit, laseiva puclla, Et fugit ad salices, & se cupit ante videri. Si la délicatesse est jointe à beaucoup de sensibilité, elle ressemble encore plus à la sagacité qu'à la finesse.
La sagacité differe de la finesse, 1°. en ce qu'elle est dans le tact de l'esprit, comme la délicatesse est dans le tact de l'ame; 2°. en ce que la finesse est superficielle, & la sagacité pénétrante: ce n'est point une pénétration progressive, mais soudaine, qui franchit le milieu des idées, & touche au but dès le premier pas. C'est le coup - d'oeil du grand Condé. Bossuet l'appelle illumination; elle ressemble en effet à l'illumination dans les grandes choses.
La ruse se distingue de la finesse, en ce qu'elle employe la fausseté. La ruse exige la finesse, pour s'envelopper plus adroitement, & pour rendre plus subtils les piéges de l'artifice & du mensonge. La finesse ne sert quelquefois qu'à découvrir & à rompre ces piéges; car la ruse est toûjours offensive, & la finesse peut ne pas l'être. Un honnête homme peut être fin, mais il ne peut être rusé. Du reste, il est si facile & fi dangereux de passer de l'un à l'autre, que peu d'honnêtes gens se piquent d'être fins. Le bon homme & le grand homme ont cela de commun, qu'ils ne peuvent se resoudre à l'être.
L'astuce est une finesse pratique dans le mal, mais en petit: c'est la finesse qui nuit ou qui veut nuire. Dans l'astuce la finesse est jointe à la méchanceté, comme à la fausseté dans la ruse. Ce mot qui n'est plus d'usage, a pourtant sa nuance; il mériteroit d'être conservé.
La perfidie suppose plus que de la finesse; c'est une fausseté noire & profonde qui employe des moyens plus puissans, qui meut des ressorts plus cachés que l'astuce & la ruse. Celles - ci pour être dirigées n'ont besoin que de la finesse, & la finesse suffit pour leur échapper; mais pour observer & démasquer la perfidie, il faut la pénétration même. La perfidie est un abus de la confiance, fondée sur des garans inevitables, tels que l'humanité, la bonne - foi, l'autorité des lois, la reconnoissance, l'amitié, les droits du sang, &c. plus ces droits sont sacrés, plus la confiance est tranquille, & plus par conséquent la perfidie est à couvert. On se défie moins d'un concitoyen que d'un étranger, d'un ami que d'un concitoyen, &c. ainsi par degré la perfidie est plus atroce, à mesure que la confiance violée étoit mieux établie.
Nous observons ces synonymes moins pour prévenir
l'abus des termes dans la langue, que pour faire
sentir l'abus des idées dans les moeurs: car il n'est pas
sans exemple qu'un perfide qui a surpris ou arraché
un secret pour le trahir, s'applaudisse d'avoir été fin.
Cet article est de M.
Finesse (Page 6:816)
Ce mot est encore usité, quand il s'agit de désigner la legereté de la taille d'un animal. Ce n'est point, disons - nous, un cheval épais, lourd, pesant; c'est un cheval qui a de la finesse.
Relativement au cavalier, le terme de finesse renferme tout ce qu'expriment les mots delicatesse, précision, subtilité, &c. (e)
FINI, FINIE (Page 6:817)
FINI, FINIE, ce mot est participe & adjectif; comme participe, il a toutes les significations de son verbe: ainsi on dit qu'un ouvrage est fini, c'est - à - dire achevé, terminé, mis à fin. Telle est la premiere signification de ce mot, & en ce sens fini est opposé à commencé.
Fini se dit aussi par extension dans le sens de perfectionné, bien travaillé: c'est ainsi qu'on dit d'un tableau, que c'est un ouvrage fini; que le peintre y a mis la derniere main; on le dit aussi d'une gravure, d'une statue, des ouvrages à polir: lorsqu'il s'agit de ces sortes d'ouvrages, bien fini signifie bien poli; on le dit aussi par figure des ouvrages d'esprit.
Fini, en Grammaire est un adjectif qui signifie déterminé, appliqué. On divise les modes des verbes en deux especes, en mode infinitif & en modes finis. L'infinitif enonce la signification du verbe dans un sens abstrait, sans en faire une application individuelle, comme aimer, lire, écouter, ensorte que l'infinitif par lui - même ne dit point qu'aucun individu fasse l'action qu'il signifie. Au contraire, les modes finis appliquent l'action par rapport à la personne, au nombre & au tems. Pierre lit, a lû, lira, &c.
On dit aussi sens fini, c'est - à - dire determiné; on oppole alors sens fini à sens vague ou indéterminé.
Sens fini signifie aussi sens achevé, sens complet; ce qui arrive quand l'esprir n'attend plus d'autre mot pour comprendre le sens de la phrase. On met un point à la fin de la période, quand le sens est fini ou complet: alors l'esprit n'attend plus d'autre mot par rapport à la construction de la phrase particuliere.
