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Si la rondeur de la Terre avoit besoin d'une autre preuve encore plus à la portée de tout le monde, ceux qui ont souvent fait le tour de la Terre nous assûroient aussi de sa rondeur. La premiere fois qu'on en a fait le tour, ç'à été en 1519. Ce fut Ferdinand Magellan qui l'entreprit, & il employa 1124 jours à faire le tour entier; François Drake, anglois, en fit autant l'an 1577 en 1056 jours; Thomas Cavendish en 1586 fit le même voyage en 777 jours; Simon Cordes de Rotterdam l'a fait en l'année 1590; Olivier Hoort, Hollandois, en 1077 jours. Guillaume Corn. Van Schout, en l'an 1615, en 749 jours. Jacques Heremites & Jean Huyghens, l'an 1653, en 802 jours. En dernier lieu ce voyage a été fait par l'amiral Anson, dont on a imprimé la relation si intéressante & si curieuse. Tous ces navigateurs alloient de l'est à l'oüest, pour revenir enfin en Europe d'où ils étoient partis, & les phénomenes, soit célestes soit terrestres qu'ils observerent pendant leur voyage, leur prouverent que la Terre est ronde.
La sphéricité de la Terre admise, il étoit assez facile
de connoître la valeur d'un degré du méridien, &
par conséquent la circonférence & le diametre de la
Terre. On a expliqué en général au mot
La physique du tems se joignoit aux observations
pour prouver la sphéricité de la Terre; on supposoit
que la pesanteur faisoit tendre tous les corps à un
même centre; on croyoit de plus presque généralement
la terre immobile. Or cela posé, la surface des
mers devoit être sphérique, pour que les eaux y restassent
en équilibre: & comme les mers couvrent
une grande partie de la surface de la terre, on en
concluoit que la partie solide de cette surface étoit
aussi sphérique; & cette conclusion, ainsi que le principe
qui l'avoit produite, furent regardés comme incontestables,
même après qu'on eut découvert le
mouvement de la Terre autour de son axe. Voyez
Le génie des philosophes, en cela peu différent de
celui des autres hommes, les porte à ne chercher d'abord
ni uniformité ni loi dans les phénomenes qu'ils
observent; commencent - ils à y remarquer, ou même
à y soupçonner quelque marche réguliere, ils imaginent
aussi - tôt la plus parfaite & la plus simple; bientôt
une observation plus suivie les détrompe, & souvent
même les ramene à leur premier avis avec assez
de précipitation, & comme par une espece de dépit;
enfin une étude longue, assidue, dégagée de prévention
& de système, les remet dans les limites du vrai,
& leur apprend que pour l'ordinaire la loi des phénomenes
n'est ni assez composée pour être apperçue
tout - d'un - coup, ni aussi simple qu'on pourroit le
penser; que chaque effet venant presque toûjours du
concours de plusieurs causes, la maniere d'agir de chacune
est simple, mais que le résultat de leur action
réunie est compliqué, quoique régulier, & que tout
se réduit à décomposer ce résultat pour en démêler
les différentes parties. Parmi une infinité d'exemples
qu'on pourroit apporter de ce que nous avançons ici,
les orbites des planetes en fournissent un bien frappant: a peine a - t - on soupçonné que les planetes se
mouvoient circulairement, qu'on leur a fait décrire
des cercles parfaits, & d'un mouvement uniforme,
d'abord autour de la Terre, puis autour du Soleil,
comme centres. L'observation ayant montré bien - tôt
après que les planetes étoient tantôt plus, tantôt
moins éloignées du Soleil, on a déplacé cet astre du
centre des orbites, mais sans rien changer ni à la figure circulaire, ni à l'uniformité de mouvement qu'on
avoit supposées; on s'est apperçû ensuite que les
orbites n'étoient ni circulaires ni décrites uniformément;
on en a fait des ovales, & on leur a donné la
figure elliptique, la plus simple des ovales que nous
