ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"160"> lorsque les causes paroissent cachées: cette conduite est sans doute bien imitable pour tous ceux qui écrivent en ce genre.

Mais la reserve que l'on doit avoir à entreprendre de rendre raison des phénomènes singuliers que présente la nature, doit - elle être tellement générale qu'elle tienne toûjours l'imagination enchainée? La foiblesse de la vûe n'est pas une raison pour ne point faire usage de ses yeux; lors même qu'on est réduit à marcher à tâtons, on arrive quelquefois à son but. Ainsi il semble qu'il doive être permis de tenter des explications: quelque peu d'espérance qu'on ait de le faire avec succès, il suffit de n'en être pas absolument privé, & qu'il puisse être utile de réussir; ce qui a lieu, ce semble, lorsqu'on donne pour fondement aux explications des principes reçûs, qu'elles ne sont que des conséquences qu'on en tire, & qu'on peut faire une application avantageuse de ces conséquences. C'est dans cette idée que l'on croit être autorisé à proposer ici un sentiment sur la cause du changement qui survient à la voix des enfans mâles, dès qu'ils atteignent l'âge de puberté, & par conséquent sur la raison pour laquelle les femmes & les eunuques n'éprouvent point ce changement.

Ce sentiment a pour base l'opinion de M. Ferrein sur le méchanisme de la voix. Ce célebre anatomiste l'attribue, comme on sait, aux vibrations des bords de la glotte, semblables à celles qui s'observent dans les instrumens à cordes: ce sentiment est admis par plusieurs physiologistes, & a droit de figurer en effet parmi les hypothèses ingénieuses & plausibles ou au moins soûtenables.

Il en est, selon ce système, des bords de la glotte, que l'auteur appelle rubans, parce que ceux - là sont comme des cordes plates; il en est de ces bord comme des cordes dans les instrumens, où elles sont les moyens du son: puisque ces rubans produisent des sons plus hauts ou plus bas, à proportion qu'ils sont plus ou moins tendus par les organes propres à cet effet, qu'ils sont par conséquent susceptibles de vibrations plus ou moins nombreuses. Ces sons doivent aussi être aigus ou graves, tout étant égal, à proportion que ces rubans sont gros ou grêles, de meme que les instrumens à cordes produisent des sons aigus ou graves, selon la différente grosseur des cordes dont ils sont montés.

Cela supposé, nous considérerons, 1°. que le fluide séminal qui est préparé dans les testicules à l'âge de puberté, n'est pas destiné seulement à servir pour la génération, hors de l'individu qui le fournit, mais qu'il a aussi une très - grande utilité, entant qu'il est repompé de ses reservoirs par les vaisseaux absorbans, & que porté dans la masse des humeurs, il s'unit à celle avec laquelle il a le plus d'analogie, qui est sans doute la lymphe nourriciere, à en juger par les effets simultanés; qu'il donne à cette lymphe, que l'on pourroit plûtôt appeller l'essence des humeurs, la propriété de fournir à l'entretien, à la réparation des élémens du corps, de ses fibres premieres, d'une maniere plus solide, en fournissant des molécules plus denses que celles qu'elles remplacent. 2°. Que ce fluide rend ainsi la texture de toutes les parties plus forte, plus compacte; ce qui établit dès - lors la différence de constitution entre les deux sexes. 3°. Que cette augmentation de forces dans les fibres qui composent le corps des mâles, est une cause surajoûtée à celle qui produit l'augmentation de forces commune aux deux sexes, entant que celle - ci n'est que l'effet du simple accroissement, par laquelle cause surajoûtée se forme une sorte de rigidité dans les fibres des hommes en puberte, qui leur devient propre. 4°. Que c'est cette rigidité, tour étant égal, qui rend les hommes plus robustes, plus vigoureux en général que les femmes, plus susceptibles qu'elles de supporter la fatigue, la violence même des exerciees, des travaux du corps, &c. Ne s'ensuit - il pas de - là que cette rigidité s'établissant proportionnément dans toutes les parties du corps, dans l'état naturel, né doit rendre nulle part les changemens qui s'ensuivent, aussi sensibles que dans les organes dont la moindre altération fart appercevoir plus aisément que dans les autres, une différence marquée dans l'exercice de leurs fonctions? ces organes sont, sans contredit, les bords de la glotte, relativement aux modifications des sons qu'ils ont la faculté de produire par leurs vibrations causées par le frotement des colonnes ou filets d'air qui agissent comme un archet, in modum plectri, sur ces bords membraneux & flexibles: ceux - ci devenus plus épais, plus forts, par la cause surajoûtée qui est commune à tous les organes dans les mâles, c'est - à - dire l'addition du fluide séminal à la ly mphe nourriciere, doivent être ébranlés plus difficilement, & n'être susceptibles, coeteris paribus, que d'un moindre nombre de vibrations, mais plus étendues: par conséquent les sons qu'elles produisent doivent être moins aigus, & cnsuite devenir graves de plus en plus, en raison inverse de l'augmentation d'épaisseur & de rigidité dans les fibres qui composent les cordes vocales: ce qu'il falloit établir pour l'explication dont il s'agit. Delà s'ensuit celle de tout ce qui a rapport au phénomène principal, qui est le changement de la voix, dans le tems où la semence commence à se séparer dans les testicules.

