ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"619"> qu'elle reste ainsi isolée; au lieu que si on la tient à la main tandis qu'elle pend à la barre par son crochet, elle se charge intérieurement de beaucoup de fluide électrique: or ce fluide éprouve moins de résistance pour s'échapper de la bouteille lorsqu'une personne la tient dans sa main, que lorsqu'elle est suspendue à la barre, ou posée sur un gâteau de cire; car quand elle est électrisée par la barre lorsqu'elle est absolument isolée, elle prend au premier tour de roue toute la quantité de fluide qu'elle peut retenir, & sa surface extérieure attire les corps legers, mais bien plus foiblement que ne fait la barre; & cette différence d'attraction ne change point, pour quelque tems qu'on tourne la roue: d'où il paroît que la matiere électrique sort plus librement de la bouteille que de la barre, & par conséquent que la résistance est moins grande à l'extérieur de la bouteille qu'à la surface de la barre.

Si on présente à la bouteille suspendue à la barre, une aiguille bien pointue à la distance d'un pié, la bouteille deviendra plus électrique que la barre; mais elle le sera encore moins que lorsqu'on la tient dans la main: en approchant l'aiguille de plus près, elle le deviendra davantage; enfin en la touchant avec la pointe de l'aiguille, elle devient peu - à - peu aussi électrique que lorsqu'on la tient dans la main: d'où il paroît qu'il entre plus de matiere électrique dans la bouteille, qu'il n'en sort dans un tems donné; & que les trois différens degrés de condensation du fluide électrique répondent aux trois différens degrés de résistance que ce fluide éprouve à sortir de la bouteille, mais que la moindre résistance produit la plus grande condensation.

La même chose arrive dans des corps émoussés, ou terminés par de larges surfaces arrondies, avec cette différence, qu'étant approchés de la bouteille aux mêmes distances que l'aiguille, ils produisent dans cette bouteille différens degrés de condensation, d'autant moindre, que les surfaces sont plus larges & plus sphériques. Cependant lorsque tous ces corps viennent à toucher la bouteille, ils produisent tous un égal degré de condensation, c'est - à - dire le plus grand que la bouteille puisse acquérir: or puisqu'en présentant à une égale distance de la bouteille une aiguille bien pointue, un fer émoussé, ou une large surface bien polie & bien arrondie, on accumule dans cette bouteille le fluide électrique à différens degrés, l'air qui réfiste dans tous ces cas par différentes épaisseurs à la sortie du fluide, ne seroit - il pas la cause de toutes ces différences?

Lorsqu'une bouteille est suspendue à la barre par son crochet, tandis qu'une personne qui communique avec la terre la tient dans sa main, si l'on examine les mouvemens d'une balle de liége suspendue auprès de la barre, on verra qu'elle n'est attirée qu'au bout de cinq ou six tours de roue, c'est - à - dire quand la bouteille est chargée; au lieu que si rien ne touche à la bouteille, la balle est attirée dès le premier tour de roue: d'où l'on voit que la résistance est moindre dans la barre vers la bouteille, que vers l'air qui environne la barre, jusqu'à ce que la bouteille soit pleinement chargée; au lieu qu'elle est à - peu - près égale, quand une fois la bouteille est chargée.

Lorsque la bouteille est trop épaisse ou trop mince, elle ne se charge pas: dans le premier cas, la résistance que le fluide éprouve est trop grande, & trop petite dans le second. Il paroît donc que pour qu'il se fasse la plus grande condensation possible dans la bouteille, il faut que le fluide trouve un certain degré de résistance, & sur - tout qu'elle soit égale & uniforme.

Voici donc à quoi se réduisent toutes les vérités qui résultent des expériences précédentes, pour ce qui concerne la résistance qu'éprouve le fluide élec<cb-> trique, soit en entrant, soit en sortant; dans les corps.

I. Le verre, l'ambre, la cire, la résine, le soufre, &c. s'opposent plus que tous les autres corps aux écoulemens du fluide électrique, & même plus que l'air, pourvû que ces corps ne soient pas trop minces.

II. Une couche d'air d'un pouce d'épaisseur, résiste moins qu'une autre d'un pié d'épaisseur, & celle - ci moins qu'une de trois piés, &c.

III. L'air en général résiste plus que les surfaces des corps non - électriques.

IV. De larges surfaces arrondies des substances métalliques, résistent plus que les pointes émoussées, & que les angles obtus.

V. Ces derniers résistent plus que les angles aigus, les tranchans & les pointes, & que celles - ci résistent le moins de toutes.

