ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"280"> tains corps, & à la communication interrompue ou rétablie entre les corps qui peuvent être pénétrés par ce fluide.

Puisque l'électricité est une cause de répulsion très différente de la chaleur, il est naturel de se demander si elle agit suivant la même loi de la raison inverse des distances, ou suivant une autre loi. On n'a point encore fait les observations nécessaires pour décider cette question: mais les Physiciens doivent à MM. le Roy & d'Arcy, l'instrument qui peut les mettre un jour en état d'y répondre. Voyez au mot Electrometre, l'ingénieuse construction de cet instrument, qui peut servir à donner de très - grandes lumieres sur cette partie de la Physique. Personne n'est plus capable que les inventeurs de profiter du secours qu'ils ont procuré à tous les Physiciens; & puisque M. le Roy s'est chargé de plusieurs articles de l'Encyclopédie qui concernent l'électricité, j'ose l'inviter à nous donner la solution de ce problème au mot Répulsion électrique.

J'ai dit qu'il ne paroissoit pas par l'expérience que l'électricité seule pût rendre expansible aucun corps de la nature; & cela peut sembler étonnant au premier coup - d'oeil, vû les prodigieux effets du fluide électrique & l'action tranquille de la chaleur, lors même qu'elle suffit pour mettre en vapeur des corps assez pesans. Je crois pourtant que cette différence vient de ce que dans la vérité la répulsion produite par l'électricité est si foible en comparaison de celle que produit la chaleur, qu'elle ne peut jamais que diminuer l'adhérence des parties, mais non la vaincre, & faire passer le corps, comme le fait la chaleur, de l'état de liquide à celui de corps expansible. On se tromperoit beaucoup, si l'on jugeoit des forces absolues d'un de ces fluides pour écarter les parties des corps par la grandeur & la violence de ses effets apparens. Les effets apparens ne dépendent pas de la force seule, mais de la force rendue sensible par les obstacles qu'elle a rencontrés. J'ai déjà remarqué que tous les phénomenes de l'électricité venoient du défaut d'équilibre dans le partage du fluide entre les différens corps & de son rétablissement subit: or ce défaut d'équilibre n'existeroit pas, si la communication étoit continuelle. C'est pour cette raison que le fluide électrique ne produiroit aucun effet sensible dans l'eau, quoiqu'il n'en eût pas une force moins réelle. Nous sommes par rapport à l'élément de la chaleur, précisément dans le cas où nous serions par rapport au fluide électrique, si nous vivions dans l'eau. La communication de l'élément de la chaleur se fait sans obstacle dans tous les corps; & quoiqu'il ne soit pas actuellement en équilibre dans tous, cette rupture d'équilibre est plûtôt une agitation inégale, & tout au plus une condensation plus ou moins grande dans quelques portions d'un fluide répandu par - tout, qu'une accumulation forcée d'un fluide dont l'activité soit retenue par des obstacles impénétrables. L'équilibre d'agitation & de condensation entre les différentes portions du fluide de la chaleur, se rétablit de proche en proche & sans violence; il a besoin du tems, & n'a besoin que du tems. L'équilibre dans le partage du fluide électrique entre les différens corps se rétablit par un mouvement local & par une espece de transvasion subite, dont l'effet est d'autant plus violent, que le fluide étoit plus inégalement partagé. Cette transvasion ne peut se faire qu'en supprimant l'obstacle, & en rétablissant la communication; & des que l'obstacle est supprimé, elle se fait dans un instant inassignable. Enfin le rétablissement de l'équilibre entre les parties du fluide électrique, se fait d'une maniere analogue à celle dont l'eau se précipite pour reprendre son niveau lorsqu'on ouvre l'écluse qui la retenoit, & il en a toute l'impétuosité. Le rétablissement de l'équilibre entre les différentes por<cb-> tions du fluide de la chaleur, ressemble à la maniere dont une certaine quantité de sel se distribue uniformément dans toutes les portions de l'eau qui le tient en dissolution, & il en a le caractere lent & paisible. La prodigieuse activité du fluide électrique, ne décide donc rien sur la quantité de répulsion qu'il est capable de produire; & puisqu'essectivement l'électricité n'a jamais pû qu'augmenter un peu la fluidité de l'eau sans jamais la réduire en vapeur, nous devons conclure que la répulsion produite par l'électricité est incomparablement plus foible que celle dont la chaleur est la cause: nous sommes fondés par conséquent à regarder la chaleur comme la vraie cause de l'expansibilité, & à définir l'expansibilité, considérée physiquement, l'état des corps vaporisés par la chaleur.

De l'expansibilité comparée dans les différentes substances auxquelles elle appartient. On peut comparer l'expansibilité dans les différentes substances, sous plusieurs points de vûe. On peut comparer 1°. la loi de l'expansibilité, ou des décroissemens de la force répulsive dans les différens corps; 2°. le degré de chaleur où chaque substance commence à devenir expansible; 3°. le degré d'expansibilité des différens corps, c'est - à - dire le rapport de leur volume à leur masse, au même degré de chaleur.

