ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"663"> le morb. Voyez Sang. Galien, lib. V. de usu part. regarde aussi les fibres comme des filets déliés & subtils qui entrent dans la composition des nerfs, des ligamens, des muscles; mais il n'avoit même point d'idée des filamens élémentaires, non plus que tous les auteurs qui l'ont suivi, jusqu'au siecle dernier, où l'Anatomie perfectionnée a poussé la décomposition du corps animal jusqu'à ses parties les plus simples par la pénétration de l'esprit, pour suppléer à la grossiereté à cet égard de tous les instrumens possibles.

On se représente donc aujourd'hui ces fibres animales comme des filamens d'une petitesse indéfinie par rapport à leur largeur & leur épaisseur, & d'une étendue différente, selon les différentes parties à qui elles appartiennent. On conçoit qu'elles sont comme un assemblage de particules élémentaires, unies l'une à l'autre selon la direction d'une ligne. C'est conséquemment ce que l'on ne peut savoir que par le raisonnement, l'expérience apprenant seulement que les chairs, les os, &c. peuvent être divisés plus ou moins aisément en parties linéaires extrèmement déliées, & qu'il n'est aucun organe qui n'en soit composé. L'insuffisance de nos instrumens, & même de nos sens, ne nous permet pas de parvenir à les diviser méchaniquement ju'qu'à leurs élémens. Ce qui va être exposé sur les fibres élémentaires, ne peut par conséquent être présenté que comme une suite de conjectures; mais outre que les conjectures deviennent des raisons, quand elles sont les plus probables qu'on puisse tirer de la nature des choses, & les seuls moyens qu'on puisse avoir de découvrir la vérité, les conséquences que l'on se propose de déduire de celles qui uivent, ne seront point pour cela conjecturales, puisque sur les principes qui seront établis, il ne paroît pas que l'on puisse former aucun autre systeme sur ce sujet, qui ne fournisse les mêmes résultats, & dont on ne puisse tirer les mêmes conclusions.

Généralités physiques: principes des fibres. Ce n'est donc aussi que par le raisonnement que l'on peut savoir que chaque partie élémentaire proprement dite des fibres, considérée séparément, est formée de particules de matiere unies entr'elles d'un lien indissoluble; qu'elle est immuable; qu'aucun agent dans la nature ne peut lui causer aucune altération, soit pour sa forme intrinseque, soit pour sa figure, soit pour la cohésion des particules dont elle est formée: c'est la conséquence qu'on peut tirer de la face constante de l'Univers, qui est toûjours la même, & qui ne présente jamais des corps essentiellement nouveaux, mais seulement des combinaisons variées de la matiere élémentaire, absolument toûjours la même en qualité, en quantité, & seulement différente respectivement aux différens aggrégats qui en sont formés par les puissances de la nature ou par celles de l'art.

Les atomes ou principes de la matiere qui constituent les corps, de quelque genre que ce soit, sont donc de vrais solides d'une dureté à toute épreuve, & vraissemblablement d'une densité égale entr'eux, qui ne different que par la forme extérieure & par le volume, ou seulement par les différentes manieres d'être unis & mêlés entr'eux. Ce sont les seuls solides parfaits qui résistent à la division de leurs parties avec une force insurmontable, puisqu'il n'est aucun corps composé qui oppose une pareille résistance. Ils sont véritablement tels, étant considérés séparément; mais assemblés en masse, la différente maniere dont ils le sont, forme la différence qui constitue la solidité ou la fluidité dans les masses qui résultent de l'assemblage; & ces deux qualités des corps composés varient même indéfiniment chacune en particulier, par les différentes combinaisons qui les determinent: en<cb-> sorte que le passage de la solidité à la fluidité se fait pour ainsi dire par une infinité de nuances graduées imperceptiblement; d'où résulte par conséquent une infinité, ou, pour parler plus exactement, une indéfinité de sortes de corps, tant solides que fluides. La différence essentielle de ces deux genres de corps ne consiste cependant qu'en ce que dans les solides la force de cohésion oppose une résistance toûjours bien sensible, quoique plus ou moins, à la division de leurs parties; & dans les fluides cette résistance ne se fait point ou presque point sentir. Les contacts entre les élémens des corps, ou entre les petites masses de ces élémens, par des surfaces d'une étendue plus ou moins considérable, qualité à laquelle est attachée la force de cohésion (voyez Cohésion), forment la solidité. Les contacts par des points seulement, en plus ou moins petit nombre, mais toûjours si bornés qu'ils ne donnent presque point ou très - peu de prise à la force de cohésion, forment la fludité: de - là toute la différence des corps entr'eux, c'est - à - dire des corps solides comparés aux fluides, des solides comparés entr'eux, & des fluides aussi comparés les uns aux autres.

