ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"124"> cependant dire en général, qu'on lui donne principalement deux significations. Quelquefois il se prend pour l'opération particuliere, par laquelle on expose les corps à une chaleur plus ou moins forte, pour les priver en tout ou en partie de leur humidité. On lui donne cette signification dans ces manieres de parler: L'évaporation des dissolutions des sels doit être conduite lentement, si l'on veut obtenir de beaux crystaux. L'évaporation se fait par le moyen du feu. L'évaporation, considérée dans ce sens, appartient à la Chimie.

Le même mot se prend souvent pour le passage ou l'élévation de certains corps dans l'atmosphere. Dans ce sens on peut dire, l'évaporation de l'eau a lieu dans les gelées les plus fortes. C'est sous ce point de vûe que nous devons considérer l'évaporation dans cet article. Commençons par en donner une idée aussi claire qu'il nous sera possible.

Presque tous les corps liquides & la plûpart des solides exposés à l'air, par l'action de ce fluide seule, ou aidée d'une chaleur modérée, s'élevent peu - à - peu dans l'atmosphere, les uns totalement, d'autres seulement en partie: ce passage, ou cette élévation totale ou partiale des corps dans l'atmosphere, les Physiciens l'appellent évaporation. Les corps élevés dans l'air par l'évaporation, s'y soûtiennent dans un tel état, qu'ils sont absolument invisibles, jusqu'à ce que par quelque changement arrivé dans l'atmosphere, leurs particules se réunissent en de petites masses qui troublent sensiblement la transparence de l'air: par exemple, l'air est (comme nous le ferons voir dans la suite) en tout tems plein d'eau qui s'y est élevée par évaporation, & y demeure invisible jusqu'à ce que de nouvelles circonstances réunissent ses molécules dispersées, en de petites masses qui troublent sensiblement sa transparence. C'est ce qui distingue l'évaporation de l'élevation dans l'atmosphere de certains corps petits & legers, tels que la poussiere, qui ne s'y élevent & ne s'y soûtiennent que par l'impulsion méchanique de l'air agité, qui conservent dans l'air leur même volume, leur opacité, & retombent dès que l'air cesse d'être agité.

L'élevation de certains corps dans l'atmosphere, produite par un degré de chaleur suffisant pour les décomposer, ou par l'ustion même, a un plus grand rapport avec l'évaporation. Les particules élevées par ces moyens dans l'air, sont de la même nature que celles qui s'y élevent par l'évaporation; elles s'y soûtiennent aussi dans un tel état de division, qu'elles sont parfaitement invisibles. Par exemple, le soufre en brûlant se décompose; l'acide vitriolique & le principe inflammable dont il étoit composé (voy. Soufre), dégagés l'un de l'autre, s'élevent dans l'atmosphere & y deviennent invisibles. Par la calcination, les métaux imparfaits se décomposent; leur principe inflammable s'éleve dans l'atmosphere. Les matieres animales ou végétales, privées de leurs parties volatiles libres & de l'eau surabondante, exposées au degré de feu nécessaire pour les analyser, se décomposent; & par cette décomposition, il se dégage des principes volatiles, propres à s'élever & se soûtenir dans l'atmosphere. Par ces exemples il est clair que l'évaporation ne differe point essentiellement de l'élevation des particules volatiles dégagées par l'application d'une chaleur suffisante, pour décomposer les corps, ou par l'ustion; que ces opérations ne font que disposer les corps à l'élevation de certaines de leurs parties; qu'au reste les particules qui s'élevent dans l'air par cette voie, sont de la même nature, & s'y soûtiennent de même que celles qui s'y élevent par évaporation: cependant l'usage a voulu qu'on n'appellât point évaporation, l'élevation des particules détachées par ces opérations qui décomposent les corps; il a restreint la signification de ce mot à l'élevation des parties volatiles libres & dégagées de principes qui puissent les fixer, & qui pour s'élever dans l'atmosphere, ou ne demandent aucune chaleur artificielle, ou demandent seulement une chaleur modérée, qui n'excede guere celle de l'eau bouillante. Ce que j'ai dit jusqu'ici me paroît suffisant pour donner une idée exacte de ce qu'on entend par évaporation. Entrons actuellement en matiere, & considérons premierement quels sont les corps susceptibles d'évaporation, & quelle est la nature des particules qui s'élevent par cette voie dans l'atmosphere.

