ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"589"> pareils branchages, étoient proprement ajustées en colonnes torses: de la voûte centrale de cet arc de triomphe champêtre, descendoit une couronne de verdure, & au - dessus du portique du côté que venoit madame la dauphine, étoit un grand cartouche verd, où on lisoit en gros caracteres: A la bonne arribado de noste dauphino.

On voyoit sur la même façade cette autre inscription latine; les six mots dont elle étoit composée furent rangés ainsi:

Jubet amor, Fortuna negat, Natura juvat.

Les pâtres, au nombre de trois cents, étoient rangés en haie entre les arbres, à commencer de l'arc de triomphe du côté que venoit madame la dauphine; ils avoient tous un bâton, dont le gros bout se perdoit dans une touffe de verdure. Ils étoieut habillés uniformément comme ils ont coûtume d'être en hyver, avec une espece de sur - tout de peau de mouton, fournie de sa laine, des guêtres de même, & sur la tête, une toque appellée vulgairement barret, qui étoit garnie d'une cocarde de rubans de soie blanche & rouge.

Outre ces trois cents pâtres à pié, il y en avoit à leur tête cinquante habillés de même, montés sur des échasses d'environ 4 piés. Ils étoient commandés par un d'entr'eux, qui eut l'honneur de présenter par écrit à madame la dauphine, leur compliment en vers dans leur langage.

Le compliment fut terminé par mille & mille cris de vive le Roi, vive la Reine, vive monseigneur le Dauphin, vive madame la dauphine.

Les députés du corps de ville de Bordeaux vinrent à Castres le 26. Ils furent présentés à madame la dauphine, & le lendemain elle arriva à Bordeaux sur les trois heures & demie du soir, au bruit du canon de la ville & de celui des trois forts. La princesse trouva à la porte S. Julien un arc de triomphe très - beau, que la ville avoit fait élever.

Le plan que formoit la base de cet édifice, étoit un rectangle de 60 piés de longueur & de 18 piés de largeur, élevé de soixante piés de hauteur, non compris le couronnement. Ses deux grandes faces étoient retournées d'équerre sur le grand chemin, ornées d'architecture d'ordre dorique, enrichies de sculpture & d'inscriptions. Il étoit ouvert dans son milieu par une arcade de plein ceintre, en chacune de ses deux faces, qui étoient réunies entr'elles par une voûte en berceau, dont les naissances portoient sur quatre colonnes isolées, avec leurs arriere - pilastres, ce qui formoit un portique de 14 piés de largeur sur 30 piés de hauteur.

Les deux côtés de cet édifice en avant - corps formoient deux quarrés, dont les angles étoient ornés par des pilastres corniers & en retour, avec leurs bases & chapiteaux portant un entablement qui regnoit sur les quatre faces de l'arc de triomphe. La frise étoit ornée de ses triglifes & métopes, enrichis alternativement de fleurs - de - lis & de tours en bas relief. La corniche l'étoit de ses mutules, & de toutes les moulures que cet ordre prescrit.

Au - dessus de cet entablement s'élevoit un attique, où étoient les compartimens qui renfermoient des inscriptions que nous rapporterons plus bas.

A l'à - plomb de huit pilastres, & au - dessus de l'attique, étoient posés huit vases, quatre sur chaque face, au milieu desquelles étoient deux grandes volutes en adoucissement, qui servoient de support aux armes de l'alliance, dont l'ensemble formoit un fronton, au sommet duquel étoit un étendart de 27 piés de hauteur sur 36 de largeur, avec les armes de France & d'Espagne.

Les entre - pilastres au pourtour étoient enrichis de médaillons, avec leurs festons en sculpture: au bas desquels & à leur à - plomb étoient des tables refoüillées, entourées de moulures; l'imposte qui regnoit entre deux, servoit d'architrave aux quatre colonnes & aux quatre pilastres, portant le ceintre avec son archivolte.

Cet édifice, qui étoit de relief en toutes ses parties, étoit feint de marbre blanc. Il étoit exécuté avec toute la sévérité des regles attachées à l'ordre dorique.

Sur le compartiment de l'attique, tant du côté de la campagne que de celui de la ville, étoit l'inscription suivante: Anagramma numericum. Unigenire regis silio Ludovico, & augustoe principi Hispanioe, connubio junctis, civitas Burdigalensis & sex viri erexerunt. *

Au - dessous de cette insetiption & dans la frise de l'entablement, étoit ce vers tiré de Virgile.

Ingredere, & votis jam nunc assuesce vocari. * *

Les médailions en bas - relief des entre - pilastres, placés au - dessus des tables refouillées & impostes ci - dessus décrits, renfermoient les emblêmes suivans.

Dans l'un, vers la campagne, on voyoit la France tenant d'une main une fleur - de - lis, & de l'autre une corne d'abondance.

