ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"722"> qui se dispose à une crise, ou à évacuer la matiere critique, il ne faut point les interrompre; mais si ces symptomes arrivent à contre - tems, ou qu'ils soient trop violens, il faut les calmer par les remedes qui leur soient propres, ayant toûjours égard à la cause & à l'état de la fievre subsistante.

Semblablement la fievre trop violente, demande à être réprimée par la saignée, par l'abstinence, par une nourriture legere, par des médicamens doux, aqueux, glutineux, rafraîchissans; par des lavemens, par des anodyns, en respirant un air un peu froid, & en calmant les passions. Si la fievre au contraire paroît trop lente, on animera son action par l'usage d'alimens & de boissons cordiales, par un air un peu chaud, par des médicamens acres, volatils, aromatiques, & qui ont fermenté; par des potions plus vives, par des frictions, par la chaleur, par le mouvement musculaire.

Après tout, comme la fievre n'est qu'un moyen dont la nature se sert pour se délivrer d'une cause qui l'opprime, l'office du medecin ne consiste qu'à prêter à cette nature une main secourable dans les efforts de la secrétion & de l'excrétion. Il peut bien tempérer quelquefois sa véhémence, mais il ne doit jamais troubler ses opérations. Ainsi ne croyons pas avec le vulgaire, que la fievre soit un de nos plus cruels ennemis; cette idée est absolument contraire à l'expérience, puisque de tant de gens attaqués de la fievre qu'ils abandonnent à elle - même, il en est peu qui y succombent; & quand elle est fatale, il faut plûtôt rejetter l'évenement sur les fautes, ou la mauvaise constitution du malade, que sur la cruauté de la fievre.

Il est cependant très - vrai que dans plusieurs conjonctures, la fievre emporte beaucoup de personnes d'un tempérament fort & vigoureux; mais il faut remarquer que c'est seulement, lorsque les assections morbifiques violentes, malignes, ou nombreuses, viennent à la fois troubler le méchanisme de la fievre, le surmontant, & en empêchant les opérations salutaires. On doit, ou on peut dire alors, que ces gens là sont morts avec la fievre, mais non pas de la main de la fievre; car ce sont deux choses fort différentes.

Observations générales sur les divisions des fievres. La plus simple distinction des fievres est de les diviser en deux classes générales; celle des fievres continues, & celle des fievres intermittentes; car on peut rapporter sous ces deux classes toutes les especes de fievres connues.

La distinction la plus utile pour la pratique, consiste à démêler les fievres qui se guérissent par coction, d'avec celles qui ne procurent pas de coction; car par ce moyen, les praticiens se trouveront en état de pouvoir diriger leurs vûes pour le traitement des fievres.

Mais la distinction la plus contraire à la connoissance de ce qui constitue essentiellement la fievre, c'est d'avoir fait d'une infinité d'affections morbifiques, de symptomes violens étrangers à la fievre, ou de maladies qui l'accompagnent, tout autant de fievres particulieres. L'assoupissement dominant, les sueurs continuelles, le froid douloureux, le frissonnement fréquent, la syncope, le frisson qui persiste avec le sentiment de chaleur, &c. ont établi dans la Medecine la fievre comateuse, la fievre sudatoire, la fievre algide, la fievre horrifique, la fievre syncopale, la fievre épiole, &c.

C'est encore là l'origine de toutes les prétendues fievres nommées putrides, pourprcuses, miliaires, contagieuses, colliquatives, malignes, diarrhitiques, dyssentériques, pétéchiales, &c. car on a imputé à la fievre même, la pourriture, les taches pourprées, les éruptions miliaires, l'intection contagieu<cb-> se, les colliquations, la malignité, les cours de ventre, le flux de sang, les pustules, &c.

Cependant l'usage de toutes ces fausses dénominations a tellement prévalu, que nous sommes obligés de nous y conformer dans un Dictionnaire encyclopédique, pour que les lecteurs y puissent trouver les articles de toutes les fievres qu'ils connoissent uniquement par leurs anciens noms consacrés d'âge en âge; mais du moins en nous pliant à la coûtume, nous tâcherons d'être attentifs à déterminer le sens qu'on doit donner à chaque mot, pour éviter d'induire en erreur; & si nous l'oublions dans l'occasion, nous avertissons ici une fois pour toutes, qu'il ne faut point confondre les symptômes étrangers à la fievre, ou les affections morbifiques & compliquées qui peuvent quelquefois l'accompagner, avec les symptomes inséparables qui constituent l'essence de la fievre, qui ont été mentionnés au commencement de cet article.

Auteurs recommandables sur la fievre. Ma liste sera courte. Si par hasard, & je ne puis l'imaginer, quelqu'un ignoroit le mérite de la doctrine & des présages d'Hipocrate sur les fievres, il l'apprendra par les commentaires de Friend de febribus, & par le petit ouvrage du docteur Glass.

