ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"242"> ordre dans aucun cas. Cette méthode, dit la Nouë dans ses disc milit. « donne un grand fondement à la victoire ». C'est par - là que du tems de cet auteur, la cavalerie allemande avoit la réputation d'être la meilleure de l'Europe. Les rangs de cette cavalerie ne paroissolent pas seulement serrés en marchant & en combattant, « ains collés les uns avec les autres, ce qui procede, dit ce savant officier, d'une ordinaire accoûtumance qu'ils ont de se tenir toûjours en corps, ayant appris, tant par connoissance naturelle que par épreuve, que le fort emporte toûjours le foible. Et ce qui rend bon témoignage, ajoûte - t - il, qu'ils ne faillent guere en ceci, est que quand ils sont rompus, ils se retirent & fuyent sans se separer, étant tous joints ensemble». Discours milit. du seigneur de la Nouë, pag. 310.

Terminons cet article par quelques réflexions de M. le chevalier de Folard, sur l'exercice des troupes pendant la paix.

« Dans la paix, la paresse, la négligence, & le relâchement des lois militaires, sont d'une très grande conséquence pour un état; car la guerre survenant, on en reconnoît aussi - tôt le mal, & ce mal est sans remede. Ce ne sont plus les mêmes soldats ni les mêmes officiers. Les peines & les travaux leur deviennent insupportables; ils ne voyent rien qui ne leur paroisse nouveau, & ne connoissent rien des pratiques des camps & des armées. Si la paix n'a pas été assez longue pour faire oublier aux vieux soldats qu'ils vivoient autrefois selon les lois d'une discipline reglée & exacte, on peut leur en rappeller la pratique par des moyens doux & faciles; mais si la paix a parcouru un espace de plusieurs années, ces vieux soldats, qui sont l'ame & l'esprit des corps où ils ont vieilli, seront morts ou renvoyés comme inutiles, obligés de mendier leur pain, à moins qu'ils n'entrent aux invalides: mais cette ressource ne se trouve pas dans tous les royaumes, & en France même elle n'est pas trop certaine: souvent une infirmité feinte, aidée de la faveur, y usurpe une place qui n'a été destinée qu'aux infirmités réelles: les autres, qui ne font venus que vers la fin d'une guerre, auront oublié dans la paix, ce qu'ils auront acquis d'expérience dans les exercices militaires, & entreront en campagne très - corrompus & très - ignorans. Les vieux officiers seront retirés ou placés; s'il en reste quelques - uns dans les corps, ils passeront (si la corruption ne les a pas gagnés) pour des radoteurs & des censeurs incommodes parmi cette foule de jeunes débauchés & de fainéans sans application & sans expérience. Ceux qui aimeront leur métier sans l'avoir pratiqué, pour être venus après la guerre, seront en si petit nombre, qu'ils se verront sans pouvoir, sans autorité, inconnus à la cour; & ce sera une espece de prodige s'ils peuvent échapper aux railleries & à l'envie des autres, dont la conduite est différente de la leur. Je ne donne pas ceci, dit M. de Folard, comme une chose qui peut arriver, mais comme un fait d'expérience journaliere. ... Mais faut - il beaucoup de tems pour corrompre la discipline militaire & les moeurs des soldats & des officiers? Bien des gens, sans aucune expérience du métier, se l'imaginent: ils se trompent; un quartier d'hyver suffit. ... Les délices de Capoue sont célebres dans l'histoire: ce ne fut pourtant qu'une affaire de cinq mois d'hyver; & ces cinq mois firent plus de tort aux Carthaginois, que la bataille de Cannes n'en avoit fait aux Romains ».

Pour éviter ces inconvéniens, M. de Folard propose « de former plusieurs camps en été, où les officiers généraux exerceroient eux - mêmes leurs troupes dans les grandes manoeuvres de la guerre, c'est - à - dire dans la Tactique, que les soldats non plus que les officiers, ne peuvent apprendre que par l'exercice. On formeroit par cette méthode des soldats expérimentés, d'excellens officiers, & des généraux capables de commander les armées ». Comment, sur Polybe, vol. II. p. 286. & suiv. C'est ce qu'on observe en France depuis quelques années, & dans quelques autres états de l'Europe. Moyen excellent pour entretenir les troupes dans l'habitude des travaux militaires, & pour faire acquérir aux officiers supérieurs l'usage du service & du commandement. (Q).

A ces réflexions générales de M. le Blond sur les exercices, M. d'Authville a cru pouvoir ajoûter les observations particulieres qui suivent.

Pour concevoir tout ce qu'on doit enseigner & apprendre aux exercices, on doit se représenter les troupes suivant leurs différentes especes & dans tous les différens cas où elles peuvent se trouver: on reunit ces cas sous quatre points de vûe.

1°. Lorsqu'elles sont sous les armes pour s'instruire de ce qu'elles doivent faire dans toutes les circonstances de la guerre.

2°. Lorsque pour les endurcir & les fortifier, on les fait ou travailler ou marcher.

