ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"126"> M. de Mairan, p. 308. Or je ne crois pas que personne puisse de bonne - foi regarder ce degré de chaleur comme capable de rendre le volume des molécules d'eau huit cents fois plus grand; & pour peu qu'on y refléchisse, on s'appercevra bien - tôt qu'il seroit très - aisé de prouver le contraire. Il est vrai que M. Musschenbroek a tâché de faire voir par un calcul, que la chaleur du terme de la glace étoit capable de raréfier les molécules d'eau, jusqu'à les rendre spécifiquement plus legeres que l'air. Voici son raisonnement.

« Nous avons vû que la vapeur de l'eau bouillante est 14000 fois plus rare que l'eau même; or la chaleur de cette vapeur est alors au thermometre de 212 degrés. La chaleur de l'été en plein midi de 90 degrés; par conséquent la vapeur de l'eau ainsi échauffée, sera alors 5943 fois plus rare que l'eau; & si l'on suppose que la chaleur du thermometre est de 32 degrés, il faudra que la vapeur soit 2113 fois plus rare que l'eau: or l'air n'est d'ordinaire que 600, 700, ou 800 fois plus rare que l'eau, & par conséquent la vapeur sera encore plus rare que l'air. Mais il gele lorsque le thermometre est au 32 degré; par conséquent la vapeur pourra sortir de l'eau & de la glace en hyver, & s'élever ensuite dans l'air ». Essais de Physique, pag. 739. Mais il est clair que le célebre physicien s'est trompé dans cet endroit; & sans m'arrêter à combattre le fond de son calcul, je me contenterai de faire observer, que si au lieu du thermometre de Farenheit, qui met le terme de la glace au 32 degré, il s'étoit servi du thermometre de M. de Reaumur, qui met le même terme au zéro, il auroit conclu du même calcul que la chaleur du terme de la glace étoit incapable de raréfier les molécules d'eau en aucune maniere.

D'ailleurs, quand bien même on accorderoit pour un moment la possibilité de cette supposition, il n'en seroit pas plus difficile de faire voir que la nature n'est point d'accord avec ce sentiment: en effet, cette opinion exclut toute idée d'uniformité dans la répartition des vapeurs sur toute l'étendue de l'atmosphere. Elle suppose nécessairement qu'en été, dans les grandes chaleurs, les particules d'eau très raréfiées devroient s'élever fort haut, & abandonner la partie de l'atmosphere qui avoisine la terre; qu'au contraire en hyver, ces mêmes particules condensées & plus pesantes, devroient se trouver en beaucoup plus grande quantité proche de la terre, qu'en été: or tout le contraire a lieu, comme je l'ai prouvé dans le mémoire que j'ai déjà cité. Ces remarques me paroissent suffisantes pour faire voir que si les molécules d'eau s'élevent dans l'air, ce n'est pas parce qu'elles deviennent spécifiquement plus legeres que celles de ce fluide, & qu'on ne doit pas croire que les particules, en s'élevant & se soûtenant dans l'atmosphere, suivent les mêmes lois qu'un corps solide répandu dans ce fluide. Je ne m'arrêterai pas davantage à combattre cette opinion, croyant qu'il seroit inutile de s'attacher à entasser un grand nombre d'argumens contre ces sortes de suppositions, que les Physiciens négligent de plus en plus, & que leurs auteurs même défendent avec peu de chaleur.

M. Hamberger a senti le défaut de vraissemblance de l'hypothèse que nous venons de combattre; & l'ayant réfutée solidement dans ses élémens de Physique, & dans sa belle dissertation sur les causes de l'élévation des vapeurs, il lui substitue une autre hypothèse qui lui paroît plus conforme aux observations, mais qui examinée suivant les lois de la saine Physique, me semble souffrir pour le moins autant de difficultés que la premiere. « Si nous supposons, dit - il p. 57 de la Dissertation que nous venons de citer, que la molécule susceptible d'évapo<cb-> ration, tandis qu'elle est encore contiguë au corps dont elle s'efforce de s'éloigner, est environnee dans sa surface intérieure de particules ignées, & par sa partie supérieure contiguë à l'air, dans cette supposition, le feu & l'air étant des fluides plus legers que la molécule, lui adhéreront; donc ils agiront sur elle, mais inégalement. L'air agira avec plus de force que le feu, à cause de la différence qui se trouve entre les gravités spécifiques de ces deux fluides: par conséquent, la molécule susceptible d'évaporation, tendra vers les deux parties opposées, par une réaction inégale, c'est - à - dire avec plus de force vers le haut que vers le bas ». C'est ainsi qu'il expliquoit le méchanisme du passage d'une molécule évaporable dans l'air; mais cette explication me paroît sujette à des objections auxquelles il seroit difficile de satisfaire. En effet, M. Hamberger suppose qu'une molécule qui est à la surface d'un corps évaporable, de l'eau, par exemple, s'éleve dans l'air parce qu'elle adhere plus à l'air, qui est supérieur, qu'aux particules ignées qui la ceignent inférieurement; mais dans cette explication, il fait entierement abstraction de la cohésion des molécules d'eau entr'elles: or quels corps pourra - t - on de bonne foi supposer se toucher & avoir une force de cohésion, si l'on refuse de reconnoître que les molécules d'eau assemblées en masse se touchent & s'attirent réciproquement par une force de cohésion? Voyez Cohésion.

