ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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On voit par - là que le feu de section consiste à tirer par compagnie; celui de peloton, par deux; celui de deux pelotons, par quatre; & celui de trois pelotons, par six compagnies. A l'égard du feu par bataillon, c'est celui qui est exécuté par toutes les compagnies du bataillon qui tirent ensemble dans le même tems.

A ces différens feux il faut encore ajoûter le feu par rangs, qui s'exécute successivement par chacun des rangs du bataillon; & le feu roulant ou de rempart, qui se fait ordinairement dans les salves & les réjoüissances.

Pour exécuter ce dernier feu, si les troupes sont sur plusieurs rangs, l'aile droite du premier commence à tirer au signal qui lui en est donné; le feu va jusqu'à l'autre aîle, ensuite il commence par la gauche du second rang, & il vient à la droite; puis de la droite du troisieme il va à la gauche de ce même rang, & ainsi de suite des autres rangs sans interruption.

Ces différens feux peuvent être appellés réguliers, parce qu'ils s'exécutent avec regle. Il y en a un autre qu'on nomme feu de billebaude ou sans ordre, que les soldats exécutent en tirant ensemble ou séparément, à leur volonté.

Le feu de peloton, que l'ordonnance du 6 Mai 1755 établit en France, est en usage depuis longtems parmi les Hollandois: il y a quelqu'apparence que l'invention leur en est dûc, & que ce sont eux qui en ont fourni le modele aux autres nations de l'Europe qui l'ont adoptée. Quoi qu'il en soit, observons qu'on a cependant tiré autrefois en France par differentes divisions ou différentes petites parties du bataillon, qu'on appelloit pelotons; mais seulement dans des cas particuliers de retraite, d'attaques de postes, de chaussées, &c.

L'ancien feu le plus ordinaire & le plus commun, étoit le feu par rangs; c'est en effet celui qui paroît le plus simple & d'une exécution plus aisée. il a l'inconvénient que les tirs n'en peuvent être que perpendiculaires au front du bataillon. On prétend encore qu'il s'exécute rarement avec ordre, que ques précautions qu'on puisse prendre; mais c'est que rien ne se fait avec ordre à la guerre, qu'autant que les troupes y ont été long - tems exercées: car il est évident qu'on peut parvenir assez promptement à faire tirer sans consusion les troupes par rangs, sur - tout à trois ou quatre de hauteur, puisqu'on l'a fait autrefois sans inconvénient sur un plus grand nombre de rangs.

Le bataillon étant rangé sur cinq ou sur six rangs, chacun tiroit successivement; ou bien on en faisoit tirer deux ou trois à - la fois, ou cinq en même tems. Voyez Emboîtement.

Mais on a remarqué depuis, que lorsqu'il y a seulement quatre rangs, le feu du dernier devient tres dangereux pour le premier; c'est par cette raison que l'ordre sur trois rangs a été proposé, comme le plus convenable pour le feu. Voyez Évolutions.

Un autre inconvénient du feu par rangs, c'est qu'on ne peut que très - difficilement le rendre continuel.

En effet, si l'on suppose une troupe rangée sur quatre rangs, & que le dernier rang tire le premier, les autres étant genou en terre, le troisieme peut, en se levant, tirer ensuite, puis le second, & le premier qui, aussi - tôt après sa décharge, doit remettre genou à terre, ainsi que le second & le troisieme, pour laisser tirer le dernier, qui a eu le tems de recharger pendant la durée du feu des trois autres rangs. Mais ces derniers ne peuvent guere recharger leurs fusils le genou à terre; parce que cette manoeuvre, à laquelle M. le maréchal de Puysegur dit qu'on devroit exercer les troupes, ne leur est pas enseignée (a). Voyez Exercice. Il faut par conséquent, pour recharger, qu'ils se tiennent debout, & qu'ils interrompent la continuité de l'action du feu.

En tirant par section ou par peloton, on peut se procurer des tirs perpendiculaires ou obliques, suivant le besoin: on a d'ailleurs un feu continuel, parce que le premier peut avoir rechargé lorsque le dernier a tiré D'ailleurs ce feu s'exécutant sur un front beaucoup plus petit que celui du bataillon, paroît devoir être plus aisément réglé: il en parcourt rapidement toutes les parties, comme le feu, par rangs; mais chaque partie est successivement exposée au feu de l'ennemi pendant le tems qu'elle recharge ses armes.

Il est vrai que le front du bataillon n'y est jamais exposé tout entier, comme en tirant par rangs; mais il faut convenir qu'en revanche le feu par peloton peut être sujet, à moins qu'on n'y soit extremement exercé, à plus de confusion que celui des rangs.

