ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"238"> leur propre église, sans s'être présentés à leur évêque: ils ne pourroient le faire contre sa volonté; & si c'est en sa présence, même dans leur église, ils doivent attendre sa bénédiction. Pour prêcher dans les autres églises ils ont besoin de sa permission, qui est révocable ad nutum.

Lorsque les exempts abusent de leurs priviléges, ils doivent en être privés, suivant la doctrine du concile de Latran, en 1215; de celui de Sens, en 1269; d'Avignon, en 1326; & de Saltzbourg, en 1386.

Ils peuvent même quelquefois en être privés sans en avoir abusé, lorsque les circonstances des tems, des lieux & des personnes exigent quelque changement. Voyez le traité de exemptionibus de Jacobus de Canibus, & celui de Baldus; les Mémoires du Clergé, tom. l. & Vl. la Bibliot. can. tom. I. p. 603. Preuves des libertés, tom. Il. ch. xxxviij. Fevret, traité de l'Abus, liv. III. ch. j. les Lois ecclésiastiques de d'Hé<-> ricourt, part. I. ch. xj. (A)

EXEMPTIONS (Page 6:238)

EXEMPTIONS, (Finances.) c'est un privilége qui dispense d'une imposition, d'une contribution, ou de toute autre charge publique & pécuniaire, dont on devroit naturellement supporter sa part & portion.

Une exemption de cette espece est donc une exception à la regle générale, une grace qui déroge au droit commun.

Mais comme il est juste & naturel, que dans un gouvernement quelconque, tous ceux qui participent aux avantages de la société, en partagent aussi les charges; il ne sauroit y avoir en finances d'exemption absolue & purement gratuite; toutes doivent avoir pour fondement une compensation de services d'un autre genre, & pour objet le bien général de la société.

La noblesse a prodigué son sang pour la patrie; voilà le dédommagement de la taille qu'elle ne paye pas. Voyez Taille, Noblesse.

Les magistrats veillent pour la sûreté des citoyens, au maintien du bon ordre, à l'exécution des lois; leurs travaux & leurs soins compensent les exemptions dont ils jouissent.

Des citoyens aussi riches que desintéressés, viennent gratuitement au secours de la patrie, réparent en partie la rareté de l'argent, ou remplacent par le sacrifice de leur fortune, des ressources plus onéreuses au peuple; c'est au peuple même à les dédommager par des exemptions qu'ils ont si bien méritées.

Des étrangers nous apportent de nouvelles manufactures, ou viennent perfectionner les nôtres; il faut qu'en faveur des fabriques dont ils nous enrichissent, ils soient admis aux prérogatives des regnicoles que l'on favorise le plus.

Des exemptions fondées sur ces principes, n'auront jamais rien d'odieux; parce qu'en s'écartant, à certains égards, de la regle générale, elles rentreront toûjours, par d'autres voies, dans le bien commun.

Ces sortes de graces & de distinctions, n'exciteroient & ne justifieroient les murmures du peuple, & les plaintes des citoyens, hommes d'état, qu'autant qu'il arriveroit que par un profit, par un intérêt pécuniare, indépendant d'une exemption tr&eagrave;s avantageuse, le bénéfice de la grace excéderoit de beaucoup les sacrifices que l'on auroit faits pour s'en rendre digne; la véritable compensation suppose nécessairement de la proportion: il est donc évident que dès qu'il n'y en aura plus entre l'exemption dont on joüit, & ce que l'on aura fait pour la mériter, on est redevable du surplus à la société; elle est le centre où tous les rayons doivent se réunir; il faut s'en séparer, ou contribuer dans sa proportion à ses charges. Quelqu'un oseroit - il se dire exempt de coopérer au bien commun? on peut seulement y concourir différemment, mais toûjours dans la plus exacte égalité.

S'il arrivoit que la naissance, le crédit, l'opulence, ou d'autres considérations étrangeres au bien public, détruisissent, ou même altérassent des maximes si précieuses au gouvernement, il en résulteroit, contre la raison, la justice & l'humanité, que certains citoyens joüiroient des plus utiles exemptions, par la raison même qu'ils sont plus en état de partager le poids des contributions, & que la portion infortunée seroit punie de sa pauvreté même, par la surchrage dont elle seroit accablée.

Que les exemptions soient toûjours relatives, jamais absolues, & l'harmonie générale n'en souffrira point la plus legere atteinte; tout se maintiendra dans cet ordre admirable, dans cette belle unité d'administration, qui dans chaque partie, apperçoit, embrasse & soûtient l'universalité.

Ces principes ont lieu, soit que les exemptions portent sur les personnes, soit qu'elles favorisent les choses.

On n'exempte certains fonds, certaines denrées, certaines marchandises des droits d'entrée, de ceux de sortie, des droits locaux, qu'en faveur du commerce, de la circulation, de la consommation, & toûjours relativement à l'intérêt que l'on a de retenir ou d'attirer, d'importer ou d'exporter le nécessaire ou le superflu.

