ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"278"> de l'air ou la répulsion de ses parties, est produite par une cause méchanique, dont l'effort tend à écarter chaque particule de la particule voisine, & non par une force mathématique inhérente à chacune d'elles, qui tendroit à les éloigner toutes les unes des autres, comme l'attraction tend à les rapprocher, soit en vertu de quelque propriété inconnue de la matiere, soit en vertu des lois primitives du Ciéateur: en effet, si l'attraction est un fait démontré en Physique, comme nous nous croyons en droit de le supposer, il est impossible que les parties de l'air se repoussent par une force inhérente & mathématique. C'est un fait que les corps s'attirent à des distances auxquelles jusqu'à présent on ne connoît point de bornes; Saturne & les cometes, en tournant autour du Soleil, obéissent à la loi de l'attraction: le Soleil les attire en raison inverse du quarré des distances; ce qui est vrai du Soleil, est vrai des plus petites parties du Soleil, dont chacune pour sa part, & proportionnellement à sa masse, attire aussi Saturne suivant la même loi. Les autres planetes, leurs plus petites parties & les particules de notre air, sont doüées d'une force attractive semblable, qui dans les distances éloignées, surpasse tellement toute force agissante suivant une autre loi, qu'elle entre seule dans le calcul des mouvemens de tous les corps célestes: or il est évident que si les parties de l'air se repoussoient par une force mathématique, l'attraction bien loin d'être la force dominante dans les espaces célestes, seroit au contraire prodigieusement surpassée par la répulsion; car c'est un point de fait, que dans la distance actuelle qui se trouve entre les parties de l'air, leur répulsion surpasse incomparablement leur attraction: c'est encore un fait que les condensations de l'air sont proportionnelles aux poids, & que par conséquent la répulsion des particules décroît en raison inverse des distances, & même, comme Newton l'a remarqué, dans une raison beaucoup moindre, si c'est une loi purement mathématique: donc les décroissemens de l'attraction sont bien plus rapides, puisqu'ils suivent la raison inverse du quarré des distances; donc si la répulsion a commencé à surpasser l'attraction, elle continuera de la surpasser, d'autant plus que la distance deviendra plus grande; donc si la répulsion des parties de l'air étoit une force mathématique, cette force agiroit à plus forte raison à la distance des planetes.

On n'a pas même la ressource de supposer que les particules de l'air sont des corps d'une nature différente des autres, & assujettis à d'autres lois; car l'expérience nous apprend que l'air a une pesanteur pro pre; qu'il obéit à la même loi qui précipite les autres corps sur la terre, & qu'il fait équilibre avec eux dans la balance. Voyez Air. La répulsion des parties de l'air a donc une cause méchanique, dont l'effort suit la raison inverse de leurs distances: or l'exemple des autres corps rendus expansibles par la chaleur, nous montre dans la nature une cause méchanique d'une répulsion toute semblable: cette cause est sans cesse appliquée à l'air; son effet sur l'air, sensiblement analogue à celui qu'elle produit sur les autres corps, est précisément l'augmentation de cette force d'expansibilité ou de répulsion, dont nous cherchons la cause; & de plus, cette augmentation de force est exactement assujettie aux mêmes lois que suivoit la force avant que d'être augmentée. Il est certain que l'application d'un degré de chaleur plus considérable à une masse d'air, augmente son expansibilité; cependant les physiciens qui ont comparé les condensations de l'air aux poids qui les compriment, ont toûjours trouvé ces deux choses exactement proportionnelles, quoiqu'ils n'ayent eu dans leurs expériences aucun égard au degré de chaleur, & quel qu'ait été ce degré. Lorsque M. Amontons s'est assûré (Mém. de l'Acad. des Scienc. 1702.) que deux masses d'air, chargées dans le rapport d'un à deux, soûtiendroient, si on leur appliquoit un égal degré de chaleur, des poids qui seroient encore dans le rapport d'un à deux; ce n'étoit pas, comme on le dit alors, une nouvelle propriété de l'air qu'il découvroit aux Physiciens; il prouvoit seulement que la loi des condensations proportionelles aux poids, avoit lieu dans tous les degrés de chaleur; & que par conséquent, l'accroissement qui survient par la chaleur à la répulsion, suit toûjours la raison inverse des distances.

