ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"669"> Les parties de l'embryon, qui ne sont que pulpeuses dans les premiers tems de la vie, prennent peu - à - peu & de plus en plus une consistence qui augmente sensiblement d'âge en âge dans l'adulte, & qui parvenue à son dernier degré de rigidité, constitue la cause de la vieillesse & de la fin des actions de la vie, parce qu'elles dépendent de la flexibilité des organes, qui ne subsiste plus dans le cas dont il s'agit, les fibres étant dures & desséchées par le long exercice de ces actions mêmes.

L'expérience démontre ces effets, puisque non seulement ils ont lieu d'une maniere bien sensible dans la peau, les muscles, les tendons, mais encore dans des substances des plus molles respectivement (telles que les membranes, comme la plevre, la dure - mere, les tuniques des vaisseaux, le tronc de l'aorte même, des portions du foie, de la rate), qui ont été trouvées dans des vieillards véritablement ossifiées; ce qui arrive en général, principalement dans les parties exposées à des fortes pressions.

Quoique dans l'embryon les parties paroissent toutes également molles & pulpeuses, & ne semblent pas avoir plus de consistence les unes que les autres; les progrès de la solidité ne se font pas en même proportion dans toutes; elle parvient à une très - grande fermeté dans les os; elle est toûjours moindre dans les cartilages, & beaucoup moindre encore dans les membranes, les chairs, que dans ces dernieres: elle acquiert même des degrés différens dans les différentes parties molles, selon que le sage auteur de l'édifice l'a jugé nécessaire pour les usages auxquels elles sont destinées, pour le rapport qu'el, les ont entr'elles, en un mot pour la direction & la conservation de l'économic animale. Cette différence remarquable, il faut l'attribuer toûjours à la cause générale, ci - devant assignée, c'est - à - dire à l'inégalité de pression entre les vaisseaux des uns sur les autres, des plus forts sur les plus foibles: cette cause agit par conséquent plus ou moins, selon la différence des parties; ainsi dans celles où il se trouve un très - grand nombre de petits vaisseaux contigus, exposés tout - à - la - fois à la compression d'un nombre suffisant de grands vaisseaux ambians; ceux - là sont également changés en fibres grossieres, c'est - à - dire formées de vaisseaux oblitérés, qui unis les uns aux autres, forment des masses de fibres toûjours plus épaisses, sans cavité; d'où résulte la dureté des substances osseuses, cartilagineuses, ce qui ne se fait que peu - à peu, & à proportion que les petits vaisseaux sont ainsi convertis en fibres composées: car, comme nous l'enseigne la formation des os, l'os dur a été d'abord un composé de plusieurs membranes vasculeuses très - fines, disposées en lames appliquées les unes aux autres, qui ayant per du peu - à - peu de sa flexibilite, a acquis la consistence d'un cartilage avant que de parvenir à l'état de dureté, propre à la substance osseuse: il s'ensuit donc que les parties de l'embryon, destinées à former les os, sont composées de maniere qu'elles ont, sous un volume donné, un plus grand nombre de petits vaisseaux que les autres parties, lesquelles soient susceptibles de se laisser comprimer librement par les vaisseaux qui les environnent: conséquemment, la solidité ne discontinuant d'augmenter dans toutes les parties pendant toute la vie, est cependant différente quant aux effets, par la différence de proportion qui existe dans les différentes parties entre les vaisseaux qui compriment & ceux qui sont comprimés au point d'en perdre leur cavité; ensorte que cette solidescence, qui s'opere par le changement des petits vaisseaux en fibres composées, ne peut être attribuée qu'à l'inégalité de pression des vaisseaux entr'eux.

C'est pourquoi, puisque le cerveau est toûjours une partie si molle, même dans l'âge avancé, il y a lieu de croire que cette égalité de consistence dans toutes les parties de ce viscere, subsiste ainsi la même à - peu - près, parce qu'il n'y a point ou presque point d'inégalité de pression dans les vaisseaux dont il est composé, qu'ils se dilatent avec une égale force, & qu'aucun ne cede assez à d'autres pour être comprimé, perdre sa cavité, & être changé en fibre composée. Cette égalité de consistence étoit absolument nécessaire à un organe, dont les fonctions exigent une flexibilité constante, & respectivement égale dans les parties auxquelles il appartient de les opérer.

Différences des composés de la fibre. Après avoir vû en quoi consiste la différence entre la fibre simple & la fibre composée, il reste à désigner les différentes especes de celle - ci: on la divise ordinairement en osseuse, en charnue, & en nerveuse.

