ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"447"> chets de la mâchoire supérieure précedent ceux de la mâchoire inférieure. Rien n'est au surplus moins certain que la forme & le tems de l'éruption de ces dents. Quoiqu'on prétende qu'une connoissance parfaite de la dentition à cet égard soit presque la seule qu'on doive chercher à acquérir, je peux certifier que j'ai vû nombre de chevaux qui n'étoient âgés que de cinq ans, & dont néanmoins les crochets étoient ronds & émoussés.

Nous avons conduit l'animal jusqu'à l'âge de quatre ans & demi, cinq ans, cherchons à étendre nos découvertes; mais voyons auparavant si celles dont les auteurs nous ont fait part, ne portent point avec elles un caractere d'incertitude, source de la diversité de nos opinions.

Dès que les pinces & les mitoyennes sont déchaussées ou hors de leurs alvéoles, elles font leur crue en quinze jours; il n'en est pas de même des coins, & c'est à cette différence à laquelle on s'est attaché. On a crû en effet que la dent de coin & les crochets devoient uniquement fixer nos regards depuis l'âge de quatre ans & demi, cinq ans, c'est - à - dire dès que le cheval a tout mis; & comme les coins sont les dernieres dents qui rasent, on s'est contenté de s'arrêter à l'examen du plus ou moins de progrès que faisoit, s'il m'est permis de m'exprimer ainsi, le remplissage de la dent, pour décider si le cheval a cinq & demi, six ans ou sept ans; car dès que la cavité cesse de paroître, on dit qu'il a rasé, ce qu'il fait environ à huit années. Il suffit d'exposer le système de M. de Soleysel sur ce point, système généralement reçû, pour être convaincu que rien n'est plus équivoque que ce qui résulte de ses principes.

Premierement, il avance que les coins de dessus percent avant ceux de dessous; mais cette regle n'est pas invariable: car souvent les coins de la mâchoire inférieure devancent & précedent ceux de la mâchoire supérieure. D'ailleurs, comment s'en rapporter sérieusement aux observations suivantes?

Dès que la dent de coin paroit, dit - il, elle borde seulement la gencive, le dedans & le dehors sont garnis de chair jusqu'à cinq ans; ainsi la dent de coin dans cet état fait présumer que le cheval mange dans ces cinq ans, & qu'il ne les a pas encore à cinq ans faits, la chair que l'on apperçoit dans cette dent est entierement retirée: de cinq ans à cinq ans & demi, la dent demeure creuse: de cinq ans & demi à six ans, ce creux qui paroissoit occupe le milieu de la dent, qui dès - lors est égale au - dehors & au - dedans: à sept ans cette cavité diminue & se remplit: à huit ans elle est effacée, c'est - à - dire que le cheval a rasé. En un mot, continue - t - il, le coin dès sa naissance est de l'épaisseur d'un écu; à cinq ans, cinq ans & demi, de l'épaisseur de deux écus; à six ans, de l'épaisseur du petit doigt; à sept ans, de l'épaisseur du second; à huit ans, de l'épaisseur du troisieme.

Il est singulier que M. de Soleysel ait pû croire que la nature s'assujettissoit toûjours exactement à ces dimensions & à ces mesures; sa remarque, juste par hasard sur la bouche d'un cheval, n'aura pas lieu, si l'on fait attention aux coins placés dans la bouche de cent autres. Ajoûtons que tels chevaux, en qui les coins bordent seulement la gencive, sont âgés de sept ans; & d'ailleurs seroit - il bien possible de juger précisément & sainement du point de diminution de la cavité, pour distinguer parfaitement l'âge de six ou sept années? J'ose me flater que la voie & la méthode que j'indiquerai, seront & plus sûres & plus faciles.

La même regle qui a été suivie dans la pousse des dents, subsiste dans leur changement & dans leur forme.

