ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"623"> est fort recommandée par les anciens pour la guérison des maladies; Hippocrate ne desesperoit jamais d'un malade, que quand le feu ne pouvoit produire aucun effet; il comptoit encore efficacement sur cette ressource, après avoir tenté inutilement tous les autres moyens que l'art prescrit. Quoe medicamenta non sanant, ca ferrum sanat; quoe ferrum non sanat, ca ignis sanat; quoe verò ignis non sanat, ca insanabilia reputare oportet. Hipp. aphorism. sect. 7. Il ne faut pas croire qu'Hippocrate se soit servi du feu sans autre regle que l'inutilité reconnue des autres moyens, & qu'il ait envisagé son application comme un procédé douteux qu'on met en pratique à tout évenement dans un cas desespéré; l'administration de ce secours étoit méthodique; on raisonnoit sur son action & sur ses effets, les succès avoient confirmé les raisons de son usage, & les différentes circonstances avoient déterminé quelques variétés dans la façon de s'en servir suivant différentes intentions.

Lorsqu'il est nécessaire de procurer l'évacuation des matieres épanchées, Hippocrate paroît quelquefois laisser l'alternative de l'usage du fer ou du feu, mais il préfere absolument la cautérisation pour l'ouverture des abces profonds; la crainte de l'hémorrhagie pourroit autoriser cette pratique; on évitoit aussi par la déperdition de substance que la cautérisation produit, la nécessité de l'usage des tentes, des cannules & autres dilatans, sans lesquels la trop prompte réunion des parties extérieures mettroit obstacle à la sortie du pus avant l'entiere détersion du foyer de l'abcès. Hippocrate conseille la cautérisation pour l'ouverture des abcès au soie; mais au lieu du cautere actuel, c'est - à - dire du fer ardent, il parle de fuseaux de buis trempés dans de l'huile bouillante; son intention dans cette méthode étoit peut - être de vaincre la répugnance de certains malades timides, que l'aspect du feu actuel auroit portés à rejetter lâchement les secours efficaces de l'art.

Les douleurs opiniâtrement fixées sur une partie, lorsqu'elles avoient résisté à tous les autres moyens curatifs, exigeoient la cautérisation; Hippocrate la recommande dans les maux de tête rebelles. Il conseille de brûler du lin crud dans l'affection sciatique sur le lieu où la douleur se fait sentir. Cette maniere de cautériser est encore aujourd'hui pratiquée aux Indes; on se sert d'une mousse nommée moya. Quelques auteurs prétendent que par le lin crud d'Hippocrate, il ne faut pas entendre les étoupes ou la filasse de lin, mais plûtôt la toile de lin neuve. Les Egyptiens en ont conservé l'usage, suivant Prosper Alpin, qui dit que dans ce pays on enveloppe un peu de coton dans une piece de toile de lin, roulée en forme de pyramide: & le feu étant mis du côté pointu, on applique la base de cette pyramide sur la partie qu'on veut cautériser.

On lit dans les actes de Copenhague, volume V. une lettre de Thomas Barcholin à Horstius, sur le moya, dont il assûre avoir vû les bons effets sur des tophus vénériens à Naples, chez Marc Aurele Séverin. Il en conseille l'usage dans les douleurs des articulations causées par fluxions d'humeurs froides & flatueuses. Horstius écrit de Francfort à Bartholin, que l'usage du moya est ordinaire dans les affections arthritiques & goutteuses, & que cette brûlure n'est pas fort douloureuse, quoiqu'on la fasse sur une partie saine, ce qu'il assûre avoir éprouvé sur lui - même. Sa lettre est du 17 Avril 1678. On voit que le moya dont Horstius vante les bons effets, n'agit pas différemment que le coton des Egyptiens, que le lin crud d'Hippocrate, & de même que feroit un morceau d'amadou.