On se rend aisément raison de ce que les eunuques n'éprouvent pas ce changement à cet âge; ils suivent, à tous égards, le sort des femmes: le corps de ceux - là, comme de celles - ci, ne se fortifie que par la cause unique de l'accroissement qui leur est commune; ils restent par conséquent débiles, foibles comme elles; avec une voix grêle, comme elles, ils sont privés, comme elles, de la marque ostensible de virilité, qui est la barbe, pour l'accroissement de laquelle il faut apparemment un fluide nourricier plus plastique, tel que celui qui est préparé dans le corps des mâles, en un plus grand degré de force sythaltique dans les solides en général; force qui produit cet effet au menton & d'autres proportionnés, dans toutes les parties du corps, tels qu'une plus grande vigueur dans les muscles, plus d'activité dans les organes des secrétions, &c.

Ces conjectures sur les causes du défaut de barbe, semblent d'autant plus fondées, que l'on voit les hommes d'un tempérament délicat & comme féminin, n'avoir presque point ou très - peu de cette sorte de poil; & au contraire, les femmes vigoureuses & robustes avoir au menton, sur la levre supérieure sur - tout, des poils assez longs & assez forts pour qu'on puisse leur donner aussi le nom de barbe; car on doit observer, à ce sujet, que toutes les femmes ont du poil sur ces parties du visage, comme sur plusieurs autres parties du corps; mais que ce poil est ordinairement follet & peu sensible, sur - tout aux blondes; que les hommes ont aussi du poil sur presque toutes les parties du corps, mais plus fort, tout étant égal, que celui des femmes; qu'il en est cependant de celles - ci qui sont plus velues que certains hommes, dont il en est qui ont très - peu de poil, les eunuques sur - tout, à proportion qu'ils sont d'un tempérament plus délicat, plus efféminé, & vice versà. C'est de cette observation qu'est né le proverbe, vir pilosus & fortis & luxuriosus: voilà par conséquent encore une sorte de correspondance entre les poils & les parties de la génération; d'où on peut tirer une conséquence avantageuse à l'explication donnée: d'où on est toûjours plus en droit de conclure que la différente complexion semble faire toute la différence dans les deux sexes; & que [p. 161] la complexion plus forte dans les hommes dépend principalement du recrément séminal. Mais sur toutes ces particularités, voyez Poil.