M. Hamberger paroît lui - même reconnoître tacitement le peu de vraissemblance de cette explication; puisque dans l'édition de 1750 de ses Elémens de Physique, que j'ai entre les mains, il n'avance plus que cette élévation des particules évaporables soit dûe à leur adhésion plus grande à l'air qui est au - dessus, qu'aux molécules ignées qui les ceignent inférieurement. Il se contente de dire en général, que les molécules ignées passant des corps chauds dans l'air, plus froid que les corps, elles entraînent avec elles les particules évaporables. Mais malgré cette modification, l'hypothèse n'en est pas plus d'accord avec les observations. Si on suppose avec M. Hamberger, que l'évaporation se fait par le passage des particules ignées des corps évaporables, dans l'air plus froid que ces corps, il s'ensuivra nécessairement qu'il n'y aura point d'évaporation toutes les fois que les corps qui en sont susceptibles seront aussi froids ou plus froids que l'air; ce qui est évidemment contraire à l'observation.

Dans l'ouvrage que nous venons de citer, M. Hamberger fait encore une addition plus essentielle à sa premiere hypothèse; il y avance que les particules évaporables qui sont à la superficie des corps, passent dans l'air par voie de dissolution, modo solutionis (Elémens de Physique, §. 477.) & à cette occasion, il cite le paragraphe 242. où il se propose d'expliquer le méchanisme de la dissolution, & où il détermine la maniere dont les particules du corps dissous s'arrangent dans les interstices des molécules du dissolvant. M. Hamberger n'est pas le seul qui ait dit que l'évaporation se faisoit par une espece de dissolution: plusieurs physiciens ayant adopté, comme lui, une hypothèse sur la dissolution, ont crû expliquer le méchanisme de l'évaporation, en disant qu'il étoit semblable à celui de la dissolution. Pour combattre les systèmes de ces auteurs sur l'évaporation, il faudroit donc commencer par examiner les différentes hypothèses qu'ils ont adoptées sur le méchanisme de la dissolution; mais cet examen appartient proprement à la Chimie, & sera fait par M. Venel à l'article Menstrue, beaucoup mieux que je ne pourrois le faire. Je me contenterai de dire ici, qu'il me paroît que jusqu'à présent les Physiciens ne nous ont donné sur ce sujet que de pures supposi<pb-> [p. 127] tions; & que c'est une chose généralement reçûe des Chimistes éclairés, juges compétens dans cette matiere, que ces hypothèses des Physiciens sont très - éloignées d'être d'accord avec les phénomenes de la dissolution.

Après avoir expliqué la maniere dont les particules evaporables se détachent de la superficie des corps, & passent dans l'air, M. Hamberger se sert d'une nouvelle supposition, pour expliquer le méchanisme par lequel les molecules s'élevent dans l'atmosphere: il pense que l'air est échauffé par les vapeurs; que cet air chargé de vapeurs, devenu plus chaud, & par conséquent plus rare & plus leger que l'air environnant, s'éleve nécessairement, & par son mouvement entraîne avec lui les vapeurs: mais cette seconde partie de son hypothese a encore le défaut de supposer que les molécules évaporables ne s'élevent dans l'atmosphere qu'autant que les corps desquels elles se détachent sont plus chauds que l'air environnant; ce qui est, comme nous l'avons déjà remarqué, contraire à l'observation journahere.

Après cet examen des principales hypothèses que les Physiciens nous ont données sur l'évaporation, je crois, comme je l'ai déjà dit, devoir rendre compte de ce que j'ai donne moi - même sur cette matiere. C'est ce que je vais faire en transcrivant une partie de mon memoire, pour en expliquer clairement le dessem: je commence par quelques remarques sur le mot dissolution.

« Le mot dissolution est employé par les Chimistes, pour signifier des choses très - différentes. Quelquefois ils s'en servent pour exprimer l'action du dissolvant sur le corps qui s'y dissout. C'est dans ce sens qu'ils disent que la dissolution du sel dans l'eau se fait par l'action des molécules d'eau, qui, comme autant de coings, s'insinuent entre les molécules du sel, ou parce que les molecules d'eau ont une affinité particuliere avec les particules du sel. Dans d'autres circonstances, il se servent du mot dissolution, pour signifier le melange singulier qui résulte de la suspension du corps disious dans le dissolvant. On attache cette idee au mot dissolution, lorsqu'on dit: la dissolution du cuivre dans l'huile de vitriol est bleue. C'est dans ce dernier sens que l'employerai ordinairement le mot dissolution dans ce mémoire. S'il m'arrive de lui donner la premiere signification, j'aurai soin de le déterminer par les termes qui l'accompagneront.

