ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"617"> infiniment nos connoissances sur cette matiere.

M. Willon a fait une heureuse application des propriétés de l'éther, découvertes par M. Newton, pour expliquer les phénomenes de l'électricité; par la conformité qu'il trouve entre les propriétés connues de ce fluide & celles du fluide électrique, qu'il a déduites d'une infinité d'expériences. Il ne doute pas que le fluide électrique ne soit le même que celui qui cause la réfraction & la réflexion de la lumiere, la gravitation & toutes les grandes opérations de la nature. Nous allons exposer d'abord les propriétés générales du fluide électrique établies sur des expériences, & nous verrons ensuite quel usage il fait de l'éther pour rendre raison de tous ces phénomenes.

Lorsqu'on fait tourner rapidement par le moyen d'une roue, & que l'on frote un globe de verre dans le voisinage duquel est une barre de fer suspendue par des cordons de soie, on excite aussitôt le fluide électrique; & on peut reconnoître sa présence par une étincelle qui sort de cette barre quand on en approche le doigt, par le bruit qu'elle fait entendre, & par la douleur qu'elle fait ressentir au bout du doigt; enfin par les mouvemens d'attraction & de répulsion qu'on apperçoit dans tous les corps legers qui sont proche de la barre ou du globe.

Comme aucun de ces effets n'arriveroit si on n'avoit pas froté le globe, il est naturel de conclure que le frotement est nécessaire pour exciter le fluide électrique, & nous faire appercevoir ses effets.

Quand la barre est ainsi électrisée, si on y porte le doigt, un morceau de métal, ou tout autre corps non - electrique, on tire par l'explosion de l'étincelle presque tout le fluide dont elle a été chargée; car on ne sauroit réitérer cette expérience sans froter de nouveau le globe: au lieu qu'en touchant à la barre avec du verre, de l'ambre, de la cire d'Espagne, de la résine ou de la soie, il ne se fait ancune explofion, qui cependant arrive ensuite, dès qu'on y porte le doigt.

De même une ou plusieurs personnes étant montées sur des gâteaux de résine, & communiquant avec des métaux d'une grande étendue en surface, suspendus par des cordons de soie; si une de ces personnes touche & tient la barre dans sa main, tous ces corps recevront, comme la barre, le fluide électrique qu'élance le globe, & acquerront autour d'eux une atmosphere d'une densité uniforme; elles attireront d'une égale distance des corps legers, & on pourra tirer des étincelles également fortes de tous les points de leur surface. Si les gâteaux de résine sont très - minces, les effets seront moins sensibles; & il n'en arrivera aucun, s'il n'y a pas quelque corps naturellement électrique entre leurs piés & le plancher: d'ou il est naturel de conclure que la matiere qui s'étend si uniformement sur tous ces corps, est vraiment fluide; qu'elle passe bien plus difficilement au - travers du verre, de la résine & de la soie, quand ces corps ont une certaine épaisseur, que quand ils sont très - minces; mais que ce fluide passe avec la plus grande facilité dans les métaux, dans les animaux, &c. & que par leur moyen il se répand dans la terre, à moins qu'il ne soit arrêté par quelque corps naturellement électrique.

Quand tout l'appareil, ainsi que l'homme qui tourne la roue, sont placés sur des gâteaux de résine, ou bien quand on met une plaque de verre bien épaisse entre le coussin & la table, les effets d'électricité sont presqu'insensibles, quoique l'on continue de tourner le globe & de le froter vivement; au contraire ils ont lieu quand l'homme qui tourne pose seulement le bout du pié par terre: d'où l'on conclut facilement que le fluide électrique n'est pas produit par la machine ni par le globe, mais qu'il est pompé de la terre, & répandu dans la barre par le moyen de ces instrumens.

L'expérience a fait connoitre qu'il se trouve naturellement dans tous les corps une quantité determinée de fluide électrique, laquelle nous sommes les maîtres d'augmenter ou de diminuer à volonté. Ce n'est même que lorsque nous avons augmenté ou diminué dans un corps sa quantité naturelle de fluide électrique, que nous le jugeons électrisé; & sans ces changemens, il n'attire ni ne repousse point les corps legers. On a une preuve de cette accumulation dans l'écartement qui arrive entre deux fils d'argent égaux, & suspendus à une barre de fer électrisée. Si le fluide que ces fils reçoivent de la barre, en sortoit à mesure qu'il y est apporté, ils devroient rester immobiles & ne jamais s'écarter; & si ce fluide entre dans ces fils plus facilement qu'il n'en sort, il doit s'y accumuler: or on observe que ces fils s'écartent des qu'ils ont reçû le fluide électrique; & que cet écartement est plus ou moins considérable, suivant que le fluide est plus ou moins condensé dans la barre, & par conséquent dans les fils: ensorte que cet écartement peut assez bien nous représenter la densité du fluide électrique dans la barre & dans les corps qui lui communiquent. Car il faut remarquer que les effets d'attraction & de répulsion dépendent plus de la densité du fluide électrique, que de la quantité de ce même fluide: en voici la preuve. Soient deux globes de métal A & B, dont A ait trois piés de diametre, & B seulement trois pouces; qu'ils soient posés chacun sur un gâteau de cire d'une épaisseur suffisante, & qu'ils reçoivent en même tems l'électricité d'une barre de fer suspendue par des soies, & que l'on puisse hausser ou baisser par le moyen des poulies; la barre étant posée sur les globes, & ayant été electrisée, ces deux globes & la barre attireront les corps legers à - peu - près d'une égale distance. Enlevez promptement la barre, cette égalité de force attractive paroîtra encore en cet instant dans les deux globes, qui n'ont plus maintenant de communication; mais peu - à - peu elle s'affoiblit dans le globe de trois pouces, tandis qu'elle reste long - tems sensible dans celui de trois piés: or au moment que la barre est enlevée, le fluide électrique se trouve d'une égale densité dans les deux globes, aussi opere - t - il des éffets égaux; cependant les quantités de matiere électrique répandues dans ces deux corps, sont bien inégales.

