ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"667"> pas en être fait ici mention d'une maniere détaillée. Voyez Irritabilité.

Composés des fibres. Après avoir traité de la fibre, de sa nature & de ses propriétés, en tant qu'elle est simple & considérée séparément des organes qui ne sont qu'un composé de fibres; il reste à rechercher comment on peut concevoir que se forme ce composé, puisque c'est des fibres premieres, que sont construites toutes les parties consistantes du corps humain disposées à contenir, à transférer, à distribuer, à préparer, à séparer, à évacuer les différens fluides qui sont nécessaires, utiles ou inutiles à l'économie animale. Destinées à des actions purement méchaniques, les fibres par leur union différemment combinée, composent des solides, des machines & des instrumens de toute espece; on trouve en effet dans l'inspection des parties, des filets, des cordons, des cordes, des poulies, des leviers, des colonnes, des solives, des soufflets, des canaux, des reservoirs, des sacs, des soupapes, des filtres, & plusieurs autres choses diversement figurées, qui entrent dans la construction du corps humain, & qui concourent à l'exercice de ses fonctions, à leur perfection & à son ornement.

C'est sous la forme de tuyau principalement, que les fibres unies sont employées à contenir les fluides, qui est l'usage le plus général, commun à tous les organes, à quelques fonctions qu'ils soient destinés. Les tuyaux, qui sont aussi communément appellés conduits, canaux, sont spécialement désignés par les Anatomistes sous le nom de vaisseaux; ils les distinguent ensuite sous quatre genres principaux, savoir, d'arteres, de veines, de secrétoires & d'excrétoires, qui comprennent les vaisseaux de toutes les especes connues; voyez Vaisseaux. De tous ces différens vaisseaux, les uns sont facilement apperçûs par les sens, les autres le sont difficilement, ou ne le peuvent être que par les secours de l'art, ou ne le peuvent pas être du tout, à cause de leur extrème petitesse; ensorte qu'il n'en est qu'un certain nombre de ceux qui échappent à la vûe, même aidée des microscopes, qui ont pû être démontrés par les travaux singuliers & les soins industrieux de quelques célebres anatomistes, & entr'autres, par l'art admirable des injections du grand Ruysch; on juge par analogie de ceux qui ne sont pas susceptibles d'être rendus sensibles. Il est par conséquent reçû à présent assez généralement, que toutes les parties solides du corps sont chacune formées d'un tissu de vaisseaux, depuis sur - tout qu'il a été démontré que toutes les substances des parties qui n'avoient été que grossierement anatomisées par les anciens, & que l'on avoit crû en conséquence spongieuses, parenchymateuses, ou de telle autre structure aussi éloignée de la véritable, sont réellement un composé de vaisseaux, & pour la plûpart de toutes les especes.

Cette multiplicité de vaisseaux extrèmement subtils, a donné lieu à quelques auteurs de penser, que l'on n'est pas encore parvenu à connoître tous les différens vaisseaux qui entrent dans là composition des parties du corps humain, & ensuite, que le décroissement des vaisseaux va à l'infini: mais quoique l'on accorde la premiere proposition, parce qu'il paroît en effet, que la science de l'anatomie n'est pas portée à sa perfection, & qu'il est probable qu'elle n'y atteindra jamais, bien qu'elle puisse acquérir de plus en plus de nouvelles connoissances; on ne peut pas, sur une simple conjecture, se déterminer à admettre que la petitesse des vaisseaux n'ait point de bornes; pendant que la raison indique au contraire qu'il y a des derniers vaisseaux, des vaisseaux au - delà desquels il n'y a pas de division extérieure en plus petites parties contenantes: ce qui suit peut servir de démonstration pour cette assertion.

Les forces méchaniques, dans quelque machine que ce soit, & par conséquent dans le corps humain, ne sont pas infinies; l'expérience prouve toûjours qu'elles ont un terme: la division des parties, dont sont composés les fluides, doit aussi conséquemment avoir des bornes: il y a donc des molécules de ces fluides, qui toutes petites qu'elles sont, doivent cependant être conçues d'un volume déterminé, & non pas diminué à l'infini: elles retiennent aussi un certain degré de cohésion entr'elles; ensorte que le vaisseau destiné à les recevoir doit avoir une capacité déterminée, proportionnée à chacune de ces molécules, & non pas d'un diametre infiniment petit: d'après cette idée, on est fondé à conclure, avec juste raison; donc il existe un dernier vaisseau d'une petitesse indéfinie, mais bornée.

Mais, puisque l'existence de ce dernier vaisseau est établie, on ne peut se le représenter que très simple; donc la tunique ou membrane qui le compose, de la maniere qui sera bien - tôt décrite, ne doit pas être faite d'autres vaisseaux: on doit donc la concevoir construite de filamens simples, c'est - à - dire de fibres premieres, telles que l'idée en a été donnée dans cet article: il existe donc une fibre, qui n'est point vasculeuse, qui n'a point de cavité; par conséquent ce n'est qu'un filet, sans largeur ni épaisseur divisibles, mais étendu en longueur par une suite des parties élementaires, unies les unes aux autres, selon cette derniere dimension; c'est ce qu'il falloit établir, pour ne laisser aucun doute sur l'éxistence de la fibre élementaire; avant de considérer comment elle est la base de la structure du corps humain.

