ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"587"> à la droite & à la gauche du temple, au - delà de l'illumination des pyramides, deux cents caisses de fusées de cinq à six douzaines chacune. Ces caisses tirées cinq à la fois, succéderent à celles qu'on avoit vù partir des tourelles, à commencer de chaque côté, depuis les premieres, auprès du temple, & successivement jusqu'aux extrémités à droite & à gauche.

Alors les cascades ou nappes de feu rouge sortirent des cinq arcades de l'éperon du pont - neuf; elles sembloient percer l'illumination dont les trois façades étoient revêtues, & dont les yeux pouvoient à peine soûtenir l'éclat. Dans le même tems un combat de plusieurs dragons commença sur la Seine, & le feu d'eau couvrit presque toute la surface de la riviere.

Au combat des dragons succéderent les artifices dont les huit bateaux de lumieres étoient chargés. Au même endroit, dans un ordre différent, étoient trente - six cascades ou fontaines d'artifice d'environ trente piés de haut, dans de petits bateaux, mais qui paroisioient sortir de la riviere.

Ce spectacle des cascades, dont le signal avoit été donné par un soleil tournant, avoit été précédé d'un berceau d'étoiles produit par cent soixante pots à aigrettes, placés au bas de la terrasse de l'éperon.

Quatre grands bateaux servant de magasin à l'artifice d'eau, étoient amarrés près des arches du pontneuf, au courant de la riviere, & quatre autres pareils du côté du pont - royal. L'artifice qu'on tiroit de ces bateaux, consistoit dans un grand nombre de gros & petits barrils chargés de gerbes & de pots, qui remplissoient l'air de serpenteaux, d'étoiles & de genouillieres. Il y avoit aussi un nombre considérable de gerbes à jetter à la main, & de soleils tournant sur l'eau.

La fin des cascades fut le signal de la grande girande sur l'attique du temple, qui étoit composée de pres de six mille fusées. On y mit le feu par les deux extrémités au même instant; & au moment qu'elle parut, les deux petites girandes d'accompagnement, placées sur le milieu des trotoirs du pont - neuf, de chaque coté, composées chacune d'environ cinq cents fusées, partirent, & une derniere salve de canon termina cette magnifique fête.

Tout l'artifice étoit de la composition de M. Elric, saxon, capitaine d'Artillerie dans les troupes du roi de Prusse.

Le lendemain, 30 Août, M. Turgot voulut encore donner un nouveau témoignage de zele au Roi, à madame Infante, & à la famille royale. Il étoit un de ces hommes rares qui ont l'art de rajeunir les objets; ils les mettent dans un jour dont on ne s'étoit pas avisé avant eux, ils ne sont plus reconnoissables. Telle sut la magie dont se servit alors feu M. Turgot. Il trouva le secret de donner un bal magnifique qui amusa la Cour & Paris toute la nuit, dans le local le moins disposé peut - être pour une pareille entreprise. M. le maréchal de Richelieu parut en 1745 avoir hérité du secret de ce magistrat célebre. Voyez Fètes de la Cour de France

Bal de la ville de Paris, donné dans son hôtel la nuit du 30 Août 1739.

Trois grandes salles dans lesquelles on dansa, avoient été préparées avec le plus de soin, & décorées avec autant d'adresse que d'élégance. L'architecture noble de la premiere, qu'on avoit placée dans la cour, étoit composée d'arcades & d'une double colonnade à deux étages, qui contribuoient à l'ingénieuse & riche décoration dont cette salle fut ornée. Pour la rendre plus magnifique & plus brillante par la variété des couleurs, toute l'architecture fut peinte en marbre de différentes especes; on y préféra ceux dont les couleurs étoient les plus vives, les mieux assorties, & les plus convenables à la clarté des lumieres & aux divers ornemens de relief rehaussés d'or, qui représentoient les sujets les plus agréables de la fable, embellis encore par des positions & des attributs relatifs à l'objet de la fête.

Au fond de cette cour changée en salle de bal, on avoit construit un magnifique balcon en amphithéatre, qui étoit rempli d'un grand nombre de symphonistes. L'intérieur de toutes ces arcades étoit en gradins, couvets de tapis en forme de loges, d'une très - belle disposition, & d'une grande commodité pour les masques, auxquels on pouvoit servir des rafraîchissemens par les derrieres. Elle étoit couverte d'un plafond de niveau, & éclairée d'un très - grand nombre de lustres, de girandoles & de bras à plusieurs branches, dont l'ordonnance déceloit le goût exquis qui ordonnoit tous ces arrangemens.

La grande salle de l'hôtel - de - ville, qui s'étend sur toute la façade, servoit de seconde salle; elle étoit décorée de damas jaune, enrichi de fleurs en argent: on y avoit éle vé un grand amphithéatre pour la symphonie. Les embrasures & les croisées étoient disposées en estrades & en gradins, & la salle étoit éclairée par un grand nombre de bougies.