Le solide le plus simple est donc celui que l'on peut se représenter composé d'un certain nombre d'élémens, c'est - à - dire de corpuscules séparément indivisibles assemblés, de maniere qu'après leur union ils résistent sensiblement, par quelque cause que ce soit, à la force qui tendoit à les séparer. Ces corpuscules, qui sont du genre des corps que l'on peut concevoir comme constituant chacun séparément un solide parfait, qui sont par conséquent, comme il a été dit, les seuls dans la nature qui résistent avec une force insurmontable à la division de leur matiere propre; ces corpuscules ou atomes qui n'appartenoient auparavant ni à un aggrégé solide, ni à un aggrégé fluide, forment par l'assemblage qui vient d'être supposé, un aggrégé du premier genre. Cette connexion, quoique très - simple, fait toute la différence entre les solides & les fluides. Elle manque dans ceux - ci, parce que leurs parties élémentaires n'opposent point de résistance à celles du feu qui pénetrent tous les corps, & tendent à détruire toute consistence. On peut regarder l'état des fluides comme un état de fusion, au lieu que la force de cohésion entre les parties intégrantes des solides, est supérieure à la force desunissante du plus actif des élémens; par conséquent la connexion subsiste tant qu'il n'y a pas excès de cette force - ci sur celle - là. C'est ainsi que la cire, qui a tous les caracteres de la solidité en hyver, devient presque fluide par l'augmentation de l'action du feu universel en été; & au contraire l'eau, qui est presque toûjours sous forme fluide, devient un corps solide par une grande diminution de cette action. Voyez Glace.

Il est cependant à - propos d'observer ici qu'il y a quelque différence dans la signification des termes de solide & de fluide, par rapport à l'économie animale. Les Physiologistes ne les adoptent pas dans le sens absolu qui vient d'être établi; ainsi, selon eux, pour qu'une partie du corps humain soit regardée comme solide, il suffit qu'elle ait assez de force de cohésion pour éprouver sans solution de continuité, les alongemens, les distensions, les efforts répetés qui résultent des différens mouvemens, tant ordinaires qu'extraordinaires, en quoi consistent les actions de la vie saine, & même lésée, proportionnées à la constitution naturelle du sujet dans lequel elles s'exercent, ensorte que cette cohésion soit supérieure à tout ce qui tend à la détruire par un esset nécessaire de ces actions. Les parties fluides propres au corps animal, sont composées de molécules qui n'ont presque point d'adhérence entr'elles, qui sont séparables & mobiles en tous sens, mais seulement par accident, c'est - à - [p. 664] dire entant qu'elles sont suffisamment agitées par les mouvemens des organes qui les contiennant; sans quoi elles cesseroient d'avoir ces qualités.

Il suit de ces principes posés, que dans l'embryon (qui, aux yeux du physicien dans les premiers tems après la génération, ne paroît être pour ainsi dire qu'une goutte de liquide, qui en a les caracteres, selon lui, par le peu de cohésion de ses parties, le peu de résistance qu'elles opposent à leur division), le physio ogiste conçoit, par le raisonnement & par analogie, des parties assez solides pour contenir des fluides, pour les mettre en mouvement, & résister aux essorts de ce mouvement; assez liées entr'elles pour former des lors une véritable machine hydraulique, un corps organisé, par un assemblage de différens instrumens dont les effets sont aussi parfaits à proportion & plus admirables encore que ceux qui sont produits dans le corps d'un aduite. De même le sang & plusieurs autres humeurs du corps humain, que le medecin regarde comme fluides, laissés à eux - mêmes hors de leurs conduits, perdent entierement, pour la plus grande partie, la propriété en quoi consiste la fluidité, c'est - à - dire la disposition à ce que les particules qui les composent se séparent entr'elles par le moindre effort. Ces humeurs animales forment bientôt une masse coagulée, qui oppose une résistance marquée à la division de ses parties; cependant tant qu'elles étoient contenues dans le corps de l'animal, elles étoient susceptibles de couler, & couloient en effet sous forme liquide dans les plus petits canaux du corps. La solidité des rudimens de l'animal, contenus dans l'oeuf, & la fluidité de la plûpart des humeuis, ne sont donc que des propriétés seulement respectives, accidentelles, entant qu'elles sont considérées sous le point de vûe qui vient d'être présenté. L'observation des Medecins à cet égard est donc nécessaire, & n'est pas déplacée ici, lorsqu'il s'agit des principes qui constituent les parties solides du corps humain.