Ce n'est que par les yeux de la raison, que l'on peut suivre la composition de cet ouvrage admirable, comme il vient d'être pratiqué pour en faire l'analyse physique: on peut donc se représenter ainsi cette composition des parties, qui résulte de l'union différemment combinée des fibres simples.

Un certain nombre de ces fibres similaires appliquées les unes à côté des autres par leurs surfaces longitudinaires, selon toute leur étendue, adhérentes les unes aux autres par le contact auquel est attachée la force de cohésion, & par quelque sorte de colle qu'on a dit avoir raison de croire de nature glutineuse, forme ainsi une espece d'étoffe sans qu'il soit besoin d'entrelacement pour ses filamens: & la preuve que cet entrelacement n'existe pas dans l'assemblage des fibres, se trouve dans la différence que l'on observe à l'égard des effets de l'humidité sur les - tissus de filets simples ou de fil de quelque nature que ce soit, comme les toiles, les cordes, & sur les organes composés de fibres animales: elle donne une sorte de rigidité à ceux - là, tandis qu'elle ramollit ceux - ci: les anatomistes donnent à ce composé ainsi conçu le nom de membrane; nom qu'ils donnent à toute substance fibreuse ou vasculeuse, très - mince, à proportion de son étendue en longueur & en largeur. Celle dont on vient de dire qu'elle est formée de fibres élementaires, est elle - même la membrane la plus simple. Si on se la représente figurée en parallelogramme ou approchant, repliée sur elle - même, & soudée par les deux bords longitudinaux; elle a sous cette forme le nom de tunique, & elle est dès - lors tournée en canal fermé de tous côtés, par des parois, excepté par ses deux extrémités: c'est un véritable vaisseau, propre à contenir un fluide; mais c'est un vaisseau très simple, dont la tunique n'est formée que de parties élementaires, unies entr'elles, sous la forme de fibres & de membranes. Si l'on se représente après cela plusieurs vaisseaux de cette espece unis ensemble, selon leur longueur, pour ne former qu'un [p. 668] corps étendu en largeur, sans autre épaisseur que celle de chacun de ces vaisseaux; on a l'idée de la premiere membrane vasculeuse, la moins composée de cette espece, que l'on puisse imaginer; cette même membrane repliée sur elle - même, pour former un canal cylindrique ou conique, fait le premier vaisseau dont la tunique soit vasculeuse: plusieurs vaisseaux de cette espece, unis entr'eux, pour former des membranes toûjours plus composées, sont les matériaux des tuniques de vaisseaux toûjours plus considérables; & ainsi en remontant de ceux - ci à de plus grands encore, jusqu'aux principales ramifications & aux troncs des vaisseaux sanguins qui tiennent au centre commun de tous les canaux du corps humain, qui en est formé dans son tout & dans ses différentes parties, & d'où résulte la fabrique de ce chef - d'oeuvre de la nature.

Mais cette construction, telle qu'elle vient d'être représentée, par rapport à la formation des fibres, des membranes, qui ne sont qu'un assemblage de fibres, des vaisseaux formés de ces membranes, simples & composées; & de tous les organes construits de l'union de ces vaisseaux différens entr'eux & différemment associés; cette construction ne peut être rendue, que par parties & par opérations successives; mais la nature travaille différemment, elle jette, pour ainsi dire, son ouvrage au moule; tout se forme en même tems, fibres, tuniques, vaisseaux, organes de toute espece; tout sort achevé de ses mains, conformément à son archétype; l'embryon est aussi parfait dans son état que l'adulte; l'accroissement n'est qu'une perfection respective, en tant qu'elle est une tendance au terme que se propose la nature, qui est de donner une consistence à l'union des parties qui forment cet embryon; consistence qui puisse en conserver & faire durer l'édifice, jusqu'à ce que cette cause conservatrice devienne elle - même, par une suite nécessaire de ses effets, la cause destructive de ce même édifice par le méchanisme qui commence la vie & qui la maintient; méchanisme dont l'exposition ne sera pas déplacée ici.