La premiere espece est celle qui concourt à former les parties les plus dures, les plus compactes du corps humain, c'est - à - dire les os: les fibres osseuses sont disposées en long dans les os figurés selon cette dimension, & du centre à la circonférence dans les os plats; elles forment dans les uns & les autres des lames, des couches appliquées les unes aux autres, & différemment graduées, contournées selon la destination des os (voyez Os); elles sont unies entr'elles en beaucoup plus grand nombre, sous un volume donné, que celles des autres especes; elles se touchent par conséquent par un plus grand nombre de points; d'où résulte dans les substances osseuses plus de densité, de force, de cohésion, de solidité, de dureté, que dans toutes les autres parties du corps; cependant ces qualités varient encore du plus au moins par rapport aux os composés entr'eux: on peut comprendre sous cette espece les substances cornées comme les ongles, dont les qualités approchent beaucoup de celles des os. Voyez Ongle, Corne.

La fibre charnue est un assemblage de plusieurs fascicules ou petits paquets de fibres simples, ou de vaisseaux simples dégénérés en fibres composées, qui ne sont pas unis entr'eux d'une maniere bien intime; ils forment une masse très - peu compacte, aisément compressible, molle; ils contiennent dans leurs interstices des vaisseaux de différens genres, sanguins, lymphatiques, nerveux; ils sont aussi séparés par de fines membranes qui forment comme des cloisons: ces fascicules de fibres charnues sont de différentes longueurs & de différentes positions; ils s'étendent d'un os à un autre os, ou d'un os à un autre point fixe quelconque; ou ils sont repliés sur eux - mêmes, & soudés par les extrémités de maniere à former une fibre circulaire, un anneau charnu comme dans les muscles sphincter; ou ils sont disposés en spirale différemment combinée, comme dans la structure du coeur. Les fibres charnues sont rouges, lorsqu'il y a du sang dans les interstices des fascicules fibreux, qui étant lavés ou considérés séparément, sont blancs comme dans les tendons qui ne sont qu'une extension des fibres charnues dont sont formés les muscles, mais plus resserrées dans ceux - là que dans ceux - ci; de maniere qu'elles ne reçoivent point entr'elles de vaisseaux sanguins: il en est de même des aponévroses & des membranes qui sont comme des lames, des toiles plus ou moins approchantes de la nature du tendon.

La fibre nerveuse est un composé de filets pulpeux blancs, qui entrent dans la composition du cerveau, du cervelet, de la moelle alongée & épiniere, des ganglions & des productions de toutes ces parties: ces productions sont appellées nerfs, lorsqu'elles sont disposées en forme de cordons étendus en ligne droite ou approchant, & qu'elles sont revêtues d'une gaîne membraneuse, prolongement de la dure - mere qui accompagne leurs distributions dans toutes les parties du corps. [p. 670]

On peut rapporter à ces trois especes de fibres composées, toutes celles qui se trouvent dans le corps humain: elles sont toutes très - flexibles (sans en excepter les osseuses) prises séparément; mais unies en masse, elles different à cet égard: les os, les cornes n'ont presque point de flexibilité, sur - tout dans les adultes; les ongles en ont un peu, lorsqu'elles sont en lames; les cartilages en ont davantage que les ongles, tout étant égal; les chairs, les tendons, les membranes, les masses nerveuses & les nerfs, sont des parties toutes très - flexibles. Voyez ce qui a été dit ci - devant des propriétés des fibres.

Les especes de fibres, dont on vient de faire mention, quoique bien différentes entr'elles par leurs qualités sensibles, ne sont néanmoins qu'un composé de fibres simples, sous forme de vaisseaux infiniment petits, ou des vaisseaux oblitérés, plus ou moins fortement adhérentes les unes aux autres, qui ne different entr'elles que par les diverses combinaisons de leur union: les parties élémentaires qui forment les fibres, sont les mêmes, c'est - à - dire de même nature, de même figure, de même volume, selon Lewenhoek, & vraissemblablement elles ont aussi, à l'égard de chaque individu, la même force de cohésion pour leur union, sous forme de fibres simples, à la composition de quelque partie qu'elles puissent être destinées: ainsi c'est avec raison que l'on a retenu des anciens, pour les élémens des fibres, & pour les fibres même en tant que simples, le nom des parties similaires, afin de les distinguer des parties qui en sont composées, des instrumens dont l'assemblage forme l'individu, qui servent aux différentes actions de la machine animale, qui sont par conséquent d'une grande différence entr'eux par leur structure, & qui sont ainsi réellement dissimilaires: on a aussi conservé à ces dernieres parties leur ancienne dénomination; elles sont encore appellées organiques. Il existe donc de cette maniere deux genres de parties solides, dont les différences ne font que les especes: tous les animaux (& les végétaux même) sont composés de parties similaires primitives, & de parties qui en sont formées, c'est - à - dire de parties secondaires, organiques, instrumentaires: voilà ce qu'ils ont de commun; mais par quoi ils different, c'est par la disposition de toutes ces différentes parties, tant simples que composées, par le plus ou moins de force de cohésion de celles - là, & par l'organisme, le méchanisme de celles - ci; non seulement chaque classe d'animaux possede ces trois qualités d'une maniere qui lui est propre, mais encore chaque ordre, chaque espece, chaque individu a une sorte de cohésion dans les fibres dont il est formé, une sorte d'organisation, qui ne sont communes qu'à une même classe, qui deviennent particulieres à un même ordre, qui sont plus particulieres encore à une même espece, & qui examinées avec plus d'attention, sont absolument propres & différentes dans chaque individu: on peut même pousser cette considération jusqu'aux différentes parties, dont l'assemblage forme l'individu, comparées entr'elles, qui sont aussi disposées, par rapport à leurs principes & à leur masse, d'une maniere qui leur est particuliere, proportionnément au tout.