Si nous regardons maintenant la répulsion totale qui répond au plus grand degré de chaleur connu, comme une quantité formée par l'addition d'un certain nombre de parties a, b, c, e, f, g, h, i, &c. qui soit le même dans toutes les distances, il est clair que chaque partie de la répulsion croît & décroît en même raison que la répulsion totale, c'est - à - dire en raison inverse des distances, & que chacun des termes sera [omission: formula; to see, consult fac-similé version], &c. or il est certain qu'une partie de ces termes, dont la somme est égale à la différence de la répulsion du grand froid au plus grand chaud connu, répondent à autant de degrés de chaleur; ce seront, si l'on veut, les termes a, b, c, e: or comme le dernier froid connu peut certainement être encore fort augmenté; je demande si, en supposant qu'il survienne un nouveau degré de froid, la somme des termes qui composent la répulsion totale, ne sera pas encore diminuée de la quantité [omission: formula; to see, consult fac-similé version], & successivement par de nouveaux degrés de froid des quantités [omission: formula; to see, consult fac-similé version] & [omission: formula; to see, consult fac-similé version]: je demande à quel terme s'arrêtera cette diminution de la force répulsive toûjours correspondante à une dertaine diminution de la chaleur, & toûjours assujettie à la loi des distances inverses, comme la partie de la force qui subsiste après la diminution: je demande en quoi les termes g, h, i, different des termes a, b, c; pourquoi différentes parties de la force répulsive, égales en quantité, & reglées par la même loi, seroient attribuées à des causes d'une nature différente; & par quelle rencontre fortuite des causes entierement différentes produiroient sur le même corps des effets entierement semblables & assujettis à la même loi. Conclure de ces réflexions, que l'expansibilité de l'air n'a pas d'autre cause que la chaleur, ce n'est pas seulement appliquer à l'expansibilité d'une substance la cause qui rend une autre substance expansible; c'est suivre une analogie pius rapprochée, c'est dire que les causes de deux effets de même nature, & qui ne different que du plus au moins, ne sont aussi que la même cause dans un degré différent: prétendre au contraire que l'expansibilité est essentielle à l'air, parce que le plus grand froid que nous connoissions, ne peut la lui faire perdre; c'est ressembler à ces peuples de la zone torride, qui croyent que l'eau ne peut cesser d'être fluide, parce qu'ils n'ont jamais éprouvé le degré de froid qui la convertit en glace.

Il y a plus: l'expérience met tous les jours sous les yeux des Physiciens, de l'air qui n'est en aucune maniere expansible; c'est cet air que les Chimistes ont démontré dans une infinité de corps, soit liquides, soit durs, qui a contracté avec leurs élémens une véritable union, qui entre comme un principe essentiel dans la combinaison de plusieurs mixtes, & qui s'en dégage, ou par des décompositions & des combinaisons nouvelles dans les fermentations & les mélanges chimiques, ou par la violence du feu: cet air ainsi retenu dans les corps les plus durs, & privé de toute expansibilité, n'est - il pas précisément dans le cas de l'eau, qui combinée dans les corps n'est plus fluide, & cesse d'être expansible à des degrés de chaleur très - supérieurs au degré de l'eau bouillante, [p. 279] comme l'air cesse de l'être à des degrés de chaleur très - supérieurs à celle de l'atmosphere? Qu'au degré de chaleur de l'eau bouillante, l'eau soit dégagée des autres principes par de nouvelles combinaisons, elle passera immédiatement à l'état d'expansibilité: de même dégagé & rendu à lui même dans la décomposition des mixtes, n'a besoin que du plus petit degré de chaleur connu, pour devenir expansible: il le deviendra encore, sans l'application d'un intermode chimique, par l'effet de la seule chaleur, lorsqu'elle sera assez forte pour vaincre l'union qu'il a contractée avec les principes du mixte: c'est précisément de la même maniere que l'eau se sépare dans la distillation des principes avec lesquels elle est combinée, parce que malgré son union avec eux, elle est encore réduite en vapeurs par un degré de chaleur bien inférieur à celui qui pourroit élever les autres principes: or dans l'un & l'autre phénomene, c'est également la chaleur qui donne à l'air & à l'eau toute leur expansibilité, & il n'y a aucune différence que dans le degré de chaleur qui vaporise l'une & l'autre substance; degré qui dépend bien moins de leur nature particuliere, que de l'obstacle qu'oppose à l'action de la chaleur l'union qu'elles ont contractée avec les autres principes, ensorte que presque toûjours l'air a besoin, pour devenir expansible, d'un degré de chaleur fort supérieur à celui qui vaporise l'eau. Il résulte de ces faits, 1°. que l'air perd son expansibilité par son union avec d'autres corps, comme l'eau perd, dans le même cas, son expansibilité & sa liquidité; 2°. qu'ainsi, ni l'expansibilité, ni la fluidité n'appartiennent aux élémens de ces deux substances, mais seulement à la masse ou à l'aggrégation formée de la réunion de ces élémens, comme l'a remarqué M. Venel dans son mémoire sur l'analyse des eaux de Selters (Mém. des corresp. de l'acad. des Sciences, tome II.); 3°. que la chaleur donne également à ces deux substances l'expansibilité, par laquelle leur union, avec les principes des mixtes, est rompue; 4°. enfin, que l'analogie entre l'expansibilité de l'air & celle de l'eau, est complete à tous égards; que par conséquent, nous avons eu raison de regarder l'air comme un fluide actuellement dans l'état de vapeur, & qui n'a besoin, pour y persévérer, que d'un degré de chaleur fort au - dessous du plus grand froid connu. Si je me suis un peu étendu sur cette matiere, c'est afin de porter le dernier coup à ces suppositions gratuites de corpuseules branchus, de lames spirales, dont on composoit notre air, & afin de substituer à ces rêveries, honorées si mal - à - propos du nom de méchanisme, une théorie simple, qui rappelle tous les phénomenes de l'expansibilité dans différentes substances, à ce seul fait général, que la chaleur tend à écarter les unes des autres les parties de tous les corps. Je n'entreprends point d'expliquer ici la nature de la chaleur ni la maniere dont elle agit: le peu que nous savons sur l'élément qui paroît être le milieu de la chaleur, appartient à d'autres articles. V. Chaleur, Feu, Froid , & Température. Nous ignoronssi cet élément est, ou n'est pas lui même un fluide expansible, & qu'elles pourroient être en ce dernier cas les causes de son expansibilité; car je n'ai prétendu assigner la cause de cette propriété, que dans les corps où elle est sensible pour nous. Quant à ces fluides qui se dérobent à nos sens, & dont l'existence n'est constatée que par leurs effets, comme le fluide magnétique, le fluide électrique, & l'élément même de la chaleur, nous connoissons trop peu leur nature, & nous ne pouvons en parler autrement que par des conjectures; à la vérité, ces conjectures semblent nous conduire à penser qu'au moins le fluide électrique est éminemment expansible. Voyez les articles Feu électrique, Magnétisme, Ether , & Température.