Elle étoit habillée à l'antique, avec un diadème sur la tête & un écusson des armes de France à ses piés. L'Espagne étoit à la gauche, en habit militaire, comme on la voit dans les médailles antiques, avec ces mots pour ame, concordia oeterna, union éternelle; dans l'exergue étoit écrit, Hispania, Gallia; l'Espagne, la France.

Dans l'autre, aussi vers la campagne, la ville de Bordeaux étoit représentée par une figure, tenant une corne d'abondance d'une main, & faisant remarquer de l'autre son port. Derriere elle on voyoit son ancien amphithéatre, vis - à - vis la Garonne, qui étoit reconnoissable par un vaisseau qui paroissoit arriver: l'inscription, Burdigalensium gaudium, & dans l'exergue ces mots, adventus Delphinoe 1745; l'arrivée de madame la dauphine remplit de joie la ville de Bordeaux.

Du côté de la ville, l'emblème de la droite représentoit un miroir ardent qui reçoit les rayons du soleil, & qui les refléchit sur un flambeau qu'il allume; & pour légende, coelesti accenditur igne, le feu qui l'a allumé vient du ciel.

Dans l'autre, on voyoit la déesse Cybele assise entre deux lions, couronnée de tours, tenant dans sa main droite les armes de France, & dans sa gauche une tige de lis. Pour légende, ditabit olympum nova Cybeles, cette nouvelle Cybele enrichira l'olympe de nouveaux dieux.

Sur les côtés de cet arc de triomphe, étoient deux médaillons sans emblème. Au premier, felici adventui, à l'heureuse arrivée. Au second, venit expectata dies, le jour si attendu est arrivé.

Madame la dauphine trouva auprès de cet arc de triomphe le corps de ville qui l'attendoit. Le comte de Segur étoit à la tête. Le corps de ville eut l'honneur d'être présenté à madame la dauphine par M. Desgranges, & de la complimenter: le comte de Segur porta la parole.

Le compliment fini, le carrosse de madame la dauphine passa lentement sous l'arc de triomphe, & entra dans la rue Bouhaut. Toutes les maisons de cette rue, qui a plus de deux cents toises de long en

* Anagramme numérique. La ville & les jurats de Bordeaux ont érigé cet arc de triomphe en l'nonneur du mariage de monseigneur le Dauphin, tils unique du Roi, & de madame infante d'Espagne. ** Arrivez, auguste Princesse, & reçevez avec bonté l'hommage de nos coeure.
[p. 590] ligne presque droite, & que l'Intendant avoit eu soin de faire paver de neuf, pour que la marche y fût plus douce, étoient couvertes des plus belles tapisseries.

Au bout de la rue madame la dauphine vit la perspective du palais que l'on y avoit peint. De la porte de S. Julien on découvre du fond de la rue Bouhaut, à la distance d'environ deux cents toises, les faces des deux premieres maisons qui forment l'embouchure de la rue du Cahernan, qui est à la sûite & sur la même direction que la précédente. Celle de la droite, qui est d'un goût moderne & fort enrichie d'aschitecture, présentoit un point de vûe agréable, bien différent de celle de la gauche, qui n'étoit qu'une masure informe.

Pour éviter cette difformité & corriger le défaut de symmétrie, on y éleva en peinture le pendant de la maison de la droite; & entre les deux on forma une grande arcade, au - dessus de laquelle les derniers étages de ces deux maisons étoient prolongés, de façon qu'ils s'y réunissoient, & que par leur ensemble elles présentoient un palais de marbre lapis & bronze, richement orné de peintures & dorures, avec les armes de France & d'Espagne accompagnées de plusieurs trophées & attributs relatifs à la fête.

Ce bâtiment, dont le portique ou arcade faisoit l'entrée de la rue du Cahernan, produisoit un heureux effet; le carrosse de madame la dauphine tourna à droite pour entrer sur les fossés où étoit le corps des six régimens des troupes bourgeoises. Elle passa sous un nouvel arc de triomphe, placé vis - à - vis les fenêtres de son appartement.

La rue des Fossés est très - considérable, tant par sa longueur, qui est de plus de 400 toises, que par sa largeur, d'environ 80 piés: on s'y replie sur la droite dans une allée d'ormeaux, qui regne au milieu & sur toute la longueur de la rue.

On avoit élevé dans cette allée un superbe corps de bâtiment isolé, de 32 piés en quarré, sur 48 piés de hauteur, qui répondoit exactement aux fenêtres de l'appartement préparé pour madame la dauphine.

L'avantage de cette situation avoit animé l'architecte à rendre ce morceau d'architecture digne des regards de l'auguste princesse pour laquelle il étoit destiné.

