ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"128"> traire il s'échauffe, il en peut dissoudre davantage. L'expérience qui suit me paroît démontrer évidemment la vérité de ce que je viens d'avancer.

Vers le commencement du mois d'Août de l'année derniere, le tems étant fort serein, je pris une bouteille ronde de verre blanc: je la bouchai exactement; elle ne contenoit que de l'air, dont la chaleur étoit ce jour là au vingtieme degré du thermometre de M. de Reaumur: je laissai cette bouteille sur ma fenêtre, & quelques jours après j'observai le matin, que le froid de la nuit ayant fait descendre mon thermometre au quinzieme degré, ce froid avoit déja fait précipiter une partie de l'eau dissoute dans l'air renfermé dans ma bouteille. Cette eau étoit ramassée en petites gouttelettes, à la partie supérieure, qui étant la plus exposée, devoit se refroidir la premiere. Après cette premiere observation, je transportai ma bouteille sur la plate - forme de notre observatoire; je l'y fixai sur le porte - lunette de la machine parallactique; je mis au même endroit un thermometre: visitant ma bouteille tous les matins, j'observai qu'au 15e degré, il se formoit une petite rosée dans l'interieur & à la partie supérieure de la bouteille, & que cette rosée étoit d'autant plus considérable, que le froid de la nuit avoit fait descendre le thermometre plus bas; enfin vers le sixieme degré, la rosée qui se formoit dans l'intérieur de la bouteille étoit si considérable, que j'ai cru pouvoir en conclure, qu'une grande partie du poids de l'air, au moins en été, doit être attribuée à l'eau qu'il tient en disiolution. Lorsque la chaleur étoit assez forte, l'air contenu dans la bouteille dissolvoit dans le jour l'eau qui s'étoit précipitée pendant la nuit.

Voici une autre expérience qui, dans le fond, ne differe point de la précédente, & qui demande beaucoup moins de tems. Je prends un jour d'été un globe de verre blanc (b); je bouche exactement son ouverture (c); examinant ce globe avec toute l'attention possible, on n'y peut pas découvrir une seule gouttelette d'eau. Ce globe étant ainsi préparé, je le place sur un grand gobelet plein d'eau refroidie presqu'au terme de la glace; de maniere qu'une partie du globe soit contiguë à l'eau: après avoir laissé les choses dans cet état pendant trois ou quatre minutes, je retire le globe, & ayant essuyé la partie mouillée, qui étoit contiguë à l'eau, on la trouve couverte intérieurement de petites gouttes d'eau: cette eau se redissout à mesure que le globe se réchauffe; ensuite laissant échauffer l'eau contenue dans le gobelet, & y exposant le globe à diverses reprises, on observe que moins l'eau du gobelet est froide, moins est grande la quantité d'eau qui se précipite, & qu'enfin au - dessus d'un certain degré, il ne se précipite plus rien. Dans cette expérience, je mets seulement une partie du globe dans l'eau froide, afin de concentrer dans un petit espace l'eau qui se précipite: si on plongeoit le globe tout entier dans l'eau froide, l'eau qui se précipiteroit ne seroit pas en assez grande quantité pour être bien sensiblement étendue sur toute la surface intérieure du globe.

