ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"806"> de Dieu, on porte son idée sur la premiere Personne de la Trinité, sur Dieu le Pere. Dans le sixieme, on applique l'idée de Pere à Dieu, à la nature divine agissant au dehors & subsistant en trois Personnes.

Dans le cinquieme sens, Jesus - Christ ne seroit pas Fils de Dieu, si la personne divine à laquelle son humanite se trouve unie, n'étoit pas la seconde Personne de la Trinité, n'étoit pas Fils de Dieu. Dans le sixieme, en supposant que cette personne fût le Pere ou le saint - Esprit (les Théologiens conviennent qu'on peut faire cette supposition, & qu'il ne répugnoir pas à la nature divine que le Pere ou le St Esprit s'incarnassent), Jesus - Christ seroit encore Fils de Dieu; parce que dans cette hypothèse Dieu, un, subsistant en trois personnes, auroit uni dans le tems l'humanité de Jesus - Christ à la nature divine.

Au quatrieme & au cinquieme sens, l'intelligence de cette proposition Jesus - Christ est Fils de Dieu, suppose la connoissance de la génération éternelle du Verbe, de l'union hypostatique de ce Verbe avec la nature humaine en la personne de Jesus - Christ, en un mot du mystere de la Trinité. Dans le sixieme elle ne suppose rien autre chose que la connoissance d'un seul Dieu, unissant dans le tems la nature humaine à la nature divine dans la personne de J. C.

Voilà les différences respectives qu'établit le pere Berruyer entre ces trois significations; elles peuvent servir à faire entendre sa pensée: au reste il faut avoüer que la difficulté de la matiere jette sur tout ceci un peu d'obscurité.

Je passe aux preuves sur lesquelles cet auteur s'appuie. Voici les principales.

1°. On doit donner, dit - il, à l'expression Fils de Dieu, le sens que je propose (sans exclure les autres); si l'action de Dieu unissant l'humanité de Jesus - Christ à une Personne de la Trinité, est une véritable génération, abstraction faite de ce que cette Personne seroit le Verbe engendré de toute éternité, la seconde Personne: or, même en faisant cette abstraction, l'action de Dieu unissant la nature humaine à la nature divine, est une véritable génération, puisque par cette action est engendré, formé, &c. l'Homme - Dieu.

En effet si la nature humaine étoit unie à une autre Personne que la seconde, le résultat de cette union, l'Homme - Dieu, seroit vraiment Fils de Dieu; en ce cas l'action de Dieu unissant la nature humaine à cette Personne divine, seroit donc une véritable génération: donc l'action de Dieu unissant la nature humaine à la Personne du Verbe, est une vraie génération, même alors qu'on fait abstraction de la génération éternelle du Verbe: donc en faisant cette abstraction, il reste encore un sens vrai à la dénomination de Fils de Dieu, & c'est ce sens que je propose.

2°. On trouve très - nettement distinguées dans les Ecritures deux générations du Fils de Dieu, l'une éternelle, & l'autre temporelle. In principio ... . . . . . Verbum erat apud Deum. . . . Et Verbum caro factum est. . . . Dominus possedit me initio viarum suarum. . . . Ego hodie genui te. . . . Figura substantioe ejus portans omnia Verbo virtutis suoe.... De Filio suo qui factus est ei secundum carnem. Or la différence de ces deux générations ne peut bien s'entendre qu'au moyen de cette explication, puisqu'à moins qu'on ne l'admette, Jesus - Christ n'est Fils de Dieu que par la génération éternelle du Verbe.