Parmi les corps susceptibles d'évaporation, les liquides tiennent sans doute le premier rang; la plûpart de ces corps exposés à l'air libre, s'évaporent sans le secours d'aucune chaleur étrangere, & même dans les plus fortes gelées: mais il y en a aussi qui ne sont susceptibles d'évaporation, qu'autant qu'ils sont exposés à une chaleur plus ou moins forte. Ainsi, par exemple, les huiles grasses exposées à l'air libre à l'abri des rayons du soleil, ne souffrent pas une évaporation sensible: mais exposés à la chaleur de l'eau bouillante, elles s'évaporent, & de plus acquierent par une ébullition continuée, la propriété de s'évaporer sans le secours d'une chaleur étrangere; propriété qu'elles acquierent de même en rancissant. L'huile de tartre par défaillance, & la plûpart des eaux meres exposées à l'air libre, attirent l'humidité de l'air, bien loin de s'évaporer: mais une chaleur plus ou moins forte, & qui n'excede pas le degré de l'eau bouillante, les fait évaporer. L'acide vitriolique est aussi sujet à l'évaporation; mais il demande pour s'évaporer une chaleur d'autant plus forte, qu'il est plus concentré: de sorte que quand il est bien concentré, il faut pour l'élever dans l'atmosphere un degré de chaleur, qui va presque à faire rougir le vaisseau dans lequel il est contenu. Les liqueurs qui s'évaporent avec le plus de rapidité sont principalement l'eau pure, les vins, l'esprit - de - vin, l'éther vitriolique & nitreux, l'esprit volatil de sel ammoniac, l'acide nitreux fumant, l'acide sulphureux; le dernier est si volatil, que suivant le témoignage de Stahl (obs. & animad. ccc. §. 37.) exposé à l'air libre, il s'évapore vingt fois plus vîte qu'une égale quantité d'esprit - de - vin le mieux rectifié: cet acide paroît s'évaporer plus rapidement que tous les liquides que je viens de nommer; les autres, à - peu - près suivant l'ordre dans lequel je les ai placés. M. de Mairan a prouvé par des expériences, que l'espritde - vin s'évapore huit fois plus rapidement que l'eau. Voyez sa dissert. sur la glace.

Les corps solides, tirés des animaux & des végétaux, sont aussi pour la plûpart sujets à l'évaporation; & même plusieurs matieres minérales n'en sont pas exemptes. Ainsi la terre qu'on appelle proprement humus, est susceptible d'évaporation. La soude, les sels neutres à base - saline, à base - terreuse, à basemétallique, perdent aussi par l'évaporation; mais je doute qu'ils puissent perdre par cette voie autre chose que leur eau de crystallisation; & je pense que nous devons encore suspendre notre jugement sur ce qu'avancent quelques auteurs, que le sublimé corrosif, la lune cornée, & les autres sels neutres qui peuvent se sublimer dans les vaisseaux fermés, peuvent aussi s'élever & se soûtenir dans l'atmosphere sans se décomposer. Le mercure & l'arsenic des boutiques, ou, pour parler avec plus d'exactitude, la chaux du régule d'arsenic, le minéral singulier de nature en même tems acide & vitriolique, paroissent aussi devoir trouver place parmi les corps susceptibles d'évaporation.

L'eau, l'air, le principe inflammable & des molécules de nature terreuse, sont en général les matieres qui s'élevent dans l'atmosphere par l'évaporation. [p. 125] Faisons en particulier quelques réflexions sur chacune de ces matieres.

