ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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L'usage que l'on observoit, par rapport à ces bénéfices, éprouva plusieurs changemens.

Dans le premier état, le seigneur en pouvoit dépouiller arbitrairement le vassal. Ils furent ensuite annals, comme étoient toutes les commissions, puis on les concéda pour la vie du vassal. Les seigneurs accorderent apres, que le fief passeroit à celui des fils du vassal qu'ils voudroient choisir; & comme on choisissoit ordinairement l'aîné, c'est peut - être de - là que viennent les prérogatives que les aînés mâles ont conservées dans les fiefs: les autres fils obtinrent, par succession de tems, le droit de partager avec l'aîné. Ce droit de succéder fut étendu aux petits - fils, & même à defaut de descendans, au frere, si c'étoit un fief ancien.

Les femmes ne succédoient pas d'abord aux fiefs, ni les collatéraux au - delà des cousins - germains; dans la suite les collatéraux succéderent jusqu'au septieme degré, & présentement ils succedent à l'infini. En France les femelles concourent avec les mâles en directe, & succedent en collatérale à défaut de mâles; mais en Allemagne & en Italie, elles sont encore excluses des fiefs.

On ne peut pas fixer précisément le tems auquel ces changemens arriverent, car les fiefs n'ont pas été établis tous à la fois sur le pié qu'ils sont présentement: ces changemens s'introduisirent peu - à - peu en divers lieux & en divers tems, & d'une maniere différente.

Les ducs & les comtes, établis d'abord par les Romains & conservés ensuite par les François, de simples officiers qu'ils étoient, se rendirent peu - à - peu seigneurs de leur gouvernement: les comtes étoient vassaux des ducs, & ces comtes se firent eux - mêmes des vassaux: de - là viren: les arriere - fiefs; & comme tout le royaume étoit partage en fiefs & arriere - fiefs, qui tous se rapportoient médiatement ou immédiatement au roi, la France se trouva insensiblement gouvernée comme un grand fief, plûtôt que comme une monarchie.

Ce gouvernement féodal fut fondé par Charlemagne en Allemagne, où il subsiste encore dans toute son autorité, & même en Septimanie, qui formoit la partie méridionale des Gaules. Depuis le regne de ce prince, le terme de vassal se trouve commun dans les chartres & ordonnances, pour exprimer un homme engagé au service d'un autre, par la possession de quelques terres.

Charles - le - Chauve étendit le progrés des fiefs en France, par le démembrement du daché de France & du comte de Flandre, qui furent donnés en fief, l'un à Robert - le - Fort, tige de Hugues Capet, l'autre à Baudoüin: l'ordonnance que ce prince fit au parlement de Chierzy, avant son second voyage d'Italie, assùra pleinement la succession des enfans à leur pere dans tous les bénéfices ou fiefs du royaume.

Louis - le - Begue, roi & empereur, pour regagner les mécontens, fut forcé de démembrer vers l'an 879 une grande partie de son domaine, ce qui multiplia beaucoup les duchés & comtés.

Les usurpations des seigneurs augmenterent encore ces démembremens.

Charles - le - Simple, prince trop foible, perdit la couronne impériale; ce fut de son tems, & vers l'an 900, que les bénéfices prirent le nom de fiefs, & qu'ils commencerent à devenir héréditaires.

Il y eut encore d'autres démembremens, de sorte qu'il ne restoit plus à Lothaire que trois villes, Laon, Soissons & la Fere; & quelques - uns croyent que ce fut par cette raison que l'on cessa alors de partager le royaume.

Raoul fut aussi obligé, comme on l'a dit, de donner aux grands plusieurs domaines.

Ce qui est de plus certain, est que la plûpart des grands fiefs ne se formerent, ou du moins ne devinrent héréditaires, que lors de l'avenement d'Hugues Capet à la couronne: les ducs & les comtes se rendirent propriétaires de leurs gouvernemens, & Hugues Capet ayant trop peu d'autorité pour s'opposer à ces usurpations, se contenta d'exiger des seigneurs qu'ils lui fissent la foi & hommage des terres en seigneuries dont ils s'étoient ainsi emparés.

L'origine des fiefs en Angleterre remonte, suivant Cambden, jusqu'au tems d'Alexandre Severe; ce prince ayant fait bâtir une muraille dans le nord de l'Angleterre pour empêcher les incursions des Pictes, commença quelque tems après à en négliger la défense, & donna, au rapport de Lampride, les terres qu'il avoit conquises sur l'ennemi à ses capitaines & à ses soldats, que cet auteur appelle limitarios duces & milites, c'est - à - dire capitaines & soldats des frontieres: on pouvoit aussi tirer de - là l'origine des marquis. Ces concessions furent faites à condition que les héritiers de ces officiers gardrens des frontieres resteroient toûjours au service, & que ces terres ne pourroient jamais parvenir à des personnes privées, c'est - à - dire à des personnes qui ne porteroient pas les armes. Le motif de ce prince étoit que ceux qui en servant défendent leur propre bien, servent avec beaucoup plus de zele que d'autres. Toutes les terres en Angleterre sont de la nature des fiefs, excepté le domaine de la couronne, c'est - à - dire que personne ne peut posséder des terres, soit par succession ou par acquisition, qu'avec les charges qui ont été imposées au premier possesseur du bénéfice.

