ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"377"> abondante, & qu'on répete plus souvent que dans l'état naturel, sans néanmoins que la santé en soit dérangée: ils nomment pseudorexie, une fausse faim, telle qu'on en a quelquetois dans les maladies aiguës & chroniques: ils appellent pica ou malacie, le goût dépravé des femmes enceintes, des filles attaquées des pâles couleurs, &c. pour des alimens bisarres. Voyez Faim, Orexie, Pseudorexie, Malacie

Mais la cynorexie, ou la faim canine, est cette maiadie dans laquelle on éprouve une faim vorace, & néanmoins l'on vomit les alimens qu'on prend pour la satisfaire; ainsi qu'il arrive aux chiens qui ont trop mangé. C'est en cela d'abord que la faim canine differe de la boulimie, qui n'est point suivie de vomissemens, mais d'oppression de l'estomac, de difficulté de respirer, de foiblesse de pouls, de froid & de défaillances.

Erasistrate est le premier qui ait employé le mot de boulimie, & son étymologie indique le caractere de cette affection, qui vient proprement du grand froid qui resserre l'estomac, suivant la remarque de Joseph Scaliger; car B, dit - il, apud Groecos intendit; MZ B\LIMOS2 & BLIMIA\, ingens fames à refrigeratione ventriculi contracta; sic apud Latinos particula ve intendit, ut in voce vehemens, & aliis.

En effet, la boulimie arrive principalement aux voyageurs dans les pays froids, & par conséquent elle est occasionnée par la froideur de l'air qui les saisit, ou plûtôt par les corpuscules frigorifiques qui resserrent les poumons & le ventricule. Cette idée s'accorde avec le rapport des personnes qui ont éprouvé les effets de cette maladie dans la nouvelle Zemble & autres régions septentrionales. Fromundus qui en a été attaqué lui - même, croit que le meilleur remede seroit de se procurer une forte toux, pour décharger l'estomac & les poumons des esprits de la neige, qui ont été attirés dans ces organes par la respiration, ou qui s'y sont insinués d'une autre maniere. C'est dommage que le conseil de ce medecin tende à procurer un mal pour en guérir un autre; car d'ailleurs son idée de la cure est très - ingénieuse. Le plus sûr, ce me semble, seroit de bonnes frictions, la boisson abondante des liquides chauds & aromatiques, propres à exciter une grande transpiration; & de recourir en même tems aux choses dont l'odeur est propre à rappeller & à rassembler les esprits vitaux dissipés, tel qu'est en particulier le pain chaud trempé dans du vin, & autres remedes semblables. Il résulte de cet exposé, que la boulimie doit être un accident fort rare dans nos climats tempérés, & qu'elle differe essentiellement de la faim canine par les causes & les symptomes.

Dans la faim canine les alimens surchargeant bientôt l'estomac, le malade qui n'a pû s'empêcher de les prendre, est contraint de les rejetter. Comme ce vomissement apporte quelque soulagement, l'appétit revient; & cet appétit n'est pas plûtôt satisfait que le vomissement se renouvelle: ainsi l'appétit succede au vomissement, & le vomissement à l'appétit.

Entre plusieurs exemples de cette maladie, je n'en ai point lû de plus incroyable que celui qui est rapporté dans les Trans. philas. n°. 476. pag. 366. & 381. Un jeune homme, à la suite de la fievre, eut cette faim portée à un tel degré, qu'elle le fit dévorer plus de deux cents livres d'alimens en six jours; mais il n'en fut pas mieux nourri, car il les rejetta perpétuellement, sans qu'il en passât rien dans les intestins: desorte qu'il perdit l'usage de ses jambes, & mourut peu de mois après dans une maigreur effroyable.

Les autres malades de faim canine dont il est parlé dans les annales de la Medecine, ne sont pas de cette voracité; mais ils nous offrent des causes si diversi<cb-> fiées de la maladie, qu'il est très - important, quand le cas se présente, de tâcher, pour la cure, de les découvrir par les symptomes qui précedent ce mal, qui l'accompagnent & qui lui succedent. Or la faim canine tire sa naissance de plusieurs causes: elle peut provenir de vérs, & en particulier du ver nommé le solitaire; d'humeurs vicieuses, acides, acres, muriatiques, qui picotent le ventricule; d'une bile rongeante qui s'y jette; du relâchement de l'estomac, de son échaussement, de la trop grande sensibilité des nerfs & des esprits. On soupçonne qu'il y a des vers, par les symptomes qui leur sont propres: la vûe des évacuations sert à indiquer la nature des humeurs viciées; l'abondance de la bile paroît par la jaunisse répandue dans tout le corps; la mobilité des esprits se rencontre toûjours dans les personnes faméliques, qui sont attaquées en même tems d'hystérisme ou qui sont hypocondres; le défaut de nutrition se manifeste par la maigreur du malade, & ce symptome rend son état vraiment dangereux: car lorsque le vomissement ou le flux de ventre sont obstinés, la cachexie, l'hydropisie, la lienterie, l'atrophie, & finalement la mort, en sont les suites.