Hippocrate nous enseigne un moyen de cautériser, dont on pourroit se servir utilement dans certains cas. Lorsqu'il vouloit brûler profondement, il met<cb-> toit dans la plaie faite par l'application du cautere, une éponge trempée dans de l'huile, & sur laquelle on appliquoit le feu de nouveau. On réitéroit cette opération autant qu'on le jugeoit convenable. Cette méthode de cautériser n'est point à négliger; elle paroit sur - tout convenir pour dessécher la carie & en prévenir les progres dans les os spongieux, ou elle fait de si grands ravages, par la facilité qu'ils ont d'absorber les matieres purulentes. Il est évident que l'application immédiate du feu ne peut agir que sur l'extérieur (cette action est bornée à la surface découverte de l'on); & qu'on pourroit faire pénétrer profondement dans sa substance des remedes puissamment dessicatifs, par le procédé que je viens d'exposer.

Celse recommande la cautérisation dans les érésypeles gangréneux, si la pourriture est consalérable: si le mal s'étend & gagne les parties circonvoisines, il faut brûler, dit - il, jusqu'à ce qu'il ne découle plus d'humeur; car les parties saines demeurent seches lorsqu'on les brûle. Cette pratique seroit aussi salutaire de nos jours, que du tems de Celse.

La morsure des animaux enragés est un cas où la méthode des anciens devroit être la regle de notre conduite. Ils ne manquoient pas de cautériser ces sortes de plaies. Celse prescrit cette opération; mais AEtius a parlé plus amplement sur ce point. On ne peut, dit - il, donner trop promptement du secours à ceux qui ont été mordus d'un chien enragé, quam celerrimè; car aucun de ceux qui n'ont pas été traités méthodiquement, n'en est échappé. D'abord on commence par aggrandir la plaie avec l'instrument tranchant, & l'on en scarifie assez profondément l'intérieur, pour faire sortir beaucoup de sang de cet endroit. On cautérise ensuite avec des fers rouges. On panse avec des poireaux, des oignons ou de l'ail avec du sel; & lorsque les escarres seront tombées, il faut bien se garder de cicatriser les ulceres avant quarante ou soixante jours; & s'ils viennent à se fermer, il ne faut point hésiter à les ouvrir de nouveau. Voilà la doctrine d'AEtius; les modernes n'ont rien dit de mieux sur ce cas.

Les anciens abusoient du feu en beaucoup de circonstances, mais les modernes le négligent trop. Le célebre Ambroise Paré, par l'invention de la ligature des vaisseaux, a banni le cautere actuel de la pratique ordinaire des opérations. Il a proscrit la cautérisation avec l'huile bouillante du traitement des plaies d'armes - à - feu. Mais il recommande le cautere en beaucoup de cas, & il donne la préférence au cautere actuel sur le potentiel. L'opération du feu est plus prompte & plus sûre; & l'on ne touche absolument que la partie qu'on veut cautériser. Les cauteres actuels sont, dit - il, ennemis de toute pourriture, parce qu'ils consument & dessechent l'humidité étrangere imbue en la substance des parties, & corrigent l'intempérature froide & humide, ce que ne peuvent faire les potentiels; lesquels aux corps cacochymes causent quelquefois inflammation, gangrene & mortification; ce que j'ai vû, dit Paré, à mon grand regret: toutefois nous sommes souvent obligés d'en user par l'horreur que les malades ont du fer ardent. Cette horreur est un préjugé, car Glandorp qui a fait un traité dans lequel il rapporte tout ce qui a été dit sur la matiere des cauteres par les anciens & par les modernes, assûre, après avoir éprouvé lui - même la différence du cautere actuel & du potentiel, qu'il aimeroit mieux qu'on lui en appliquât six de la premiere espece, qu'un de la seconde. Le cautere actuel fait plus de peur que de mal, majorem metum quam dolorem incutit.