3°. Avant la résurrection de Jesus - Christ, avant les instructions qu'il donna à ses disciples, avant de monter au ciel, avant la descente de l'Esprit - saint, ses apôtres & ses disciples ignoroient le mystere de la Trinité. Cela est clair par les endroits où leur ignorance est remarquée: Adhuc sine intellectu erant, Matth. xv. & xvj. Adhuc multa habeo vobis dicere; sed non potestis portare modo, Joan. xvj. 12. Ipsi nihil horum intellexerunt, Luc. xviij. 34. Dicit eis Jesus, tanto tempore vobiscum sum & non cognovistis me, Joan. xjv. 9. Nondum erat spiritus datus, quia Jesus nondùm erat glorificatus, Joan. xvij. 29. Aussi bien que par ceux où Jesus - Christ promet de les instruire: Hac in proverbiis locutus sum vobis; venit hora ut sam non in proverbiis loquar vobis, sed palam de patre annuntiabo vobis, Joan. xvj. 25. Et après la résurrection: Loquebatur apostolis suis de regno Dei, per dies quadraginta apparens eis.

A plus forte raison les Juifs n'avoient - ils aucune idée de ce mystere; & c'est la doctrine commune des Théologiens: bien plus les Juifs & les apôtres étoient bien fortement persuadés du dogme de l'unité de Dieu; dogme qui aux yeux de la raison privée des lumieres de la foi, devoit former dans leur esprit une terrible opposition à la doctrine d'un Dieu en trois personnes.

Cela posé, que prêchoit Jesus - Christ aux Juifs & à ses apôtres avant sa résurrection, dit le P. Berruyer? Ce n'étoit pas le dogme de l'union hypostatique de son humanité avec la seconde personne de la Trinité, avec le Verbe éternel Fils du Pere, & engendré par lui de toute éternité; il n'auroit été entendu de personne, puisque toutes les notions préliminaires à la connoissance de ces mysteres manquoient à la nation juive, & qu'elle en avoit même de très - opposées à cette doctrine: c'étoit donc l'union faite dans le tems en sa personne de la nature humaine avec la nature divine; union par laquelle il étoit vraiment Fils de Dieu, & connu pour tel: mystere bien sublime à la vérité, mais dont on peut avoir quelque idée sans connoître la Trinité des personnes & la génération du Verbe, & sans heurter aussi fortement aux yeux de la soible raison, le dogme de l'unité de Dieu.

Je placerai ici une remarque du P. Berruyer: c'est que l'empressement loüable des Théologiens à voir par - tout dans les Ecritures les dogmes de la foi catholique clairement développés, les écarte souvent de l'intelligence du texte. Ils devroient cependant considérer qu'il n'est pas nécessaire que les dogmes se trouvent expressément contenus dans tous les endroits de l'Ecriture qui peuvent y avoir quelques rapports; il suffit pour donner un exemple tiré de la matiere même que nous traitons, que la génération éternelle du Verbe & son union substantielle avec la nature humaine dans la personne de J. C. soit développée dans quelques endroits; il n'est pas nécessaire que l'expression Fils de Dieu signifie par - tout cette génération; & on voit même, suivant ce qu'on vient de dire, qu'elle n'a point ce sens relevé & sublime, lorsqu'elle est dans la bouche des Juifs & des apôtres, avant les dernieres instructions qu'ils reçûrent de Jesus - Christ.

4°. Le P. Berruyer trouve cet avantage dans son explication, qu'il résout avec facilité quelques objections des Sociniens, qui ont toûjours embarrassé les Théologiens catholiques.

Jesus - Christ, disent les Sociniens, est appellé Fils de Dieu par les évangélistes, parce qu'il est né d'une vierge: Concipies in utero & paries filium. . . . . . . . Spiritus sanctus superveniet in te. . . . Ideoque quod nascetur ex te sanctum vocabitur Filius Dei. Luc. I.

