ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"244"> occupation qu'on le voit goûter les premiers fruits de la prise de Carthagene; moins glorieux d'une si brillante conquête, qu'ardent à se préparer de nouveaux triomphes, tout le tems qu'il campa sous les murs de cette place, fut employé aux différens exercices militaires. Le premier jour, toutes les légions armées faisoient en courant un espace de quatre milles; le second, les soldats au - devant de leurs tentes s'occupoient à nettoyer & à polir leurs armes; le troisieme, ils se combattoient les uns les autres avec des especes de fleurets; le quatrieme étoit donné au repos des troupes, après quoi les exercices recommençoient dans le même ordre qu'auparavant.

Un historien éclairé nous a conservé le détail des mouvemens que Scipion faisoit faire à sa cavalerie: il accoûtumoit chaque cavalier séparément à tourner sur sa droite & sur sa gauche; à faire des demi-tours à droite & à gauche; il instruisoit ensuite les escadrons entiers à exécuter de tous côtés, & avec précision, les simples, doubles & triples conversions; à se rompre promptement, soit par les aîles, soit par le centre, & à se reformer avec la même legereté: il leur apprenoit sur - tout à marcher à l'ennemi avec le plus grand ordrè, & à en revenir de même. Quelque vivacité qu'il exigeât dans les diverses manoeuvres des escadrons, il vouloit que les cavaliers gardassent toûjours leurs rangs, & que les intervalles fussent exactement observés: il pensoit, dit Polybe, qu'il n'y a rien de plus dangereux pour la cavalerie, que de combattre quand elle a perdu ses rangs.

Si les Grecs & les Romains ont surpassé tous les anciens peuples par leur constante application au métier de la guerre, on peut dire avec autant de vérité, que depuis treize cents ans, les François l'emportent par le même endroit sur le reste de l'Europe; mais comme ils n'ont acquis cette supériorité qu'à la faveur de fréquens exercices, ils doivent pour se la conserver, persister dans la pratique d'un moyen qui peut, lui seul, maintenir leur réputation sur des fondemens inébranlables: les joûtes & les tournois, genre de spectacle dans lequel la nation françoise s'est distinguée avec tant d'éclat, entretenoient parmi cette noblesse qui a toûjours été la force & l'appui de l'état, l'adresse, la vigueur & l'intelligence nécessaires dans la guerre. L'ordonnance de ces fêtes célebres avoit quelque ressemblance avec les jeux olympiques des Grecs; mais l'on peut assûrer que l'établissement de nos camps d'exercices, remplacera les anciens spectacles de nos peres, mais avec d'autant plus d'utilité pour l'état.

Une raison bien puissante, si l'on veut y faire attention, pour prouver la nécessité des exercices, est que tous les desordres qui arrivent dans les troupes, & les malheurs qu'éprouvent souvent les armées, viennent ordinairement de l'inaction du soldat: l'histoire est remplie d'exemples de cette vérité.

Les soldats d'Annibal, on ne sauroit trop le redire, accoûtumés à endurer la faim, la soif, le froid, le chaud, & les plus rudes fatigues de la guerre, ne se furent pas plûtôt plongés dans les délices de la Campanie, qu'on vit la paresse, la crainte, la foiblesse & la lâcheté, prendre la place du courage, de l'ardeur, de l'intrépidité, qui peu de tems avant avoient porté la terreur jusqu'aux portes de Rome. Un seul hyver passé dans l'inaction & dans la débauche, en fit des hommes nouveaux, & coûta plus à Annibal que le passage des Alpes & tous les combats qu'il avoit donnés jusqu'alors.

Les exercices des François, qui après les Grecs & les Romains, ont été sans contredit les plus grands guerriers, sont fort anciens; si l'on en juge par les avantages qu'ils remporterent sur les Romains mêmes, & par les armes anciennes qui se trouyent dans tous les magasins d'artillerie, & dont il n'auroit pas été possible de se servir sans une habitude continuelle.

L'histoire de la premiere & de la seconde race de nos rois ne nous apprend rien de particulier au sujet de leurs exercices. On ne peut que former des conjectures sur ce que nous offre actuellement le bon ordre qu'on remarque dans les armées de Clovis, de Pepin, & de Charlemagne. La description des armes dont parlent Procope & Grégoire de Tours, ne nous laisse pas douter que les premiers François ne dûssent être bien exercés, pour se servir de l'épée, de la hallebarde, de la massue, de la fronde, du maillet, & de la hache.

Ces armes, pour s'en servir avec avantage, exigeoient des exercices, comme on vient de le dire: mais lorsque, depuis l'invention de la poudre on y substitua des armes à feu, il fallut changer ces exercices & les rendre encore plus fréquens, pour éviter de funestes accidens & pour s'en servir avec adresse. Addition de M. d'Authville.