Le petit livre de Lommius, qui parut pour la premiere fois en 1563 in - 8°. sera toûjours loüé, goûté, & lû des praticiens avec fruit.

Sydenham est jusqu'à ce jour un auteur unique par la vérité & l'exactitude de ses observations sur les fievres dans les constitutions épidémiques.

Hoffman a donné sur les fievres un traité complet, & rempli d'excellentes choses puisées dans la pratique & dans la lecture des plus grands maîtres de l'art; c'est dommage qu'il ait infecté son ouvrage d'opinions triviales, qui rendent sa théorie diffuse, & sa pratique très - défectueuse.

Boerhaave au contraire, toûjours sûr de sa marche, évitant toûjours les opinions & les raisonnemens hasardés, démêlant habilement le vrai du faux, le principal de l'accessoire, a sû le premier se frayer le chemin de la vérité; c'est lui qui a découvert la causé réelle du méchanisme de la fievre, & par conséquent celle de la bonne méthode curative. Tenant d'une main les écrits d'Hippocrate, & portant de l'autre le flambeau du génié, il a démontré que ce méchanisme s'exécute par l'action accélérée des arteres, qui fait naître & entretient l'excès de chaleur qui constitue l'essence de la fievre. Lisez les aphorismes de ce grand homme, avec les beaux commentaires du docteur Vanswieten.

Enfin en 1754 M. Quesnay a prouvé, que puisque l'action accélérée des arteres & l'action de la chaleur constituent ensemble le méchanisme de la fievre, il faut considérer ensemble ces deux choses, pour comprendre toute la physique de cette maladie. Voyez son excellent traité des fievres en 2 vol. in - 12.

Je me suis particulierement nourri des écrits que je viens de citer, & j'ai tâchai d'en saisir les vûes, les idées & les principes.

Fievre acritique (Page 6:722)

Fievre acritique. On entend par fievre acritltique ou non critique, toute fievre continue qui ne se termine point par coction, ou par une crise remarquable. Il y a diverses especes de maladies aiguës accompagnées de fievres non critiques; telles sont les fievres spasmodiques d'un mauvais caractere, les fievres compliquées d'inflammation, de sphacele, de gangrene, les fievres pestilentielles, & autres semblables.

Les fievres acritiques, comme toutes les autres fievres, reconnoissent différentes causes, entr'autres celle des matieres corrompues dans les premieres voies, & mélées dans la masse des humeurs circulantes. [p. 723]

Les prédictions sont très - infideles dans les fievres acritiques; parce qu'il n'y a point de méthode réglée, distincte, & précise, pour en diriger le prognostic. Ce n'est pas ordinairement dans les maladies que la nature dompte elle même, que le ministere du medecin est fort nécessaire; c'est dans celles qu'elle ne peut vaincre en aucune maniere, où des medecins suffisamment instruits seroient fort utiles, & où les ressources de l'art seroient essentielles: mais malheureusement de tels medecins n'ont été que trop rares dans tous les tems.

Fievre aigue (Page 6:723)

Fievre aigue, febris acuta, se dit de toute fievre qui s'étend rarement au - delà de 14 jours, mais dont les accidens viennent promptement, & sont accompagnées de dangers dans leur cours; cette fievre est épidémique ou particuliere à tel homme.

La contraction du coeur plus fréquente, & la résistance augmentée vers les vaisseaux capillaires, donnent une idée absolue de la nature de toute fievre aiguë: or l'une & l'autre de ces deux choses peuvent être produites par des causes infinies en nombre & en variétés, & arriver ensemble ou l'une après l'autre.

Les symptomes de la fievre aiguë particuliere, sont le froid, le tremblement, l'anxiété, la soif, les nausées, les rots, le vomissement, la débilité, la chaleur, l'ardeur, la sécheresse, le délire, l'assoupissement, l'insomnie, les convulsions, les sueurs, la diarrhée, les pustules inflammatoires.

Si ces symptomes arrivent à contre - tems; s'ils se trouvent en nombre; s'ils sont si violens qu'il y ait lieu de craindre pour la vie du malade, ou qu'il ne puisle les supporter; s'ils le menacent de quelque accident funeste, il faut les adoucir, les calmer chacun en particulier par les remedes qui leur sont propres, & conformément aux regles de l'art: mais comme les commencemens, les progrès, l'état, la diminution, la crise, le changement, varient extrèmement dans les fievres aiguës; ils demandent par conséquent une méthode curative très - variée, toûjours relative aux différentes causes & à l'état de la maladie. En général, la saignée, les antiphlogistiques internes, conviennent. Voyez Fievre ardente.

Toutes les fievres aiguës qui affecten, de produire une inflammation particuliere dans tel ou tel organe, & qui en lesent la fonction, forment la classe des maladies aiguës, dont chacune est traitée à son article particulier. Voyez Maladie aigue.

Fievre algide (Page 6:723)

Fievre algide, febris algide; ce n'est point une fievre particuliere, c'est simplement une affection morbifique qui se trouve quelquefois avec la fievre continue, & qui consiste dans un froid perpétuel & douloureux.