3°. Lorsque loin de l'ennemi elles sont sous les armes, soit en marche, soit pour passer des revûes, soit pour faire des exercices de parade, pour rendre des honneurs, faire des réjoüissances, ou assister à des exécutions.

4°. Lorsqu'en présence de l'ennemi, elles attendent l'occasion de le combattre avec avantage, le cherchent, l'attaquent, le poursuivent, ou font retraite.

Pour parvenir à rendre le soldat capable de remplir tous ces objets, les exercices doivent être très fréquens; c'est le plus sûr moyen d'établir & maintenir dans les armées une bonne discipline.

Il faut s'appliquer à entretenir les anciens soldats dans l'usage de tout ce qu'ils ont appris & de tout ce qu'ils ont fait pendant la guerre, & les instruire sur les nouvelles découvertes faites au profit des armes, qui sont ordinairement le fruit & la suite des progrès faits à la guerre; on doit avec encore plus de soin former les nouveaux soldats, & les exercer plus souvent dans tout ce que les uns & les autres sont obligés de savoir.

Les exercices se renferment en cinq parties principales:

1°. Maniement des armes propres à chaque espece de troupes, on y doit comprendre l'art de monter à cheval. Voyez Maniement des Armes, & tout ce qui a rapport à l'Équitation.

2°. La marche, mouvement par lequel une troupe, soit à pié soit à cheval, se porte avec ordre enavant ou de tout autre côté. Voyez Mouvement.

3°. Les évolutions: on entend par - là tous les changemens de figure qu'on fait subir à une troupe. Voy. Evolution.

4°. Le travail, qui consiste dans la construction des retranchemens, forts, ou d'autres ouvrages faits pour l'attaque & défense des places & des camps, & dans le transport des choses qui y sont nécessaires.

5°. La connoissance des signaux, tels que les divers sons de la trompette, des tambours, &c. Voyez Signaux.

L'ordonnance du 6 Mai, quant aux exercices de l'infanterie, & celle du 22 Juin 1755, en ce qui concerne la cavalerie, sont si étendues qu'il seroit impossible de les rapporter ici. Avant que de fixer ce qui doit être exécuté dans les exercices, le ministere de la guerre a cru qu'il devoit consulter chaque corps de troupes en particulier; pour cet effet il a été adressé à tous les régimens de cavalerie & d'in<pb-> [p. 243] fanterie depuis la paix, & successivement d'année en année, des instructions sur lesquelles les épreuves ont été faites des meilleurs moyens d'exercer les troupes, suivant que la derniere guerre en avoit fait sentir la nécessité, & suivant le génie de la nation: sur ces instructions les commandans des corps, après avoir pris l'avis des officiers, ont fait leurs observations, qui ont été examinées par le ministre de la guerre dans des assemblées d'officiers généraux; & sur le compte qu'il en a rendu au Roi, il a plû à Sa Majesté rendre les ordonnances dont on vient de parler.

Ces ordonnances contiennent les titres suivans:

   Cavalerie.                Infanterie.
Des obligations des officiers,   Des obligations des officiers
& de la maniere dont ils         & de la maniere dont ils
doivent saluer.                  doivent porter les armes &
De l'école du cavalier.           en saluer, ainsi que les ser - Du maniement des armes à          gens.
pié.                            De l'école du soldat.
Du maniement des armes à         De la formation & assemblée
cheval.                          du bataillon.
De l'inspection à pié.           Du maniement des armes.
De l'inspection à cheval.        De la marche.
Des maximes générales pour       Des manoeuvres par rang &
les manoeuvres.                  par file.
Des manoeuvres pour une          Des évolutions pour rompre
compagnie.                       & reformer les bataillons.
Des manoeuvres pour un ré - De la colonne.
giment.                         De l'exercice du feu.
Des manoeuvres pour une          Des batteries, des tambours,
troupe de cinquante maitres.     & des signaux relatifs aux
Des signaux.                      évolut ons.
                                Des revûes.

Si nous surpassons les anciens en adresse, en agilité, il faut convenir qu'ils nous étoient bien supérieurs en force, puisqu'ils s'appliquoient sans cesse à la Gymnastique, & à fortifier leurs soldats.

On trouve ci - dessus, en abrégé, les différens exercices des Romains: pour ce qui est des Grecs, dont la Tactique d'Elien renferme tous les exercices, un officier fort savant nous en promet une traduction dans peu de tems avec des notes; elle sera précédée d'un discours sur la milice des Grecs en genéral.