La méthode curative doit se varier suivant les diverses causes - connues du mal. Si la faim canine est produite par une humeur acre quelconque qui irrite l'estomac, il faut l'évacuer, en corriger l'acrimonie, & rétablir ensuite par les fortifians le ton de l'estomac, & des organes qui servent à la digestion. Les vers se détruiront par des vermifuges, & principalement par les mercuriels. Dans la chaleur des visceres on conseillera les adoucissans & les humectans; dans le cas de la mobilité des esprits, on employera les narcotiques. On pourroit appliquer extérieurement sur toute la région de l'estomac, les linimens & les emplâtres opposés aux causes du mal. La faim canine qui procede du défaut de conformation dans les organes, comme de la trop grande capacité de l'estomac, de l'insertion du canal cholidoque dans ce viscere, de la briéveté des intestins, en un mot, de quelque vice de conformation, ne peut être détruite par aucune méthode medicinale: mais ce sont des cas rares, & qui n'ont ordinairement aucune fâcheuse suite. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Faim canine (Page 6:377)

Faim canine, (Maréchall.) Ce sentiment intime & secret qui nous avertit de nos besoins, ce vif penchant à les satisfaire; cet instinct qui, quoiqu'avéugle, nous détermine précisément au choix des choses qui nous conviennent; toutes ces perceptions, en un mot, agréables ou fâcheuses qui nous portent à fuir ou à rechercher machinalement ce qui tend à la conservation de notre être, ou ce qui peut en hâter la destruction, sont absolument communes à l'homme & à l'animal: la Nature a accordé à l'un & à l'autre des sens internes & externes; elle les a également assujettis à la faim, à la soif, aux mêmes nécessités.

L'estomac étant vuide d'alimens, les membranes qui constituent ce sac, sont affaissées & repliées en sens divers: dans cet état, elles opposent un obstacle à la liberté du cours du sang dans les vaisseaux qui les parcourent. De la lenteur de la marche de ce fluide résulte le gonflement des canaux, qui dès - lors sont sollicités à des oscillations plus fortes; & de ces oscillations augmentées naissent une irritation dans les houppes nerveuses, un sentiment d'inquiétude, qui ne cesse que lorsque le ventricule distendu, les tuyaux sanguins se trouvent dans une direction propre à favoriser la circulation du fluide qu'ils charrient. Les restes acrimonieux des matieres dissoutes dans ce viscere, ainsi que l'action des liqueurs qui y sont filtrées, contribuent & peuvent même donner, lieu à une sensation semblable. Dès que leurs sels [p. 378] s'exerceront sur les membranes seules, les papilles subiront une impression telle, que l'animal sera en proie à une perception plus ou moins approchante de la douleur, jusqu'à ce qu'une certaine quantité d'alimens s'offrant, pour ainsi dire, à leurs coups, & les occupant en partie, sauve l'organe de l'abondance funeste des particules salines, à l'activité desquelles il est exposé.

Nous n'appercevons donc point de différence dans les moyens choisis & mis en usage pour inviter l'homme & le cheval à réparer d'une part des déperditions qui sont une suite inévitable du jeu redoublé des ressorts; & à prévenir de l'autre cette salure alkalescente que contractent nécessairement des humeurs qui circulent sans de nouveaux rafraîchissemens, & qui ne peuvent être adoucies que par un nouveau chyle.

Nous n'en trouvons encore aucune dans les causes de cette voracité, de cette faim insatiable & contre nature dont ils sont quelquefois affectés. Supposons dans les fibres du ventricule une rigidité considérable, une forte élasticité; il est certain que les digestions seront précipitées, l'évacuation du sac consé, quemment très - prompte, & les replis qui forment les obstacles dont j'ai parlé, beaucoup plus sensibles, vû l'action systaltique de ces mêmes fibres. Imaginons de plus une grande acidité dans les sucs dissolvans, ils picoteront sans cesse les membranes: en un mot, tout ce qui pourra les irriter suscitera infailliblement cet appétit dévorant dont il s'agit, & dont nous avons des exemples fréquens dans l'homme & dans l'animal, que de longues maladies ont précipités dans le marasme. Alors les sucs glaireux qui tapissent la surface intérieure des parois de l'estomac, n'étant point assez abondans pour mettre à couvert la tunique veloutée, & leur acrimonie répondant à l'appauvrissement de la masse, ils agissent avec tant d'énergie sur le tissu cotonneux des houppes nerveuses, que ce sentiment excessif se renouvelle à chaque instant, & ne peut être modifié que par des alimens nouveaux, & pris modérément.