La fievre algide existe 1°. quand la matiere fébrile est tellement abondante qu'elle opprime les forces de la vie; 2°. quand l'action vitale n'est pas capable de produire la chaleur qui devroit suivre le frisson; 3°. quand les humeurs commencent à se corrompre.

Les remedes sont de diminuer l'abondance de la matiere fébrile, & de la détruire; 2°. de ranimer les forces languissantes; 3°. de corriger les humeurs: si elles sont putrides; par exemple, on usera des anti - septiques échauffans; en un mot, on opposera les contraires. Au reste, le froid douloureux & continuel d'une fievre aiguë présage le danger, ou du moins la longueur de la maladie. Voyez Fievre horrifique.

Fievre ardente (Page 6:723)

Fievre ardente, causus, KAUSOS2 de KAI/W, brûler; fievre aiguë, continue, ou rémittente, ainsi nommée de la chaleur brûlante, & d'une soif insatiable qui l'accompagne: c'est l'idée générale qu'en donnent nos auteurs modernes.

Tous les anciens s'accordent également à regarder ces deux symptomes comme les causes pathognomiques du causus; c'est pourquoi ils l'ont aussi appellé fievre chaude & brûlante. Voyez la maniere dont en parle Hippocrate dans son livre de affectionibus: voyez encore Arétée, liv. II. des maladies aiguës, chap. jv. mais voyez sur - tout la description étendue & détaillée de l'exact Lommius; tout ce qu'il en dit dans ses observations est admirable: aussi la fievre ardente mérite - t - elle un examen très - particulier, parce qu'elle efl fréquente, dangereuse, & difficile à guérir.

Symptomes. Ses symptomes principaux sont une chaleur presque brûlante au toucher, inégale en divers endroits, très - ardente aux parties vitales; tandis qu'aux extrémités elle est souvent modérée, & que même quelquefois elles sont froides: cette chaleur du malade se communique à l'air qui sort par l'expiration. Il y a une sécheresse dans toute la peau, aux narines, à la bouche, à la langue, au gosier, aux poumons, & même quelquefois autour des yeux: le malade a une respiration serrée, laborieuse, fréquente; une langue seche, jaune, noire, brûlée, âpre, ou raboteuse; une soif qu'on ne peut éteindre & qui cesse souvent tout - à - coup; un dégoût pour les alimens, des nausées, le vomissement, l'anxiété, l'inquiétude; un accablement extreme, une petite toux, une voix claire & aiguë; l'urine en petite quantité, acre, très - rouge; la déglutition difficile, la constipation du ventre; le délire, la phrénésie, l'insomnie, le coma, la convulsion, & des redoublemens aux jours impairs. Telle est la fievre ardente dans toute sa force.

Ses causes. Elle a pour causes un travail excessif, un long voyage, l'ardeur du soleil, la respiration d'un air sec & brûlant, la soif long - tems soufferte, l'abus des liqueurs fecmentées, aromatiques, acres, échauffantes, celui des plaisirs de l'amour, des études poussées trop loin; en un mot, tout excès qui tend à priver le sang de sa lymphe, à l'épaissir, & à l'enflammer. Cette même fievre peut être causée par des substances fort corrompues, telles que la bile dépravée dans la vésicule du fiel, & rendue très - acre. Enfin elle est produite par la constitution épidémique de l'air dans les pays chauds.

La fievre ardente symptomatique procede de l'inflammation du cerveau, des méninges, de la plevre, du poumon, du mésentere, &c.

Son cours & ses effets. On en meurt souvent le troisieme & le quatrieme jour; on passe rarement le septieme, lorsque le causus est parfait. Il se termine quelquefois par une hémorrhagie abondante, & qui est annoncée par une douleur à la nuque, par la pesanteur & la tension des tempes, par l'obscurcissement des yeux, par la tension des parties précordiales sans douleurs, l'écoulement involontaire des larmes, sans autres signes mortels, la rougeur du visage, le prurit des narines. La fievre ardente se termine semblablement aux jours critiques par le vomissement, le cours de ventre, le flux des hémorroïdes, les urines abondantes avec sédiment, les sueurs, les crachats épais, une forte transpiration universelle.

Prognostics. C'est un fâcheux présage dans la fievre ardente, si l'hémorrhagie survient le troisieme ou quatrieme jour avec trop de médiocrité; le redoublement qui arrive un jour pair avant le sixieme, est très mauvais. L'urine noire, tenue, & qui sort en petite quantité, menace la vie: le crachement & le pissement de sang sont mortels. La difficulté d'avaler est un très - mauvais signe: le froid aux extrémités est pernicieux. La rougeur du visage, & la sueur qui en sort, sont d'un sinistre présage: la parotide qui ne vient point à suppuration, est mortelle. La diarrhée trop abondante fait périr le malade: les mouvemens convulsifs annoncent le délire, & ensuite la mort.

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