S'il est d'une indispensable nécessité que toutes les troupes en général soient constamment exercées aux différentes manoeuvres de la guerre, on peut assûrer que cette loi oblige plus essentiellement la cavalerie que l'infanterie: non - seulement le cavalier doit savoir tout ce qu'on fait pratiquer au simple fantassin; destiné à un genre de combat différent, il faut encore qu'il s'y forme avec la plus grande attention, & qu'il y forme en même tems son cheval: il faut qu'il apprenne à manier ce cheval, & à le conduire avec intelligence; qu'il l'accoûtume à l'obéissance & à la docilité; qu'il le dresse à un grand nombre de mouvemens particuliers; que par des soins vigilans, il entretienne & augmente la force & la vigueur naturelle de cet animal, sa souplesse & sa legereté, & qu'il le rende capable de partager tous les sentimens dont il est lui - même tour - à - tour animé, soit à l'aspect de l'ennemi, soit au commencement du combat, soit dans la poursuite: il n'est rien de plus dangereux pour un cavalier, que de monter un cheval mal dressé: la perte de sa vie & de son honneur le punit très - souvent de sa négligence à cet égard.

La Grece divisée en autant de républiques qu'elle contenoit de villes un peu considérables, offroit autour de leur enceinte, le spectacle singulier & frappant d'une multitude d'habitans incessamment occupés à la lutte, au saut, au pugilat, à la course, au jeu du disque: ces exercices particuliers servoient de préparation à un exercice général de toute la nation, qui se renouvelloit tous les quatre ans en Elide (proche de la ville de Pise, autrement dite Olympie), & formoit la brillante solemnité des jeux olympiques. Si l'on refléchit sur le caractere des personnages illustres, à qui l'on attribue le rétablissement de ces jeux, on verra qu'ils étoient purement politiques, & qu'ils avoient moins pour objet ou la religion ou l'amour des fêtes, que d'inspirer aux Grecs une utile activité, qui les tînt toûjours préparés à la guerre.

Les exercices dans lesquels il falloit exceller, pour entrer dans la carriere olympique, entretenoient le corps agile, souple, leger, & procuroient aux Grecs une vigueur & une adresse qui les rendoit supérieurs à leurs ennemis.

C'est dans la même vûe & pour les mêmes raisons, que furent institués les jeux pythiques Les amphictions, les députés des principales villes de la Grece y présidoient, & regloient tout ce qui pouvoit contribuer à la sûreté & à la pompe de la fête.

Quant aux Romains, moins éloignés de nos tems, l'on sait que chacune de leurs immenses conquêtes a été le fruit de leurs exercices, & de l'attention qu'ils apportoient à former des soldats.

On accoûtumoit les soldats romains, comme on l'a dit plus haut, à faire vingt milles de chemin d'un pas ordinaire en cinq heures d'été, & d'un pas plus grand, vingt - quatre milles dans le même tems: ces pas comparés à ceux que prescrit la nouvelle ordonnance, leur sont égaux, suivant l'exacte supputation des heures, des milles, & des piés. Voyez Pas.

L'hyver comme l'été, les cavaliers romains étoient régulierement exercés tous les jours; & lorsque la rigueur de la saison empêchoit qu'on ne pût le faire à l'air, ils avoient des endroits couverts, destinés à cet usage. On les dressoit à sauter sur des chevaux de bois, tantôt à droite, tantôt à gauche; premierement sans armes, ensuite tout armés, & la lance ou l'épée à la main: après que les cavaliers s'étoient ainsi exercés seul à seul, ils montoient à cheval, & on les menoit à la promenade. Là on leur faisoit exécuter tous les mouvemens qui servent à attaquer & à poursuivre en ordre: si on leur montroit à plier, c'étoit pour leur apprendre à se reformer promptement, & à retourner à la charge avec la plus grande impétuosité. On les accoûtumoit à monter & à descendre rapidement par les lieux les plus roides & les plus escarpés, afin qu'ils ne pussent jamais se trouver arrêtés par aucune difficulté du terrein.

Enfin les exercices des Romains (au rapport de Josephe, liv. III. ch. vj.) ne différoient en rien des véritables combats: ils pouvoient, ajoûte - t - il, se nommer batailles non sanglantes, & leurs batailles des exercices sanglans.

L'histoire nous fait voir une des principales causes des succès d'Annibal, dans le relâchement où les Romains étoient tombés après la premiere guerre punique.

Vingt ans de négligence ou d'interruption dans leurs exercices ordinaires, les avoient tellement énervés & rendus si peu propres aux manoeuvres de la guerre, qu'ils ne purent tenir contre les Carthaginois, & qu'ils furent défaits autant de fois qu'ils oserent paroître devant eux en bataille rangée: ce ne fut que par l'usage des armes qu'ils sortirent peu - à - peu de l'état de foiblesse & d'abattement où les avoit réduits le mauvais emploi qu'ils avoient fait du repos de la paix: de sages généraux firent revivre dans les légions l'esprit romain, en y rétablissant l'ancienne discipline & l'habitude des exercices: alors leur courage se ranima; & l'expérience leur ayant donné de nouvelles forces, d'abord ils arrêterent les progrès rapides de l'ennemi, ensuite ils balancerent ses succès, enfin ils en devinrent les vainqueurs. Scipion fut un de ceux qui contribua davantage à un si prompt changement: il ne croyoit pas qu'il y eût de meilleur moyen pour assûrer la victoire à ses troupes, que de les exercer sans relâche. C'est dans cette

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