Les premieres dents qui ont paru sont tombées le premieres, & ont fait place aux pinces: le poulain a eu alors deux ans & demi, trois ans. Les secondes sont tombées les secondes, & ont fait place aux mitoyennes: l'animal a eu des - lors trois ans & demi, quatre ans. La chûte des troisiemes enfin a fait place aux coins, & le poulain est parvenu à quatre ans & demi, cinq ans. Les pinces raseront donc les premieres, & leur cavité remplie; l'animal aura six ans: les mitoyennes raseront ensuite, l'animal aura sept ans: enfin les coins étant rasés, le cheval en aura huit.

Pour connoître & distinguer son âge, lorsqu'il ne marque plus, on a eu recours à une observation non moins fautive que les autres. On a pemé que selon que les crochers sont plus ou moins arrondis, & que les cannelures sont effacées, il doit être déclaré plus ou moins vieux. Il faut partir d'un principe plus constant: ayez égard aux marques des dents antérieures de la mâchoire supérieure; car quoique les inférieures ayent rasé, les supérieures marquent encore; & s'attachant au tems où elles cesseront de marquer, & où leur cavité s'effacera, on pourra suivre sûrement l'âge de l'animal, après qu'il aura atteint celui de huit années. Les pinces de la mâchoire supérieure rasent en effet à huit ans & demi, neuf ans; les mitoyennes, à neuf ans & demi, dix ans; & les dents de coin, à dix ans & demi, onze ans, & quelquefois à douze.

Je ne prétends pas que cette loi ne souffre aucune exception, la nature varie toûjours dans ses opérations; il est cependant des points dans lesquels sa marche est plus uniforme que dans d'autres. J'avois observé avant l'impression de mes élémens d'Hippiatrique, ce fait sur plus de deux cents chevaux, & je n'en avois trouvé que quatre dont les dents supérieures deposent contre sa certitude; elle a été confirmée depuis par l'aveu de tous ceux qui ont cherché à s'en assûrer, & je ne pense pas que quelques preuves très - rares du contraire suffisent pour anéantir cette regle: car il seroit absolument impossible alors d'en reconnoître une seule qui fût fixe & invariable. On ne seroit pas plus autorisé en effet à la contester à la vûe de quelques cas qui peuvent la démentir, que l'on seroit fondé à soûtenir que les chevaux marquent toûjours, parce que l'on en trouve qui ne rasent point, & dont le germe de féve ne s'efface jamais.

Ceux - ci sont nommés en général chevaux beguts; les jumens & les chevaux hongres sont plus sujets à l'être que les chevaux entiers; les polonois, les cravates, les transsylvains, le sont presque tous.

J'en distingue trois especes: la premiere comprend ceux qui marquent toûjours, & à toutes les dents: la seconde est composée de ceux qui ne marquent qu'aux mitoyennes & aux coins: la troisieme enfin est formée par ceux dans lesquels le germe de féve subsiste toûjours, & je nomme ces derniers fauxbeguts.

Nous avons déjà dit qu'un cheval a cinq ans faits, lorsqu'on apperçoit une cavité dans les pinces, les mitoyennes & les coins. Nous sommes encore convenus que les coins ne croissent que peu - à - peu & par succession de tems: or si nous appercevons que la dent de coin est égale au - dedans & au - dehors, & que la cavité que l'on y remarque soit assez diminuée pour que l'animal soit parvenu à sa sixieme année, la dent de pince doit avoir rasé; & que si elle n'est pas entierement pleine, l'animal est begut. Ajoûtez à cet indice la preuve qui suit; car dans ce cas la cavité des dents n'est pas telle qu'elle doit être, puisqu'elles sont toutes également creuses. Or vous savez que lorsque l'animal approche de cinq ans & demi, & qu'il a cinq ans faits, les pinces qui doivent raser les premieres, ont une moindre cavité que les [p. 448] mitoyennes; ainsi dès que cette cavité sera égale dans les pinces, dans les mitoyennes & dans les coins, & que celles ci ne seront pas plus creuses que les pinces, l'animal sera incontestablement begut.