Cet ouvrage, qui formoit un arc de triomphe, étoit ouvert en quatre faces par quatre arcades, chacune de 32 piés de hauteur sur 16 piés de largeur, dont les opposées étoient réunies par deux berceaux qui perçoient totalement l'édifice, & formoient pat leur rencontre une voûte d'arête dans le milieu.

Ce bâtiment, quoique sans colonnes & sans pilastres, étoit aussi riche qu'élégant. Les ornemens y étoient en abondance, & sans confusion; le tout en sculpture de relief & en dorure, sur un fond de marbre de différentes couleurs.

Ces ornemens confistoient en seize tables saillantes, couronnées de leurs corniches, & accompagnées de leurs chûtes de festons.

Seize médailles entourées de palmes, avec les chiffres en bas - relief de monseigneur le Dauphin & de madame la dauphine.

Quatre impostes avec leurs frises couronnoient les quatre corps solides sur lesquels reposoit l'édifice, & entres lesquels étoient les arcades ou portiques, dont les voûtes étoient enrichies de compartimens de mosaïque, parsemés de fleurs - de - lis, & de tours de Castille dorées.

On avoit suspendu sous la clé de la voûte d'arête une couronne de six piés de diametre, & de hauteur proportionnée, garnie de lauriers & de fleurs, avec des guirlandes dans le même goût: ouvrage que madame la dauphine pouvoit appercevoir sans cesse de ses fenêtres.

Au - dessus des impostes & à côté de chaque archivolte, étoient deux panneaux refouillés & enrichis de moulures.

L'entablement qui couronnoit cet édifice, étoit d'ordre composite, avec architrave, frise & corniche, enrichie de ses médaillons & rosettes, dont les profils & saillies étoient d'une élégante proportion.

Quatre écussons aux armes de France & d'Espagne étoient posés aux quatre clés des ceintres, & s'élevoient jusqu'au haut de l'entablement. Ces armes étoient accompagnées de festons & chûtes de fleurs.

L'édifice étoit terminé par des acroteres ou piéd'estaux couronnés de leurs vases, posés à l'à - plomb des quatre angles, dont les intervalles étoient remplis de balustrades qui renfermoient une terrasse de 30 piés en quarré, sur quoi étoit élevée une pyramide de 40 piés de hauteur, pour recevoir l'appareil d'un feu d'artifice qui devoit être exécuté le soir de l'arrivée de madame la dauphine.

Cet édifice avoit environ 86 piés d'élevation, y compris la pyramide.

Madame la dauphine entra enfin dans la cour de l'hôtel - de - ville destiné pour son palais, pendant le séjour qu'elle feroit à Bordeaux.

A l'entrée de la cour, étoit l'élite d'un régiment des troupes bourgeoises, dont les jurats avoient composé la garde de jour & de nuit.

Les gardes de la porte & ceux de la prevôté occupoient la premiere salle de l'hôtel - de - ville; la porte de cette salle étoit gardée au - dehors par les troupes bourgeoises.

Les cent - suisses occupoient la seconde salle; les gardes - du - corps la troisieme.

Dans la quatrieme, il y avoit un dais garni de velours cramoisi, avec des galons & des franges d'or; le ciel & le dossier étoient ornés dans leurs milieux des écussons des armes de France & d'Espagne, d'une magnifique broderie en or & argent; sous ce dais, un fauteüil doré sur un tapis de pié, avec un carreau, le tout de même velours, garni de galons, glands, & crépines d'or.

La chambre de madame la dauphine étoit meublée d'une belle tapisserie, avec plusieurs trumeaux de glace, tables en consoles, lustres & girandoles; on n'y avoit pas oublié, non plus que dans la piece précédente, le portrait de monseigneur le Dauphin.

Les jurats revêtus de leurs robes de cérémonie, vinrent recevoir les ordres de madame la dauphine, & lui offrir les présens de la ville.

A l'entrée de la nuit il fut fait une illumination générale, tant dans la ville que dans les fauxbourgs; & sur les huit heures on tira un feu d'artifice. On servit ensuite le souper de madame la dauphine, pendant lequel plusieurs musiciens placés dans une chambre voisine, exécuterent des symphonies italiennes.

Le 28 la ville offrit des présens aux dames & aux seigneurs de la cour de madame la dauphine, & aux principaux officiers de sa maison.

A midi madame la dauphine se rendit à l'église métropolitaine, accompagnée des dames & seigneurs de sa cour, & des principaux officiers de sa maison.

Elle entra dans cette église par la porte royale, dont le parvis étoit jonché de fleurs naturelles.

On avoit aussi fait orner cette porte de guirlandes de fleurs semblables, & on y avoit mis les armes de France & d'Espagne, & de monseigneur le Dauphin, celles du chapitre au - dessous.

Cette princesse fut haranguée par le doyen du chapitre, & conduite processionnellement jusqu'au milieu du choeur; & quand la messe fut finie, le chapitre qui s'étoit placé dans les stalles, en sortit pour

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