La différente combinaison des fibres produit donc seule la différence caractéristique entre les animaux, entre les parties qui les forment; & les individus qui résultent de ces parties, comparés les uns aux autres, en tant que ces fibres sont réunies entr'elles de différentes manieres, forment en conséquence des organes plus ou moins consistans, plus ou moins denses, plus ou moins fermes, élastiques, distractiles, flexibles, & en un mot plus ou moins forts, & disposés à exercer les fonctions auxquelles ils sont destinés: toutes ces qualités dépendent donc du contact des fibres entr'elles, plus ou moins étendu, c'est - à - dire selon qu'elles sont unies par des surfaces ou par des points avec des modifications indéfinies, qui rendent plus ou moins robustes ou foibles les vaisseaux formés de ces fibres, & les disposent à convertir en plus ou moins grand nombre, plus ou moins promptement les petits vaisseaux en fibres, formées de celles qui ne sont que des vaisseaux simples oblitérés par la compression des composés, par les causes de la vie, conséquemment plus puissantes dans certains sujets que dans d'autres: de - là s'ensuit, par la comparaison de ces différentes qualités des parties solides & de leurs effets dans chaque individu, la différence de ce qu'on entend par tempérament, par constitution, complexion particuliere; c'est l'idiosyncrase des anciens: des auteurs distinguent même encore le tempérament de la constitution, en ce que celui - ci est tiré des principes physiques, des causes primordiales de la structure du corps humain, & la constitution dépend de ses principes méchaniques, du jeu, de l'action des organes. Voyez Tempérament.

En voilà assez sur les fibres, tant simples que composées, considérées physiologiquement; cependant quelqu'étendu que soit le détail dans lequel on vient d'entrer à ce sujet, la matiere en est si abondante, qu'il laisse encore bien des choses à desirer par rapport à ce qui en a été dit: pour suppléer à ce défaut, il faut avoir recours aux différens ouvrages sur l'économie animale, dont ce siecle a enrichi la Medecine, tels que ceux de Lewenhoek, de Baglivi, d'Hoffman; les commentaires de Boerhaave par MM. Haller & Wanswieten; le mot fibre du dictionnaire de Medecine, d'après ce dernier; la physiologie de M. de Sauvages, & particulierement la dissertation de M. Fizes, célebre professeur praticien de Montpellier, intitulée conspectus anatomico - mechanicus partium humani corporis solidarum, dans laquelle la physique des fibres, & des parties qui en sont formées, paroît être mise dans tout son jour. Voyez aussi les articles Foetus, Nutrition, Muscle, Os .

Après avoir examiné la fibre en général, relativement à l'état naturel, à l'état de conformation, tel que l'exige la santé de chaque individu, il reste à voir à quels changemens elle est exposée dans l'état que l'on appelle dans les écoles contre - nature, c'est - à - dire dans celui de lésion, de maladie.

Nous venons de voir ci - devant, que le corps humain, par rapport à ses fibres & à leur assemblage, est un composé de parties similaires ou simples, & de parties dissimilaires ou organiques: de cette distinction des parties solides en deux especes principales, qui peuvent avoir chacune leurs vices, leurs maladies propres, il en résulte aussi deux especes de lésions principales, dont sont susceptibles les parties solides; la premiere regarde les parties simples, l'autre les parties composées: les anciens n'ont presque point fait mention de celle - là, si l'on en excepte Galien, comme on le prouvera ci - après. Les méthodiques même, qui ne cherchoient les causes des maladies absolument que dans les solides, dont la doctrine est ordinairement appellée de stricto & laxo, c'est - à - dire, de la constriction ou roideur & du relâchement ou de la débilité des parties, n'ont point considéré ces vices dans les fibres premieres, mais seulement dans les parties organiques; ils n'ont rien dit des maladies des fibres proprement dites: Medici sunt sensuales artifices, les Medecins ne doivent rechercher leur objet que dans ce qui tombe sous les sens, pourroit - on dire, pour approuver la conduite des anciens à cet égard; mais on ne feroit pas attention, qu'il ne s'agit dans cette maxime que des effets, & non pas des causes; on ne doit raisonner & tirer des

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