Jesus - Christ, ajoûtent - ils, est dit dans S. Paul, I. 3. & 4. Filius factus Deo ex semine David secundùm carnem. Et aux Galat. IV. 4. Misit Deus Filium suum factum ex muliere factum sub lege. D'où les Sociniens argumentent ainsi:

J. C. est appellé dans les Ecritures, Fils de Dieu, né dans le tems, sous la loi, fait d'une femme, & selon la chair: or s'il étoit Fils de Dieu par la génération éternelle du Verbe, toutes ces expressions seroient faussement appliquées à J. C. car il faut bien [p. 807] considérer qu'elles lui sont appliquées entant qu'il est Fils de Dieu; donc elles caractérisent sa filiation: or ce n'est pas une filiation fondée sur la génération éternelle du Verbe; donc c'est une filiation d'adoption pure & nullement naturelle, à moins qu'on ne veuille regarder comme fils naturel un pur homme qui recevroit de Dieu l'existence hors des voies ordinaires de la génération; donc J. C. n'est pas Fils de Dieu au sens propre & naturel, comme l'entendent les Catholiques.

Le P. Berruyer remarque d'abord que quelques Théologiens ont traduit factus, GENOME/NON, dans les passages que nous avons cités, par natus, né, par la raison que factus est plus embarrassant.

Il prétend qu'on peut entendre à la lettre ces expressions que font tant valoir les Sociniens, & résoudre la difficulté proposée, en adoptant son explication; parce que, selon lui, il est vrai à la lettre que J. C. homme - Dien a été fait dans le tems Fils de Dieu, par l'union que Dieu a mise dans le tems en sa personne entre la nature humaine & la nature divine.

Cette génération est vraiment naturelle, dans un sens tout - à - fait différent de celle que les Sociniens nous proposent d'admettre: elle n'est pourtant pas la génération éternelle du Verbe, quoiqu'elle la suppose; & par conséquent en accordant, ce qu'on ne peut pas contester, que les passages allégués ne peuvent pas s'appliquer à la génération éternelle du Verbe, on est encore en droit de nier qu'ils doivent s'entendre d'une filiation non - naturelle & de pure adoption.

5°. Enfin le P. Berruyer prétend que cette explication est nécessaire pour l'intelligence de beaucoup d'endroits du nouveau Testament: nous renvoyons le lecteur à son ouvrage, pour ne pas augmenter trop considérablement cet article.

Le P. Berruyer prévient quelques objections que pourroient lui faire les Scholastiques, par ex que dans son hypothèse J. C. seroit fils de la Trinité, fils des trois Personnes, fils de lui - même, fils du S. Esprit; en recourant à un principe reçû dans les écoles, les actions de la Divinité au - dehors, ad extrà, ne sont point attribuées aux trois Personnes ni à aucune d'elles en particulier, mais à Dieu, comme un en nature.

Autre objection contre le P. Berruyer, qu'il y auroit deux fils dans son hypothèse: il nie cette conséquence, appuyé sur cette raison, qu'il ne peut y avoir deux fils qu'au cas qu'il y auroit deux Personnes, selon l'hérésie de Nestorius; & que comme son opinion laisse subsister & suppose même l'unité de Personne en J. C. on ne peut pas lui faire le reproche d'admettre deux fils, quoiqu'il admette en J. C. deux filiations.

Au reste, ce sixieme sens de l'expression Fils de Dieu, suppose essentiellement les deux dogmes importans de la divinité du Verbe, & de l'union hypostatique & substantielle de la nature humaine en J. C. avec la nature divine; & toute l'explication du P. Berruyer est d'après cette supposition.

Sur l'opinion qu'on vient d'exposer, on a accusé le P. Berruyer de favoriser d'un côté le Nestorianisme, & de l'autre le Socinianisme. Ils ajoûtent que l'explication donnée par le P. Berruyer est nouvelle. On ne la trouve employée, disent - ils, par aucun pere & par aucun théologien dans les disputes avec les hérétiques; on ne voit pas qu'aucun concile s'en soit servi pour développer les dogmes fondamentaux du Christianisme; les interpretes & les commentateurs ne donnent pas aux passages allégués par le P. Berruyer les sens qu'il y adapte, &c. & ce caractere de nouveauté est un terrible argument contre une opinion dans l'esprit d'un catholique: néanmoins ce pere a trouvé des défenseurs. Nous n'entrerons pas dans les raisons qui ont été apportées de part & d'autre. Ces détails nous meneroient trop loin: d'ailleurs nous ne pourrions pas traiter cette matiere, sans donner en quelque sorte une décision qu'il ne nous appartient pas de prononcer; c'est à l'Eglise seule & aux premiers pasteurs à nous éclairer sur des matieres aussi délicates, & qui touchent de si près à la Foi.