Les plus célebres physiciens, entr'autres l'illustre M. Newton, s'accordent à regarder l'éther comme un fluide très - subtil & très - élastique, qui pénetre promptement tous les corps, & qui par la force de son ressort remplit presque tout l'espace de l'Univers. Sa force élastique est immense en proportion de sa densité, & dans une bien plus grande proportion que celle de l'air: ce fluide est inégalement distribué dans les différens corps à proportion de leur densité: plus ils sont denses, moins ils ont de pores, & plus l'éther qu'ils contiennent est rare; plus ils sont rares au contraire, plus il est condensé. Ensorte qu'il est le plus dense qu'il puisse être dans l'espace le plus approchant du vuide, & le plus rare dans l'or qui est le corps le plus dense que nous connoissions.

M. Newton a découvert qu'il existe autour de tous les corps une atmosphere très - dense, qui s'étend à une très - petite distance de leur surface: elle est formée par l'action réciproque de l'éther, répandu autour de ces corps sur celui qu'ils contiennent dans leurs pores, & sur la lumiere qui entre dans leur composition. La densité de cette atmosphere varie suivant la nature des corps; elle dépend de la densité de ces mêmes corps, & de la quantité de lumiere qui entre dans leur composition: en général les corps qui ont le plus de densité sont ceux qui ont les atmospheres les plus denses. On excepte les corps résineux & sulphureux, & tous ceux qui contiennent beaucoup de lumiere, qui ont des atmospheres très denses, quoiqu'ils soient eux - mêmes la plûpart assez rares. C'est à ce milieu éthéré que M. Newton attribue les effets de réflexion, de réfraction, & de l'inflexion de la lumiere (Voyez les preuves de son existence à l'article Réfraction) & c'est ce même milieu qui paroît aussi opérer les effets de l'électricité.

A mesure donc qu'un corps se raréfie, l'éther qu'il contient dans ses pores doit devenir plus dense & plus rate à mesure que le corps se resserre: or le frotement & la chaleur raréfient les corps, tant que leur action continne; & dès que ces actions cessent, les corps se remettent en leur premier état: donc par l'effet de la chaleur & du frotement, l'éther doit s'accumuler dans leur intérieur, y affluer des autres corps qui les environnent; & le contraire doit arriver par le froid ou quand le frotement cesse. Ces propriétés de l'éther sont conformes à celles du fluide électrique; rien n'empêche de croire que ce fluide ne soit l'éther lui - même, chargé quelquefois des particules grossieres des corps par lesquels il passe.

Tous les corps ayant autour d'eux des atmospheres de différente densité, il est facile de concevoir comment l'éther introduit dans leur intérieur, y est retenu plus ou moins fortement, suivant la densité de cette atmosphere: on conçoit aussi quelle disposition ces mêmes corps ont à admettre un éther [p. 620] étranger, qui doit traverser leurs atmospheres: ainsi les corps les plus denses, & qui ont le plus de lumiere dans leur composition, ayant des atmospheres de la plus grande densité, tels que les diamans, le verre, l'ambre, la cire, &c. doivent retenir bien plus fortement l'éther admis dans leur intérieur, le laisser échapper avec plus de résistance, enfin l'admettre plus difficilement que les métaux, les animaux & les autres corps non électriques qui n'ont pas tant de densité. Ainsi done, le verre, l'ambre, la cire, la résine, &c. étant une fois remplis d'éther électrique, agissent bien plus long - tems sur les corps legers, que le fer & les autres métaux, rendus électriques par communication; & par la même raison, ceux - ci, dont les atmospheres résistent peu, reçoivent mieux l'électricité par communication, que le verre, la cire, la résine, l'ambre, &c. Or, voici comment l'éther extérieur pénetre l'atmosphere très - dense d'un corps électrique, par exemple d'un cylindre de verre, pour se condenser dans son intérieur.

Quand les parties de sa surface. sont raréfiées par le frotement, les particules d'éther qui les environnent sont aussi raréfiées: la résistance de cette atmosphere diminue donc sur la partie frotée; & si l'éther extérieur tend à s'introduire dans le cylindre par cet endroit, il est évident que son passage en sera plus facile. Voyons maintenant ce qui cause ce flux d'éther qui arrive des corps du voisinage, comment il s'échappe du globe pour passer dans les corps qu'on électrise par communication, & pourquoi le frotement seul peut produire tous ces effets. Supposons que la machine & tout ce qui tient au coussin soient d'une densité uniforme, d'une grandeur déterminée, & que l'éther s'y trouve répandu uniformément; enfin que ces corps soient parfaitement isolés sur des gâteaux de résine: lorsqu'on raréfie par le frotement une partie du coussin & du verre, l'éther doit devenir plus dense dans ces parties qui viennent d'être raréfiées: il doit donc se faire un flux d'éther des parties qui ne sont pas raréfiées, vers celles qui l'ont été; & la machine contenant beaucoup plus de matiere que le cylindre de verre, doit fournir plus d'éther que ce cylindre, pour que ce fluide reste également raréfié dans la machine & dans le cylindre après l'opération: par conséquent il y aura un flux du coussin & de la machine ensemble vers le verre. Quoique l'éther soit plus dense dans les parties rarefiées du cylindre & du coussin, qu'il n'étoit dans ces parties avant le frotement; cependant la résistance que lui oppose l'atinosphere qui environne ces parties raréfiées, est diminuée par la raréfaction qu'elle éprouve aussi par le frotement; c'est pourquoi l'éther peut s'échapper par cette voie, & passer dans une barre de fer isolée, qui sera proche du cylindre, & diminue d'autant la quantité du fluide éthéré qui étoit contenu d'abord dans tout l'appareil. Cette diminution au reste est bornée; & quand la machine est sur de la cire, on ne peut faire passer qu'une très - petite quantité d'éther dans la barre, quelque long - tems que l'on continue le frotement.