La troisieme salle étoit disposée dans celle qu'on nomme des gouverneurs; on l'avoit décorée d'étoffe bleue, ornée de galons & gaze d'or, ainsi que l'amphithéatre pour la symphonie: elle étoit éclairée par une infinité de lumieres placées avec art.

On voyoit par les croisées de ces deux salles, tout ce qui se passoit dans la premiere: c'étoit une perspective ingénieuse qu'on avoit ménagée pour multiplier les plaisirs. On communiquoit d'une salle à l'autre par un grand appartement éclairé avec un art extrème.

Auprès de ces trois salles on avoit dressé des buffets décorés avec beaucoup d'art, & munis de toutes sortes de rafraîchissemens, qui furent offerts & distribués avec autant d'ordre & d'abondance que de politesse.

On compte que le concours des masques a monté à plus de 12000 depuis les huit heures du soir, que le bal commença, jusqu'à huit heures du matin. Toute cette fête se passa avec tout l'amusement, l'ordre & la tranquillité qu'on pouvoit desirer, & avec une satisfaction & un applaudissement général.

Les ordres avoient été si bien donnés, que rien de ce qu'on auroit pû desirer n'y avoit été oublié. Les précautions avoient été portées jusqu'à l'extrème, & tous les accidens quelconques avoient dans des endroits secrets, les remedes, les secours, les expédiens qui peuvent les prévenir ou les réparer. La place de Greve & toutes les avenues furent toûjours libres, ensorte qu'on abordoit à l'hôtel - de - ville commodément, sans accidens & sans tumulte. Des fallots sur des poteaux, éclairoient la place & le port de la Greve, jusque vers le Pont - Marie, où l'on avoit soin de faire défiler & ranger les carrosses; il y avoit des barrieres sur le rivage, pour prévenir les accidens.

Toutes les dispositions de cette grande fête ont été conservées dans leur état parfait pendant huit jours, pour donner au peuple la liberté de les voir.

Les grands éffets que produisit cette merveilleuse fête, sur plus de 600000 spectateurs, sont restés gravés pour jamais dans le souvenir de tous les François. Aussi le nom des Turgots sera - t - il toujours cher à une nation sensible à la gloire, & qui mérite plus qu'une autre de voir éclore dans son sein les grandes idées des hommes. Voyez Illumination, Feu d'Artifice, &c.

Il y a eu depuis des occasions multipliées, où la ville de Paris a fait éclater son zèle & sa magnificence; ainsi la convalescence du plus chéri de nos Rois, son retour de Metz (voyez Festins Royaux), [p. 588] nos victoires, les deux mariages de monseigneur le Dauphin, ont été célébrés par des fêtes, des illuminations, des bals, des feux d'artifice; mais un trait éclatant, supérieur à tous ceux que peuvent produire les arts, un trait qui fait honneur à l'humanité, & digne en tout d'être éternisé dans les fastes de l'Europe, est l'action généreuse qui tint lieu de fête à la naissance de monseigneur le duc de Bourgogne.

Six cents mariages faits & célébrés aux dépens de la ville, furent le témoignage de son amour pour l'état, de son ardeur pour l'accroissement de ses forces, de l'humanité tendre qui guide ses opérations dans l'administration des biens publics.

Dans tous les tems cette action auroit mérité les loüanges de tous les gens de bien, & les transports de reconnoissance de la nation entiere. Une circonstance doit la rendre encore plus chere aux contemporains, & plus respectable a la postérité.

Au moment que le projet fut proposé à la ville, les préparatifs de la plus belle fête étoient au point de l'exécution. C'est à l'hôtel de Conty que devoit être donné le spectacle le plus ingénieux, le plus noble, le moins ressemblant qu'on eût imaginé encore. Presque toutes les dépenses étoient faites. J'ai vû, j'ai admiré cent fois tous ces magnifiques préparatiss. On avoit pris des précautions infaillibles contre les caprices du tems, l'évenement auroit illustré pour jamais & l'ordonnateur, & nos meilleurs artistes occupés à ce superbe ouvrage. Le succès paroissoit sûr. La gloire qui devoit le suivre fut sacrifiée, sans balancer, au bien plus solide de donner à la patrie de nouveaux citoyens. Quel est le vrai françois qui ne sente la grandeur, l'utilité, la générosité noble de cette résolution glorieuse? Quelle admirable leçon pour ces hommes superficiels, qui croyent se faire honneur de leurs richesses en se livrant à mille goûts frivoles! Quel exemple pour nos riches modernes, qui ne restituent au public les biens immenses qu'ils lui ont ravis, que par les dépenses superflues d'un luxe mal entendu, qui, en les déplaçant, les rend ridicules!