On pourroit penser que, quoique je ne me serve que de globes tout neufs, l'air auroit cependant pû y porter des particules d'eau qui, étendues sur toute la surface du globe, ne s'appercevroient pas, & ne deviendroient sensibles dans cette expérience, que parce que l'inégalité de chaleur des parois du globe les feroit se ramasser dans l'endroit le plus froid. Cette idée pourroit faire douter, si l'expérience dont il s'agit est effectivement démonstrative; c'est pourquoi j'ai cru qu'il ne seroit pas inutile de prévénir cette objection par l'expérience qui suit. J'ai pris un globe de verre, bouché comme je l'ai dit ci - dessus: dans l'expérience dont il s'agit, l'eau refroidie au huitieme degré, produisoit une précipitation bien sensible sur la partie du globe qui lui étoit contiguë. Au dixieme degré, il ne se faisoit aucune précipitation: l'eau étant froide à ce degré, j'ai exposé ce globe au soleil. Il est certain que dans ce dernier cas, la chaleur des parties du globe qui étoit hors de l'eau, surpassoit plus la chaleur de la partie du globe qui étoit contiguë à l'eau, que lorsque le globe étoit dans la chambre, & que l'eau étoit froide au huitieme degré: cependant il ne se faisoit aucune précipitation; d'où il résulte, que l'inégalité de chaleur des différentes parties du globe, ne suffit pas pour produire cet effet; que par conséquent les gouttelettes d'eau, qui dans cette expérience se précipitent sur la partie du globe contigué à l'eau froide, n'étoient point auparavant étendues sur toutela surface intérieure du globe; & en un mot, que cette expérience démontre effectivement ce que nous avions dessein de prouver.

Nous avons démontré dans l'article précédent, que l'eau se soûtient dans l'air, dans l'état d'une vérîtable dissolution (d). Maintenant si l'on pese attentivement toutes les circonstances des deux expériences que je viens de rapporter, on sera obligé de convenir qu'elles démontrent tout ce que nous avons avancé au commencement de cet article. Nous devons encore remarquer, que de même que les sels en se crystallisant, retiennent une partie de l'eau qui les tenoit en dissolution; ainsi l'eau qui se précipite, retient une partie de l'air qui la tenoit en dissolution: de même que plusieurs sels privés de leur eau de crystallisation, la reprennent s'ils sont exposés à l'air; ainsi l'eau dépouillée, s'il est permis de parler ainsi, de son air de crystallisation, le reprend bien - tôt après: d'où il suit qu'il y a une parfaite analogie entre la dissolution des sels dans l'eau, & celle de l'eau dans l'air; de sorte que le physicien, qui pourra développer le méchanisme de la dissolution des sels dans l'eau, expliquera en même tems le méchanisme de l'élevation & de la suspension de l'eau dans l'air, & donnera, pour ainsi dire, la clé de l'explication entiere & exacte de la formation de plusieurs météores ».

Quoique les deux articles de mon mémoire, que je viens de transcrire, paroissent suffisans pour établir ce que je m'étois proposé, que l'eau se soûtient dans l'air dans l'état de dissolution, & que cette dissolution a les mêmes propriétés que celle des sels dans l'eau: je crois cependant qu'il ne sera pas inutile d'ajoûter le troisieme article, sur la maniere de déterminer les causes qui font varier la quantité d'eau que l'air tient en dissosution, parce que les

(a) « J'employe dans ce mémoire les mots précipiter & précipitation dans le sens des Chimistes, pour signifier le passage de l'état de véritable dissolution d'un corps dans un menstrue à l'état de simple division méchanique ». Des corps qui de l'état de dissolution ont passé à celui de division méchanique, les uns tombent au fond de la liqueur, d'autres se ramassent à sa surface, d'autres y restent suspendus. (b) « Je me sers de globes tout neufs, afin qu'on ne puisse pas soupçonner qu'on y ait mis de l'eau. Plus ce globe est grand, plus le succès de cette expérience est manifeste, la surface des globes n'augmentant pas dans la même raison que la quantité d'air qu'ils contiennent.» (c) « Je mets premierement sur l'ouverture un morceau de carte, ensuite plusieurs couches de cire fondue; par - dessus la cire je mets du lut ordinaire bien étendu & bien séché sans aucune erevasse: enfin je couvre le tout d'un linge enduit d'un lut fait avec le blanc d'oeuf & la chaux ». (d) « Outre l'eau véritablement dissoute, l'air contient souvent de l'eau surabondante qui trouble sa transparence, & forme les nuées & les brouillards. On voit bien qu'il ne s'agit ici que de la premiere ».
[p. 129] expériences rapportées dans cet article, confirment encore cette théorie.