connoissions; enfin on a vû que cette figure ne répondoit
pas encore à tout, que plusieurs des planetes,
entr'autres Saturne, Jupiter, la Terre même & surtout
la Lune, ne s'y assujettissoient pas exactement
dans leurs cours. On a taché de trouver la loi de leurs
inégalités, & c'est le grand objet qui occupe aujourd'hui les savans. Voyez
Il en a été à - peu - près de même de la figure de la Terre: à peine a - t - on reconnu qu'elle étoit courbe, qu'on l'a supposée sphérique; enfin on a reconnu dans les derniers siecles, par les raisons que nous dirons dans un moment, qu'elle n'étoit pas parfaitement ronde; on l'a supposée elliptique, parce qu'après la figure sphérique, c'étoit la plus simple qu'on pût lui donner. Aujourd'hui les observations & les recherches multipliées commencent à faire douter de cette figure, & quelques philosophes prétendent même que la Terre est absolument irréguliere. Discu<pb-> [p. 751]
Tout se réduit à deux opérations; la mesure de l'amplitude de l'arc céleste, compris entre deux lieux placés sous le même méridien à différentes latitudes, & la mesure de la distance terrestre de ces deux lieux. En effet, si on connoît en degrés, minutes & secondes l'amplitude de l'arc céleste compris entre ces deux lieux, & qu'on connoisse outre cela leur distance terrestre, on fera cette proportion; comme le nombre de degrés, minutes & secondes que contient l'amplitude, est à un degré, ainsi la distance terrestre connue entre les deux lieux, est à la longueur d'un degré de la Terre.
Pour mesurer l'amplitude de l'arc céleste, on observe
dans l'un des deux lieux la hauteur méridienne
d'une étoile, & dans l'autre lieu, on observe la
hauteur méridienne de la même étoile; la différence
des deux hauteurs donne l'amplitude de l'arc, c'est - à - dire le nombre de degrés du ciel qui répond à la
distance des deux lieux terrestres. Voyez l'article
L'amplitude de l'arc céleste étant connue, il s'agit
de mesurer la distance terrestre des deux lieux,
ou s'ils ne sont pas placés sur le même méridien, la
distance entre les paralleles. Pour cela on choisit sur
des montagnes élevées différens points, qui forment
avec les deux lieux dont il s'agit, une suite de triangles
dont on observe les angles le plus exactement
qu'il est possible. Comme la somme des angles de
chaque triangle est égale à 180 degrés (voyez
On peut voir dans les différens ouvrages qui ont été publiés sur la figure de la Terre, & que nous indiquerons à la fin de cet article, les précautions qu'on doit prendre pour mesurer l'arc céleste & l'arc terrestre avec toute l'exactitude possible. Ces précautions sont si nécessaires, & doivent être portées si loin, que selon M. Bouguer, on ne peut répondre de 5''dans la mesure de l'amplitude de l'arc céleste qu'en y mettant le plus grand scrupule. Or une seconde d'erreur dans la mesure de l'arc céleste donne environ 16 toises d'erreur dans le degré terrestre, parce qu'une seconde de degré terrestre est d'environ 16 toises; donc on ne pourroit selon M. Bouguer répondre de 80 toises sur le degré, si on n'avoit mesuré qu'un degré. Si l'on mesuroit 3 degrés, comme on l'a fait sous l'équateur, alors l'erreur sur chacun ne seroit que d'environ le tiers de 80 toises, c'est - à - dire environ 27 toises. Il faut pourtant ajoûter que si l'instrument dont on se sert pour mesurer l'arc céleste est fait avec un soin extreme, tel que le secteur employé aux opérations du nord, on peut compter alors sur une plus grande exactitude, surtout quand cet instrument sera mis en oeuvre comme il l'a été par les plus habiles observateurs.
Je ne parle point de quelques autres méthodes
que les anciens ont employées pour connoître la figure de la Terre; elles sont trop peu exactes pour
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