A l'égard de la loi que suit la répulsion dans les différens corps expansibles, il paroît presque impossible de s'assûrer directement par l'expérience, qu'elle est dans tous les corps la même que dans l'air. La plûpart des corps expansibles qu'on pourroit soûmettre aux expériences, n'acquierent cette propriété que par un degré de chaleur assez considérable, & rien ne seroit si difficile que d'entretenir cette chaleur au même point, aussi long - tems qu'il le faudroit pour les soûmettre à nos expériences. Si l'on essayoit de les charger successivement, comme l'air, par différentes colonnes de mercure, le refroidissement produit par mille causes & par la seule nécessité de placer le vaisseau sur un support, & d'y appliquer la main ou tout autre corps qui n'auroit point le même degré de chaleur, viendroit se joindre au poids des colonnes pour condenser la vapeur: or comment démêler la condensation produite par l'action des poids, de la condensation produite par un refroidissement dont on ne connoît point la mesure? Les vapeurs de l'acide nitreux très - concentré & surchargé de phlogistique, auroient à la vérité cet avantage sur les vapeurs aqueuses, qu'elles pourroient demeurer expansibles à des degrés de chaleur au - dessous même de celle de l'atmosphere dans des jours très - chauds. Mais de quelle maniere s'y prendroiton pour les comprimer dans une proportion connue; puisque le mercure, le seul de tous les êtres qu'on pût employer à cet usage, ne pourroit les toucher sans être dissous avec une violente effervescence qui troubleroit tous les phénomenes de l'expansibilité?

On lit dans les essais de physique de Musschenbroek, §. 1330, que des vapeurs élastiques produites par la pâte de farine, comprimées par un poids double, ont occupé un espace quatre fois moindre. Mais j'avoue que j'ai peine à imaginer comment ce célebre physicien a pû exécuter cette expérience avec les précautions nécessaires pour la rendre concluante, c'est - à - dire en conservant la vapeur, le vaisseau, les supports du vaisseau, & la force comprimante, dans un degré de chaleur toûjours le même. De plus, on sait que ces mêmes vapeurs qui s'élevent des corps en fermentation, sont un mélange d'air dégagé par le mouvement de la fermentation, & d'autres substances volatiles; souvent ces substances absorbent de nouveau l'air avec lequel elles s'étoient elevées, & forment par leur union chimique avec lui un nouveau mixte, dont l'expansibilité peut [p. 281] être beaucoup moindre, ou même absolument nulle. Voyez les articles Effervescence & Clyssus. M. Musschenbroek n'entre dans aucun détail sur le procédé qu'il a suivi dans cette expériençe; & je présume qu'il s'est contenté d'observer le rapport de la compression à l'espace, sans faire attention à toutes les autres circonstances qui peuvent altérer l'expansibilité de la vapeur: car s'il eût tenté d'évaluer ces circonstances, il y eût certainement trouvé trop de difficultés pour ne pas rendre compte des moyens qu'il auroit employés pour les vaincre; peut - être même auroit - il éte impossible d'y réussir.

Il est donc très - probable que l'expérience ne peut nous apprendre si les vapeurs se condensent ou non, comme l'air, en raison des forces comprimantes, & si leurs particules se repoussent en raison inverse de leurs distances: ainsi nous sommes réduits sur cette question à des conjectures pour & contre.

D'un côté la chaleur étant, comme nous l'avons prouvé, la cause de l'expansibilité dans toutes les substances connues, on ne peut guere se défendre de croire que cette cause agit dans tous les corps, suivant la même loi; d'autant plus que toutes les différences qui pourroient résulter des obstacles que la contexture de leurs parties & les lois de leur adhésion mettroient à l'action de la chaleur, sont absolument nulles, dès que les corps sont une fois dans l'état de vapeur: les dernieres molécules du corps sont alors isolées dans le fluide, où elles nagent; elles ne résistent à son action que par leur masse ou leur figure, qui étant constamment les mêmes, ne forment point des obstacles variables en raison des distances, & qui ne peuvent par conséquent altérer par le mélange d'une autre loi, le rapport de l'action propre de la chaleur avec la distance des molécules sur lesquelles elle agit. D'ailleurs l'air sur lequel on a fait des expériences, n'est point un air pur; il tient toûjours en dissolution une certaine quantité d'eau, & même d'autres matieres, qu'il peut aussi soûtenir au moyen de leur union avec l'eau. Voyez Rosée. La quantité d'eau actueilement dissoute par l'air, est toûjours relative à son degré de chaleur. Voyez Evaporazion & Humidité. Ainsi la proportion de l'air à l'eau dans un certain volume d'air, varie continuellement; cependant cette différente proportion ne change rien à la loi des condensations, dans quelque état que soit l'air qu'on soûmet à l'expérience. Il est naturel d'en conclure, que l'expansibilité de l'eau suit la même loi que celle de l'air, & que cette loi est toûjours la même, quelle que soit la nature du corps exposé à l'action de la chaleur.