Quand on électrise le globe de métal de trois piés de diametre, suspendu à des cordons de soie, on éprouve que plus on introduit de fluide électrique dans ce corps, plus il résiste à en recevoir une nouvelle quantité, plus il s'échappe de ce corps avec impétuosité, lorsqu'on en approche le doigt ou tout autre corps non - électrique; au lieu que cette quantité surabondante sort & se dissipe dans l'air d'une maniere insensible, & dans un espace de tems assez long, lorsque ce corps reste parfaitement isolé.

Le même globe étant électrisé & amené en contact avec un autre de même nature, de telle grandeur qu'on voudra, & qui ne soit point électrisé, partagera avec celui - ci le fluide électrique qu'il contient, de maniere qu'il se trouve d'une égale densité dans l'un & dans l'autre; ensorte que si ce nouveau corps est infiniment grand par rapport au premier, les effets d'électricité seront presqu'insensibles dans tous les deux: c'est le cas des corps électrisés qu'on fait communiquer avec la terre.

Lorsqu'on électrise un fil - de - fer très - long, supporté par des cordons de soie, le fluide électrique s'élance d'une extrémité à l'autre avec une vîtesse si grande, qu'elle n'a point encore de mesure. En touchant à ce fil - de - fer avec le doigt aussi - tôt qu'il vient d'etre électrisé, on retire avec la même vîtesse le fluide électrique accumulé dans toute son étendue; & plus le filde - fer est long, plus l'explosion qui accompagne l'étincelle paroit forte. [p. 618]

A tous ces caracteres on ne sauroit douter que le fluide de l'électricité ne soit très - élastique; & si sa prodigieuse propagation le long d'un fil - de - fer, est, comme il est vraissemblable, un effet de son ressort, on peut dire que ce fluide est le plus élastique que nous connoissions. C'est une suite nécessaire de l'élasticité de ce fluide, qu'il puisse se raréfier dans les corps, ainsi qu'il y est quelquefois condensé. On parvient en effet à le raréfier, soit qu'il ait été condensé précédemment dans un corps, soit qu'il n'y ait que sa densité ordinaire; mais en quelqu'état qu'il se trouve de raréfaction ou de condensation par rapport à son état ordinaire, ses effets d'attraction & de répulsion sont sensiblement les mêmes. Dans le dernier cas, les corps legers gagnent & partagent avec le corps électrisé, le fluide condensé dans celui - ci; dans le premier, ils perdent & partagent avec ce même corps, la petite portion du fluide qu'ils contiennent naturellement.

Si la machine & l'homme qui tourne la roue sont posés sur de bons gâteaux de résine, & qu'on établisse au bout du conducteur une communication avec la terre par le moyen d'une chaîne; après quelques tours de roue, l'homme & la machine attireront des corps legers, & donneront des étincelles, lorsqu'une autre personne posée sur le plancher en approchera le doigt. Dans ce cas le fluide naturellement répandu dans l'homme & dans la machine, est pompé par le globe, transmis à la barre, & dissipé dans la terre par le moyen de la chaîne; car si on approche de l'homme ou de la machine un vaste conducteur de métal bien électrisé par un autre globe, & suspendu par des soies, l'homme qui tourne la roue en tirera une étincelle très - vive, & dissipera presque tout - à - fait la vertu électrique de ce conducteur, sans paroître après cela davantage électrique; effet qui ne devroit pas arriver, si ce fluide étoit condensé dans cet homme, comme il l'est sur le conducteur.