Fabrice d'Aquapendente tient un rang distingué parmi les auteurs de Chirurgie; il avoit étudié les anciens avec le plus grand soin, mais il ne suit pas [p. 624] aveuglément leurs préceptes: il rejette l'usage du feu en beaucoup de cas où les anciens l'employoient. En général, il est le partisan déclaré des moyens les plus doux; il conseille néanmoins de cautériser les articulations abreuvées de sucs pituiteux: il rapporte à cette occasion les préceptes des anciens, mais il se décide d'après sa propre expérience. Il avoit essayé sans succès l'application des remedes capables d'amollir & de discuter la matiere que rendoit un genou fort gonflé & très - dur: le malade guérit par l'application de cinq ou six cauteres actuels, ronds, & assez larges. Il cite un autre cas qui lui fera encore plus d'honneur dans l'esprit des gens de bien. Un homme de considération avoit le genou si gonflé & si dur, qu'il ne pouvoit le faire mouvoir. Fabrice, appellé avec Capivaccius, jugea que cette maladie étoit incurable. Un empyrique qu'on appella, mit un médicament irritant sur la partie, qui y excita une grande inflammation, avec chaleur, rougeur & douleur. Dès ce moment même le genou acquit un peu de mouvement, & les choses ont toûjours été de mieux en mieux jusqu'à la parfaite guérison. L'amour de la vérité & du bien public fait dire à notre auteur que cet empyrique a fait une cure qu'il n'a pas osé entreprendre, & il en prend occasion d'expliquer le fait, en disant que le caustique a échauffé & atténué la matiere froide & épaisse qui formoit la tumeur.

Fabrice d'Aquapendente appliquoit quelquefois le feu de façon qu'il n'avoit point d'action immédiate sur la partie. Pour la guérison d'un ozeme ou ulcere de l'intérieur du nez, il mit une cannule dans la narine, & porta le fer ardent dans cette cannule, dans la vûe d'échauffer la partie, & d'en dessécher l'humidité.

Le cautere actuel paroît n'être resté dans la Chirurgie, que lorsqu'il s'agit de détruire les caries & de hâter les exfoliations; encore n'est - ce que dans le cas où l'on ne peut être sûr d'enlever exactement le vice local par le tranchant de la gouge ou du ciseau. Il est certain que l'instrument tranchant est en général préférable pour l'ouverture ou pour l'extirpation des tumeurs; mais dans les abcès gangréneux on ne retirera pas le même effet de l'instrument tranchant, que du cautere actuel. Dans les tumeurs dures qui ne sont pas susceptibles d'être simplement ouvertes, si l'indication exige qu'on y attire de l'inflammation pour les faire suppurer plus promptement, les cauteres potentiels peuvent être employés; ils font naître & attirent la putréfaction. Mais si la tumeur est déjà disposée à la pourriture, le cautere potentiel ne convient point, le feu actuel est préférable. L'incision nécessaire pour donner issuë aux matieres, a souvent donné lieu à une plus grande corruption dans certains anthrax. L'excès de l'air rend la pourriture contagieuse, & lui fait faire des progrès. L'application du feu n'a pas cet inconvénient; il augmente la force vitale dans les vaisseaux circonvoisins, & il forme à l'extrémité divisée des vaisseaux, une escarre solide qui tient lieu des tégumens naturels. Que pouvoit - on faire de mieux que de porter le feu sur ces maux de gorge gangréneux qui ces années dernieres ont fait périr tant de monde? C'étoit une espece de charbon placé dans un lieu chaud & humide, disposé par conséquent à une prompte putréfaction par sa situation même, indépendamment de sa nature. Les scarifications n'ont fait aucun bien, & la cautérisation auroit probablement arrêté les progrès du mal, si on l'eût employée à tems. (Y)

Feu (Page 6:624)

Feu, (Jurisprud.) Ce terme a dans cette matiere plusieurs significations différentes.