Toutes les villes considérables du royaume imiterent un exemple aussi respectable; & l'état doit ainsi à l'hôtel - de - ville de sa capitale, une foule d'hommes nés pour l'aimer, le servir, & le défendre. (B)

Fêtes des grandes Villes du Royaume de (Page 6:588)

Fêtes des grandes Villes du Royaume de France. C'est ici qu'on doit craindre les dangers d'une matiere trop vaste. Rien ne seroit plus agréable pour nous, que de nous livrer à décrire par des exemples aussi honorables que multipliés les ressources du zêle de nos compatriotes, dans les circonstances, où leur amour pour le sang de leurs rois a la liberté d'éclater. On verroit dans le même tableau la magnificence constante de la ville de Lyon embellie par le goût des hommes choisis qui la gouvernent, toûjours marquée au coin de cet amour national, qui fait le caractere distinctif de ses citoyens. A côté des fêtes brillantes, qui ont illustré cette ville opulente, on seroit frappé des ressources des habitans de nos beaux ports de mer, dans les circonstances où le bonheur de nos rois, ou la gloire de la patrie, leur ont fourni les occasions de montrer leur adresse & leur amour. On trouveroit dans le coeur de la France, sous les yeux toûjours ouverts de nos Parlemens, des villes plus tranquilles, mais moins opulentes, suppléer dans ces momens de joie, à tous les moyens faciles qu'offre aux autres la fortune par l'activité, l'élégance, les nouveautés heureuses, les prodiges imprévûs que fournit à l'industrie & au bon esprit la fécondité des talens & des arts. Telles seroient les fêtes de Toulouse, de Rennes, de Rouen, de Dijon, de Mets, &c. que nous pourrions décrire; mais on s'attache ici au nécessaire. Les soins qu'on a pris à Bordeaux, lors du passage de notre premiere dauphine dans cette ville, sont un précis de tout ce qui s'est jamais pratiqué de plus riche, de plus élégant dans les différentes villes du royaume; & les arts différens, qui se sont unis pour embelir ces jours de gloire, ont laissé dans cette occasion aux artistes plusieurs modeles à méditer & à suivre.

On commence cette relation du jour que madame la dauphine arriva à Bayonne; parce que les moyens qu'on prit pour lui rendre son voyage agréable & facile, méritent d'être connus des lecteurs qui savent apprécier les efforts & les inventions des arts.

Madame la dauphine arriva le 15 Janvier 1745 à Bayonne. Elle passa sous un are de triomphe de quarante piés de hauteur, au - dessus duquel étoient accollées les armes de France & celles d'Espagne, soûtenues par deux dauphins, avec cette inscription: Quam bene perpetuis sociantur nexibus ambo! De chaque côté de l'arc de triomphe régnoient deux galeries, dont la supérieure étoit remplie par les dames les plus distinguées de la ville, & l'autre l'étoit par cinquante - deux jeunes demoiselles habillées à l'espagnole. Toutes les rues par lesquelles madame la dauphine passa, étoient jonchées de verdure, tendues de tapisseries de haute - lisse, & bordées de troupes sous les armes.

Une compagnie de basques qui étoit allée au - devant de cette princesse à une lieue de la ville, l'accompagna en dansant au son des flûtes & des tambours jusqu'au palais épiscopal, où elle logea pendant son séjour à Bayonne.

Dès que le jour fut baissé, les places publiques, l'hôtel - de - ville & toutes les rues furent illuminées; le 17 madame la dauphine partit de Bayonne, & continua sa route.

En venant de Bayonne, on entre dans la généralité de Bordeaux par les landes de captioux, qui contiennent une grande étendue de pays plat, où on n'apperçoit que trois ou quatre habitations dispersées au loin, avec quelques arbres aux environs.

L'année précédente, l'intendant de Guienne prévoyant le passage de l'auguste princesse que la France attendoit, fit au - travers de ces landes aligner & mettre en état - un chemin large de quarante - deux piés, bordé de fossés de six piés.

Vers le commencement du chemin, dans une partie tout - à - fait unie & horisontale, les pâtres du pays, huit jours avant l'arrivée de madame la dauphine, avoient fait planter de chaque côté, à six piés des bords extérieurs des fossés, 300 pins espacés de 24 piés entr'eux; ils formoient une allée de 1200 toises de longueur, d'autant plus agréable à la vûe, que tous ces pins étoient entierement semblables les uns aux autres, de 8 à 9 piés de tige, de 4 piés de tête, & d'une grosseur proportionnée. On sait la propriété qu'ont ces arbres, d'être naturellement droits & toûjours verds.

Au milieu de l'allée on avoit élevé un arc de triomphe de verdure, présentant au chemin trois portiques. Celui du milieu avoit 24 piés de haut sur 16 de large, & ceux des côtés en avoient 17 de haut sur quatre de large. Ces trois portiques étoient répétés sur les flancs, mais tous trois de hauteur seulement de 17 piés, & de 9 de largeur: le tout formant un quarré long sur la largeur du chemin, par l'arrangement de 16 gros pins, dont les têtes s'élevoient dans une juste proportion au - dessus des portiques. Les ceintres de ces portiques étoient formés avec des branchages d'autres pins, de chênes verds, de lierres, de lauriers & de myrtes, & il en pendoit des guirlandes de même espece faites avec soin, soit pour leurs formes, soit pour les nuances des différens verds. Les tiges des pins, par le moyen de

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