Pour donner une idée plus parfaite du feu par peloton, nous mettrons sous les yeux un bataillon divisé dans ses six pelotons, rangé suivant l'ordonnance du 6 Mai 1755.

(d) Il seroit fort difficile de le faire, à cause de la longueur du fusil, & de la pression des files.
[omission: table; to see, consult fac-similé version]

Soit A B le bataillon ainsi divisé: chaque peloton est désigné par un chiffre qui en indique le rang, & par la lettre P, renfermés l'un & l'autre dans des accolades qui joignent les extrémités des deux compagnies dont ils sont formés.

Ces pelotons sont divisés dans les deux compagnies qui les composent, & qui les partagent en deux sections.

Les chiffres renfermés dans chaque peloton, expriment les différentes compagnies du bataillon qu'il contient.

On suppose que le bataillon est à trois de hauteur, & que les rangs sont serrés à la pointe de l'épée.

Cela posé, observons d'abord que le feu de section & celui de peloton doivent commencer par le centre.

Pour exécuter ce dernier feu, le commandant du bataillon ordonne d'abord au cinquieme peloton de faire feu: alors les soldats du premier rang mettent genou en terre, ceux des deux derniers s'arrangent pour pouvoir tirer en même tems que le premier; [p. 626] & au commandement feu, ils tirent tous ensemble (a).

Lorsque ce peloton a fait feu, le sixieme s'arrange pour en faire de même immédiatement après; puis le troisieme & le quatrieme, deux tems (b) après que le cinquieme & le sixieme ont fait feu. Le premier & le deuxieme font également feu deux tems après que le troisieme & le quatrieme ont tiré. A l'égard des grenadiers & du piquet, ils exécutent leur feu deux tems après celui du premier & du second peloton.

On voit par - là que le feu par peloton ayant commencé par le centre, se porte ensuite successivement du centre aux ailes; mais de maniere que les pelotons à côté les uns des autres, excepté les deux du centre, ne tirent pas de suite, mais successivement un peloton de la droite & un de la gauche.

Il est bien difficile qu'une manoeuvre aussi composée & aussi variée, & qui demande autant d'attention, puisse s'exécuter sans desordre ou confusion un jour d'action: aussi prétend - on avoir remarqué, comme on le verra bientôt, que ce feu, dont l'exécution est si brillante dans les exercices, est peu dangereux un jour de combat (c)

Le feu par section s'exécute de la même maniere que celui par peloton, il commence également par le centre. La onzieme compagnie tire la premiere, puis la douzieme, ensuite la troisieme, la quatrieme, &c. Voyez l'ordonnance du 6 Mai 1755.

Le feu par rangs est d'une exécution plus simple, eu égard aux commandemens, que les deux précédens. Le premier rang, comme on l'a déjà dit ci - devant, met d'abord genou à terre, ainsi que le second & le troisieme; s'il y a quatre rangs; le quatrieme se tient debout, & tire; le troisieme se leve ensuite, & tire aussi; le second fait immédiatement après la même manoeuvre, & ensuite le premier.

Pendant le tems que ces deux derniers rangs tirent, le quatrieme & le troisieme ont le tems de recharger leurs armes, & ils peuvent recommencer à tirer immédiatement après le premier; mais le premier & le second sont obligés de recharger debout, & de suspendre, pendant le tems qu'ils y employent, le feu du bataillon.

Dans l'ancienne maniere de tirer par rangs, on évitoit cet inconvénient.

Le premier rang tiroit d'abord, & il alloit ensuite, en passant dans les files du bataillon, en gagner la queue: le deuxieme en faisoit de même, après avoir tiré; puis le troisieme & le quatrieme, &c. De cette façon, les rangs qui avoient tiré les premiers, avoient le tems de recharger leurs armes avant de se retrouver en face de l'ennemi. Nos files serrées ne permettent point cette manoeuvre; cependant lorsque l'on fait tirer les troupes dans des circonstances où elles ne peuvent pas s'aborder, on pourroit peut - être encore se servir de cette méthode sans inconvénient, sur - tout en faisant faire à - droite aux rangs qui sont derriere celui qui est en face à l'enne mi; & cela afin d'avoir plus d'espace entre les files