Feu signifie fort souvent ménage. Chaque feu, dans certains endroits, paye au seigneur un droit appellé foüage: foragium, à foro. (A)

Feu est pris quelquefois pour domicile; c'est en ce sens que l'on dit que les mandians & vagabonds n'ont ni feu ni lieu. Voyez Mandians & Vagabonds. (A)

Feu, dans d'autres occasions, est pris pour incendie. Les regles que l'on suit, dans ce cas, pour savoir qui est garant du dommage causé par le feu, seront expliquées au mot Incendie. (A)

Feu du ciel, c'est le tonnerre. Personne n'est garant du feu du ciel, c'est - à - dire du dommage causé par le tonnerre, qui est un cas fortuit & une cause majeure. Voyez Incendie. (A)

Feu se dit aussi, par abréviation, pour exprimer la peine du feu: on dit condamner au feu, ou à étre brûlé vif, &c. On condamne au feu ceux qui ont commis quelque sacrilege, les empoisonneurs, les incendiaires, &c. Voyez Peines. (A)

Feu ou défunt, fato functus.

Feu signifie aussi quelquefois les chandelles ou bougies dont on se sert pour certaines adjudications. On compte le premier feu, le second feu, le troisieme feu, c'est - à - dire la premiere, seconde, troisieme bougie, &c. On adjuge à l'extinction des feux. Voyez Chandelle éteinte. (A)

Feu, (Couvre - ) voyez Couvre - Feu.

Feu croissant & vacant, en Bresse, signifie la vie d'un homme. Il est dû chaque année au seigneur d'Artemare par ses hommes de main - morte ou affranchis, une gerbe de froment pour le feu croissant & vacant, ou une bicherée de froment mesure de Châteauneuf. Collet, sur les statuts de Savoie, livre III. titre j. des droits seigneuriaux, p. 37. est d'avis que ces termes, feu croissant & vacant, signifient la vie d'un homme, parce qu'il est sujet à ce devoir dès sa naissance jusqu'à sa mort; ou dès qu'il fait son habitation à part, & qu'il devient chef de famille, jusqu'à ce qu'il cesse de demeurer dans cet état. Collet pense aussi que ces termes, feu croissant & vacant, veulent dire que ceux qui vont s'établir dans cette terre d'Artemare, & font feu croissant & augmentant le nombre des feux du lieu, deviennent sujets à la redevance dont on a parlé; & que ceux qui quittent ce lieu pour aller demeurer ailleurs, & par - là font feu vacant, n'en sont pas pour cela exempts. Voyez Main - morte & suite. (A)

Fnu (Page 6:624)

Fnu, dans l'Art militaire, exprime les coups qu'on tire avec les armes à feu, comme les canons, les mortiers, les fusils, les mousquetons, &c.

Ainsi faire feu sur une troupe, c'est tirer sur elle avec des armes à feu.

Le terme de feu s'employe plus ordinairement pour exprimer les coups qu'on tire avec le fusil, qu'avec les autres armes à feu.

Le feu de l'infanterie ne consiste que dans les décharges successives du fusil; & celui de la cavalerie, dans celles du mousqueton & du pistolet, dont les cavaliers sont armés.

Le feu d'une place est formé des décharges que l'on fait de la place, avec les armes à feu dont on la défend; mais on entend néanmoins ordinairement par ce feu, celui du canon de la place: c'est pourquoi on dit qu'on a fait taire le feu d'une place, lorsqu'on en a démonté les batteries.

On distingue plusieurs sortes de feux dans l'infanterie, suivant l'ordre dans lequel on fait tirer les soldats.

L'ordonnance du 6 Mai 1755, sur l'exercice de l'infanterie, en établit cinq; savoit le feu par section, par peloton, par deux pelotons, par demi - rang & par bataillon.

Il faut observer que, suivant cette ordonnance, la section est formée d'une compagnie, & le peloton de deux; ainsi les deux pelotons font quatre compagnies, c'est - à - dire le tiers du bataillon, lorsqu'il est de douze, non compris celle des grenadiers.

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