Au reste, ce qui vient d'être dit des fiefs d'Angleterre, ne doit pas faire croire que leur origine soit plus ancienne que celle des fiefs de France; il en résulte seulement qu'ils peuvent également tirer leur origine des bénéfices romains, dont on trouve des traces dès le tems d'Alexandre Severe; mais il y a toute apparence que les fiefs d'Angleterre n'ont pris la véritable forme de fief qu'à l'imitation des fiefs de France, & que ces usages ont été portés de Normandie en Angleterre par Guillaume le Conquérant.

Les principales divisions des fiefs sont:

1°. Qu'il y a des fiefs de dignité & des fiefs simples; les premiers sont les prineipautés, duchés, marquisats, comtés, vicomtés & baronies; les fiefs simples sont ceux qui n'ont aucun titre de dignité.

2°. La qualité de fief simple est aussi quelquefois opposée à celle de fief lige, lequel est ainsi appellé à ligando, parce qu'il oblige le vassal plus étroitement qu'un fief simple & ordinaire: le vassal en faisant la foi pour un tel fief, promet à son seigneur de le servir envers & contre tous, & y oblige tous ses biens. Voyez ci - après Fief lige.

3°. Les fiefs sont suzerains, dominans, ou servans. Le fief qui releve d'un autre est appellé fief servant, & celui dont il releve fief dominant; & lorsque celui - ci est lui - même mouvant d'un autre fief, le plus élevé s'appelle fief suzerain: le fief qui tient le milieu entre les deux autres, est fief servant à l'égard du suzerain, & fief dominant à l'égard du troisieme qu'on appelle ausii arriere - fief par rapport au fief suzerain.

Les seigneurs prennent chacun le titre convenable à leur fief: le seigneur d'un simple fief qui releve d'un autre, s'appelle seigneur de fief ou vassal; celui dont ce fief releve, est appellé seigneur feodal ou seigneur dominant; celui - ci a aussi son seigneur dominant, qu'on appelle suzerain par rapport au fief inférieur qui releve de lui en arriere - fief. Voyez Arriere - Fief, Fief dominant, Fief servant, Fief suzerain .

Il y a encore plusieurs autres divisions des fiefs, & plusieurs autres qualifications que l'on leur donne; [p. 696] mais comme elles sont moins ordinaires, on les expliquera chacune en leur rang dans les subdivisions des fiefs, qui suivront les notions générales.

On appelle vassal celui qui possede un fief en propriété, & arriere - vassal, celui qui possede un arrierefief.

Les vassaux sont aussi quelquefois appellés hommes de fief, pairs de fief, hommes du seigneur.

Anciennement les vassaux étoient tous obligés d'assister aux audiences du juge de leur seigneur dominant, & de lui donner conseil, comme cela se pratique encore dans les coûtumes de Picardie, Artois, & autres coûtumes voisines: on les appelle hommes de fiefs & pairs.

Lorsque les vassaux avoient quelque procès entre eux, ils avoient droit d'être jugés par leurs pairs, & le seigneur du fief dominant y présidoit: ce droit d'être jugé par ses pairs, subsiste encore à l'égard des pairs de France.

Comme les seigneurs se faisoient souvent la guerre, leurs vassaux étoient obligés de les accompagner & de mener avec eux leurs arriere - vassaux. Le tems de ce service n'étoit que de 40 jours, à compter du moment que l'on étoit arrivé au camp; celui qui vouloit servir pour deux personnes, restoit 80 jours.

Depuis que les guerres privées ont été abolies, il n'y a plus que le roi qui puisse faire marcher ses vassaux à la guerre, ce qu'il fait quelquefois par la convocation du ban & de l'arriere - ban. Voyez Arriere - Ban & Ban.

Le seigneur féodal ou dominant a une nue directe & seigneurie du fief servant qui est mouvant de lui: le vassal en a la directe immédiate avec le domaine utile.

La mouvance est la supériorité d'un fief sur un autre; il y a des fiefs qui ont beaucoup d'autres fiefs qui en relevent; mais il y en a aussi qui n'ont aucune mouvance ni censive. Voyez Mouvance.

Les fiefs servans relevent du roi ou de quelques autres seigneurs, soit particulier, ou corps & communauté auxquels appartient le fief dominant.

Tous les fiefs de France relevent du roi, ou en pleins fiefs, c'est - à - dire immédiatement, comme sont les fiefs de dignité; ou médiatement en arriere - fiefs, comme sont les fiefs simples, qui sont mouvans d'autres fiefs qui relevent du roi immédiatement.