Il y a long - tems que les Physiciens ont remarqué que l'eau faisoit la matiere principale de l'évaporation. Pour se convaincre de cette vérité, il a suffi de remarquer que les corps liquides ou humides étoient les plus susceptibles d'évaporation, & que les particules qui s'élevent par cette voie de presque tous les corps, même solides, reçûes & amassées dans des vaisseaux convenables, se présentoient sous une forme liquide. Or l'eau étant la base de tous les liquides de la nature, il étoit facile d'en déduire que les corps perdoient principalement de l'eau par l'évaporation. Il n'y a pas plus de difficulté par rapport à l'air: ce fluide étant contenu abondamment dans toute sorte d'eau, il est clair qu'il doit s'elever avec elle dans l'atmosphere. Nous verrons dans la suite que cet air rendu elastique par la chaleur, contribue à accélérer l'évaporation de Peau.

Par l'évaporation il s'éleve aussi dans l'atmosphere des molécules de nature terreuse: mais ces molecules sont par elles - mêmes incapables de s'élever dans l'air; elles n'acquierent cette propriété, qu'autant qu'elles contractent une union intime avec des molecules d'eau. Ainsi, par exemple, les terres pures, animales ou végétales, bien loin d'être susceptibles d'évaporation, résistent au contraire à la plus grande violence du feu: ces mêmes terres combinées avec l'eau, dans les huiles, les sels acides, les sels alkalis volatils, deviennent propres à s'élever avec elle dans l'atmosphere.

Ce que je viens de dire des molécules terreuses, se peut appliquer au principe inflammable. Les molécules de ce corps principe sont à la vérité très - déliées, & s'elevent dans l'air avec une extrème facilité, lorsqu'elles sont libres & degagées: mais il est tellement fixé dans tous les corps, où il n'est pas combiné avec l'eau, qu'il ne s'y trouve jamais libre & propre à s'élever dans l'atmosphere par une évaporation proprement dite; on le trouvera, au contraire, constamment combiné avec l'eau dans tous les corps, d'où il peut s'élever dans l'air par cette voie. Mais quoique le principe inflammable ne s'éleve point seul dans l'atmosphere par une évaporation proprement dite; cependant combiné d'une certaine maniere avec les molécules terreuses & l'eau, il rend ces corps susceptibles d'une évaporation beaucoup plus rapide. C'est une vérité connue des Chimistes, & qu'il seroit aisé de prouver par un grand nombre d'exemples; je me contenterai d'alléguer celui de l'acide sulphureux volatil. L'acide vitriolique est moins volatil que les autres; il s'évapore même plus difficilement que l'eau, quoiqu'il ne soit pas concentré: combinez cet acide d'une certaine maniere avec le principe inflammable, il en résulte l'acide sulphureux volatil, dont l'évaporation est, comme nous l'avons dit plus haut, vingt fois plus rapide que celle de l'esprit - de - vin.

Ce que je viens d'avancer, que le principe inflammable ne s'éleve point seul dans l'atmosphere par l'évaporation, paroîtra peut - être sujet à une difficulté. On pourra m'objecter que plusieurs métaux imparfaits exposés à l'air libre, se rouillent, ou, ce qui revient au même, perdent leur principe inflammable sans le secours d'aucune chaleur étrangere; & qu'au moins dans ce cas, le principe inflammable peut s'élever dans l'atinosphere seul & par une véritable évaporation: mais il n'est pas difficile de répondre à cette difficulte. Pour la résoudre il suffis de remarquer que dans ce cas le principe inflammable ne s'éleve pas dans l'atmosphere par une simple évaporation; mais qu'avant de s'y élever, il souffre une opération préliminaire, une calcination qu'on appelle par voie humide. V. Rouille. L'eau que l'air dépose sur les métaux, aidée peut - être de l'acide universel répandu dans l'air, les attaque insensiblement, les décompose; & dégageant le principe inflammable de la terre qui le fixoit, elle le rend propre à s'élever avec elle dans l'atmosphere.