Nous finirons ces recherches sur la nature de la cause qui vient d'être établie, concernant les suites de la séparation de la liqueur spermatique, à l'égard de la voix sur - tout, en appuyant la théorie qui a été donnée de ces effets, par les observations suivantes. Les adultes à qui les testicules ont été emportés, par accident ou de toute autre maniere, deviennent efféminés, perdent peu - à - peu les forces du corps, la barbe; en un mot leur tempérament dégénere entierement: mais le changement est sur - tout sensible par rapport à la voix, qui de mâle, de grave qu'elle étoit, devient grêle, aiguë, comme celle des semmes. Boerhaave, Comment. in propr. instit. §. 658. fait mention d'un soldat qui avoit éprouvé tous ces effets, après avoir perdu les testicules par un coup de feu. Les jeunes gens qui contractent la criminelle habitude d'abuser d'eux - mêmes par la mastupration, ou qui se livrent trop sôt & immoderément à l'exercice vénérien, en s'énervant par ces excés d'évacuation de semence dont ils frustrent la masse des humeurs, perdent souvent la voix, ou au moins discontinuent de la prendre grave; & si elle n'avoit pas encore eu le tems de devenir telle, elle reste grêle & aiguë comme celle des femmes, plus long tems qu'il n'est naturel; ce qui ne se répare quelquefois jamais bien, si la cause de ce desordre est devenue habituelle, parce que toutes les autres parties du corps restent foibles à proportion, &c. Voyez Mastupration.

Les grandes maladies, qui causent un amaigrissement considérable, qui jettent dans le marasme, produisent aussi des changemens dans la voix, la rendent aiguë, grêle, dans ceux - mêmes qui l'avoient le plus grave; changement qu'il faut bien distinguer, & qui est réellement bien différent de la foiblesse de la voix, qui est aussi très - souvent un autre effet des mêmes canses alléguées. Ces changemens du ton habituel de la voix, qui viennent d'être rapportés, ne pouvant être attribués qu'au défaut de réparation dans les parties solides, dans les fibres en général, & en particulier dans celles qui composent les bords de la glotte, dans lesquels la diminution de volume est proportionnée à celle qui se fait dans toutes les autres parties, ne laissent, ce semble, presqu'aucun doute sur la vérité de l'explication que l'on vient de proposer, qui paroît d'ailleurs être susceptible de quelque utilité, sans aucun inconvénient dans la pratique médicinale, par les conséquences ultérieures qu'elle peut fournir, concernant les différens effets des mêmes maladies comparées dans les deux sexes, dans les mâles enfans & adultes, dans les eunuques, concernant la disposition à certaines maladies, qui se trouve plus dans un de ces états que dans un autre: on se bornera ici à en citer un exemple, d'où on peut tirer la conséquence pour bien d'autres. Selon Pison, tome II. page 384. les eunuques & les femmes ne sont pas sujets à la goutte, non plus que les jeunes gens, avant de s'être livrés à l'exercice vénérien. En effet, les observations contraires sont très - rares, &c. Voyez Semence, Voix, & Goutte. (d)

Eunuques (Page 6:161)

Eunuques, eunuchi, s. m. pl. (Hist. ecclés.) est aussi le nom qu'on donnoit à une secte d'hérétiques qui avoient la manie de se mutiler non - seulement eux - mêmes & ceux qui adhéroient à leurs sentimens, mais encore tous ceux qui tomboient entre leurs mains.

Quelques - uns croyent que le zele inconsidéré d'Origene donna occasion à cette secte. Il est probable aussi qu'une fausse idée de la perfection chrétienne, prise d'un texte de S. Matthieu mal entendu, contribua à accréditer cette extravagance. On donna aussi à ces hérétiques le nom de Valésiens. Voyez Valésiens. Chambers. (G)

EUNOMIENS (Page 6:161)

EUNOMIENS, s. m. pl. (Hist. eccl.) secte d'hérétiques qui parurent dans le jv. siecle. C'étoit une branche des Ariens, ainsi nommée d'Eunome leur chef, qui ajoûta plusieurs hérésies à celles d'Arius. Cet homme fut fait évêque de Cyzique vers l'an 360, & enseigna d'abord ses erreurs en secret, puis ouvertement, ce qui le fit chasser de son siége. Les Ariens tenterent inutilement de le placer sur celui de Samosate: Valens le rétablit sur celui de Cyzique; mais après la mort de cet empereur il fut condamné à l'exil, & mourut en Cappadoce.