De l'autre côté on peut dire que l'eau ainsi élevée & soûtenue dans l'air par la simple voie de vaporisation, c'est - à - dire par l'union chimique de ses molécules avec celles de l'air, n'est, à proprement parler, expansible que par l'expansibilité propre de l'air, & peut être assujettie à la même loi, sans qu'on puisse rigoureusement en conclure, que l'eau devenue expansible par la vaporisation proprement dite, & par une action de la chaleur qui lui seroit appliquée immédiatement, ne suivroit pas des lois différentes. On peut ajoûter qu'il y a des corps qui ne se conservent dans l'état d'expansibilité, que par des degrés de chaleur très - considérables & très - supérieurs à la chaleur qu'on a jusqu'ici appliquée à l'air. Or quoique la chaleur dans un degré médiocre produise entre les molécules des corps une répulsion qui suit la raison inverse des distances, il est très - possible que la loi de cette répulsion change lorsque la chaleur est poussée à des degrés extrèmes, ou son action prend peut - être un nouveau caractere; ce qui donneroit une loi différente pour la répulsion dans les différens corps.

Aucune des deux opinions n'est appuyée sur des preuves assez certaines pour prendre un parti. J'a<cb-> vouerai pourtant que je panche à croire la loi de répulsion uniforme dans tous les corps. Tous les degrés de chaleur que nous pouvons connoître, sont vraissemblablement bien - loin des derniers degrés dont elle est susceptible, dans lesquels seuls nous pouvons supposer que son action souffre quelque changement; & quoique l'uniformité de la loi dans l'air uni à l'eau, quelle que soit la proportion de ces deux substances, ne suffise pas pour en tirer une conséquence rigoureuse, généralement applicable à tous les corps; elle prouve du moins que le corps expansible peut être fort altéré dans la nature & les dimensions de ses molécules, sans que la loi soit en rien dérangée; & c'en est assez pour donner à la proposition générale bien de la probabilité.

Mais si l'on peut avec vraissemblance supposer la même loi d'expansibilité pour tous les corps, il s'en faut bien qu'il y ait entre eux la même uniformité par rapport au degré de chaleur dont ils ont besoin pour devenir expansibles. J'ai déjà remarqué plus haut que ce commencement de la vaporisation des corps comparé à l'échelle de la chaleur, répondoit toûjours au même point pour chaque corps placé dans les mêmes circonstances, & à différens points pour les différens corps; ensorte que si l'on augmente graduellement la chaleur, tous les corps susceptibles de l'expansibilité parviendront successivement à cet état dans un ordre toûjours le même. On peut représenter cet ordre que j'appelle l'ordre de vaporisation des corps, en dressant, d'après des observations exactes, une table de tous ces points fixes, & former ainsi une échelle de chaleur bien plus étendue que celle de nos thermometres. Cette table, qui seroït très - utile aux progrès de nos connoissances sur la nature intime des corps, n'est point encore exécutée: mais les Physiciens en étudiant le phénomene de l'ébullition des liquides, & les Chimistes en décrivant l'ordre des produits dans les différentes distillations (Voyez Ebullition & Distillation), ont rassemblé assez d'observations pour en extraire les faits généraux, qui doivent former la théorie physique de l'ordre de vaporisation des corps. Voici les faits qui résultent de leurs observations.

1°. Un même liquide dont la surface est également comprimée, se réduit en vapeur & se dissipe toûjours au même degré de chaleur: de - là la constance du terme de l'eau bouillante. Voyez Ébullition & le mémoire de M. l'abbé Nollet. 2°. La vaporisation n'a besoin que d'un moindre degré de chaleur, si la surface du liquide est moins comprimée, comme il arrive dans l'air raréfié par la machine pneumatique; au contraire, la vaporisation n'a lieu qu'à un plus grand degré de chaleur, si la pression sur la surface du liquide augmente, comme il arrive dans le digesteur ou machine de Papin. Voyez Digesteur. Delà l'exacte correspondance entre la variation legere du terme de l'eau bouillante & les variations du barometre. 3°. L'eau qui tient en dissolution des matieres qui ne s'élevent point au même degré de chaleur qu'elle, ou même qui ne s'élevent point du - tout, a besoin d'un plus grand degré de chaleur pour parvenir au terme de la vaporisation ou de l'ébullition. Ainsi pour donner à l'eau bouillante un plus grand degré de chaleur, on la charge d'une certaine quantité de sels. Voyez l'article Bain - marie. 4°. Au contraire l'eau, ou toute autre substance unie à un principe qui demande une moindre chaleur pour s'élever, s'éleve aussi à un degré de chaleur moindre qu'elle ne s'éleveroit sans cette union. Ainsi l'eau unie à la partie aromatique des plantes monte à un moindre degré de chaleur dans la distillation que l'eau pure; c'est sur ce principe qu'est fondé le procédé par lequel on rectifie les eaux & les esprits aro<pb->

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