Fini, e, adjectif qui signifie déterminé, bonné, limité, & qui se dit sur - tout des êtres physique,. Les partisans des idees innées se sont si fort écartés de la voie simple de la nature & de la droite raison, qu'ils soûtiennent que nous ne connoissons le fini que par l'idee innee que nous avons, disent - ils, de l'infini; le fini, selon eux, suppose l'infini, & n'est qu'une limiration de l'idée que nous avons de l'infini. Ils prétendent que nous ne connoissons les êtres particuliers, que parce que nous avons l'idée de l'être en général.
Perceptio rei singularis nihil aliud esse videtur quam limitatio quoedam luminis naturalis, quo ens ipsum universè, seu Deum novimus. Inst. Phil. Edmundi Purchotii Metap. sect. iij. c. v. p. 585.
Prius cognoseimus quid sit ens seu esse generatim quam sensibus nostris utamur. Id ib. p. 567.
Prius est cognoscere ens simpliciter quam ens tale aut entis differentias. Id. ib. p. 568.
Plus on refléchit sur cette étrange hypothèse, plus on la trouve contraire à l'expérience & aux lumieres du bon sens. Quand nous venons au monde, & que nos sens ont acquis une certaine consistance, nous sommes affectés par les objets particuliers; & ce sont ces différentes affections qui nous donnent les idées des êtres particuliers. Nous voyons ces êtres bornés par leurs propres limites & par l'étendue ultérieure qui les environne. A la vérité, je ne puis bien entendre qu'un objet est fini, que je n'en connoisse les bornes, & que je n'aye acquis par l'usage de la vie, l'idée d'une étendue ultérieure; mais ces deux points me suffisent pour savoir qu'un tel corps est fini, sans que l'idée de l'infini me soit nécessaire, puisque ce corps singulier n'est point une partie inté<cb->
Ainsi on est beaucoup plus conforme à la pensée de S. Paul & au langage du S. Esprit, en soûtenant que les idées particulieres des êtres finis dont nous pouvons toûjours écarter les limites, nous menent enfin à l'idée de l'infini, qu'en voulant que l'idée de l'infini soit nécessaire pour connoître un être fini: c'est comme si l'on disoit qu'il faut avoir vû la mer pour connoitre une riviere que l'on voit couler dans son lit, & qu'il faut avoir idée d'un royaume, pour voir une ville renfermée dans ses remparts.
En un mot, c'est par les idées singulieres que nous
nous élevons aux idées générales; ce sont les divers
objets blancs dont j'ai été affecté, qui m'ont donné
l'idée de la blancheur; ce sont les différens animaux
particuliers que j'ai vûs des mon enfance, qui m'ont
donné l'idée générale d'animal, &c. Ce n'est que
de ce principe bien developpé & bien entendu, que
peut naitre un jour une bonne logique. Voyez
Fini (Page 6:817)
Nous n'avons d'idées distinctes & directes, que
des grandeurs finies; nous ne connoissons l'infini que
par une abstraction négative & par une opération
pour ainsi dire négative de notie esprit, qui ne fait
point attention aux bornes de la chose que nous considérons
comme infinie. Il est si vrai que l'idée que
nous avons de l'infini, n'est point directe & qu'elle
est purement négative, que la dénomination même
d'infini le prouve. Cette dénomination qui signifie
négation de fini, fait voir que nous concevons d'abord
le fini, & que nous concevons l'infini en niant
les bornes du fini. Cependant il y a eu des philosophes
qui ont prétendu que nous avions une idée directe
& primitive de l'infini, & que nous ne concevions
le fini que par l'infini; mais cette idée si extraordinaire,
pour ne pas dire si extravagante, n'a
plus guere aujourd'hui de partisans; encore sontce
des partisans honteux, si on peut parler ainsi,
qui ne soûtiennent cette opinion que relativement à
leur systeme des idées innées, parce que ce système
les conduit à une si étrange conséquence En effet,
si nous avons une idée innée de Dieu, comme le
veulent ces philosophes, nous avons donc une idée
innée primitive & directe de l'infini; nous connoissons
Dieu avant les créatures, & nous ne connoissons
les créatures que par l'idée que nous avons de
Dieu, en passant de l'infini au fini. Cette conséquence
si absurde suffiroit, ce me semble, pour renverser
le système des idées innées, si ce système n'étoit pas
aujourd'hui presqu'entierement proscrit. Voy.
M. Musschenbroek dans le second chapitre de ses
essais de Physique, dit & entreprend de prouver que
le fini peut être égal à l'infini; c'est tout au moins
une mauvaise maniere de s'énoncer; il falloit dire
seulement, qu'un espace fini en tout sens, peut être
égal à un espace infini en un sens. C'est une vérité
que les Géometres prouvent dans une infinité de cas;
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