L'homme qui tourne restant toûjours sur des gâteaux de résine, & ayant ôté la chaine qui pendoit de l'extrémité de la barre jusqu'à terre; après quelques tours de roue, la machine, l'homme & la barre paroissent électriques, & une personne posée sur le plancher en peut tirer des étincelles; mais bientôt elle cessera d'en tirer de la barre, quelque long - tems qu'on tourne la roue: alors si l'homme qui tourne touche d'une main le grand conducteur métallique, qui dans ce cas ne doit point être électrisé, on pourra encore tirer de la barre quelques legeres étincelles, mais qui s'affoibliront & s'évanoüiront bientôt. Enfin si on attache la chaîne à ce large conducteur, pour qu'il puisse communiquer avec la terre, & que l'homme qui tourne ne cesse d'y avoir la main, on tirera sans fin des étincelles de la barre, la barre fournissant continuellement à ce que le globe pompe de la machine, de l'homme & du conducteur, & qu'il transmet à la barre. Dans ce dernier cas, lorsque la machine, l'homme qui tourne, & la barre, sont parfaitement isolés, & paroissent électriques à une personne posée sur le plancher, quoique l'effet soit le même, la condition du fluide électrique est cependant bien différente; car il est raréfié dans l'homme qui tourne, ainsi que dans la machine, & la personne leur rend ce qu'ils ont perdu, & qui a été transmis à la barre: au lieu que dans celle - ci le fluide électrique est condensé aux dépens de celui de l'homme & de la machine, & cette quantité surabondante passe dans la personne qui en approche le doigt. Il est très facile de s'assurer de cette vérité, si la personne, au lieu de toucher à ces corps avec son doigt, tient à sa main une canne de verre à laquelle soit fixé un filde - fer en demi - cercle, & forme avec ce fil - de - fer une communication entre la barre & la machine; car après une explosion assez forte, le fluide accumulé dans la barre repassera dans la machine & dans l'hom me d'où il est sorti; & chacun ayant repris sa quantité naturelle de fluide électrique, tout paroitra comme s'il fût toûjours demeuré dans un parfait repos, sans donner davantage de signes d'électricité.

Il y a dans tous les corps un terme au - delà duquel on ne sauroit accumuler ni raréfier le fluide électrique: après un certain nombre de tours de roue, les corps sont attirés par la machine ou par la baire d'une certaine distance qui n'augmente point, quelque long - tems que l'on continue de tourner. Ce terme dépend non - seulement de la nature des corps dans lesquels on accumule ou on raréfie ce fluide, mais principalement de leur figure; car ayant remis la machine & l'homme qui tourne, sur le plancher, si on attache un poinçon bien aigu à chaque extrémité de la barre, de maniere que ces pointes débordent d'un pouce ou deux, dès qu'on aura froté le globe, le fluide électrique sortira sous la forme d'une aigrette lumineuse par chacun de ces poinçons, & la barre sera très - peu électrique, comme on pourra s'en assûrer en présentant une balle de liége suspendue à un fil.

Si on répete l'expérience en ne mettant qu'un seul poinçon, l'autre extrémité de la barre étant bien arrondie, l'aigrette paroitra seulement au poinçon, & l'électricité de la barre sera plus forte. Enfin si la barre est arrondie par les deux extrémités, il ne paroîtra aucune aigrette: l'électricité sera la plus forte, & continuera d'attirer la balle de liége, même assez long - tems après qu'on aura cessé de froter le globe; mais elle ne deviendra jamais plus forte, quelque tems qu'on employe à froter le globe & à tourner la roue.

Il paroît donc par ces expériences, que les pointes résistent moins que les surfaces arrondies à la sortie du fluide électrique; & que dans les différentes circonstances de ces expériences, la barre n'a jamais pû recevoir ni garder qu'une quantité déterminée de ce fluide, après un certain nombre de tours de roue: d'où l'on voit que les quantités de fluide électrique qui peuvent s'accumuler sur les corps électriques, sont extrèmement variables à proportion de la figure & des angles.

Cette accumulation du fluide électrique dans la barre, varie encore infiniment, suivant qu'on en approche de plus ou moins près une aiguille bien pointue; ensorte que cette aiguille présentée à une petite distance, enleve presque tout le fluide que la barre reçoit du globe, & le transmettant aussi promptement à la terre, empêche qu'il ne s'accumule. Entre deux corps pointus que l'on approche de la barre à une égale distance, celui qui est le plus aigu enleve davantage de matiere électrique; & si ce corps est émoussé au point d'être terminé par une large surface bien arrondie, on pourra l'approcher de très près, sans que la barre paroisse perdre sensiblement de son électricité.

Tout ceci prouve que le fluide électrique éprouve moins de résistance, tant à entrer qu'à sortir, dans des corps terminés en pointe, que dans ceux dont les angles sont émoussés, & qui présentent de larges surfaces; par conséquent que l'accumulation du fluide électrique est, dans ces circonstances, en raison directe de la résistance que ce fiuide éprouve à s'échapper des corps dans lesquels on l'accumule. Dans d'autres circonstances l'accumulation du fluide électrique se fait en raison réciproque de la résistance qu'il trouve à sortir du corps dans lequel on l'introduit, comme on va le voir par les expériences suivantes.

Quand on suspend à la barre la bouteille de Levde par le moyen de son crochet, quelque tems qu'on tourne la roue, il ne s'accumule presque pas de fluide électrique dans l'intérieur de cette bouteille, tant

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