Quoique l'expansibilité des vapeurs & de l'air, doive être attribuée à la chaleur comme à sa véritable cause, ainsi que nous l'avons prouvé, l'expérience nous montre une autre cause capable, comme la chaleur d'écarter les parties du corps, de produire une véritable répulsion, & d'augmenter du moins l'expansibilité, si elle ne suffit pas seule pour donner aux corps cette propriété; ce qui ne paroît effectivement pas par l'expérience. Je parle de l'électricité: on sait que deux corps également électrisés se repoussent mutuellement, & qu'ainsi un système de corps électriques fourniroit un tout expansible: on sait que l'eau électrisée sort par un jet continu de la branche capillaire d'un syphon, d'où elle ne tomboit auparavant que goutte à goutte; l'électricité augmente donc la fluidité des liqueurs, & diminue l'attiaction de leurs parties, puisque c'est par cette attraction que l'eau se soûtient dans les tuyaux capillaires (voyez Tuyaux capillaires): on ne peut donc douter que l'électricité ne soit une cause de répulsion entre les parties de certains corps, & qu'elle ne soit capable de produire un certain degré d'expansibilité; soit qu'on lui attribue une action particuliere, indépendante de celle du fluide de la chaleur, soit qu'on imagine, ce qui est peut - être plus vraissemblable, qu'elle produit cette répulsion par l'expansibilité que le fluide électrique reçoit lui - même du fluide de la chaleur, comme les autres corps de la nature.

Plusieurs personnes seront peut - être étonnées de me voir distinguer ici la répulsion produite par l'électricité, de celle dont la chaleur est la véritable cause; & peut - être regarderont - elles cette ressemblance dans les effets de l'une & de l'autre, comme une nouvelle preuve de l'identité qu'elles imaginent entre le fluide électrique & le fluide de la chaleur, qu'elles confondent très - mal à - propos avec le feu, avec la matiere du feu, & avec la lumiere, toutes choses cependant très différentes. Voyez Feu, Lumiere, & Phlogistique. Mais rien n'est plus mal fondé que cette identité prétendue entre le fluide électrique & l'élément de la chaleur. Indépendamment de la diversité des effets, il suffit pour se convaincre que l'un de ces élémens est très - distingué de l'autre, de faire réflexion que le fluide de la chaleur pénetre toutes les substances, & se met en équilibre dans tous les corps, qui se communiquent tous réciproquement les uns par les autres, sans que jamais cette communication puisse être interrompue par aucun obstacle: le fluide électrique, au contraire, reste accumulé dans les corps électrisés & autour de leur surface, s'ils ne sont environnés que des corps qu'on a appellés électriçues par eux - mêmes, c'est - à - dire qui ne transmettent pas l'électricité, du moins de la même maniere que les autres corps; comme l'air est de ce nombre, le fluide électrique a besoin, pour se porter d'un corps dans un autre, & s'y mettre en équilibre, de ce qu'on appelle un conducteur (voyez Conducteur); & c'est à la promptitude du rétablissement de l'équilibre, dûe peut - être à la prodigieuse expansibilité de ce fluide, qu'il faut attribuer l'étincelle, la commotion, & les autres phénomenes qui accompagnent le rétablissement subit de la communication entre le corps électrisé en plus, & le corps électrisé en moins. Voyez Elec Iricité & Coup foudroyant. J'ajoûte que si le fluide électrique communiquoit universellement d'un corps à l'autre, comme le fluide de la chaleur, ou même s'il traversoit l'air aussi librement qu'il traverse l'eau, il seroit resté à jamais inconnu, comme il le seroit nécessairement pour un peuple de poissons, quelque philosophes qu'on pût les supposer; le fluide existeroit, mais aucun des phénomenes de l'électricité ne seroit produit, puisqu'ils se réduisent tous à l'accumulation du fluide électrique aux environs de cer<pb->

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