Celui qui ne marque qu'aux mitoyennes & aux coins, c'est - à - dire dans lequel la dent de pince a rasé, quoiqu'il soit begut, sera facilement reconnu, si l'on compare, ainsi que je viens de l'expliquer, la cavité des mitoyennes & des çoins; mais l'embarras le plus grand est de discerner l'animal begut d'un cheval de sept ans faits, lorsque la dent de coin seulement ne doit jamais raser. C'est alors qu'il faut avoir recours aux crochets, & à tous les signes qui indiquent la vieillesse, d'autant plus qu'on ne peut espérer de tirer aucune connoissance des dents supérieures, parce que tout cheval begut l'est par ces dents comme par les dents inférieures.

Quant aux chevaux que l'ai nommés faux - beguts, c'est - à - dire quant à ceux dans lesquels le germe de féve ne s'efface jamais, on pourroit les diviser en deux classes, dont la premiere comprendroit l'animal dans lequel le germe de féve subsiste toûjours, & à toutes les dents; & la seconde, celui dont le germe de féve effacé dans les pinces, ne seroit visible que dans les mitoyennes & les coins, ou que dans les coins seuls: mais comme ce germe de féve, dès qu'il n'y a plus de cavité dans la dent, n'est d'aucun présage, & que la cavité est la seule marque que nous consultions, il importe peu qu'il paroisse toûjours.

Les signes caractéristiques de la vieillesse de l'animal sont très - nombreux, si l'on adopte tous ceux qui ont été décrits par les auteurs, & auxquels ils se sont attachés pour reconnoître l'âge du cheval, les huit années étant expirées.

On peut en décider, 1°. selon eux, par les noeuds de la queue; ils prétendent qu'à dix ou douze ans il descend un noeud de plus, & qu'à quatorze ans il en paroît un autre: 2°. par les salieres qui sont creuses, par les cils qui sont blancs, par le palais décharné, & dont les sillons ne sont plus sensibles; par la levre supérieure, qui étant relevée, fait autant de plis que le cheval a d'années; par l'os de la ganache, qui est extrèmement tranchant à quatre doigts au - dessus de la barbe; par la peau de l'épaule & de la ganache, qui étant pincée, conserve le pli qui y a été fait, & ne se remet point à sa place; par la longueur des dents, par leur décharnement, par la crasse jaunâtre qu'on y apperçoit; enfin par les crochets usés, & par la blancheur du cheval, qui, de gris qu'il étoit, est entierement devenu blanc.

Tous ces prétendus témoignages sont très - équivoques; on doit rejetter comme une absurdité des plus grossieres, celui que l'on voudroit tirer des noeuds de la queue, & celui qui résulte des salieres creuses, & de l'animal qui a cillé: car il est des chevaux très - vieux dont les salieres sont très - pleines, & de jeunes chevaux dont les cils sont très - blancs. Il faut encore abandonner toutes les conséquences que l'on déduit du décharnement du palais, des plis comptés de la levre supérieure, du tranchant de l'os de la ganache, de la peau de l'épaule, de la longueur des dents, puisque les chevaux beguts les ont très courtes, & de la crasse jaunâtre que l'on y apperçoit. Les signes vraiment décisifs sont la situation des dents; si elles sont comme avancées sur le devant de la bouche, & qu'elles ne portent pour ainsi dire plus à - plomb les unes sur les autres, croyez que l'animal est très - vieux. D'ailleurs, quoique la forme des crochets varie quelquefois, voyez si ceux de dessous sont usés, s'ils sont arrondis, émoussés; si ceux de dessus ont perdu toute leur cannelure, s'ils sont aussi ronds en - dedans qu'en - dehors: de - là vous pouvez conjecturer plus sûrement que l'animal n'est pas jeune.