Il ne faut pas au surplus confondre les priviléges & les exemptions.

Toutes les exemptions sont des priviléges, en ce que ce sont des graces qui tirent de la regle générale les hommes & les choses à qui l'on croit devoir les accorder.

Mais les priviléges ne renferment pas seulement des exemptions.

Celles - ci ne sont jamais qu'utiles & purement passives, en ce qu'elles dispensent seulement de payer ou de faire une chose; au lieu que les priviléges peuvent être à la fois utiles ou honorifiques, ou tous les deux ensemble, & que non - seulement ils dispensent de certaines obligations, mais qu'ils donnent encore quelquefois le droit de faire & d'exiger. Voyez Privilége pour le surplus des idées qui les distinguent & les caractérisent.

EXEQUATUR (Page 6:238)

EXEQUATUR, s. m. (Jurisprud.) terme latin qui, dans le style des tribunaux, s'étoit long - tems conservé, comme s'il eût été françois. C'étoit une ordonnance qu'un juge mettoit au bas d'un jugement émané d'un autre tribunal, portant permission de le mettre à exécution dans son ressort; c'étoit proprement un pareatis. Voyez Pareatis. (A)

EXERCICE (Page 6:238)

EXERCICE, s. m. (Art. milit.) On entend par ce terme, dans l'art de la guerre, tout ce qu'on fait pratiquer aux soldats, pour les rendre plus propres au service militaire.

Ainsi l'exercice consiste non - seulement dans le maniement des armes & les évolutions, mais encore dans toutes les autres choses qui peuvent endurcir le soldat, le rendre plus fort & plus en état de supporter les fatigues de la guerre.

Dans l'usage ordinaire, on restraint le terme d'exercice au maniement des armes; mais chez les Romains, on le prenoit dans toute son étendue. Les exercices regardoient les fardeaux, qu'il falloit accoûtumer les soldats à porter; les différens ouvrages qu'ils étoient obligés de faire dans les camps & dans les siéges, & l'usage & le maniement de leurs armes.

Les fardeaux que les soldats romains étoient obligés de porter, étoient fort pesans; car outre les vivres qu'on leur donnoit, suivant Cicéron, pour plus de quinze jours, ils portoient différens ustensiles, comme une scie, une corbeille, une bêche, une hache, une marmite pour faire cuire leurs alimens, trois ou quatre pieux pour former les retranchemens du [p. 239] camp, &c. Ils portoient aussi leurs armes qu'ils n'abandonnoient jamais, & dont ils n'étoient pas plus embarrassés que de leurs mains, dit l'auteur que nous venons de citer. Ces différens fardeaux étoient fi considérables, que l'historien Josephe dit, dans le second livre de la guerre des Juifs contre les Romains, qu'il y avoit peu de différence entre les chevaux chargés & les soldats romains.

Les travaux des siéges étoient fort pénibles, & ils regardoient uniquement les soldats.

« Durant la paix on leur faisoit faire des chemins, construire des édifices, & bâtir même des villes entieres, si l'on en croit Dion Cassius, qui l'assûre de la ville de Lyon. Il en est ainsi de la ville de Doesbourg dans les Pays - Bas, & dans la Grande - Bretagne, de cette muraille dont il y a encore des restes, & d'un grand nombre de chemins magnifiques ». Nieuport, coût. des Rom.

L'exercice des armes se faisoit tous les jours, en temps de paix & de guerre, par tous les soldats, excepté les vétérans. On les accoûtumoit à faire vingt milles de chemin d'un pas ordinaire en cinq heures d'été, & d'un pas plus grand, vingt - quatre milles dans le même tems. On les exerçoit aussi à courir, afin que dans l'occasion ils pûssent tomber sur l'ennemi avec plus d'impétuosité, aller à la découverte, &c. à sauter, afin de pouvoir franchir les fossés qui pourroient se rencontrer dans les marches & les passages difficiles: on leur apprenoit enfin à nager. « On n'a pas toûjours des ponts pour passer des rivieres: souvent une armée est forcée de les traverser à la nage, soit en poursuivant l'ennemi, soit en se retirant: souvent la fonte des neiges, ou des orages subits, font enfler les torrens, & faute de savoir nager, on voit multiplier les dangers. Aussi les anciens Romains, formés à la guerre par la guerre même, & par des périls continuels, avoient - ils choisi pour leur champ de Mars un lieu voisin du Tibre: la jeunesse portoit dans ce fleuve la sueur & la poussiere de ses exercices, & se délassoit en nageant de la fatigue de la course » Vegece, trad. de M. de Sigrais.

Pour apprendre à frapper l'ennemi, on les exerçoit à donner plusieurs coups à un pieu. « Chaque soldat plantoit son pieu de façon qu'il tînt fortement, & qu'il eût six piés hors de terre: c'est contre cet ennemi qu'il s'exerçoit, tantôt lui portant son coup au visage ou à la tête, tantôt l'attaquant par les flancs, & quelquefois se mettant en posture de lui couper les jarets, avançant, reculant & tâtant le pieu avec toute la vigueur & l'adresse que les combats demandent. Les maîtres d'armes avoient sur - tout attention que les soldats portassent leurs coups sans se découvrir ». Vegece, même trad. que ci - dessus.