Relativement à l'article Fils de Dieu, il faut voir les art. Trinité, Incarnation, Ariens, Nestoriens, Sociniens

Fils de l'homme (Page 6:807)

Fils de l'homme (Théol.) terme usité dans les Ecritures pour signifier homme, & propre à exprimer tantôt la nature humaine, & tantôt sa sragilité.

Quand ce mot est appliqué à Jesus Christ, il signifie en lui la nature humaine, mais exempte des imperfections qui sont ou la cause ou la suite du péché.

Cette expression étoit commune chez les Juifs & les Chaldéens. Les prophetes Daniel & Ezéchiel sont quelquefois désignés par cette appellation dans les livres qui portent leur nom.

Quelquefois aussi fils de l'homme, ou fils des hommes, désignent la corruption & la malignité de la nature humaine, & sont appliqués aux méchans & aux réprouvés, par opposition aux justes & aux élûs qui sont appellés fils de Dieu; comme dans ce passage du Pseaume 4. filii hominum usquequo gravi corde? ut quid diligitis vanitatem & quoeritïs mendacium? (G)

Fils de la Terre (Page 6:807)

Fils de la Terre (Hist. mod.) Dans l'université d'Oxford, c'est un écolier, qui aux actes publics a la commission de railler & satyriser les membres de cette université, de leur imputer quelque abus, ou corruption naissante: c'est à - peu - près la même chose que ce qu'on nommoit paranymphe dans la faculté de Théologie de Paris, voyez l'article Paranymphe. (G)

Fils (Page 6:807)

Fils (le) avant le pere, filius ante patrem, expression dont les Botanistes & les Fleuristes se servent verbalement & par écrit, pour marquer qu'une plante porte sa fleur avant ses feuilles. Telles sont diverses especes de colchique, le pas - d'âne, le pétasite, &c. Article M. le Chevalier de Jaucourt.

FILTRATION (Page 6:807)

FILTRATION, s. f. (Phys.) On appelle ainsi le plus communément le passage de l'eau à - travers un corps destiné à la purifier des immondices qu'elle renferme; l'eau qui passe, par exemple, à - travers le sable, y devient pure & lympide de sale qu'elle étoit auparavant. On se sert aujourd'hui beaucoup pour cet effet de certaines pierres poreuses, voyez l'article Fontaine. Selon Lister, on peut dessaler l'eau de la mer, en y mettant de l'algue (sorte de plante marine) voyez Algue; & en la distillant ensuite à l'alembic. Selon M. des Landes, si on forme avec de la cire - vierge des vases qu'on remplisse d'eau de mer, cette eau filtrée à - travers la cire est dessalée par ce moyen. Enfin, selon M. Leutmann, si on filtre de l'eau de puits au - travers d'un papier gris, qu'on laisse ensuite fermenter ou pourrir cette eau, & qu'on la filtre de nouveau, elle sera plus pure que si on la distilloit.

L'effet de la filtration se comprend assez: il n'est pas difficile de concevoir que l'eau en traversant un corps solide d'un tissu assez serré, y dépose les parties les plus grossieres qu'elle renferme: on a étendu le mot de filtration à tout passage d'un fluide à - travers un solide dans lequel il dépose quelques - unes de ses parties; par exemple, à la séparation des différentes parties du sang dans les glandes du corps humain.

Si on mêle ensemble deux liqueurs dans un vase, & qu'on trempe dans ce vase un linge ou un morceau de drap imbibé d'une seule de ces deux liqueurs, il ne filtrera que cette liqueur, & ne donnera point passage à l'autre. Quelques physiologistes ont voulu expliquer par ce moyen la filtration ou séparation qui

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.