Article III. Maniere de déterminer les causes qui sont varier la quantité d'eau que l'air libre tient en dissolution. « L'air de notre atmosphere ne contient pas toujours la même quantité d'eau en dissolution: deux causes principales, le vent & la chaleur, la font varier très - considérablement. Avant de passer au détail des observations que j'ai faites sur ce sujet, je dois premierement expliquer ce que j'entends par degré de saturation de l'air; décrire l'expérience dont je me sers pour la déterminer, & reconnoître le plus ou le moins d'eau que l'air tient en dissolution.

Nous avons démontré plus haut que l'air peut dissoudre d'autant plus d'eau, qu'il est plus chaud. Cela posé, on conçoit aisément qu'il y a en tout tems un certain degré de feu auquel l'air seroit saoulé d'eau. J'appelle ce degré, degré de saturation de l'air. Supposons, pour me rendre plus clair, que le 28 d'Août l'air de l'atmosphere tienne en dissolution une quantité d'eautelle qu'il en seroit saoulé au dixieme degré: ce jour - là l'air pourroit être refroidi jusqu'à ce degré, sans qu'il se précipitât aucune partie de l'eau qu'il tient en dissolution: refroidi à ce degré, il ne pourroit dissoudre de nouvelle eau; refroidi au - dessous de ce degré, il lâcheroit nécessairement une partie de l'eau qu'il tenoit en dissolution; & il en laisseroit précipiter une quantité d'autant plus grande, que le froid seroit plus fort: dans ce cas le dixieme degré sera appellé le degré de saturation de l'air. Il est clair que plus le degré de saturation est élevé, plus l'air tient d'eau en dissolution; d'où il suit qu'en observant chaque jour le degré de saturation de l'air, examinant en même tems les circonstances du tems, on peut aisément parvenir à la connoissance des causes qui sont varier la quantité d'eau que l'air tient en dissolution. Voici l'expérience facile dont je me sers pour déterminer le degré de saturation de l'air, supposé que le degré soit au - dessus du terme de la glace. (e)

Je prends de l'eau refroidie, au point de aire précipiter sensiblement l'eau que l'air tient en dissolution sur les parois extérieures du vaisseau dans lequel elle est contenue. Je mets de cette cau dans un grand verre bien see, y plongeant la boule d'un thermometre, afin d'observer son degré de chaleur (f): je la laisse échausser d'un demi - degré, après quoi je la transporte dans un autre verre. Si a ce nouveau degré l'eau dissoute dans l'air se précipite encore sur les parois exterieures du verre, je continue de laisser échauffer l'eau de demi - degré en demi - degré, jusqu'à ce que j'aye saisi le degré au - dessus duquel il ne se précipite plus rien. Ce degré est le degre de saturation de l'air. Par exemple, le soir du 5 Octobre 1752, la chaleur de l'air étant au treizieme degré, l'eau qu'il tenoit en dissolution commençoit à se précipiter sur le verre resroidi au cinquieme degré & demi: au - dessus de ce degré, la surface extérieure du verre restoit seche; au - dessous de ce degré, l'eau qui se précipitoit de l'air sur le verre, étoit d'autant plus consi<->

(e) Quoiqu'au moyen de cette expérience on ne puisse déterminer le plus ou moins d'eau que l'air tient en dissolution, que pour les tems où le degré de saturation est au - dessus du terme de sa glace, je crois cependant que personne ne me contestera que les conclusions que j'en tire, ne puissent aussi s'appliquer aux tems où ce degrë est au - dessous du cerme de la glace. (f) Pour faire cette expérience avec facilité & exactitude, on doit se servir de thermometre à esprit - de - vin, dont la boule & le tuyau soient aussi petits qu'il est possible. Les thermometres dont je me sers, sont gradués sur l'échelle de M. de Réaumur.
dérable; que le verre étoit plus froid. Il est clair que ce jour - là le degré de saturation de l'air étoit un peu au - dessus du cinquieme degré & demi, puisque refroidi à ce degré, il commençoit à laisser précipiter une partie de l'eau qu'il tenoit en dissolution. On peut donc, au moyen de cette expérience, déterminer en différens tems le degre de saturation de l'air, & ainsi reconnoître les causes qui font varier la quantité d'eau qu'il tient en dissolution ».