Eunome soûtenoit entr'autres choses, qu'il connoissôit Dieu aussi parfaitement que Dieu se connoissoit lui - même; que le Fils de Dieu n'étoit Dieu que de nom; qu'il ne s'étoit pas uni substantiellement à l'humanité, mais seulement par sa vertu & par ses opérations; que la foi toute seule pouvoit sauver, quoique l'on commit les plus grands crimes, & qu'on y perséverât. Il rebaptisoit ceux qui avoient été déjà baptisés au nom de la Trinité; haissant si fort ce mystere, qu'il condamnoit la triple immersion dans le baptême. Il se déchaîna aussi contre le culte des martyrs, & l'honneur rendu aux reliques des saints. Les Eunomiens soûtinrent aussi les mêmes erreurs: on les appelloit autrement Troglodytes. Voyez Troglodytes. Dictionn. de Trévoux & Chambers. (G)

EUNOMIO - EUPSYCHIENS (Page 6:161)

EUNOMIO - EUPSYCHIENS, s. m. pl. (Histeccl.) secte d'hérétiques du jv. siecle, qui se séparerent des Eunomiens pour une question de la connoissance ou science de Jesus - Christ, quoiqu'ils en conservassent d'ailleurs les principales erreurs. Voyez Eunomiens.

Nicéphore parle des Eunomio - Eupsychiens, liv. XII. ch. xxx. comme étant les mêmes que Sozomene appelle Entychiens, liv. VII. ch. xvij. Suivant ce dernier historien, le chef de cette secte étoit un eunomien appellé Eutyche, & non pas Eupsyche, comme le prérend Nicéphore: cependant ce dernier auteur copie Sozomene dans le passage où il s'agit de ces hérétiques, ce qui prouve que tous deux parlent de la même secte; mais il n'est pas facile de décider lequel des deux se trompe. M. de Valois, dans ses notes sur Sozomenc, s'est contenté de remarquer cette différence, sans rien prononcer; & Fronton du Duc en a fait autant dans ses notes sur Nicéphore. Voyez le dictionn. de Trévoux & Chambers. (G)

EVOCATION (Page 6:161)

EVOCATION, (Littér.) opération religieuse du paganisme, qu'on pratiquoit au sujet des manes des morts. Ce mot désigne aussi la formule qu'on employoit pour inviter les dieux tutélaires des pays où l'on portoit la guerre, à daigner les abandonner & à venir s'établir chez les vainqueurs, qui leur promettoient en reconnoissance des temples nouveaux, des autels & des sacrifices. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Evocation (Page 6:161)

Evocation des dieux tutélaires, (Littérat. Hist. anc.) Les Romains, entr autres peuples, ne manquerent pas de pratiquer cette opération religieuse & politique, avant la prise des villes, & lorsqu'ils les voyoient réduites à l'extrémité: ne croyant pas qu'il fût possible de s'en rendre les maîtres tant que leurs dieux tutélaires leur seroient favorables, & regardant comme une impiété dangereuse de les prendre pour ainsi dire prisonniers, en s'emparant par force de leurs temples, de leurs statues, & des lieux qui leur étoient consacrés, ils évoquoient ces dieux de leurs ennemis; c'est - à - dire qu'ils les invitoient par une formule religieuse à venir s'établir à Rome, où ils trouveroient des serviteurs plus zélés à leur rendre les honneurs qui leur étoient dûs.

Tite - Live, livre V. décad. j. rapporte l'évocation que fit Camille des dieux Véïens, en ces mots: « C'est

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