Formation des fibres. Un élement séparé peut être consideré comme un point mathématique, qui n'a ni longueur, ni largeur, ni profondeur; mais dès qu'il est uni à d'autres, selon la direction d'une ligne, avec quelque sorte de résistance à la division des parties du tout qui en est formé, il en résulte une des trois sortes de dimensions, qui est la longueur; c'est un corps composé, étendu seulement selon cette direction; c'est un corps divisible seulement en ce sens - là: c'est ainsi que peut être conçûe la formation de la fibre simple, qui, par rapport à la divisibilité, est censée n'avoir ni longueur, ni épaisseur; puisqu'elle n'est susceptible de séparation de ses parties, dans aucune de ces deux dimensions, mais seulement dans sa longueur, parce qu'elle n'est formée que de parties élémentaires disposées selon cette dimension. Cette fibre est donc très - simple, puisqu'aucune partie divisible en soi, aucune partie composée n'entre dans sa formation; elle n'a rien d'organisé, quoiqu'elle puisse entrer dans la composition desorganes, ou qu'elle en ait fait partie. Ses principes sont tels, que ni l'eau, ni l'air, ni le feu, ne peuvent les pénétrer, diviser leur substance; ils ne sont susceptibles d'altération que relativement à leur union extrinseque entre eux, qui forme la production que nous avons appellée fibre; union qui peut par conséquent cesser d'avoir lieu.

Les qualités de cette fibre ou de ses élémens conviennent parfaitement à la vraie terre, à la terre pure, qui est un corps simple, solide, formé de parties similaires, le seul que nous puissions saisir, fixer; mais les parties terrestres, telles qu'elles tombent sous nos sens, n'ont guere de force de cohésion, sans quelqu'autre moyen que le contact, qui n'est vraissemblablement suffisant que pour former des aggrégés des plus simples, c'est - à - dire des amas de parties élémentaires figurées de maniere à pouvoir se toucher & s'unir par des surfaces. Les cendres des animaux, comme des végétaux, se séparent aisément entr'elles par l'agitation du moindre souffle. Donc les aggrégés primitifs de corpuscules simples ont presque tous besoin pour former des solides, de quelque moyen intermédiaire, de quelque espece de glu, de colle, qui les retienne dans l'état de cohésion, en étendant leur surface contiguë, en mu'tipliant par conséquent les points de contact. Des que ce moyen, quel qu'il soit, est enlevé, les petites parties qui composent les solides se dissipent aisément en poussiere. L'expérience nous engage à penser que ce qui constitue cette colle est de nature aqueuse ou huileuse; la chose peut être rendue sensible par un exemple.

Que l'on prenne des cendres bien lavées, pour les dépouiller de tout sel, que l'on en fasse un creuset; il faut pour cet effet paitrir ces cendres avec de l'eau: la pâte étant formée & séchée, elles restent unies en un corps solide, mais qui est percé comme un filtre. Si on paitrit les mêmes cendres avec de l'huile, encore sous forme de vase, & que l'on les fasse sécher dans un four afin que l'huile se cuise, c'est - à - dire que les parties aqueuses s'en séparent, alors ces cendres auront une très - grande force de cohésion, & ce vase ainsi formé sera très - ferme. Si cependant à force de feu, on vient à expulser de sa substance toute l'huile qui y étoit incorporée, les cendres retourneront en poussiere comme auparavant. C'est ainsi qu'une sécheresse de tems de longue durée, fait que la terre qui formoit de la boue, tant qu'elle étoit mêlée avec de l'eau, se réduit en poudre volatile que le vent agite, enleve sous forme de nuée. Si - tôt qu'il vient à pleuvoir, cette même poudre venant à être détrempée de nouveau, retourne en boue & forme une pâte si tenace, si gluante, qu'elle peut par son adhérence aux roues des voitures en arrêter le mouvement, en les retenant avec plus de force qu'elles ne sont tirées.

Il suit de ces raisonnemens appuyés sur des comparaisons de faits, qu'il doit entrer quelque substance glutineuse dans la composition des fibres animales; mais ce qui semble prouver invinciblement que la chose est ainsi, c'est l'expérience faite sur les fibres même, c'est - à - dire sur des parties qui en sont composées. 1°. Si l'on prend de ces parties, comme quelque portion charnue, bien lavée pour en séparer le sang, ensorte qu'elle soit devenue bien blanche, & que l'on la fasse ensuite bouillir dans de l'eau pendant long - tems; elle se change en une matiere informe, qui n'est que gélatineuse: ce que savent bien ceux qui font la colle forte; pour laquelle ils n'employent que des morceaux de peaux, de tendons, de membranes cartilagineuses de différens animaux, dont ils font de fortes décoctions; la dissipation des parties aqueuses laisse un résidu sous forme de gelée, qui, étant desséchée, devient extrèmement ferme & compacte comme de la corne. 2°. Les parties les plus dures, les os peuvent être réduits par la coction en substance de gelée, comme on le prouve par les effets de la machine de Papin, & par l'expérience de Clopton Havers rapportée dans son ouvrage intitulé nova osteologia. V. Digesteur. 3°. La partie mucilagineuse du sang séparée de la partie rouge par l'agitation, la conquassation, étendue en forme de lame, & ainsi séchée, paroît être une membrane fibreuse, qui imite celles qui sont véritablement organisées; de maniere qu'on peut la conserver longtems dans cet état, selon ce qui est rapporté dans le thrésor anatomique de Ruysch. 4°. Cette même partie gélatineuse séparée du sang, de laquelle il vient d'être fait mention, étant fraîche & mise en masse;

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