Exercice de la manoeuvre (Page 6:244)

Exercice de la manoeuvre, (Marine.) c'est la démonstration & le mouvement de tout ce qu'il faut faire pour appareiller un vaisseau, mettre en panne, virer, arriver, mouiller, &c. (Z)

Exercice (Page 6:244)

Exercice, (Medecine, Hygiène.) Ce mot, dans le sens dont il s'agit, est employé pour exprimer l'action par laquelle les animaux mettent leur corps en mouvement, ou quelqu'une de ses parties, d'une maniere continuée pendant un tems considérable, pour le plaisir ou pour le bien de la santé.

Cette action s'opere par le jeu des muscles, qui sont les seuls organes par le moyen desquels les animaux ont la faculté de se transporter d'un lieu dans un autre, de mouvoir leurs membres conformément à tous leurs besoins. Voyez Muscle.

On restreint cependant la signification d'exercice en général, à exprimer l'action du corps à laquelle on se livre volontairement & sans une nécessité absolue, pour la distinguer du travail, qui est le plus souvent une action du corps à laquelle on se porte avec peine, qui nuit à la santé & qui accélere le cours de la vie, par l'excès qui en est souvent inséparable.

L'expérience fit connoître à ceux qui firent les premiers quelqu'attention à ce qui peut être utile ou nuisible à la santé, que l'exercice du mouvement musculaire est absolument nécessaire pour la conserver aux hommes & aux animaux qui sont susceptibles de cette action. En conséquence de cette observation la sage antiquité, pour exciter les jeunes gens à exercer leur corps, à le fortifier & à le disposer à soûtenir les fatigues de l'agriculture & de la guerre, jugea nécessaire de proposer des prix pour ceux qui se distingueroient dans les jeux établis à cet effet. C'est dans la même vûe que Cyrus, parmi les soins qu'il prenoit pour l'éducation des Perses, leur avoit fait une loi de ne pas manger avant d'avoir exercé leur corps par quelque genre de travail.

L'utilité de l'exercice étant ainsi reconnue, détermina bientôt les plus anciens medecins à rechercher les moyens de la pratiquer, les plus convenables & les plus avantageux à l'économie animale. D'après des observations, multipliées à ce sujet, ils parvinrent à donner des regles, des préceptes sur les différentes manieres de s'exercer; de contribuer par ce moyen à conserver sa santé & à se rendre robuste: ils en firent un art qu'ils appellerent gymnastique medicinale, qui fit partie de celui qui a pour objet d'entretenir l'économie animale dans son état naturel, c'est - à - dire de l'hygiène, parce qu'ils rangerent le mouvement du corps parmi les choses les plus nécessaires à la vie, dont le bon ou le mauvais usage contribue le plus à la couserver saine, ou à en altérer [p. 245] l'intégrité. Il fut mis au nombre de ce qu'on appelle dans les écoles les six choses non - naturelles. Voyez Hygiène & Gymnastique.

Le moyen le plus efficace pour favoriser les excrétions, c'est sans doute le mouvement du corps opéré par l'exercice ou le travail, parce qu'il ne peut pas avoir lieu sans accélérer le cours des humeurs, sans augmenter les causes de leur fluidité & de la chaleur naturelle: d'où doit s'ensuivre une élaboration, une coction plus parfaite, qui disposent chaque humeur particuliere à se séparer du sang, à se distribuer & à couler avec plus de facilité dans ses propres conduits; ensorte que les humeurs excrémentitielles étant portées dans leurs couloirs, & ensuite jettées hors de ces conduits ou du corps même, en quantité proportionnée au mouvement qui en a facilité la sécrétion (sur - tout celle de la transpiration insensible, par le moyen de laquelle la masse des humeurs se purifie & se décharge des ruines de tous les recrémens, de la sérosité surabondante, dégénérée, lixivielle, plus que par toute autre excrétion), l'excrétion en général se fait avec d'autant plus de regle, qu'elle a été davantage préparée par le mouvement du corps, entant qu'il a empêché ou corrigé l'épaississement vicieux que les humeurs animales, pour la plûpart, & le sang sur - tout, sont disposés naturellement à contracter, dès qu'elles sont moins agitées que la vie saine ne le requiert; entant qu'il a déterminé tous les fluides artériels à couler plus librement du centre à la circonférence (ce qui rend aussi leur retour plus facile), d'où doit résulter un plus grand abord de la sérosité excrémentitielle vers toute l'habitude du corps où elle doit être évacuée.

Aiusi l'exercice & le travail procurent la dissipation de ce qui, au grand détriment de l'économie animale, resteroit dans le corps par le défaut de mouvement.