Il faut convenir néanmoins que relativement à la plûpart des chevaux faméliques que nous voyons, nous ne pouvons pas toûjours accuser les unes & les autres de ces causes; il en est une étrangere, qui le plus souvent produit tous ces effets. Je veux parler ici de ces vers qui n'occupent que trop fréquemment l'estomac de l'animal. Si le ventricule est dépourvû de fourrage, & s'ils n'y sont enveloppés en quelque façon, les papilles se ressentent vivement de leur action. En second lieu, leur agitation suscite celle du viscere, & le viscere agité se délivre & se débarrasse des alimens dont la digestion lui est confiée, avant que le suc propre à s'assimiler aux parties, en ait été parfaitement extrait. Enfin ces insectes dévorent une portion de ce même suc, & en privent l'animal; ce qui joint à l'acrimonie dont le sang se charge nécessairement, les digestions étant vicieuses, occasionne un amaigrissement, une exténuation que l'on peut envisager comme un symptome constant & assûré de la maladie dont il est question, de quelque source qu'elle provienne.

La voracité du cheval qui se gorge d'une quantité excessive de fourrage, sa tristesse, son poil hérissé & lavé, des déjections qui ne présentent que des alimens presqu'en nature, mêlés de certaines sérosités en quelque façon indépendantes de la fiente; l'odeur aigre qui frappe l'odorat, & qui s'éleve des excrémens; le marasme enfin, sont les signes auxquels il est aisé de la reconnoître. Lorsqu'elle est le résultat de la présence des vers dans l'estomac, elle s'annonce par tous les symptomes qui indiquent leur séjour dans cet organe, & elle ne demande que les mêmes remedes. Voyez Ver.

Ceux par le secours desquels nous devons combattre & détruire les autres causes, sont les évacuans, les absorbans, les médicamens amers. On peut, après avoir purgé le cheval, le mettre à l'usage des pillules absorbantes, composées avec de la craie de Briançon, à la dose de demi - once, enveloppée dans une suffisante quantité de miel commun. L'aloès macéré dans du suc d'absynthe; les troschisques d'agaric, à pareille dose de demi - once, seront très salutaires: la thériaque de Venise, l'ambre gris, le safran administrés séparément, émousseront encore le sentiment trop vif de l'estomac, corrigeront la qualité maligne des humeurs, & rétabliront le ton des organes digestifs. Du reste il est bon de donner de tems en tems à l'animal atteint de la faim canine, une certaine quantité de pain trempé dans du vin, & de ne lui présenter d'ailleurs que des alimens d'une digestion assez difficile, tels que la paille, par exemple, afin que l'estomac ne se vuide point aussi aisément que si on ne lui offroit que des matieres qu'il dissout sans peine, & qu'il n'élabore point alors pour le profit du corps. L'opium dans l'eau froide, calme les douleurs que cause quelquefois dans ce même cas l'inflammation de ce viscere. (e)

Faim - fausse (Page 6:378)

Faim - fausse, (Medecine.) Voyez, pour la faussefaim, au mot Pseudorexie.

Faim - vale (Page 6:378)

Faim - vale, (Maréchallerie.) L'explication que nous avons donnée des causes & des symptomes de la maladie connue sous le nom de faim canine, & l'exposition que nous ferons de celle que nous appellons faim - vale, prouveront que l'une & l'autre ne doivent point être confondues; & que les auteurs qui n'ont établi aucune différence entr'elles, n'ont pas moins erré que ceux qui ont envisagé celle ci du même oeil que l'épilepsie.

Il seroit superflu sans doute d'interroger les anciens sur l'étymologie du terme faim - vale, & de remonter à la premiere imposition de ce mot, pour découvrir la raison véritable & originaire des notions & des idées qu'on y a attachées. Je dirai simplement que la faim - vale n'est point une maladie habituelle: elle ne se manifeste qu'une seule fois, & par un seul accès, dans le même cheval; & s'il en est qui en ont essuyé plusieurs dans le cours de leur vie, on doit convenir que le cas est fort rare. Il arrive dans les grandes chaleurs, dans les grands froids & après de longues marches, & non dans les autres tems & dans d'autres circonstances. Nous voyons encore que les chevaux vifs y sont plus sujets que ceux qui ne le sont point, & que les chevaux de tirage en sont piûtôt frappés que les autres. Le cheval tombe comme s'il étoit mort: alors on lui jette plusieurs seaux d'eau fraîche sur la tête, on lui en fait entrer dans les oreilles, on lui en souffle dans la bouche & dans les naseaux; & sur le champ il se releve, boit, mange, & continue sa route.

On ne peut attribuer cet accident qu'à l'interruption du cours des esprits animaux, produite dans les grandes chaleurs par la dissipation trop considérable des humeurs, & par le relâchement des solides; & en hyver par l'épaississement & une sorte de condensation de ces mêmes humeurs. Souvent aussi les chevaux vifs, & qui ont beaucoup d'ardeur, se donnent à peine le tems de prendre une assez grande quantité de nourriture; ils s'agitent, & dissipent plus. Si à ces dispositions on joint la longue diece, les fatigues excessives, l'activité & la plus grande force des sucs dissolvans, un défaut d'alimens proportionnément aux besoins de l'animal, la circulation du sang & des esprits animaux sera incontestablement rallentie. De - là une foiblesse dans le système nerveux, qui est telle, qu'elle provoque la chûte du cheval. Les aspersions d'eau froide causent une émotion subite, & remettent sur le champ les nerfs dans leur premier

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