Je ne dois point oublier ici de parler d'une objection qui m'a été proposée par un habile physicien, & qui au premier coup - d'oeil paroit renverser la théorie que je viens de tâcher d'établir. Voici l'objection. Suivant les expériences de quelques physiciens, l'eau s'évapore dans le vuide; elle peut donc s'élever sans le secours de l'air, sans y être soûtenue, comme je l'ai dit dans l'état de dissolution. Mais si le physicien avoit fait attention que l'eau contient une quantité immense d'air dont on ne peut la purger entiérement, & qu'elle ne peut s'évaporer sans que l'air qu'elle contient se développe, il auroit aisément remarqué que cette objection renferme un paradoxe, & qu'il est impossible qu'un espace contenant de l'eau qui s'évapore, reste parfaitement vuide d'air.

Jusqu ici nous avons examiné quels sont les corps susceptibles d'ésaporation, quelle est la nature des particules qui s'élevent dans l'air par cette voie, par quelles suppositions les Physiciens avoient tâché d'expliquer le méchanisme de l'évaporation; enfin dans la partie du mémoire que je viens de transcrire, j'ai considéré l'état dans lequel l'eau évaporée se trouvoit suspendue en l'air; & j'ai tâché de faire voir qu'elle y étoit suspendue dans l'état de dissolution, & que cette dissolution avoit les mêmes propriétés que celle de la plûpart des sels dans l'eau. Pour achever ce qui concerne cette matiere, il nous reste seulement a parler des causes qui accélerent ou retardent l'évaporation, & à rechercher l'utilité générale de cette propriété singuliere de la plus grande partie des corps, par laquelle ils peuvent s'élever dans l'atmosphere.

Personne n'ignore que la chaleur est la cause qui accélere le plus l'évaporation; ainsi les corps susceptibles d'évaporation, exposés au soleil ou à l'action du feu, s'évaporent d'autant plus rapidement, qu'ils sont plus échauffés. Ces corps ne peuvent être échauffés, sans communiquer leur chaleur à l'air environnant. Cet air étant échauffé, son degré de chaleur devient plus éloigné de son degré de saturation; il acquiert donc par - là plus d'activité à dissoudre les particules évaporables, & à s'en charger. Remarquons encore avec M. Hamberger, que l'air contigu aux corps évaporables, lorsqu'il est échauffé par l'action du seu, devient plus rare & plus leger, s'éleve & se renouvelle continuellement; & que ce renouvellement continuel de l'air ne contribue pas peu à accélérer l'évaporation.

L'air contenu en grande quantité & sous une forme non - élastique dans l'intérieur des corps susceptibles d'évaporation, est encore un agent qui, mis en action par la chalear, contribue à accélérer l'évaporation: c'est ce qu'on observe tous les jours dans l'éolipyle. Ce vase à demi - plein d'eau étant mis sur le feu jusqu'à ce que l'eau bouille, l'air contenu dans cette eau recouvrant par la chaleur son élosticité, s'en dégage, s'échappe avec rapidité par l'ouverture étroite de ce vaisseau, & entraîne peu - à - peu toute l'eau dans laquelle il étoit contenu. Dans ce cas il est visible que l'air extérieur ne peut point agir sur l'eau contenue dans l'éolipyle, & que l'évaporation de cette eau est entierement dûe au développement de l'air qui y étoit contenu. Voyez Eolipyle.

Le vent naturel ou artificiel accélere aussi l'évd<pb->

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