La raison pour laquelle la cavité de la dent ne s'efface jamais dans le cheval begut, se présente naturellement à l'esprit, lorsqu'on se rappelle d'où naît le germe de féve. Il n'est formé que par la superficie des vaisseaux qui, frappés par l'air, ont été desséchés, durcis & noircis; or si l'air les a d'abord trop resserrés, ou que la matiere qui sert de nourriture à la dent, ait été par sa propre nature plus susceptible de desséchement, le corps de la dent sera plûtôt compact; & les sucs destinés à sa végétation ne pouvant pénétrer avec la même activité, dès - lors la cavité subsistera. Une preuve de cette vérité nous est fournie par l'expérience, qui nous montre & qui nous a appris que la dent du cheval begut est plus dure que celle de celui qui ne l'est pas.

Le germe de féve subsiste toûjours dans le fauxbegut, quoique la cavité s'efface & se remplisse, parce que la partie extérieure de la dent aura végeté plûtôt que sa partie intérieure; c'est - à - dire que l'humeur tenace qui entouroit la vessie membraneuse dont nous avons parlé, aura acquis plûtôt un degré de solidité, que cette vessie renfermée dans la cavité: dès - lors les petits vaisseaux noircis & durcis par l'air, ayant été resserrés & comprimés par les parois résultantes de l'humeur muqueuse destinée dès son origine à la formation de l'émail, ils n'auront pû être poussés au - dehors, & le germe de féve paroîtra toûjours, quoique la dent soit remplie.

C'est à la foiblesse des fibres de la jument, qui sont sans doute, comme celles de toutes les femelles des animaux, comparées à celles des mâles, c'est - à - dire infiniment lâches, que nous attribuerons le nombre considérable des jumens begues. Les fibres du coeur étant par conséquent plus molles en elles, elles ne pousseront point avec la même force le fluide nécessaire à la végétation de la dent. La même cause peut être appliquée au cheval hongre, qui, dès qu'il a cessé d'être entier, perd beaucoup de son feu & de sa vigueur; ce qui prouve évidemment que dans lui la circulation est extrèmement ralentie.

L'éruption des dents occasionne des douleurs & des maladies, principalement celles des crochets. Ils sont plus durs, plus tranchans & plus aigus que les autres, qui sont larges & émoussées. D'ailleurs n'étant précédés d'aucunes dents, comme les antérieures, leur protrusion ne peut être que très - sensible, puisqu'ils doivent nécessairement, en se faisant jour, rompre, irriter & déchirer les fibres des gencives: de - là ce flux de ventre, ces diarrhées considérables, cette espece de nuage qui semble obscurcir la cornée, attendu les spasmes qu'excite dans tout le corps la douleur violente. Les premieres voies en sont offensées, les digestions ne sauroient donc être bonnes; & l'irritation suscitant des ébranlemens dans tout le système nerveux, l'obscurcissement des yeux ne présente rien qui doive surprendre.

Il est bon de faciliter cette éruption, en relâchant la gencive: il faut pour cet effet froter souvent cette partie avec du miel commun; & si en usant de cette précaution on sent la pointe du crochet, on ne risque rien de presser la gencive, de maniere qu'elle soit percée sur le champ. On oint de nouveau avec du miel; & la douleur passée, tous les maux qu'elle avoit fait naître disparoissent.

Si l'on remonte à la cause ordinaire de la carie, on conclura que les dents du cheval peuvent se carier; cependant ce cas est extrèmement rare, attendu l'extrème compacticité qui en garantit la substance intérieure des impressions de l'air. Dès que la corruption est telle que l'animal a une peine extrème à manger, qu'il se tourmente, & que son inquiétude annonce la vivacité de la douleur qu'il ressent, il faut nécessairement le délivrer de la partie qui l'affecte; c'est la voie la plus sûre, & l'on ne risque point dès<pb->

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