Nous n'avons jusqu'ici aucune connoissance certaine sur le méchanisme de la dissolution, considérée comme l'action du dissolvant. Les meilleurs Chimistes prétendent que la nature du mélange singulier du dissolvant, & du corps dissous qui constitue l'état de dissolution, est mieux connue, & qu'il consiste dans l'union intime des dernieres molécules de ces deux corps. Mais comme cette considération n'est point essentielle à mon objet, je ne m'arrêterai point à examiner les expériences qui semblent démontrer la vérité de ce sentiment. Il me suffira de remarquer que ce mélange singulier, qui constitue l'état de dissolution, est caractérité par une proprieté sensible à laquelle on peut le reconnoître.

Cette qualité sensible, c'est la transparence. Ainsi, de l'aveu de tous les Chimistes, lorsqu'un corps solide ou fluide est suspendu dans un fluide, de sorte que du mélange de ses deux corps, il en résulte un fluide homogene & transparent, alors on pent dire que les deux corps sont mêlés dans l'état d'une véritable dissolution. Si au contraire un corps solide divisé en molécules très - subtiles, est suspendu dans un fluide transparent, de sorte que du mélange de ces deux corps, il résulte un tout hétérogene opaque; alors on peut assûrer qu'il n'y a point de véritable dissolution, & que le corps solide est suspendu dans le fluide, dans l'état que les Chimistes appellent état de simple division méchanique. De même si deux fluides sont mêlés ensemble, de sorte que leurs molécules, quoique très - subtiles, ne soient cependant pas si intimement unies, qu'elles ne conservent encore leurs propriétés particulieres; le fluide qui résulte du mêlange de ces deux fluides, n'est point homogene. Les réfractions différentes que la lumiere souffre en le traversant, le rendent opaque, quoique composé de deux fluides transparens; & dans ce cas, il n'y a point de véritable dissolution; ces deux fluides sont mêlés dans l'état de simple division méchanique.

Après ce que je viens de dire sur la dissolution, on concevra aisément le dessein de ce mémoire. Le voici en peu de mots. Personne n'ignore que l'eau peut se charger de sel, & le soûtenir dans l'état de véritable dissolution. On sait de plus que le mélange d'eau & de sel a certaines propriétés particulieres; que, par exemple, une certaine quantité d'eau à un degré de chaleur donné, ne peut tenir en dissolution qu'une quantité de sel déterminée; qu'étant saoulée de sel à un degré de chaleur donné, elle en pourroit dissoudre de nouveau, si on l'échauffoit d'avantage; qu'au contraire, si elle venoit à se refroidir, elle laisseroit nécessairement précipiter une partie du sel qu'elle tenoit en dissolution. Appliquez au mélange d'air & d'eau, qui constitue notre atmosphere, ce que je viens de dire sur les dissolutions des sels dans l'eau, c'est - là le principal objet de la premiere partie de ce mémoire. Je me propose donc de faire voir que l'air de notre atmosphere contient toûjours de l'eau dans l'état de véritable dissolution; qu'une quantité d'air déterminée à un degré de chaleur donné, ne peut tenir en dissolution qu'une certaine quantité d'eau; qu'étant saoulé d'eau à un degré de chaleur donné, il en pourroit dissoudre de nouvelle, si on l'échauffoit davantage; qu'au contraire, si étant saoulé d'eau à un degré de chaleur donné, il vient à se refroidir, il laisse nécessairement précipiter une partie de l'eau qu'il tenoit en dissolution ».

Article premier. L'eau souffre dans l'air une véritable dissolution. « Cette proposition peut facilement se démontrer par une expérience connue de tout le monde, mais à laquelle on n'avoit pas fait toute l'attention qu'elle mérite. Il s'agit seulement de mettre un jour d'été de la glace dans un verre bien sec. Le verre s'obscurcit bien - tôt après; ses parois extérieures se couvrent d'une infinité de petites bulles d'eau. L'eau qui, dans cette expérience, s'attache en très - grande quantité aux parois du verre, se trouvoit donc suspendue dans l'air qui l'environnoit, & comme elle ne troubloit point sa transparence, cette expérience réussissant par le tems le plus serein, il est clair qu'elle y étoit contenue dans l'état l'une véritable dissolution. Ce sont les premieres réflexions que j'ai faites sur cette expérience, qui m'ont conduit de conséquence en conséquence, à toutes les propositions que je tâcherai d'établir dans ce mémoire ».

Art. II. Cette dissolution a les mêmes propriétés que la dissolution de la plûpart des sels dans l'eau. « L'air échauffé à un degré de chaleur donné, ne peut tenir en dissolution qu'une quantité d'eau déterminée. Si étant chargé de cette quantité d'eau, il vient à se refroidir, il laisse précipiter une partie de l'eau qu'il tenoit en dissolution (a). Si au con<pb->

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