ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"585"> la fois de l'honneur de l'avoir éclairé, & des progrès rapides que doivent à ses efforts les Lettres, les Arts, & les Sciences dans le nôtre.

M. Blondel de Gagny, Intendant pour lors des menus - plaisirs du Roi, seconda tout le zele de l'ordonnateur. Par malheur pour les Arts & les talens, qu'il sait discerner & qu'il aime, il a préféré le repos aux agrémens dont il étoit sûr de joüir dans l'exercice d'une charge à laquelle il étoit propre. Tous les sujets différens qui pendant cinquante jours avoient déployé leurs talens & leurs efforts pour contribuer au grand succès de tant d'ouvrages, se retirerent comblés d'éloges, encouragés par mille attentions, récompensés avec libéralité. (B)

Fêtes de la Ville de Paris (Page 6:585)

Fêtes de la Ville de Paris. On a vû dans tous les tems le zele & la magnificence fournir à la capitale de ce royaume des moyens éclatans de signaler son zele & son amour pour nos rois. L'histoire - de - tous les regnes rappelle aux Parisiens quelque heureuse circonstance que leurs magistrats ont célébrée par des fêtes. Notre objet nous borne à ne parler que de celles qui peuvent honorer ou éclairer les Arts.

Le mariage de Madame, infante, offrit à feu M. Turgot une occasion d'en donner une de ce genre; on croit devoir la décrire avec quelque détail. L'administration de ce magistrat sera toûjours trop chere aux vrais citoyens, pour qu'on puisse craindre à son égard d'en trop dire.

Le Roi, toute la famille royale lui firent espérer d'honorer ses fêtes de leur présence; il crut devoir ne leur offrir que des objets dignes d'eux.

On étoit en usage de prendre l'hôtel - de - ville pour le centre des réjoüissances publiques. Les anciennes rubriques, que les esprits médiocres réverent comme des lois sacrées, ne sont pour les têtes fortes que des abus; leur destruction est le premier degré par lequel ils montent bientôt aux plus grandes choses. Telle fut la maniere constante dont M. Turgot se peignit aux François, pendant le cours de ses brillantes prevôtés. Il pensa qu'une belle fête ne pouvoit être placée sur un terrein trop beau, & il choisit l'éperon du pont - neuf sur lequel la statue d'Henri IV. est élevée, pour former le point de vûe principal de son plan.

Ce lieu, par son étendue, par la riche décoration de divers édifices qu'il domine & qui l'environnent, sur - tout par le bassin régulier sur lequel il est élevé, pouvoit faire naître à un ordonnateur de la trempe de celui - ci, les riantes idées des plus singuliers spectacles. Voici celles qu'il déploya aux yeux les plus dignes de les admirer.

On vit d'abord s'élever rapidement sur cette espece d'esplanade un temple consacré à l'hymen; il étoit dans le ton antique; ses portiques étoient de cent - vingt piés de face, & de quatre - vingt piés de haut, sans y comprendre la hauteur de l'appui & de la terrasse de l'éperon, qui servoit de base à tout l'édifice, & qui avoit quarante piés de hauteur.

Le premier ordre du temple étoit composé de trente - deux colonnes d'ordre dorique, de quatre piés de diametre & trente - trois piés de fust, formant un quarré long de huit colonnes de face, sur quatre de retour.

Elles servoient d'appui à une galerie en terrasse de cent cinq piés de long, ornée de distance en distance de belles statues sur leurs piés - d'estaux. Au dessus de la terrasse, & à l'à - plomb des colonnes du milieu, s'élevoit un socle antique formé de divers compartimens ornés de bas - reliefs, & couronné de douze vases.

Deux massifs étoient bâtis dans l'intérieur, afin d'y pratiquer des escaliers commodes. Le socle au reste formoit une seconde terrasse de retour avec les bases, chapiteaux, entablemens, & balustrades, servans d'appui à une galerie en terrasse de cent cinq piés de long, divisée par des pié - d'estaux. Au dessus de cette terrasse, & à l'à - plomb des colonnes du milieu, s'élevoit un socle en attique, formé de compartimens ornés de bas - rellefs, & couronné de douze vases; deux corps solldes étoient constrults dans l'intérieur, dans lesquels on avoit pratiqué des escaliers.

Toute la construction de cet édifice étoit en relief, ainsi que les plafonds, enrichis de compartimens en mosaïque, guillochés, rosettes, festons, &c. à l'imitation des anciens temples, & tels qu'on le voit au panthéon, dont on avoit imité les ornemens; à la reserve cependant des bases que l'on jugea à propos de donner aux colonnes, pour s'accommoder à l'usage du siecle: elles y furent élevées sur des socles d'environ quatre piés de haut, servans comme de repos aux balustrades de même hauteur qui étoient entre les entre - colonnemens. C'est la seule différence que le nouvel édifice eût avec ceux de l'antiquité, où les colonnes d'ordre dorique étoient presque toûjours posées sur le rez - de - chaussée, quoique sans base. A cela près, toutes les proportions y furent très - bien gardées. Ces colonnes avoient huit diametres un quart de longueur, qui est la véritable proportion que l'espace des entre - colonnemens exige de cette ordonnance: il devoit y avoir un second ordre ionique; mais le tems trop court pour l'exécution, força de s'en tenir au premier ordre dorique, qui se grouppant avec le massif, pour monter au haut de l'édifice, formoit un très - beau quarté long.