Un fief, soit suzerain, dominant ou servant, peut appartenir à plusieurs seigneurs; mais un même fief ne peut pas relever en même degré de plusieurs seigneurs; il peut néanmoins relever immédiatement d'un ou de plusieurs co - seigneurs; & en arriere - fief, d'un ou plusieurs co - seigneurs suzerains.

Lorsque deux seigneurs prétendent respectivement la mouvance d'un fief, le vassal, pour ne point reconnoître l'un au préjudice de l'autre, doit se faire recevoir par main souveraine. Voyez Foi & Hommage, & Main souveraine.

Toutes sortes de personnes peuvent présentement posséder des fiefs, les roturiers comme les nobles, hommes & femmes, ecclésiastiques & laïques.

Sous les derniers rois de la seconde race, & au commencement de la troisieme, tout homme libre qui faisoit profession des armes, pouvoit acquérir & posséder un fief, ou faire convertir en fief son aleu.

Du tems des croisades, les roturiers même possédoient déjà des fiefs, quoiqu'ils ne fissent pas profession des armes; mais comme la principale obligation des vassaux étoit le service militaire, & que la plûpart des roturiers ne desservoient pas leurs fiefs, saint Louis, ou selon d'autres, Philippe III. dit le Hardi, défendit aux roturiers de posséder des fiefs, à moins qu'ils ne leur échussent par succession, ou qu'ils ne les eussent acquis 20 ans auparavant. Beaumanoir parle de ce reglement comme d'une disposition nouvelle; il paroît en effet que c'est la premiere ordonnance qui ait exclu les roturiers de la possession des fiefs; dans la suite les besoins de l'état ont obligé nos rois à permettre peu - à - peu aux roturiers de posséder des fiefs, en payant au roi une certaine finance.

Philippe - le - Hardi, par une ordonnance de 1275, & Philippe - le - Bel, par une autre de 1291, taxerent les roturiers pour les fiefs qu'ils possédoient hors les terres des barons.

Philippe V. dit le Long, les taxa même pour les fiefs qu'ils possédoient dans ses terres, à l'exception des fiefs tenus de lui en quart - degré.

Enfin les roturiers ont été assujettis, pour toutes sortes de fiefs, à payer tous les 20 ans au roi une finance qu'on appelle droit de francs - fiefs. Voyez ciaprès Francs - Fiefs.

Les gens d'église & autres gens de main - morte, ne peuvent acquérir ni posséder aucun fief ou autre héritage, sans payer au roi le droit d'amortissement, & aux seigneurs le droit d'indemnité; ce qui fut ainsi établi par S. Louis. Voyez Amortissement & Indemnité.

Il y a des fiefs auxquels se trouve attaché un droit dejustice, soit haute, moyenne & basse, soit moyenne ou basse seulement; d'autres fiefs n'ont point droit de justice, c'est pourquoi l'on dit que fief & justice n'ont rien de commun, c'est - à - dire que le fief peut être sans droit de justice & la justice sans le fief. Quand on dit que la justice peut être sans le fief, on entend que le seigneur qui a la justice dans un lieu, n'y a pas toûjours la seigneurie directe ou féodale; mais ce droit de justice est toûjours attaché à quelque fief.

Il faut aussi observer qu'il y a quelques coûtumes où le fief & la justice sont réciproques, c'est à - dire que tout seigneur direct a, par sa qualité, droit de justice dans sa seigneurie: telles sont les coûtumes d'Artois, Anjou & Maine. Voy. Justice seigneuriale.

Anciennement l'investiture des fiefs de dignité, donnée par le roi, annoblissoit le possesseur; mais depuis l'ordonnance de Blois, les fiefs n'annoblissent plus.

Le seigneur qui joüit du fief de son vassal, en conséquence de la saisie féodale qu'il en a faite, ne peut le prescrire par quelque laps de tems que ce soit, parce qu'il n'en joüit que comme d'une espece de dépôt, jusqu'à ce qu'on lui ait porté la foi & payé les droits: les héritiers du seigneur, & ses autres successeurs à titre universel, ne peuvent pas non plus prescrire dans ce cas.

Les contestations qui s'élevent au sujet des fiefs, soit pour leur qualité ou pour leur droit, doivent être reglées par le titre d'investiture, par les fois & hommages, aveux & dénombremens, par la coûtume du lieu du fief dominant, pour ce qui concerne la forme de la foi & hommage; & par la coûtume du fief servant, pour les droits qui peuvent être dûs.

Au défaut de la coûtume du lieu, on a recours à la coûtume de Paris, aux coûtumes voisines, ou au droit le plus général, & à ce qui paroît le plus équitable.

La connoissance des matieres féodales appartient aux baillis & sénéchaux royaux, privativement aux prevôts.

Le seigneur plaide devant son juge au nom de son procureur fiscal, lorsqu'il s'agit du domaine & des droits & revenus ordinaires ou casuels de son fief, comme relief, quint, requint, lods & ventes, amendes, cens & rentes, baux, sous - baux, &c.

Le vassal est obligé de plaider devant le juge de

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