L'exercice contribue pareillement à favoriser l'ouvrage de la nutrition. L'observation journaliere prouve que la langueur dans le mouvement circulaire, empêche que l'application du suc nourricier des parties élémentaires ne se fasse comme il faut pour la réparation des fibres simples, qui ont perdu plus qu'elles ne peuvent recouvrer. C'est ce dont on peut se convaincre, si l'on considere ce qui arrive à l'égard de deux jeunes gens nés de mêmes parens, avec la même constitution apparente, qui embrassent deux genres de vie absolument opposés; dont l'un s'adonne à des occupations de cabinet, à l'étude, à la méditation, mene une vie absolument sédentaire, tandis que l'autre prend un parti entierement opposé, se livre à tous les exercices du corps, à la chasse, aux travaux militaires. Quelle différence n'observe - t - on pas entre ces deux frercs? celui - ci est extrèmement robuste, résiste aux injures de l'air, supporte impunément la faim, la soif, les fatigues les plus fortes, sans que sa santé en souffre aucune altération; il est fort comme un Hercule: le premier au contraire est d'un tempérament très - foible, d'une santé toûjours chancelante, qui succombe aux moindres peines de corps ou d'esprit; il devient malade à tous les changemens de saison, de la température de l'air même: c'est un homme aussi délicat qu'une jeune fille valétudinaire. Cette différence dépend absolument de l'habitude contractée pour le mouvement dans l'un, & pour le repos dans l'autre.

Cependant l'exercice & le travail produisent de très - mauvais effets dans l'économie animale, lorsqu'ils sont pratiqués avec excès; ils ne peuvent pas augmenter le mouvement circulaire du sang, sans augmenter le frotement des fluides contre les solides, & de ceux - ci entr'eux. Ces effets, dès qu'ils sont produits avec trop d'activité ou d'une maniere trop durable, disposent toutes les humeurs à l'alkalescen<cb-> ce, à la pourriture. Lorsque quelqu'un a fait une course violente, & assez longue pour le fatiguer beaucoup, sa transpiration, sa sueur, sont d'une odeur fétide; l'urine qu'il rend ensuite est extrèmement rouge, puante, âcre, brûlante, par conséquent semblable à celle que l'on rend dans les maladies les plus aiguës. Le repos du corps & de l'esprit, & le sommeil, étoient les remedes que conseilloient dans ce cas les anciens medecins, dit le commentateur des aphorismes de Boerhaave.

L'exercice continu, sans être même excessif, contribue beaucoup à hâter la vieillesse, en produisant trop promptement l'oblitération des vaisseaux nourriciers, en faisant perdre leur fluidité aux humeurs plastiques qu'ils contiennent, en desséchant les fibres musculaires, en ossifiant les tuniques des gros vaisseaux: tous ces effets sont aisés à concevoir.

Ainsi les mouvemens du corps trop continués pouvant nuire aussi considérablement à l'économie animale saine, il est aisé de conclure qu'ils doivent produire le même effet, même sans être excessifs, dans le cas où il y a trop d'agitation dans le corps par cause de maladie.

L'exercice ne doit donc pas être employé comme remede dans les maladies qui sont aiguës de leur nature, ou dans celles qui deviennent telles: tant qu'elles subsistent dans cet état, où il y a toûjours trop de mouvement absolu ou respectif aux forces des malades, il ne faut pas ajoûter à ce qui est un excès.

Mais lorsque l'agitation causée par la maladie, cesse, que la convalescence s'établit; & même dans les fievres lentes, hectiques, qui ne dépendent souvent que de legers engorgemens habituels dans les extrémités artérielles, qui forment de petites obstructions dans les visceres du bas - ventre, des tubercules peu considérables dans les poumons; l'exercice est très - utile dans ces différens cas, pourvû que l'on en choisisse le genre convenable à la situation du malade; qu'il soit réglé à proportion des forces, & varié suivant les besoins. Voyez dans les oeuvres de Sydenham, les grands éloges qu'il donne, d'après une longue expérience dans la pratique, à l'exercice employé pour la curation de la plûpart des maladies chroniques, & particulierement à l'équitation. Voyez aussi Equitation.

Les moyens d'exercer le corps de différentes manieres, se réduisent à - peu - près aux suivans; mais en les désignant il convient d'en distinguer les différens genres: les uns sont actifs, d'autres sont purement passifs, & d'autres mixtes. Dans les premiers le mouvement est entierement produit par les personnes qui s'exercent: dans les seconds le mouvement est entierement procuré par des causes qui agissent sur les personnes à exercer. Dans les derniers, ces personnes operent différens mouvemens de leur corps, & en reçoivent en même tems des corps sur lesquels ils sont portés.

Parmi les exercices du premier genre, il y en a qui sont propres à exercer toutes les parties du corps, comme les jeux de paume, du volant, du billard, de la boule, du palet; la chasse, l'action de faire des armes, de sauter par amusement. Dans tous ces exercices on met en mouvement tous les membres; on marche, on agit des bras; on plie, on tourne le tronc, la tête en différens sens; on parle avec plus ou moins de véhémence; on crie quelquefois, &c. Il y en a qui ne mettent en action que quelques parties du corps seulement, comme la promenade, l'action de voyager à pié, de courir, qui exercent principalement les extrémités inférieures; l'action de ramer, de joüer du violon, d'autres instrumens à corde, qui mettent en action les muscles des extrémités supérieures; les différens exercices de la voix & de la respiration, qui renferment l'action de parler beaucoup, do déclamer, de chanter, de joüer des diffé<pb->

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