Ving - huit statues isolées, de ronde bosse, de dix piés de proportion, représentant diverses divinités avec leurs symboles & attributs, étoient posées sur les pié - d'estaux de la balustrade, à l'à - plomb des colonnes.

On préféra pour tout cet édifice & pour ses ornemens, la couleur de pierre blanche à celle des différens marbres qu'on auroit pû imiter; outre que la couleur blanche a toûjours plus de relief, sur - tout aux lumieres & dans les ténebres, la vraissemblance est aussi plus naturelle & l'illusion plus certaine: aussi ce temple faisoit - il l'effet d'un édifice réel, construit depuis long - tems dans la plus noble simplicité de l'antique sans ornement postiche, & sans mélange d'aucun faux brillant. Telle renaîtra de nos jours la belle & noble Architecture; nous la reverrons sortir des mains d'un moderne qui manquoit à la gloire de la nation: le choix éclairé de M. le marquis de Marigny a sû le mettre à sa place. C'est - là le vrai coup de maître dans l'ordonnateur. Le talent une fois placé, les beautés de l'art pour éclore en foule n'ont besoin que du tems.

La terrasse en saillie qui portoit le temple, étoit décorée en face d'une architecture qui formoit trois arcades & deux pilastres en avant - corps dans les angles: on voyoit aussi dans chacun des deux côtés, une arcade accompagnée de ses pilastres. Toute cette décoration étoit formée par des refends & bossages rustiques, & elle étoit parfaitement d'accord avec le temple. Tous les membres de l'architecture étoient dessinés par des lampions; & l'intérieur des arcades, à la hauteur de l'imposte, étoient préparées pour donner dans le tems une libre issuë à des cascades, des nappes, des tortens de feu, qui firent un effet aussi agréable que surprenant.

Sur la terrasse du temple s'élevoit un attique porté par des colonnes intérieures, & orné de panneaux chargés de bas - reliefs: des vases ornés de sculpture étoient posés au haut de l'attique, à l'à - plomb des colonnes.

Les corps solides des escaliers étoient ornés d'ar<pb-> [p. 586] chitecture & de bas - reliefs, de niches, de statues, &c.

Aux deux côtés de cet édifice s'élevoient, le long des parapets du pont - neuf, trente - six pyramides, dont dix - huit de quarante piés de haut, & dix - huit de vingt - fix, qui se joignoient par de grandes consoles, & qui portoient des vases sur leur sommet. Cette décoration, préparée particulierement pour l'illumination, accompagnoit le bâtiment du milieu; elle étoit du dessein de feu M. Gabriel, premier architecte du Roi: la premiere étoit du chevalier Servandoni.

Décoration de la Riviare, illumination, &c.

Dans le milieu du canal que forme la Seine, & vis - à - vis le balcon préparé pour leurs Majestés, s'élevoit un temple transparent, composé de huit portiques en arcades & pilastres, avec des figures relatives au sujet de lä féte. Il formoit un sallon à huit pans, du milieu desquels s'élevoit une colonne transparente qui avoit le double de la hauteur du portique, & qui étoit terminée par un globe aussi transparent, semé de fleurs - de - lis & de tours. Tous les chassis de ce temple, qui sembloit consacré à Apollon, étoient peints, & présentoient aux yeux mille divers ornemens: il paroissoit construit sur des rochers, entre lesquels on avoit pratiqué des escaliers qui y conduisoient.

Ce sallon disposé en gradins, & destiné pour la musique, étoit rempli d'un très - grand nombre des plus habiles symphonistes. Le concert commença d'une maniere vive & bruyante, au moment que le Roi parut sur son balcon; il se sit entendre tant que dura la féte, & ne fut interrompu que par les acclamations réitérées du peuple.

Entre le temple & le pont - neuf étoient quatre grands bateaux en monstres marins; il. y en avoit quatre autres dans la même position entre le temple & le pont - royal, & tout - à - coup on joüit du spectacle de divers combats des uns contre les autres. Ces monstres vomissoient de leurs gueules & de leurs narines, des feux étincelans d'un volume prodigieux & de diverses couleurs: les uns traçoient en l'air des figures singulieres; les autres tombant comme épuisés dans les eaux, y reprenoient une nouvelle force, & y formoient des pyramides & des gerbes de feu, des soleils, &c.