On peut voir dans cet auteur le détail de tous les autres exercices des soldats romains: ils étoient d'un usage général; les capitaines & les généraux mêmes ne s'en dispensoient pas dans les occasions importantes. Plutarque rapporte, dans la vie de Marius, que ce général desirant d'être nommé pour faire la guerre à Mithridate, « combattant contre la débilité de sa vieillesse, ne failloit point à se trouver tous les jours au champ de Mars, & à s'y exerciter avec les jeunes hommes, montrant son corps encore dispos & leger pour manier toutes sortes d'armes, & piquer chevaux ». Trad. d'Amyot.

Ce même auteur rapporte aussi que Pompée, dans la guerre civile contre César, exerçoit lui - même ses troupes, « & qu'il travailloit autant sa personne, que s'il eût été à la fleur de son âge; ce qui étoit de grande efficace pour assûrer & encourager les autres de voir le grand Pompée, âgé de cinquante - huit ans, combattre à pié tout armé, puis à che<cb-> val dégaigner son épée sans difficulté, pendant que son cheval couroit à bride - abattue, & puis la rengaigner tout aussi facilement; lancer le javelot, non - seulement avec dextérité, de donner à point nommé, mais aussi avec force, de l'envoyer si loin que peu de jeunes gens le pouvoient passes ». Vit de Pompée d'Amyot.

Il est aisé de sentir les avantages qui résultoient de l'usage continuel de ces exercices. Les corps étoient en état de soûtenir les fatigues extraordinaires de la guerre, & il arrivoit, comme le dit Josephe, que chez les Romains la guerre étoit une méditation, & la paix un exercice.

L'auteur de l'histoire de la milice françoise dit, avec beaucoup de vraissemblance, qu'il y a lieu de conjecturer que dès l'établissement de la monarchié françoise dans les Gaules il y avoit exercice pour les soldats. « Il est certain, dit - il, qu'on faisoit des revûes dans ce qu'on appelloit le champ de Mars, & qui fut depuis appelle le champ de Mai. On y examinoit avec soin les armes des soldats, pour voir si elles étoient en état; & cette attention marque qu'on ne négligeoit pas les autres choses qui pouvoient contribuer aux succès de la guerre.

On commence à voir sous la troisieme race, dès le tems de Philippe I. ce que j'ai appellé, dit toûjours le P. Daniel, l'exercice général (c'est celui qui consiste à accoûtumer les soldats au travail & à la fatigue). Ce fut vers ce tems - là que commencerent les tournois, où les seigneurs & les gentilshommes s'exerçoient à bien manier un cheval, à se tenir fermes sur leurs étriers, à bien dresser un coup de lance, à se servir du bouclier, à porter & à parer les coups d'épées, à s'accoûtumer à supporter le faix du harnois, & aux autres choses utiles & nécessaires pour bien combattre dans les armées: mais pour ce qui est de l'exercice particulier, qui consiste dans les divers mouvemens qu'on fait faire aux, troupes dans un combat, je n'ai rien trouvé d'écrit sur ce sujet jusqu'au tems de Louis XI». Histoire de la milice françoise, tom. I. pag. 376.

« Nous remarquons aujourd'hui, dit l'illustre & profond auteur des considérations sur les causes de la grandeur des Romains, que nos armées périssent beaucoup par le travail immodéré des soldats; & cependant c'étoit par un travail immense que les Romains se conservoient. La raison en est je croi, dit cet auteur, que leurs fatigues étoient continuelles; au lieu que nos soldats passent sans cesse d'un travail extrème à une extrème oisiveté, ce qui est la chose du monde la plus propre à les faire périr. Nous n'avons plus une juste idée des exercices du corps. Un homme qui s'y applique trop nous paroît méprisable, par la raison que la plûpart de ces exercices n'ont plus d'autre objet que les agrémens; au lieu que chez les anciens, tous, jusqu'à la danse, faisoit partie de l'Art militaire ». Considérations sur la grandeur des Romains, &c.

L'invention de la poudre à canon a été la cause de la cessation totale, pour ainsi dire, de tous les exercices propres à endurcir le corps & à le fortifier pour supporter les grands travaux. Avant cette époque, la force particuliere du corps caractérisoit le héros; on ne négligeoit rien pour se mettre en état de se servir d'armes fort pesantes. « On voit encore aujourd'hui dans l'abbaye de Roncevaux les massues de Roland & d'Olivier, deux de ces preux si fameux dans nos romanciers du tems de Charlemagne. Cette espece de massue est un bâton gros comme le bras d'un homme ordinaire; il est long de deux piés & demi; il a un gros anneau à un bout, pour y attacher un chaînon ou un cordon fort, afin que cette arme n'échappât pas de la main; & à l'autre bout du bâton sont trois chaînons, auxquels est at<pb->

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