(a) Il y auroit peut - être plus d'avantage à faire tirer les différens rangs du peloton immédiatement les uns après les autres, parce que l'effet des coups du premier rang ne se confondroit pas avec celui des coups du second, ni l'effet de celui - ci avec celui du troisieme. Il peut arriver en faisant tire: tous les rangs à la fois, qu'un même soldat ennemi reçoive deux coups également mortels; au lieu que s'il étoit tombé du premier, le soldat qui le suit auroit reçû le second. (b) L'intervalle ou la durée d'un tems dans l'exercice est à peu - près celui d'une seconde, pendant laquelle on peut prononcer, un, deux. Voyez l'Ordonnance du 6 Mai 2755. (c) On ne peut en attribuer la cause qu'au peu d'exercice des troupes. Il paroit à la vérité que l'exécution du feu par peloton peut être susceptible de plusieurs inconvéniens, à cause des différens commandemens qui se font en même tems aux pelotons qui doivent tirer de suite; mais le grand usage doit y former les troupes insensiblement.
pour le passage des soldats qui vont se reformer à la queue du bataillon.

On faisoit aussi quelquefois passer à droite & à gauche par les ailes du bataillon, les rangs qui avoient tiré, pour les faire regagner la queue; mais cette pratique étoit défectueuse, en ce que les soldats du second rang ne pouvoient tirer que lorsque le premier avoit quitté le front du bataillon; ce qui interrompoit la continuité du feu de la troupe, & le ralentissoit.

Il y avoit encore plusieurs autres manieres de tirer, qu'on peut voir dans le maréchal de Bataille de Lostelneau, dans la pratique de la guerre du chevalier de la Valiere, &c, mais qui seroient toutes de peu d'usage aujourd'hui, parce qu'elles exigent différens mouvemens devant l'ennemi, dont l'exécution seroit très - dangereuse. En esset, ceux qui ont le plus d'expérience dans cette matiere, prétendent que tout mouvement que l'on fait à portée de l'ennemi, qui change l'ordre & l'union des différentes parties du bataillon, l'expose presque toûjours à se rompre lui - même, & à faire volte - face.

On a toûjours cherché le moyen de faire faire aux troupes un feu réglé, de maniere que les soldats bien exercés pussent l'exécuter sans confusion. Cette régularité peut produire de grands avantages. Car par elle on ne se défait que de telle partie de son feu que l'on veut, & quand on le veut; au lieu qu'en laissant tirer les soldats à leur volonté, on peut se trouver dégarni de feu dans le tems qu'il est le plus nécessaire.

Il y a cependant quelques circonstances particulieres, où le feu sans ordre peut l'emporter sur le régulier, comme lorsque des troupes sont derriere des lignes ou des retranchemens. M. de Turenne l'ordonna dans un cas pareil au siege d'Etampes en 1652.

Les troupes qui défendoient cette ville contre l'armée du roi, ayant résolu de reprendre un ouvrage dont elle s'étoit emparée le matin, & d'insulter en même tems les lignes; elles sortirent en force de la place pour cet effet. Les lignes des assiegeans étoient presque entierement dégarnies de soldats, parce que les troupes qui les gardoient avoient été se reposer dans un des fauxbourgs de la ville assez éloigné du camp, à cause de l'action du matin, qui avoit été fort vive, laquelle avoit fait présumer par cette raison, que les assiegés n'entreprendroient rien de considérable pendant la journée.

On se trouvoit tout prêt d'être attaqué lorsqu'il « arriva dans le même moment 200 mousquetaires du régiment aux gardes. C'étoit tout ce qu'on avoit pû ramasser au camp. M. de Turenne leur recommanda, sans s'amuser à tirer tous ensemble, de bien ajuster leurs coups; ce qu'ils firent si à propos, que jamais un si petit nombre de soldats n'a fait tant d'exécution.» Mém. du duc d'Yorck, p. 17, II. vol. de l'Hist. de M. de Turenne, par M. de Ramsay.

Dans des cas de cette espece les soldats s'animent les uns & les autres à charger promptement & à tirer à coup sûr. L'attention n'est point distraite ou partagée par l'observation des commandemens pour tirer. Chacun le fait de son mieux, & ne le fait guere alors inutilement. Aussi M. Bottée dit - il que les Allemands craignent plus notre feu confus que notre feu ordonné. La raison qu'il en donne, c'est que le défaut d'exercice rend ce dernier défectueux, au lieu que dans l'autre un nombre de bons soldats tirent avec dessein & avec attention.

Il tire de - là cette conséquence, que si nos soldats étoient bien disciplinés à cet égard, ils apporteroient en tirant avec ordre, la même attention que lorsqu'ils le font sans ordre. Alors le feu régulier se<pb->

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