En faisant communiquer à la machine d'autres corps non électriques aussi posés sur des gâteaux de cire, la quantité d'éther contenue dans tout ce rassemblage de la machine & du coussin sera augmentée; il en coulera donc vers le globe une plus grande quantité, qui sera transmise à la barre: c'est aussi ce que l'expérience confirme.

De - là on voit pourquoi quand la machine communique avec la terre, vû l'immensité de cette masse, nous ne saurions parvenir à raréfier sensiblement l'éther dans la machine: c'est aussi le cas où il en passe davantage dans la barre, où les effets d'électricité sont les plus sensibles, & dans lequel le frotement continué, aussi long - tems qu'on voudra, produira toûjours les mêmes effets.

Le flux d'éther doit continuer aussi long - tems que le frotement; car la surface du verre en l'éloignant à chaque instant du coussin, se refroidit & se resserre, de sorte que l'éther qui a passé du coussin dans les parties raréfiées du verre, y trouvant maintenant de la résistance, sortira par la barre où il en rencontre moins: car l'intérieur du cylindre avec l'air qu'il renferme, résiste plus à la sortie de l'éther, que la barre qui touche à sa surface extérieure: le fluide ne sauroit retourner par le coussin, parce que les parties du verre les plus proches du coussin sont toûjours plus raréfiées que celles qui en sont les plus éloignées; enfin une infinité d'expériences prouvent que ce fluide a plus de facilité à passer dans les corps métalliques posés proche du cylindre, qu'à s'échapper dans l'air extérieur. D'où l'on voit qu'il n'y a que le frotement qui puisse produire ces effets, la chaleur du feu ni celle du soleil ne produisant point cette alternative de raréfaction & de condensation dans les mêmes parties: on voit encore pourquoi le flux d'éther diminue sensiblement, & cesse enfin quand on a fini de froter; pourquoi les effets électriques du verre s'affoiblissent à mesure qu'il se refroidit & qu'il reprend son premier état; pourquoi deux corps électriques épais & frotés l'un contre l'autre, ne produisent que de foibles effets; pourquoi quand la machine est posée sur des corps non électriques, & le coussin couvert d'un cuir doré, le cylindre produit les plus grands effets; pourquoi le verre, l'ambre, la résine, la soie, &c. qui s'opposent à l'entrée ou à la sortie de l'éther plus que ne font les métaux, les animaux & les autres corps non électriques, sont absolument nécessaires pour supporter ceux que nous voulons électriser par communication; enfin pourquoi ces corps doivent être exempts de toute vapeur & de toute humidité.

M. l'abbé Nollet pense que la matiere électrique est la même que celle du feu élementaire, qu'elle est très - subtile, capable de se mettre en mouvement avec la plus grandefacilité: qu'elle est répandue partout, dans l'air qui nous environne, dans nous - mêmes, & dans tous les corps liquides & solides quelque durs qu'ils soient, qu'elle les pénetre en tous sens, la plûpart avec une grande facilité, les autres plus difficilement: enfin, qu'elle entraîne avec elle des particules des corps au - travers desquels elle passe.

Electriser un corps, c'est, selon lui, mettre en mouvement le fluide électrique qui en remplit les pores, ce fluide reçoit le mouvement des parties propres, qui sont agitées par l'effet du frotement; & les parties propres des corps, que nous nommons électriques, sont plus susceptibles que les autres de ce mouvement de vibration qu'inspire le frotement, & par conséquent plus capables d'agiter le fluide électrique. Ce fluide une fois mis en mouvement dans les corps électriques peut agiter de même un pareil fluide lorsqu'il se rencontrera, nommément celui qui se trouve dans les pores des corps métalliques; qui ne s'électrisent que par cette communication. Or, comme cette matiere, toute subtile qu'elle est, ne pénetre pas tous les corps indistinctement avec la même facilité, il en résulte qu'il y en a quelques - uns qui doivent s'électriser plus facilement que les autres.

Les corps gras, résineux, sulphureux, & en général ceux qui peuvent acquérir de l'electricité par. le simple frotement, contiennent dans leurs pores moins de matiere électrique, que les métaux, les animaux, &c; mais leurs parties propres sont plus susceptibles du mouvement central pour agiter le fluide electrique, que celles des métaux, des ani<pb->

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