Si les réflexions que je viens de faire sur les terres pures & le principe inflammable sont justes; si ces corps principes ne s'élevent dans l'atmosphere par l'évaporation proprement dite, qu'autant que l'eau se trouve combinée avec eux; ne sommes - nous pas en droit d'en conclure que l'eau doit être regardée, pour ainsi dire, comme la base ou le fondement de toute évaporation? On doit seulement en excepter celle du mercure; encore pourroit - on soupçonner, avec le célebre M. Roüelle (Voyez ses cahiers, ann. 1747.), que l'eau qui se trouve unie à ce fluide, contribue beaucoup à le rendre évaporable; & que ce n'est qu'en lui enlevant cette eau, qu'on peut par des opérations assez simples, & qui n'alterent pas sa nature, lui donner un degré de fixité, tel qu'il résiste pendant long - tems à un feu assez violent.

De quelle maniere, par quel méchanisme singulier les particules dont nous venons de parler, peuvent - elles s'élever dans l'atmosphere & s'y soûtenir? Ces particules & celles du fluide dans lequel elles s'élevent, se refusant par leur extrème ténuité aux sens & aux expériences, les Physiciens ont tâché de répondre à cette question par des hypotheses: mais ces hypothéses quoique très - ingénieuses, paroissent toutes avoir le défaut général de ces sortes de systèmes, d'être gratuites & de s'éloigner de la nature. Nous allons donner une idée aussi exacte qu'il nous sera possible, de ces différentes suppositions, & marquer en même tems les difficultés qu'elles paroissent souffrir. L'Encyclopédie étant destinée à transmeitre à la postérité les connoissances, ou, si l'on veut, les idees de ce siecle, je me crois aussi obligé de transcrire ici ce que j'ai donné sur cette matiere, dans un mémoire qui doit être imprimé à la fin des mémoires de l'académie des Sciences, pour l'année 1751.

Les corps susceptibles d'évaporation s'évaporent d'autant plus rapidement, qu'ils sont plus échauffés. C'est sans doute cette observation toute simple qui a donné lieu à l'hypothèse la plus généralement adoptée, sur le méchanisme de l'évaporation. On a supposé que les molécules d'eau étant raréfiées par la chaleur, ou, ce qui revient au même, par l'adhésion des particules ignées, leur pesanteur spécifique diminuoit à tel point que les molécules, devenues plus legeres que l'air, pouvoient s'élever dans ce fluide, jusqu'à ce qu'elles fussent parvenues à une couche de l'atmosphere, dont la pesanteur spécifique fût égale à la leur. Les vapeurs, dit s'Gravesande (Elém. de Phys. prem. édit. §. 2543.), s'élevent en l'air & sont soûtenues à différentes hauteurs, suivant la différence de leur constitution, aussi - bien que de celle de l'air; & à cette occasion il cite le parag. 1477, où il dit: Sion suppose que le fluide & le solide sont de même gravité spécifique, ce corps ne montera ni ne descendra, mais restera suspendu dans le fluide à la hauteur où on l'aura mis.

Les paroles de cet homme respectable que je viens de rapporter, suffiront pour donner une idée précise de ce sentiment. Tâchons de faire voir en peu de mots qu'il est contraire à l'observation. Je demanderai premierement aux physiciens qui adoptent cette opinion, quel degré de chaleur ils croyent nécessaire pour raréfier les molécules d'eau, au point qu'elles deviennent spécifiquement plus legeres que l'air. S'ils consultent les observations, ils seront obligés de fixer ce degré beaucoup au - dessous du terme de la glace, puisque la glace s'évapore même dans les froids les plus rigoureux. Voyez la diss. sur la glace de

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