Une joûte commença la fête. Il y avoit deux troupes de joûteurs, l'une à la droite, & l'autre à la gauche du temple. Chacune étoit composée de vingt joûteurs & de trente - six rameurs. Les maîtres de la joûte étoient dans des bateaux particuliers. Tous les joûteurs étoient habillés de blanc uniformément, & à la legere; leurs vêtemens, leurs bonnets & leurs jarretieres étoient ornés de touffes de rubans de différentes couleurs, avec des écharpes de taffetas, &c. Ils joûterent avec beaucoup d'adresse, de force & de résolution, & avec un zele & une ardeur admirables. La ville récompensa les deux joûteurs victorieux par un prix de la valeur de vingt pistoles chacun, & d'une médaille.

A la premiere obscurité de la nuit on vit paroître l'illumination; elle embellissoit les mouvemens de la multitude, en éclairant les flots de ce peuple innombrable répandu sur les quais. On joüissoit à - la - fois des lumieres qui éclairoient les échafauds, de celles qui brilloient aux fenêtres, aux balcons, & sur des terrasses richement & ingénieusement ornées; ce qui se joignant à la variété des couleurs des habits, & à la parure recherchée & brillante des hommes & des femmes, dont la clarté des lumieres relevoit encore l'éclat, faisoit un coup - d'oeil & divers points de perspective dont la vûe étoit éblouie & séduite.

L'illumination commença par le temple de l'hy<cb-> men, dont tout l'entablement étoit profilé de lumieres, ainsi que les balustrades, sur lesquelles s'élevoient de grands lustres ou girandoles en ifs dans les entre - colonnes, formés par plus de cent lumieres chacun. Toute la suite des pyramides & pilastres chantournés, avec leurs pié - d'estaux réunis par des consoles, dont on a parlé, élevés sur les parapets du pont à droite & à gauche, étoit couverte d'illuminations, ainsi que toute la décoration de la terrasse en saillie, dont les refends & les ceintres étoient profilés, & chargés de gros lampions & de terrines.

Ce qui répondoit parfaitement à la magnificence de cette illumination, c'étoit de voir le long des deux quais, sur le pont - neuf & le pont - royal, des lustres composés chacun d'environ quatre - vingt grosses lumieres, suspendus aux mêmes endroits où l'on met ordinairement les lanternes de nuit.

Mais voici une illumination toute nouvelle. Quatre - vingts petits bâtimens de différentes formes, dont la mâture, les vergues, les agrès & les cordages étoient dessinés par de petites lanternes de verre, & mouvantes, au nombre de plus de dix mille, entrerent dans le grand canal du côté du pont - neuf; & après diverses marches figurées, elles se diviserent en quatre quadrilles, & borderent les rivages de la Seine entre le pont - neuf & le pont - royal.

Un même nombre de bateaux de formes singulieres, & chargés de divers artifices, se mêlerent avec symmétrie aux premiers; le sallon octogone, transparent, paroissoit comme au centre de cette brillante & galante fête, & sembloit sortir du sein des feux & des eaux.

On ne s'apperçut point de la fuite du jour; la nuit qui lui succéda, étoit environnée de la plus brillante lumiere.

Le signal fut donné, & dans le même instant le temple de l'hymen, tous les édifices qui bordent des deux côtés les quais superbes qui servoient de cadre à ce spectacle éclatant, le pont - royal & le pontneuf, les échafauds qui étoient élevés pour porter cette foule de spectateurs, les amphithéatres qui remplissoient les terreins depuis les bords de la Seine jusqu'à fleur des parapets, tout fut illuminé presqu'au même moment: on ne vit plus que des torrens de lumiere soûmis à l'art du dessein, & formant mille figures nouvelles, embellies par des contrastes, détachées avec adresse les unes des autres, ou par les formes de l'architecture sur lesquelles elles étoient placées, ou par l'ingénieuse variété des couleurs dont on avoit eu l'habileté d'embellir les feux divers de la lumiere.

Feu d'artifice.

Le bruit de l'artillerie, le son éclatant des trompettes, annoncerent tout - à - coup un spectacle nouveau. On vit s'élancer dans les airs de chaque côté du temple de l'hymen, un nombre immense de fusées qui partirent douze à douze des huit tourelles du pont - neuf; cent quatre - vingts pots à aigrette & plusieurs gerbes de feu leur succéderent. Dans le même tems on vit briller une suite de gerbes sur la tablette de la corniche du pont; & le grand soleil fixe, de soixante piés de diametre, parut dans toute sa splendeur au milieu de l'entablement. Directement au - dessous on avoit placé un grand chiffre d'illumination de couleurs différentes, imitant l'éclat des pierreries, lequel, avec la couronne dont il étoit surmonté, avoit trente piés de haut; & aux côtés, vis - à - vis les entre - colonnes du temple, on voyoit deux autres chiffres d'artifice de dix piés de haut, formant les noms des illustres époux, en feu bleu, qui contrastoit avec les feux différens dont ils étoient entourés.

On avoit placé sur les deux trotoirs du pont - neuf,

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