Le corps humain, quelque grand & quelque volumineux qu'il puisse être; quelque fermes & compactes que soient la plûpart des organes dont il est composé, lorsqu'il a atteint le dernier degré d'increment, a été formé d'un assemblage de parties de la matiere infiniment plus petit que le plus petit grain de sable, qui n'a commencé à tomber sous les sens que sous la forme d'une goutte de liquide; cet assemblage renfermoit cependant proportionément le même nombre d'organes, la même distribution de vaisseaux & d'humeurs diversement élaborés que l'on trouve ensuite dans l'adulte: ce n'est pas par une addition extérieure de nouvelles parties, que ces rudimens de l'homme ainsi conçus s'étendent & grossissent, mais par une intus - susception des fluides, dont les parties intégrantes sont propres à produire cet effet; fluides qui ne peuvent être ainsi préparés que dans le petit individu, tel qu'il vient d'être représenté, tout impuissant qu'il paroît pour cela, tout informe qu'il se présente à nos sens: ces changemens admirables sont produits par une double cause, qui ne cesse d'agir tant que la vie subsiste, c'est - à - dire par le méchanisme de l'accroissement & par celui de la solidescence.

Les effets du premier consistent en ce que quelques particules des fluides qui ont été élaborées, affinées, & rendues homogènes au point de pouvoir pénétrer dans les vaisseaux les plus simples, s'appliquent aux parois de ces vaisseaux, s'insinuent dans l'intervalle des élémens de la fibre dont ils sont composés, à mesure que les élémens sont écartés les uns des autres par la cause de la distension, de l'alonge<cb-> ment des solides, de l'accroissement, & laissent entrleux des vuides, des serobicules à remplir; ensorte que l'embryon acquiert ainsi toûjours plus d'étendue. Voyez Accroissement, Nutrition.

Quant à la force & à la fermeté de la fibre, c'est la solidescence qui les lui donne par le méchanisme qui va être exposé: il consiste dans la force de pression des vaisseaux les uns sur les autres, dans le tems de leur diastole: il est sûr, d'après les principes d'Hydrostatique, que les liquides qui sont mûs dans des canaux, agissent, font effort contre les parois: or une pareille impulsion se faisant de l'axe vers les parties latérales dans chacun des vaisseaux qui sont tous flexibles dans les premiers tems de la vie, il doit s'ensuivre qu'ils se dilatent tous. Et plusieurs vaisseaux qui se trouvent contigus, qui forment une masse entr'eux, étant conçus agir ainsi les uns sur les autres, par la dilatation syncrone qu'ils éprouvent tous; mais cette dilatation ne se faisant pas dans tous avec une égale force, parce qu'ils n'ont pas tous le même diametre, parce qu'ils sont plus ou moins grands, parce qu'il y en a de composés & de simples; ceux qui sont les plus petits, dont les fluides contenus se meuvent par conséquent avec plus de lenteur, non - seulement ne peuvent pas se dilater comme les grands, mais encore ils ne peuvent pas conserver la cavité qui leur est propre; ils sont pressés, comprimés de tous côtés par les vaisseaux qui les environnent, dont la dilatation se fait avec une force supérieure; ils cedent à ces forces réunies contr'eux, jusqu'à ce que les parois de ces petits vaisseaux étant de plus en plus portées les unes contre les autres, leur cavité se perd, s'oblitere peu - à - peu; elles viennent à se toucher à l'opposite, à être fortement appliquées les unes contre les autres, & cessent de former un vaisseau pour n'être plus qu'un aggrégé ou un fascicule de fibres intimement unies entr'elles, & par le contact réciproque, & peut - être aussi par la concrétion du peu de fluides propres qui restent dans leurs cavités, qui a par conséquent beaucoup plus de force qu'il n'y en avoit auparavant dans ces mêmes fibres, lorsqu'elles se touchoient entr'elles par moins de côtés: la cohésion ainsi augmentée, les rend plus fermes, plus compactes, & par conséquent plus propres à conserver leur continuité, à résister à tout effort, qui tend à en opérer la solution.

Si l'on connoît qu'un semblable effet soit produit dans un grand nombre de vaisseaux simples des différentes parties du corps, on doit en conclure que la fermeté, la solidité doit augmenter dans toutes ses parties: or comme, par le méchanisme général du corps humain, cette force de pression des vaisseaux les uns sur les autres, qui tend ainsi à convertir les vaisseaux simples en fibres composées, produit ses effets par degrés pendant tout le cours de la vie, en les augmentant continuellement à mesure qu'elle augmente elle - même; il s'ensuit que toutes les parties du corps tendent continuellement à devenir plus solides, plus dures jusqu'à perdre leur flexibilité, être desséchées presqu'entierement; c'est cette considération qui a fait dire aux anciens que vivere est continuo rigescere, que l'action de vie est une tendance continuelle à priver de leur flexibilité toutes les parties solides de l'animal, à détruire par conséquent la qualité la plus nécessaire pour l'exercice de cette action: ensorte que ce qui constitue la cause essentielle de la vie & l'entretient, tend de plus en plus à devenir la cause de la cessation de la vie: c'est une loi commune, non - seulement à tout ce qui est animé, mais même à ce qui végete; un chêne naissant est aussi mou, aussi flexible que l'herbe fraîche: quelle dureté, quelle roideur n'acquiert - il pas par son accroissement & par la durée de sa végétation!

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